en savoir plus - Agence de l`eau Loire

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PAYS DE LA LOIRE
Le marais de Cré-sur-Loir
(
) , un lieu d’échanges
et de sensibilisation
SARTHE
Désormais sauvé, ce marais, l’un des rares subsistant en Sarthe, devient un lieu de connaissance et d’actions
pédagogiques autour des zones humides.
Dans les années
ées 1990, le combleme
comblement
à terme du marais de Cré, à l’ouest de la
Sarthe, non loin de la ville de La Flèche,
semblait inexorable. La richesse de ce milieu
était pourtant incontestable : nombre d’étudiants se consacrant aux sciences de l’environnement et des naturalistes locaux se sont
intéressés à ce site. Et sans doute ce marais
aurait-il disparu sans la prise de conscience
d’une poignée de passionnés, élus, scientifiques ou écologistes bientôt rejoints par
l’agence de l’eau.
Loir et de La Flèche ne pouvaient, seules,
s’engager dans cette démarche d’achat de
foncier, c’est le district du Pays fléchois, créé
en décembre 1991 qui l’a finalement menée
à bien, à partir de 1994, avec le concours
de la SAFER Maine Océan, et une aide du
FIDAR (Fonds interministériel de développement et d’aménagement rural). À l’issue
des échanges et acquisitions, il possède 53
des 64 ha du marais, le reste se répartissant
entre trois autres propriétaires, notamment
des agriculteurs.
Maîtriser le foncier
Les premiers travaux de restauration ont suivi,
à partir de 1997 : réhabilitation de canaux,
nettoyage forestier… limités toutefois par le
manque de moyens financiers disponibles.
Pour pallier ces difficultés, les élus de la
Communauté de communes du Pays fléchois (anciennement district) sollicitent alors
diverses collectivités. Convaincue de l’intérêt
présenté par le marais pour l’épuration de
l’eau, l’agence de l’eau apporte, à partir de
2005, son soutien à la mise en place d’un
contrat restauration et entretien. Ce contrat
définit les objectifs et enjeux : hydraulique et
niveaux d’eau, conservation des habitats, préservation des espèces patrimoniales, main-
« À cette époque, se souvient Jean-Pierre
Debrou, maire de Cré-sur-Loir, nous nous
sommes rendu compte qu’il ne serait pas
possible de restaurer ce milieu de manière
pérenne si l’on n’en maîtrisait pas le foncier… ». Il y avait en effet quelque 52 propriétaires sur la zone concernée, avec, parfois,
des usages mal contrôlés : constructions
sauvages, voire carcasses de véhicules, et
surtout défaut d’entretien favorisant la colonisation par des végétaux arbustifs et remettant en cause le rôle de tampon du marais
lors des crues. Les communes de Cré-sur-
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L’eau en Loire-Bretagne n° 78 - avril 2009
tien d’une activité agricole, amélioration de
la qualité paysagère, développement de la
sensibilisation du public… Plus récemment,
le marais de Cré a été labellisé, le 31 mars
2008, Réserve naturelle régionale (RNR) par
le Conseil régional des Pays de la Loire. Ce
site remarquable s’inscrit désormais dans le
Sage du Loir, en cours d’élaboration et pourra
constituer une vitrine de la préservation et
restauration des zones humides de ce bassin
versant.
Un espace volontairement
ouvert au public
« Ce statut de RNR va permettre de démultii
plier les initiatives prises pour faire de ce lieu
un espace pédagogique et de découverte.
On a là, par exemple, les principales roselières existant en Sarthe et c’est l’un des rares
lieux sarthois où l’on trouve des castors. Et
puis le lieu est intéressant parce qu’il est,
partiellement, mais effectivement, valorisé
par l’agriculture », souligne Willy Chesneau,
du CPIE (1) des Vallées de la Sarthe et du
Loir. Récemment installée à La Flèche à la
demande de la Communauté de communes,
cette association s’est vu déléguer la gestion
d’animation, de développement des connaissances sur la nature et l’environnement. Bien
avant 2008, plusieurs initiatives avaient été
prises en ce sens, à commencer par le balisage d’un sentier piétonnier qui en fait le
tour. Il est complété de quelques centaines
de mètres de cheminement « aérien » de
caillebotis sur pilotis qui, au cœur du marais,
mène à un observatoire de la faune sauvage.
Des panneaux expliquant les richesses de
ce secteur et rappelant les conditions de sa
préservation ont été installés, d’autres vont
suivre.
Ce milieu est aussi le théâtre d’une implication effective des écoliers voisins et du public
dans la sauvegarde d’espèces en danger.
i #ESTLECAS, indique Olivier Vanucci, animateur et technicien au CPIE, AVECLEPLANDE
SAUVETAGEDESAMPHIBIENS w Chaque année,
en effet, plusieurs centaines de ces animaux
mouraient écrasés, lors de leur « transhumance », en traversant la route qui sépare
les plaines et bois du marais. Installés le long
de cette route, des filets évitent désormais
cette hécatombe. Ce sont des bénévoles qui,
en nombre, viennent régulièrement relever
les réceptacles dans lesquels se « posent »
les grenouilles et autres crapauds, et contribuent à leur recensement. i ,ANPASSÏONA
AINSIPUENFAIRETRAVERSERENSÏCURITÏPRÒS
de 6 000. »
Ainsi, désormais sauvé, cet espace garde une
utilité sociale et sociétale. i #ESTVRAI conclut
Willy Chesneau, ONPEUTDIREQUONNENEST
QUAUDÏBUTDELAVALORISATIONPÏDAGOGIQUE
DU-ARAISDE#RÏ w
------------------------------------------------------0OURENSAVOIRPLUS WWWCPIEOUVATONORG
Quelques chiffres
Le marais de
Cré-sur-Loir - La Flèche
Points de vue
Jean-Pierre Debrou,
maire de Cré-sur-Loir
Marc Naulet,
agriculteur
« On m’avait dit : dans dix ans
le marais est fini… »
« Mes génisses valorisent
et entretiennent le marais… »
« Aujourd’hui, ces marais sont sauvés ; c’est ma
première satisfaction. Mais ce n’était pas écrit !
J’ai retrouvé dans les archives, en mairie, une
délibération des années 70 selon laquelle ils
auraient pu un jour être utilisés pour l’enfouissement des ordures ménagères ! J’ai toujours été
persuadé qu’il y avait là une richesse incroyable
dont, finalement, beaucoup n’avaient que peu
conscience. Pour partie inexploité, voire abandonné, le marais avait commencé à se combler.
Heureusement, des scientifiques et, avec eux,
des étudiants et stagiaires en environnement ont
décelé, depuis longtemps, l’intérêt qu’il représente. Quand je suis devenu maire, en 1989,
l’un d’eux m’a dit : “À ce rythme, dans dix ans le
marais est fini.” Non sans quelques hésitations
au départ, les élus du secteur, aujourd’hui Communauté de communes, ont finalement décidé
d’en engager la restauration. Mais entre l’achat
de ces surfaces et leur restauration, les sommes
à engager dépassaient largement les moyens
de la collectivité. L’intérêt porté à ce site d’abord
par l’agence de l’eau puis par le Conseil régional a été décisif. Le statut de Réserve naturelle
régionale que le marais partage pour l’instant
avec un seul autre en Pays de la Loire, le marais
Sébastopol à Noirmoutier, le met désormais à
l’abri de la déprise et du comblement. On va
donc pouvoir passer à une autre étape, en en
faisant un lieu d’éducation et de sensibilisation
à l’environnement. Aujourd’hui le marais de Cré
appartient vraiment à la population, à commencer par les enfants des écoles : ils y réalisent
des sorties nature, participent au recensement
des espèces… et ce sont un peu eux qui sensibilisent le reste de la population aux enjeux
attachés à ces milieux ! »
Agriculteur à Cré-sur-Loir, sur 128 ha,
avec un troupeau de 45 vaches laitières,
je suis l’un des deux éleveurs a avoir passé
convention avec la Communauté de communes pour faire pâturer le marais. Sur
une vingtaine d’hectares en prairie permanente, j’y conduis une partie de mes
génisses, pas trop jeunes, 15 mois environ,
à partir du moment où la période d’inondation est passée, c’est-à-dire, selon les
années, autour du 15 mars et jusqu’au
1er novembre. Il n’est pas question d’exploiter ces surfaces de manière intensive
puisqu’elles ont été soumises d’abord à des
MAE (mesures agro-environnementales)
puis aux règles de Natura 2000 qui limitent
le recours aux engrais et aux produits phytosanitaires. Le chargement ne peut donc
pas y être élevé : pas plus de 1,5 UGB
(unité de Gros Bovin) à l’hectare.
Il faut en outre surveiller régulièrement
et s’assurer que les bovins ont accès en
permanence à une prairie de sauvegarde,
en cas de crue. Il y a là, au printemps, une
flore variée qui ne déplaît pas aux animaux,
mais, selon les périodes et la qualité de
l’herbe, il est tout de même nécessaire de
leur apporter du foin de manière à compléter leurs rations. Je m’occupe en outre des
chevaux “Konik Polski” récemment installés
sur le site et qui seront suivis de quelques
bovins “Highland Cattle”, dont le rôle sera
d’entretenir des parties plus sauvages du
marais. »
. Situé à la sortie de Cré-sur-Loir (1 769 ha,
834 habitants), il compte 65 ha dont une
partie sur la ville de La Flèche.
. Gestionnaire du site : Communauté de
communes du Pays fléchois (11 communes).
. Environ 300 espèces végétales dont certaines protégées (jonc à double tranchant, stellaire des marais, renoncules langue, etc.)
. Reposoir pour beaucoup d’entre elles, le
marais regroupe 150 espèces d’oiseaux dont
plusieurs « remarquables » (hérons cendré
et pourpré, marouette ponctuée, mésange
boréale, bruant des roseaux, torcol, rousserolle, etc.)
. 6 espèces d’amphibiens (Hyla arboréa,
Bufo bufo…), etc.
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