QUESTION Que dénoncent les textes A, B et C du corpus

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QUESTION Que dénoncent les textes A, B et C du corpus
1S2 – BACCALAUREAT BLANC – CORRECTION
QUESTION
Que dénoncent les textes A, B et C du corpus ?
Vous prendrez appui, dans une réponse argumentée, sur des citations précises.
Les textes étant relativement différents les uns des autres, il est plus logique de procéder texte par texte.
Amorce possible : à certaines époques difficiles, les poètes prennent parfois la parole pour dénoncer une situation inacceptable – c'est le cas de nos trois auteurs etc.
« La Chanson des canuts »
­ révolte sociale contre leur misère – cf. refrain
­ condition de travail harassantes
­ dénonciation des responsables : gens d'église et grands de la terre, détenteurs de l'argent et du pouvoir
­ vision d'une révolte à venir qui changera les chose ou écho de l'insurrection en cours
« Le manteau impérial »
­ révolte politique contre Napoléon III dont le manteau est le symbole du pouvoir : dénonciation de son coup d'état
­ dénonciation extrêmement violente – référence à des tyrans
­ mais la dénonciation n'est pas explicite : Napoléon III jamais nommé
­ métaphore des abeilles : industrieuses, fragiles, filles de la philosophie dont le manteau impérial est indigne
­ le tyran ne mérite que les mouches qui dévorent les cadavres !
« Hymne de la liberté » ­ ne pas faire trop long si l'on a choisi le commentaire – au besoin l'indiquer
­ la tyrannie dénoncée n'est pas clairement identifiée
­ mais la date en particulier et un certain nombre d'autres éléments permettent de penser qu'il s'agit de l'occupation allemande, son cortège d'emprisonnements et de tortures
­ ce qui est confirmé par le texte de Sartre qui désigne Pierre Emmanuel comme un poète de la résistance
COMMENTAIRE
3 orientations essentielles
I) C'est à la fois un poème ancré dans son époque et qui vise à l'universalité
a) on peut facilement reconnaître la réalité évoquée
­ titres + date
= occupation, allemande, invasion de la zone libre
­ prison, chaîne, torture, tyrans
= répression bien connue contre la résistance, utilisation de la torture par la Gestapo : réalité popularisée par de très nombreux films
b) mais pourtant, rien n'est explicitement précisé
­ aucune date
­ aucune indication géographique
­ ni les tyrans ni les frères dans les prisons ne sont identifiés
­ ni les motivations des tyrans ni la quête des frères, sinon la liberté
c) du coup, on comprend assez bien le titre et la référence à un hymne
­ chant qui célèbre un dieu ou un héros
­ chant qui célèbre un événement ou un pays
= on retrouve toutes ces dimensions dans ce texte
forme poétique, certes en vers libres
mais qui flirtent tous avec l'alexandrin et tout de même des rimes, même irrégulières
la célébration des héros qui souffrent – peut­être même un appel à une solidarité nationale
dimension religieuse également fortement marquée puisque l'issue pour lutter contre l'enfermement sera la foi et la prière
II) Il nous faut alors nous intéresser de plus près aux « frères » et aux « tyrans »
a) les victimes
­ ô mes frères
interjection emphatique qui valorise, anoblit déifie le nom qui suit
fraternité, solidarité ou fraternité religieuse
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­ souffrance
prisons
les yeux brûlés les membres enchaînés : //isme de construction + jeu sur les sonorités
visage troué les lèvres mutilées : idem
arbres violents et torturés – arbres émondés : métaphore + adjectifs inhabituels au pouvoir évocateur très fort
+ condamnés à courber la tête, à se soumettre
­ mais solidité, résistance
métaphore de l'arbre
hommes vrais – larges fronts qui ne se courbent pas
+ silence (résistance à la torture ?)
b) à l'opposé, les tyrans
­ les tyrans : nommés uniquement par ce nom qui évoque une autorité arbitraire et absolue, sans respect des lois, une répression violente et aveugle
+ pluriel : ils forment une bande, une clique d'êtres malfaisants
­ ne sont qualifiés que de façon péjorative
enroués de mutisme : expression difficile à interpréter : incapables de se projeter vers le haut par la prière ?
ordre dérisoire : leur pouvoir n'aura qu'un temps et ne pourra durablement s'opposer au principe céleste
angoisse fatale : ils peuvent réduire les corps mais sont incapables de soumettre les âmes qui se tournent vers Dieu
III) On voit donc que c'est la dimension religieuse du poème qui lui donne tout son sens
a) le recours à la prière permet la liberté
=> affirmation très paradoxale voire choquante au début du texte
dans les prisons vous êtes libres / Libres les yeux brûlés
= construction en chiasme + répétition de l'adjectif clé en fin et début de vers (places stratégiques)
mais l'explication est donnée au vers 10 : la nef silencieuse de vos mains
= image des mains jointes et de l'église + prière silencieuse, sincère, possible même quand le corps est disloqué
+ sur tout le pays d'humaine destinée : universalité de cet appel à Dieu
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b) du coup, les limites du monde matériel sont abolies
­ regard sans limites
­ transport dans la paix de l'éther, par­dessus les tyrans
­ vers les nuées et les cieux vastes, les lointains de la prière, les monts très bleus
= on va donc, à travers tous ces toponymes, dans un monde qui n'a plus de limites matérielles
c) c'est enfin toute l'organisation du monde qui est transformée
­ anaphore très entêtante du présentatif « il y a »
­ il y a un ordre supérieur à l'ordre dérisoire des tyrans
­ qui confère à l'homme une liberté inaliénable
= astres dans la liberté de leur essence : la liberté est la composante essentielle
­ du coup la liberté devient effroyable, car si elle est assumée elle devient une angoisse pour les tyrans
conclusion :
­ ne pas oublier que les résistants furent de tous bords, chrétiens et communistes en particulier : la dimension religieuse de la résistance mérite aussi d'être prise en compte
­ cf. Aragon, « La rose et le réséda »
La rose et le réséda
Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous deux adoraient la belle Prisonnière des soldats Lequel montait à l'échelle Et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Qu'importe comment s'appelle Cette clarté sur leur pas Que l'un fut de la chapelle Et l'autre s'y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu'elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Du haut de la citadelle La sentinelle tira Par deux fois et l'un chancelle L’autre tombe qui mourra 4
Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Ils sont en prison Lequel A le plus triste grabat Lequel plus que l'autre gèle Lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Un rebelle est un rebelle Nos sanglots font un seul glas Et quand vient l'aube cruelle Passent de vie à trépas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Répétant le nom de celle Qu'aucun des deux ne trompa Et leur sang rouge ruisselle Même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Il coule, il coule, il se mêle À la terre qu'il aima Pour qu'à la saison nouvelle Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas L'un court et l'autre a des ailes De Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle Le double amour qui brûla L'alouette et l'hirondelle La rose et le réséda Louis ARAGON, La Diane française, 1945
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DISSERTATION ET INVENTION
Dissertation
L'écriture poétique vous paraît­elle apte à convaincre le lecteur, à susciter son engagement, ou pensez­vous comme Sartre qu'elle brouille le message ?
Vous répondrez à cette question en un développement composé, prenant appui sur les textes du corpus, ceux que vous avez étudiés en classe ainsi que sur vos lectures personnelles.
Invention
L'usage de la poésie et de la chanson dans les débats de société a pu être contesté. Vous en discutez avec un camarade. L'un d'entre vous trouvera cet usage légitime, l'autre non.
Rédigez ce dialogue.
= les deux sujets sont quasiment identiques !
dans la dissertation, il sera évidemment possible de parler de la chanson, qui est une forme de poésie
Rappel sur deux notions clés : convaincre, persuader
convaincre : user d'arguments rationnels pour emporter l'adhésion de l'autre
persuader : jouer essentiellement sur les émotions
Rappel sur les deux exercices :
­ la dissertation demande une élaboration rigoureuse comparable à un commentaire de texte
­ le dialogue est plus libre mais demande aussi une logique, une progressivité + attention aux longueurs inutiles, à toutes les formes de familiarité etc
MAIS
les deux exercices demandent la même argumentation avec des oeuvres que l'on peut citer et analyser
= les deux sujets demandent donc une bonne culture !
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Atouts d'une poésie « argumentative »
Faiblesses
­ le poète est un artiste, un être ­ plus propre à persuader qu'à inspiré qui dévoile, révèle la réalité convaincre
avec sa sensibilité propre – à = on est dans l'impression, l'origine inspiré par les dieux, l'évocation, pas le rationnel
messager
­ donc l'efficacité du texte dépend ­ poésie et chanson proposent des de la capacité émotionnelle du genres, des registres extrêmement lecteur
variés
­ le recours à l'implicite est ­ utilisation essentielle des images également un aspect qui peut poétiques, qui dépassent brouiller le sens
l'expression prosaïque et frappent, ­ l'émotion peut aussi perturber le touchent davantage
sens critique et la capacité ­ rythmes et sons forment une rationnelle du lecteur qui se musique absolument essentielle au laissera emporter par des émotions
pouvoir persuasif de ces oeuvres
­ enfin, si poésie et chanson veulent = le poème ou la chanson survivent se limiter à un message et perdent aux circonstances qui ont présidé à leur dimension esthétique, elles se sa création alors que souvent détruisent par là­même
l'article ou le discours disparaissent
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Deux exemples : ­ la chanson klezmer « Dona, Dona » de Sholem Secunda, interprétée, entre autres par Joan Baez
http://www.deezer.com/fr/#music/joan­baez/joan­baez­301699
On a wagon bound for market
There's a calf with a mournful eye.
High above him there's a swallow
Winging swiftly through the sky.
How the winds are laughing
They laugh with all their might
Laugh and laugh the whole day through
And half the summer's night.
Dona, dona, dona, dona,
Dona, dona, dona, do,
Dona, dona, dona, dona,
Dona, dona, dona, do.
"Stop complaining," said the farmer,
"Who told you a calf to be?
Why don't you have wings to fly with
Like the swallow so proud and free?"
How the winds are laughing ...
Calves are easily bound and slaughtered
Never knowing the reason why.
But whoever treasures freedom,
Like the swallow has learned to fly.
­ évocation du sort millénaire des Juifs en butte à la persécution ou évocation plus directe de la Shoah
= chanson très connue car popularisée par de grands artistes, mais la plupart du temps, son sens n'est pas compris
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­ la chanson de Michel Sardou, « Je suis pour »
http://www.deezer.com/fr/#music/result/all/sardou%20je%20suis
%20pour
= chanson extrêmement populiste qui fait primer l'émotion sur la réflexion (les philosophes sont traités d'imbéciles) – même la justice est déconsidérée
= c'est quasiment un appel au lynchage !
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