Au Nigeria, 50 ans de marées noires dans l`indifférence générale
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Au Nigeria, 50 ans de marées noires dans l`indifférence générale
Au Nigeria, 50 ans de marées noires dans l’indifférence générale POLLUTION | Si le monde entier suit jour après jour la pollution du golfe du Mexique, d’autres catastrophes écologiques n’attirent pas le même intérêt dans d’autres coins du globe. Dans le delta du Niger, par exemple, 40 000 tonnes de brut s’échappent dans la nature chaque année, depuis un demi-siècle © AFP/24 juin 2010 | Dans le delta du Niger, une marée noire chronique souille tout. Liens en relation avec l'article : GUSTAVO KUHN | 28.07.2010 | 00:01 Colossale, la marée noire dans le golfe du Mexique aura coûté son poste au patron de BP, Tony Hayward, qui sera remplacé en octobre par l’Américain Bob Dudley. Et le géant pétrolier essuie une perte trimestrielle de 16,9 milliards de dollars, la plus grosse jamais annoncée par une entreprise britannique. C’est la moindre des choses, étant donné la catastrophe écologique provoquée. Un désastre suivi au jour le jour par l’ensemble des médias mondiaux. Avec raison. Mais curieusement, d’autres catastrophes écologiques majeures n’éveillent pas le même intérêt. Comme la terrible pollution créée par un demi-siècle d’exploitation pétrolière dans le delta du Niger, au sud du Nigeria. Une contamination équivalente à «un Exxon Valdez par an depuis 50 ans», selon Amnesty International. Ceci sans créer beaucoup d’émoi dans l’opinion publique internationale. Pour mémoire, le pétrolier Exxon Valdez s’était échoué en 1989 en Alaska, répandant près de 40 000 tonnes de brut dans l’océan. La pire pollution de l’histoire des Etats-Unis jusqu’à celle du golfe du Mexique. «Les fuites de pétrole dans le delta du Niger ne sont pas forcément spectaculaires, mais nombreuses et constantes», explique Danièle Gosteli Hauser, responsable du département économie et droits humains à la section suisse d’Amnesty. Et elles ont des conséquences terribles pour les 31 millions d’habitants de la région. «L’eau qu’ils utilisent pour se laver ou cuisiner est polluée, le poisson se fait rare et il est contaminé. Des terres agricoles sont impropres à la culture. Et l’air est pollué par les torchères, soit le brûlage du gaz naturel sortant des puits de pétrole.» L’espérance de vie des populations locales est ainsi tombée à 40 ans à peine. «Alors qu’ils vivent dans ce qui est à l’origine un des écosystèmes les plus riches de la planète, les habitants du delta du Niger subissent les conséquences d’une des pires contaminations du monde, s’indigne Danièle Gosteli Hauser. Et ils n’ont jamais rien perçu des 600 milliards de dollars qu’a déjà rapportés l’exploitation du pétrole.» L’or noir puisé dans le delta du Niger représente en effet 95% des recettes d’exportation et 80% du revenu du pays. Le Nigeria, huitième pays exportateur de pétrole brut, fournit 40% du total des importations de brut des Etats-Unis. Trois cents fuites par an D’après le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), plus de 6800 déversements de pétrole ont été enregistrés entre 1976 et 2001. Selon les organisations écologiques de la région, il y a environ 300 marées noires par an dans le delta du Niger. En mars 2008, 2000 sites au moins avaient besoin d’être nettoyés en raison d’une pollution. «Mais leur nombre réel pourrait être bien plus élevé», note Amnesty International. Pour 2009, Shell, la principale firme opérant sur place, a reconnu que 14 000 tonnes de brut avaient fini dans la nature. Les explications sur les fuites diffèrent cependant. Shell affirme que près de 80% des pertes sont la cause de sabotages ou de perçages de pipelines dans le but de voler du pétrole. Mais les organisations de défense de l’environnement et des droits des populations ne sont pas d’accord: «Il y a des sabotages et des vols, explique Danièle Gosteli Hauser, mais les proportions dont parlent les compagnies ne sont pas crédibles. C’est surtout le manque de maintenance des installations qui provoque des fuites. Shell a tout intérêt à présenter ces fuites comme étant le résultat de sabotages, afin de se déresponsabiliser et ne pas avoir à payer le nettoyage ou des indemnisations.»