Bercy durcit le ton vis-à-vis des repentis fiscaux

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Bercy durcit le ton vis-à-vis des repentis fiscaux
N°
Cadre légal
685 / du 7 au 20 octobre 2016
Actualités
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17
Comptes non déclarés / Régularisation
Bercy durcit le ton vis-à-vis
des repentis fiscaux
vLe 22 juillet dernier, le Conseil constitutionnel
a supprimé l’amende proportionnelle de 5 %
@BertilleGille
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Le 22 juillet 2016, le Conseil
constitutionnel s’est prononcé
sur la question de la validité de
l’amende proportionnelle de 5 %
applicable aux comptes bancaires
étrangers non révélés, réduite à
1,5 % et 3 % en cas de régularisation
devant le Service de traitement des
déclarations rectificatives (STDR).
Il a fait valoir que cette sanction a
un caractère « manifestement disproportionné » dès lors qu’elle vise un
simple manquement à une obligation déclarative.
En revanche, dans le cadre de
cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC n°2016-554), il
n’a pas pris position sur les sanctions applicables à la dissimulation de contrats d’assurance vie et
d’avoirs détenus via un trust. Dès
lors que le total des actifs dépasse
50.000 euros au 31 décembre de
l’année concernée, les contribuables
détenteurs de contrats d’assurance
vie sont soumis à une pénalité de
1,50 % du montant des sommes
pour les passifs et 3 % pour les actifs. Ces taux sont majorés en cas de
détention de comptes via un trust
(3,75 % et 7,50 %). Le même jour,
la Haute juridiction s’est prononcée
sur une série de dispositifs dont le
régime public des trusts et le dispositif dit du verrou de Bercy (L’Agefi
Actifs n°682, p. 16).
Une suppression
effective à compter
du 22 juillet. Conséquence : la pénalité de
5 % n’est plus applicable
aux dossiers déposés à
compter du 22 juillet, ni
aux déclarations en cours
pour lesquelles aucune
transaction n’a été figée. Si
des redevables pourraient
Emmanuel Laporte,
être tentés de demander
avocat fiscaliste
la restitution des sommes
versées antérieurement
à la décision, Marc Bornhauser,
avocat fiscaliste associé, considère que « tout recours gracieux
sera immanquablement rejeté par
Les contribuables le STDR. Les contribuables qui ont
qui ne sont pas d’ores et déjà signé une transaction et
acquitté le montant de l’amende provenus avant
portionnelle minorée à 1,50 % ou 3 %
et qui seront
ne peuvent pas espérer en obtenir le
remboursement ». Une réclamation
rattrapés par
contentieuse ferait courir un risque
la patrouille
important aux repentis fiscaux qui,
de l’échange
selon lui, seraient susceptibles de
automatique
perdre le bénéfice de la transaction conclue avec l’administration
seront
fiscale. Ils s’exposeraient alors aux
sanctionnés
de droit commun et aux
plus fortement sanctions
poursuites pénales, dont le dispositif de régularisation les protège.
Sans compter « qu’une multiplication des contentieux sur les transactions signées » pourrait inciter le
STDR à se montrer moins conciliant pour les futures demandes de
mise en conformité, conclut PierreAntoine Bachellerie, avocat associé,
FTPA.
DR
Par Bertille Gille
vL’administration a pris acte de cette décision
mais applique de nouvelles majorations
Les professionnels interrogés
sont divisés quant au vote d’une
nouvelle amende proportionnelle
à l’occasion de l’adoption des prochains textes budgétaires. Marc
Bornhauser estime que ce projet
serait de nouveau censuré. Emmanuel Laporte et Paul Duvaux,
avocats fiscalistes, quant à eux,
n’écartent pas l’hypothèse d’une
pénalité davantage modulée.
Les contrats d’assurance
vie et les trusts ne sont pas
concernés. Seuls les comptes
bancaires sont visés par la décision du Conseil constitutionnel et
l’amende proportionnelle demeure
applicable aux contrats d’assurance
vie et aux trusts. Sur ce sujet, les
Sages devraient être prochainement
saisis de deux QPC. Pour Marc
Bornhauser, si l’amende applicable
aux contrats d’assurance vit ses dernières heures, l’issue est beaucoup
moins certaine pour celle visant les
trusts. Les magistrats du Conseil
pourraient se montrer moins conciliants envers une structure souvent mal perçue par les pouvoirs
publics. Marc Bornhauser précise,
par ailleurs, que le STDR applique
régulièrement l’« amende-trust »
de 3,75 % ou 7,5 % aux structures
interposées, qu’elles aient ou non la
qualité de trusts.
Bercy censuré… Au détour
d’une circulaire datée du 14 septembre dernier, Bercy a confirmé
que l’administration suivra la

du 7 au 20 octobre 2016 / N°
Actualités
décision du Conseil. A la place de
l’amende de 5 %, elle appliquera
chaque année et par compte non
déclaré un forfait de 1.500 euros
ou 10.000 euros, visant spécifiquement les avoirs détenus dans des
pays non coopératifs. Celui-ci est
plafonné à 1,50 % du montant des
avoirs détenus au 31 décembre de
l’année pour les contribuables passifs et à 3 % pour les actifs.
… durcit les pénalités applicables. Bercy a également corrigé le dispositif de majoration.
Les taux sont portés de 15 % à
25 % pour les contribuables passifs – ceux ayant reçu les avoirs
dans le cadre d’une succession ou
d’une donation ou ayant constitué
leurs avoirs lorsqu’ils résidaient à
l’étranger. Pour les contribuables
actifs – dont certains ont organisé
leur évasion fiscale –, la majoration
passe de 30 % à 35 %. Si l’amende
de 5 % n’est supprimée que pour
les comptes bancaires, le Ministère
a étendu la majoration de 25 % et
35 % à tous les types d’avoirs, assurance vie et trusts compris.
Sont concernées par ces nouveaux taux les demandes de régularisations déposées à compter du
14 septembre 2016. Le sort des dossiers en cours de traitement et des
contribuables qui se sont signalés
auprès de l’administration sans
avoir déposé formellement de dossier reste en suspens. Le Ministère
pourrait publier une prochaine circulaire pour clarifier les modalités
d’application dans le temps de cette
majoration.
Automatisation des
contrôles et augmentation des poursuites.
Bien que la première cellule de régularisation – dite
« cellule Woerth » – date
de 2009, Marc Bornhauser et Paul Duvaux s’accordent pour dire que de
nombreux comptes restent
encore à régulariser. Si les
Pierre-Antoine
circulaires Woerth et CazeBachellerie,
neuve ont fourni les preavocat associé, FTPA
miers contingents de repentis, la mise en place d’échanges
automatiques d’informations, à partir du 1er janvier 2017, ne manquera
pas d’accélérer le processus. Selon
Paul Duvaux, l’échange d’informations sur demande groupée entre
la France et la Suisse sera plus
redoutable encore. Ce dispositif va
alimenter « une nouvelle vague de
régularisations », précise-t-il, puisque
plus de 90 % des demandes de régularisations concernent des avoirs
suisses.
Emmanuel Laporte est plus
partagé sur cette question et prend
pour exemple les Panama Papers
à la suite desquels l’administration
attendait une recrudescence des régularisations. Pour mémoire, dans
le cadre de cet échange, la France
peut demander à la Suisse la liste
de tous les résidents français possédant des comptes bancaires sur
le territoire suisse. Les demandes
n’ont plus besoin d’être individualisées, ni les contribuables nominativement cités. Cet accord, entré en
vigueur le 30 mars 2016, a un effet
rétroactif au 1er janvier 2010 pour
(1) Le 24 juin 2016, le Conseil
Constitutionnel a validé le principe
du cumul des sanctions pénales
et fiscales (n°2016-545 et 546 - QPC)
puis il a confirmé le monopole
de Bercy en matière de poursuites
pénales pour fraude fiscale
(n°2016-555 - QPC). Lire aussi L’Agefi
Actifs n°680, p.21 et n°682 p.15.
Actifs
Passifs
Actifs
Passifs
30 %
15 %
3 % des
avoirs
1,5 %
des avoir
Majoration
Actifs
Passifs
30 %
15 %
Amende
Actifs
Passifs
1.500 ¤ ou
10.000 ¤
plafonnés à 1,50 %
ou 3 % des avoirs
14 septembre 2016
Amende
22 juillet 2016
Evolution des majorations et des amendes entre la création du STDR, le 21 juin 2013 et la circulaire ministérielle du 14 septembre 2016.
Majoration
685
les demandes individuelles et au
1er février 2013 pour les demandes
groupées. Les contribuables ayant
clos un compte en Suisse et pensant ainsi échapper à l’échange automatique pourraient être rattrapés
par l’échange de renseignements
sur demandes groupées. Dans
cette hypothèse, impossible pour
ces contribuables d’invoquer la circulaire Cazeneuve. Les manquements les plus graves s’exposent
alors à une double sanction, fiscale
et pénale (1).
Dans l’actualité récente, la
France a demandé au fisc helvétique l’identité des détenteurs de
quelques 45.000 comptes ouverts
par des résidents français chez
UBS. Pierre-Antoine Bachellerie estime d’ailleurs que l’administration
fiscale multipliera à l’avenir les dépôts de plainte pour fraude fiscale.
Ce que Christian Eckert a confirmé
le 21 juillet en même temps que
la fermeture du service de traitement de déclarations réctificatives
(STDR) : « Les contribuables qui ne
sont pas venus avant et qui seront rattrapés par la patrouille de l’échange
automatique seront sanctionnés plus
fortement […] Nous réfléchissons à un
éventuel durcissement pour 2017. »
Un durcissement des conditions de rectification des comptes bancaires étrangers
21 juin 2013
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DR
18
Majoration
Actifs
Passifs
35 %
25 %
Amende
Actifs
Passifs
1.500 ¤ ou
10.000 ¤
plafonnés à 1,50 %
ou 3 % des avoirs