la russie - gagnante avant la lettre

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la russie - gagnante avant la lettre
LA RUSSIE - GAGNANTE AVANT LA LETTRE ?
Avant même que la guerre ne commence, les marchés célèbrent déjà l’un des gagnants, Moscou – qui
vient d’annoncer le remboursement anticipé de sa dette externe .. dire que les revenus faramineux de ses
exportations d’or noir lui rapportent déjà pas mal. Et le rallye du brut a des beaux jours devant (avec l’ultimatum de
Bush – Blair - Aznar à l’Irak et les 300 000 soldats massés dans le Golfe qui attendent le coup d’envoi de la
guerre).
Même si la position officielle de Moscou est fortement contre la guerre, les Russes sont en train de tirer
leur épingle du jeu, en capitalisant sur la tension au Proche-Orient et sur le prix du pétrole qui est à son plus haut
depuis 12 ans et qui a pris 50% rien que depuis un an (selon le cours du baril d’Oural, v. Graph.). Mais c’est une
arme à double tranchant - la trop forte dépendance du pays de ses exportations de matières premières devrait
tempère l’optimisme des perspectives miraculeuses de rebond éco: tout retournement des marchés (chute des prix
comme celle de vendredi à la suite de l’annonce du sommet US- GB- Espagne pour négocier le désarmement de
l’Irak ) lui vaut une baisse importante de ses revenus à l’exportation, ce qui menace directement sa croissance éco
et même la stabilité du rouble.
UNE ALTERNATIVE A L’OPEP :
OUI .. MAIS TEMPORAIREMENT
!
Les analystes attendent déjà que la Russie devienne une alternative au Proche-Orient comme fournisseur
de brut pour l'Occident, le temps d’une crise due à la guerre dans la région.. sans que cela suffise pour qu’elle
remplace à long terme la domination des pays arabes. Histoire de ne pas mettre tous les œufs dans le même
panier, les principaux consommateurs de brut (les pays de l’Occident) se sont tournés dernièrement vers d’autres
alternatives d’approvisionnement: le brut russe en est une option solide aux barils de l’Arabie Saoudite ou des
autres pays du Golfe, dont les champs pétroliers sont menacées par les commandos d’Al Quada, ou même par les
hommes de Saddam.
Mais les choses ne sont pas si simples que cela, le rôle de leader de la production de l’or noir passe
forcement par les capacités d’exploitation et de transport (et on en a déjà pas mal de problèmes à
l’exportation).Puis, malgré sa relative stabilité géo -politique (par rapport à la zone du Golfe, la Russie est un havre
de paix.. quoique la Tchétchénie ne dort pas), ses réserves de pétrole ne sont pas à la hauteur de ses ambitions
de puissance mondiale, rivale de l’OPEP (sachons que le Proche-Orient détient les 2/3 des réserves mondiales).
Alors, même si l’on attend de la Russie qu’elle soit la nouvelle source d'approvisionnement stratégique (« grâce » à
la guerre, histoire des US qui pensent à modifier leur dépendance trop forte de l’Arabie Saoudite en important plus
de pétrole russe), cela reste une hypothèse peu probable sur le long terme.
REVES DE SUPREMATIE ..
Un peu d’histoire: au début des années 1990, la Russie était le premier producteur mondial de pétrole et
gaz, en surpassant pour des brefs moments l’Arabie Saoudite. A ce jour, elle est toujours au top, le 2e producteur
mondial après la même Arabie Saoudite, avec une production journalière de 8.02 millions barils, principalement
acheminés vers l’Europe (par les pipelines de la Sibérie Occidentale et les ports de la Mer Noire et Baltique).
Cette année, sa balance commerciale vient de marquer un bond de 66% (en glissement annuel en janvier),
une jolie performance due aux exportations de pétrole (70% de ses exportations totales), occasion qui lui permet
d’annoncer le remboursement anticipé de quelques 50 mlds de $ à ses créanciers étrangers, ce qui ramènera la
dette totale russe fin 2003 à 34% du PIB ! De quoi l’envier, au moment ou les pays de l’UE luttent hardiment pour
garder leurs dettes publiques en dessous de la barre de 60% du PIB et leurs déficits inférieurs à 3% ..
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Et les ambitions de suprématie en tant que 1 producteur pétrolier se réveillent – mais pour pouvoir
revendiquer à nouveau le statut de leader à l'avenir il faut qu’elle relève de nouveaux défis. Parmi les plus
urgentes, le manque chronique d’investissements étrangers dans l'industrie pétrolière russe. Même si la
production de pétrole a augmenté de près d'un million de barils par jour en 1999-2000 et de 7% pour la seule
année 2001, même si la production de gaz (dont la Russie détient 30% des réserves mondiales progresse de 19%
le mois dernier, les investissements n'ont pourtant pas bondi. On est même à 50% du niveau de l’année 1992,
tandis que le PIB russe traîne à 70% de la valeur acquise en 1992.
OBJECTIF : ASIE !
En termes de volume de brut produit, la Russie pompe 1/10 du total mondial, tandis que les membres de
l’OPEP comptent pour 2/5…mais il faut savoir que les producteurs russes sont plafonnés par l’Etat en raison des
capacités limitées de transport (oléoducs et cargos pétroliers). D’ailleurs, les trois premières firmes productrices Lukoil, Yukos et Tyumen Oil sont en train d’investir 7.3 mlds $ en nouveaux pipelines, ce qui va leur permettre
d’augmenter l’exportation et ainsi l’extraction totale de brut de la Russie de 11% à 8.4 millions de barils/jour et de
40% de plus jusqu’en 2012.. ambitieux ! En attendant, le pays subit déjà un déficit de capacité d’exportation de 400
000 b/j .. ce qui pourrait s’aggraver par la suite, à 2.4 million b/j à l’aube de 2010 (estimations de Lukoil).
Vue la guerre irakienne qui arrive (ce matin les officiels américains et britanniques avertissent leurs
citoyens de quitter la zone, surtout le Kuweit..), on attend une hausse de la production russe dans les mois qui
viennent, alors que le pays a l’occasion de profiter de ses atouts (la proximité des importants marchés et le fait
qu'elle offre une stabilité politique appréciée). Si cela est valable à court terme, à plus long terme la Russie a
besoin de s’équiper en capacités de transports importantes: plus d'oléoducs donc, qui lui offriront un nouveau
réseau vers l'Est et l’accès aux marchés asiatiques et, pourquoi pas, à la Côte Ouest des US..
Toutefois, le choix de la direction de ces investissements énormes n’est pas encore fait: on hésite entre la
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Chine et l’Extrême Orient. La 1 solution, 2200 km et 2.5 milliards de dollars à investir, aurait comme destination
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Daqing en Chine et alimenterait un marché chinois en plein essor; ce plan est soutenu par la 2 compagnie
nationale pétrolière, Ioukos. L’autre variante vise le Japon, elle coûterait bien plus que le double (5.2 mlds $) mais
elle bénéficie de l’appui du monopôle russe de transport pétrolier, Transneft.
On parle même de choisir toutes les deux solutions (même si la voie chinoise semble plus facile à faire car
la moins chère), ce qui donnerait naissance au premier réseau pétrolier russe à l’Est, qui valoriserait les gisements
de la Sibérie Orientale et devrait augmenter la production russe pétrolière de 27% (et de 2.2 M b/j en 2020) .. Un
« petit » problème : il y aurait peut-être pas assez de réserves pour les deux réseaux de pipelines à construire.. les
estimations de gisements restent à vérifier !
CRISTINA VASILESCU