Vous avez dit "Société par actions simplifiée"… et pourtant

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Vous avez dit "Société par actions simplifiée"… et pourtant
VOUS AVEZ DIT
« SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE »…
et pourtant
par Me Thierry PAIRON
Après sa création en 1994, l'année 1999 devait être l'année de la
renaissance de la Société par actions simplifiée "SAS", puisque d'entité
juridique réservée aux seules personnes morales, celle-ci s'ouvrait aux
personnes physiques.
Les nouveautés législatives insufflées par la loi du 12 Juillet 1999 allaient
permettre à la SAS de rompre avec le carcan juridique connu de tous les
praticiens jusqu'à cette date, en matière de droit des Sociétés.
Ces nouveautés instituaient une liberté contractuelle totalement inédite en
matière de rédaction de statuts, liberté qui tranchait singulièrement avec
l'esprit de la loi du 24 Juillet 1966.
Les éléments les plus significatifs de cette liberté contractuelle devaient
permettre notamment :
• De constituer une société avec un nombre restreint d'actionnaires. Le
nombre minimum de sept actionnaires prévu, concernant la société
anonyme, n'étant pas requis pour la SAS, celle-ci peut être constituée
avec seulement deux actionnaires, voire un seul, il s'agit alors d'une
Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle ou S.A.S.U.,
• D'organiser plus simplement les organes de Direction. Les dispositions
légales n'imposent à la S.A.S., que la présence d'un Président. Les
conseil d'administration, conseil de surveillance et autres comités sont
facultatifs,
• De réglementer les mouvements de capital de façon plus étendue. En
effet, au-delà , des clauses usuelles d'agrément et de préemption, les
statuts d'une SAS peuvent intégrer des clauses d'inaliénabilité, de sortie
conjointe, d'exclusion…
En outre, avant que la SAS n'apparaisse en 1999, sous une "nouvelle
version", il était fréquent de recourir aux pactes d'actionnaires afin de
convenir d'accords particuliers non autorisés dans les statuts de la Société
anonyme.
Cependant le non respect des stipulations de ces pactes était
généralement sanctionné par la simple attribution de dommages et
intérêts.
A cet égard, la SAS s'est également révélée être novatrice puisque la
liberté statutaire permet d'intégrer ses accords particuliers directement
dans les statuts de SAS, ce qui entraîne en cas de violation de ces
derniers, la nullité des décisions contrevenant audites stipulations
statutaires.
Néanmoins, bon nombre de praticiens avait souligné, à juste titre, que
l'excès de liberté rédactionnelle pouvait entraîner des excès "tout court".
En effet, lors de la rédaction de statuts d'une SAS, il convient de respecter
scrupuleusement les principes fondamentaux régissant le droit des
sociétés et notamment la préservation des intérêts des minoritaires.
C'est ainsi que les premières désillusions sont apparues avec des
rédactions de statuts inopportunes ou inadaptées, ou à raison des oublis
du législateur qui avait omis de réglementer un certain nombre de points
particuliers.
Le régime juridique des SAS a ainsi dû être clarifié et précisé. On peut
retenir comme exemple les points suivants :
SUR LA REPRESENTATION D'UNE SAS
Tout récemment, la Cour d'Appel de PARIS (21 Mars 2007 n° 06 – 17919,
4ème chambre A) a eu à connaître de la représentation des SAS.
Si la solution à cette question peut être usuelle pour une structure
juridique précisément réglementée ; il en va différemment pour la SAS.
La Cour, après avoir rappelé qu'un Directeur Général (Mandataire social)
de SAS, peut, dans le cadre d'une clause statutaire se voir conférer les
mêmes pouvoirs que ceux du Président, précise que pour être opposable
aux tiers, ladite clause doit nécessairement avoir été publiée par un dépôt
régulier auprès du Greffe du Tribunal de Commerce.
En l'espèce, une assemblée générale extraordinaire de SAS aurait adopté
une résolution qui attribuait au Directeur Général les mêmes pouvoirs que
ceux dévolus au Président. Cependant cette disposition n'avait pas été
reprise dans les statuts mis à jour et déposés au Greffe. Ces derniers
comportaient toujours une mention libellée ainsi "Seul le Président
représente la Société à l'égard des tiers"
La Cour a considéré que dans ces conditions la Société ne justifiait pas
d'une délégation de représentation à son Directeur Général et a annulé
une requête et une assignation délivrées au nom de la SAS représentée
par son Directeur Général.
On constate ainsi que le seul fait de porter le titre de Directeur Général
d'une SAS ne suffit pas à conférer le pouvoir de représentation de cette
société.
A noter qu'avant même de se prononcer sur la question de la
représentation dans les termes, ci-dessus évoqués, le Comité de
Coordination des Registres du Commerce et des Sociétés (avis n° 99-77 :
bull RCS 11/2000 p21) avait précisé que le Directeur Général (mandataire
facultatif), pour avoir une existence légale, devait être porté sur l'extrait
KBIS de la Société.
Ajoutons également que d'un point de vue fiscal la dénomination retenue
pour les fonctions d'un Dirigeant et l'étendue des ses pouvoirs ne sont pas
sans incidence au regard de l'impôt sur la fortune.
SUR LA TRANSFORMATION DES SOCIETES EN SAS
En application des dispositions de l'article L 227-3 du Code de commerce,
la transformation des sociétés en SAS requiert une décision unanime et ce
en raison de l'augmentation possible des engagements des actionnaires au
regard du contenu des clauses statutaires de la SAS.
La Cour d'Appel de VERSAILLES, dans un arrêt du 24 Février 2005 , a
apporté une précision sur la notion d'unanimité précitée. Elle a indiqué
qu'il s'agit là non seulement de l'unanimité des actionnaires présents ou
représentés à l'assemblée générale, mais de la totalité des actionnaires
signataires des statuts.
SUR LA FUSION-ABSORPTION D'UNE SOCIETE PAR UNE SAS
Le principe légal posé en matière de fusion est que ces décisions sont
prises à la majorité requise pour modifier les statuts, il s'agit ainsi des
deux tiers pour les Sociétés anonymes.
Après que ce principe ait été rappelé par la Cour d'Appel de VERSALLES
(27/01/2005 n° 03-4697 – 12ème Chambre Sect. 2), lors d'une affaire
concernant l'absorption d'une société anonyme par une SAS, la Cour de
Cassation (19 Décembre 2006 n° 1.497) a pour sa part considéré que
cette fusion nécessitait un vote à l'unanimité des actionnaires de la
Société Anonyme absorbée.
La motivation de cette exigence réside dans le fait, comme nous l'avons
vu pour la transformation, que les clauses et conditions des statuts de la
SAS sont susceptibles de constituer une augmentation des engagements
des actionnaires, opération nécessitant effectivement l'unanimité des
actionnaires.
On constate ici que le passage à une société par actions simplifiée révèle
des exigences lourdes en raison du respect de la règle de l'unanimité.
On peut penser que la conséquence immédiate de cette exigence est qu'il
est probable qu'un certain nombre de Sociétés Anonymes ou autres ne
pourront ou auront grand peine à se transformer à raison d'un capital
épars.
Ajoutons qu'il n'est pas rare d'avoir à connaître de statuts de SAS qui
comportent des clauses insuffisamment réfléchies concernant notamment
l'inaliénabilité, le droit d'agrément et de préemption ou encore la sortie
conjointe.
Le résultat est à cet égard parfois éloquent : le blocage pur et simple du
fonctionnement de la SAS. Dans cette situation, la SAS peut alors devenir
un instrument redoutable.
Sous réserve d'une rédaction attentive, force est de constater néanmoins
que la SAS se révèle être une structure intéressante pour un Chef
d'entreprise.