La technique « un fil, un nœud » / faut-il la promouvoir

Transcription

La technique « un fil, un nœud » / faut-il la promouvoir
tc_21_Dallay_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:26 Page327
La technique « un fil, un nœud » :
faut-il la promouvoir ?
D. DALLAY 1, G. THÉRY 2
(Bordeaux, Thonon-les-Bains)
Résumé
Le but de cette présentation est de faire le point sur la suture des épisiotomies en
utilisant la technique « un fil, un nœud ».
La revue de la littérature apporte suffisamment d’éléments de comparaison entre la
suture par un surjet continu et les points séparés pour choisir aujourd’hui la meilleure
technique. Les méta-analyses récentes ont comparé les techniques, les matériels et les
suites. De ces publications il se dégage un message unanime pour la suture par un surjet
utilisant des fils synthétiques à résorption rapide. Le surjet « un fil, un nœud » en
utilisant le polyglactin 910 à résorption rapide entraîne une meilleure cicatrisation avec
moins de douleurs dans les suites immédiates de l’accouchement et une cicatrisation de
bonne qualité.
Mots clés : épisiotomie, surjet, cicatrisation, douleurs, polyglactin
1 - Groupe hospitalier Pellegrin - Centre Aliénor d’Aquitaine - Service de gynécologieobstétrique et reproduction - Place Amélie Raba Léon - 33076 Bordeaux cedex
2 - Hôpital Georges Pianta - Maternité du Léman - 3 avenue de la Dame - 74203
Thonon-les-Bains cedex
Correspondance : [email protected] ; [email protected]
327
tc_21_Dallay_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:26 Page328
DALLAY
&
THÉRY
Déclaration publique d’intérêt
Nous soussignés, Dominique Dallay et Grégoire Thery, déclarons
ne pas avoir d’intérêt direct ou indirect (financier ou en nature) avec
un organisme privé, industriel ou commercial en relation avec le sujet
présenté.
INTRODUCTION
La suture de l’épisiotomie par un surjet pour remplacer les points
séparés est une idée ancienne, puisqu’en 1960 Guilhem et Pontonnier
publiaient une technique de suture qui permettait de remplacer les
points séparés sur la peau par un surjet transdermique.
Depuis le matériel a évolué, le catgut est remplacé par des fils
synthétiques et à résorption rapide, la suture peut être faite en continu
en prenant la muqueuse, le muscle, et la peau.
En 1999, nous avons réalisé au CHU de Bordeaux une étude
prospective entrant dans le cadre d’un PHRC (programme hospitalier
de recherche clinique) qui comparait la technique en trois plans avec
des points séparés de polyglactin 910 (Vicryl® rapide) à une technique
de surjet continu dite « un fil, un nœud » utilisant le même fil. Les
résultats ont montré une cicatrisation d’aussi bonne qualité mais surtout
une bien meilleure tolérance du surjet.
Peu à peu la technique du surjet s’est répandue mais il reste des
réticences et des limites à son usage pour beaucoup d’équipes.
En 2012 la méta-analyse de Kettle [1] permet de faire le point sur
les réels avantages de cette méthode, que nous nous proposons de
décrire.
328
tc_21_Dallay_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:26 Page329
LA TECHNIQUE
«
UN FIL, UN NŒUD
»:
FAUT-IL LA PROMOUVOIR ?
I. TECHNIQUE
Nous utilisons un fil polyglactin 910 2/0 à résorption rapide
(Vicryl ®) avec une aiguille triangulaire de 36 mm, demi-cercle,
suffisamment robuste pour éviter les risques de rupture. La suture
démarre au sommet de la paroi vaginale en prenant en épaisseur la
muqueuse jusqu’à la fourchette vulvaire. Le surjet est poursuivi en
prenant le muscle en profondeur de haut en bas jusqu’à la commissure
de l’épisiotomie.
Le temps suivant est superficiel, le surjet remonte en faisant le
meilleur rapprochement possible du tissu sous-cutané. À ce stade, il ne
reste plus qu’a réaliser le surjet sous-cutané sans prendre le derme pour
éviter les douleurs. Le fil n’est pas noué à la fin de la suture, il est passé
en sous-cutané sur 2 ou 3 centimètres pour être coupé au ras de la peau.
II. DISCUSSION
Le fait de répartir la tension de la suture sur toute la longueur du
fil et de ne pas faire des points transfixiants sur la peau est à l’origine
probablement des meilleurs résultats sur la douleur à 10 jours,
retrouvés dans la littérature [2]. Cette technique de suture est réservée
aux épisiotomies non compliquées et aux déchirures du deuxième
degré. Elle est simple et peut être réalisée par les sages-femmes [3, 4],
mais une formation spécifique est nécessaire.
Beaucoup d’études ont comparé des variantes techniques et
différents matériels disponibles. Croce [5] compare le surjet aux points
séparés de Blair-Donatti : le surjet provoque moins de douleurs et
permet une reprise plus rapide de la vie sexuelle. Pour Kinberg [3] le
surjet intradermique n’est pas indispensable si l’approximation souscutanée est parfaite. Mota [6] a proposé d’utiliser la colle pour la peau
dans une étude randomisée comparant cette méthode à la suture souscutanée, il ne trouve pas de différence à 7 jours et à 30 jours.
À propos des fils de suture, l’étude randomisée de Leroux [7]
compare le catgut chromé avec le polyglactin 910 normal et rapide. Le
retour à une vie sexuelle normale et moins douloureuse est obtenu
avec le polyglactin rapide. Bharathi [8] compare le catgut chromé au
Vicryl® rapide dans un essai prospectif randomisé. Les contrôles sont
faits à 24-48 heures, 3-4 jours et 6 semaines. Le Vicryl® entraîne moins
329
tc_21_Dallay_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:26 Page330
DALLAY
&
THÉRY
de douleurs (32,5 % versus 57 %), moins d’utilisation d’antalgiques à
3-5 jours (15,5 versus 0,5), il y a moins d’indurations et de déhiscences
(4 % versus 13,5 %).
Aujourd’hui en France, le catgut est abandonné au profit des fils
synthétiques : trop résistants ils nécessitent d’être enlevés [9] chez une
femme sur dix, le polyglactin 910 à résorption rapide (Vicryl®) est
suffisant.
Ceci est confirmé dans la première méta-analyse de Kettle [9] qui
compare les fils de suture. Il s’agit de 18 essais randomisés réunissant
10 171 femmes ; dans un premier temps les études comparant le catgut
simple aux sutures synthétiques à résorption normale sont analysées ;
dans un deuxième temps celles comparant les fils à résorption rapide
ou standard. Les conclusions sont que les sutures synthétiques provoquent moins de douleurs par rapport au catgut au 3e jour et ont besoin
de moins d’antalgiques au 10e jour. Pour les fils standards, il y a plus
souvent d’ablations secondaires du matériel de suture. Cet inconvénient disparaît dans les études qui comparent les fils à résorption
normale et rapide : il y a moins de douleurs et d’ablations secondaires
avec l’usage des fils à résorption rapide.
La taille et la résistance de l’aiguille sont des éléments importants
du choix pour prévenir le risque de torsion ou de rupture de
l’aiguille et ses conséquences parfois difficiles à prendre en charge
[10]. El-Refaie [11] compare dans une étude randomisée l’usage des
aiguilles à bout mousse aux aiguilles triangulaires ; les aiguilles
triangulaires sont plus faciles à utiliser, la suture est plus rapide mais
il y a plus de perforation des gants et de risque de blessure.
La deuxième méta-analyse de Kettle [1] compare le surjet aux
points séparés. Publiée en 2012, cette analyse regroupe 8 184 patientes
dans 8 pays. Au 10e jour il y a moins de douleurs avec le surjet
(RR 0,76), moins d’usage d’antalgiques (RR 0,70), moins de risque
d’ablation des points (RR 0,56) mais les résultats à trois mois sont
équivalents pour la douleur et le risque de reprise. Au total cette métaanalyse est favorable au surjet continu, surtout à court terme.
Valenzuela [12], dans une étude randomisée comprenant
445 femmes présentant une épisiotomie ou une déchirure du 2e degré,
compare le surjet continu à la suture avec des points séparés. Il y a
moins d’utilisation de matériel (RR 3,2), le temps de la suture est plus
court, mais la comparaison pour la douleur au 3e jour et au 3e mois
n’est pas significativement différente. Il faut citer Eleri Levingstone
[13] : il y a trop de mauvaises raisons pour faire des césariennes, trop
de craintes de l’épisiotomie, il faut promouvoir cette technique et
former les sages-femmes et les jeunes médecins.
330
tc_21_Dallay_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:26 Page331
LA TECHNIQUE
«
UN FIL, UN NŒUD
»:
FAUT-IL LA PROMOUVOIR ?
CONCLUSION
La revue de la littérature montre une tendance très favorable pour
le surjet continu.
La diminution des douleurs immédiatement après l’accouchement
est un facteur important de la réhabilitation des patientes. Prendre en
charge la douleur dans les établissements de santé est un souci
constant, et ce d’autant plus après une césarienne, ou un accouchement, car il est indispensable de créer les conditions favorables à
l’établissement du lien mère-enfant.
La durée d’hospitalisation est de plus en plus courte et dans une
politique de simplification des soins, une remise en cause de nos
habitudes est nécessaire.
Alors oui, il faut faire la promotion de la suture « un fil, un
nœud ».
331
tc_21_Dallay_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:26 Page332
DALLAY
&
THÉRY
Bibliographie
[1] Kettle C, Dowswell T, Ismail KMK.
Continuous
and
interrupted
suturing
techniques for repair of episiotomy or seconddegree tears. The Cochrane Library 2012;Nov
14;11:CD000947.
[2] Kettle C, Hills RK, Jones P, Darby L,
Gray R, Johanson R. Continuous versus
interrupted perineal repair with standard or
rapidly absorbed sutures after spontaneous
vaginal birth: a randomized controlled trial.
Lancet 2002;29(359):2217-23.
[3] Kindeberg S, Stehouwer M, Hvidman L,
Henriksen TB. Postpartum perineal repair
performed by midwives: a randomized trial
comparing two suture techniques leaving the
skin unsutures. BJOG 2008;115;472-9.
[4] Verspyck E, Sentilhes L, Roman H,
Sergent F, Marpeau L. Episiotomy techniques. J
Gynecol Obstet Biol Reprod 2006;35:1S40-1S51.
[5] Croce P, Signorelli P, Dedè A, Galli D.
Selective episiotomy comparison of two suture
technics. Minerva Ginecol 1997;49:449-53.
[6] Mota R, Costa F, Amaral A, Oliveira F,
Santos CC, Ayres-De-Campos D. Skin adhesive
versus subcuticular suture for perineal skin
repair after episiotomy- a randomized
controlled trial. Acta Obstet Gynecol Scand
2009;88:660-6.
[7] Leroux, Bujold E. Impact of chromic
catgut versus polyglactin 910 versus fast-absorbing
polyglactin 910 sutures for perineal repair: a
randomized, controlled trial. Am J Obstet
Gynecol 2006;194:1585-90.
[8] Bharati A, Reddy DB, Kote GS. A
prospective randomized comparative study of
vicryl rapid versus chromic catgut for episiotomy
repair. J Clin Diagn Res 2013;(2):326-30.
[9] Kettle C, Dowswell T, Ismail KMK.
Absorbable suture materials for primary
repair of episiotomy and second degree tears
(rewiev). The Cochrane Library 2010 Jun
16;(6):CD000006.
[10] Hösli L, Tercanli S, Holzgreve W.
Complications of lost needle after suture of
vaginal tear following delivery. Arch Gynecol
Obstet 2000;264:159-61.
[11] El-Refaie TA, Sayed KK, El-Shourbagy
MA, Arafat EA. Role of blunt suture needle in
episiotomy repair at uncomplicated vaginal
deliveries in reducing globe perforation rate: a
randomized controlled trial. J Obstet Gynaecol
2012;38:787-92.
[12] Valenzuela P, Saiz Puente MS, Valero JL,
Azorin R, Ortega R, Guijarro R. Continuous
versus interrupted sutures for repair of episiotomy
or second degree perineal tears: a randomized
controlled trial. BJOG 2009;116,436-41.
[13] Eleri Levingstone A. Perineal repear after
spontaneous vaginal birth. The Lancet 2002;
360:1694.
332

Documents pareils