Jurisprudence Sociale Débat contradictoire
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Jurisprudence Sociale Débat contradictoire
Les Pages de Jurisprudence Sociale Juin 2012 - n° 34 SOMMAIRE DÉBAT CONTRADICTOIRE A propos de la discrimination au travail CA Grenoble, ch. soc., 6 juin 2011 CPH Lyon, sect.com., 4 avril 2011 CA Dijon, ch. soc., 4 mars 2012 Cass. soc., 18 janvier 2012 DÉCISIONS COMMENTÉES Clause de mobilité et changement de fonctions CA Chambery, ch. soc., 24 novembre 2011 Suicide au travail : présompton d’imputabilité CA Lyon, ch. séc. soc., 17 janvier 2012 Licenciement pour motif économique et groupe de sociétés : rentabilité n’est pas compétitivité CA Dijon, ch. soc., 24 novembre 2011 Groupe de sociétés : rachat par un fonds de placement CA Grenoble, ch. soc., 12 septembre 2011 Notion de “trouble manifestement illicite” en matière de référé CA Lyon, ch. soc., sect. A, 11 janvier 2012 Péremption d’instance : qu’est-ce qu’une “diligence particulière” ? CA Lyon, ch. soc., sect. A, 8 février 2012 Débat contradictoire A propos de la discrimination au travail Cour d’appel de Grenoble, ch. soc., 6 juin 2011, n°10/03547 Conseil de prud’hommes de Lyon, sect. com, 4 avril 2011, n°09/02385 Cour d’appel de Dijon, ch. soc., 4 mars 2012, n°09/00428 Cass. soc., 18 janvier 2012, n°10-16.926,F-P+B Le point de vue de Maître Myriam Plet En plaçant en tête du Code du travail les dispositions préliminaires relatives aux droits et libertés dans l'entreprise, aux discriminations, à l'égalité homme femme, et aux harcèlements, le législateur a donné une place éminente aux principes essentiels gouvernant les relations individuelles de travail. Nul doute que ces dispositions ont en commun d'affirmer la prééminence de droits et libertés, relevant comme tels d'une protection particulière, qui limite le pouvoir de l'employeur à des degrés divers, et cantonne le pouvoir du juge dans la recherche d'éventuelles justifications. Cependant, le degré de restriction du pouvoir de l'employeur et la marge d'appréciation du juge ne sont pas totalement identiques selon qu'est retenue une discrimination ou la violation de droits et libertés. 1- L'interdiction des discriminations Elle est absolue, depuis l'entrée dans le monde du Cet ensemble bien ordonné contribue-t-il efficacement à la lutte contre les discriminations ? La réponse peut être positive à la lecture des décisions commentées, toutes favorables aux salariés, mais l'enthousiasme est relatif lorsque l'on examine de près le parcours du combattant des plaideurs, qui tous ont finalement perdu leur emploi. travail à travers l'obtention d'un stage, l'embauche, et tout au long de l'exécution du contrat ponctuée de formations, mutations, affectations, versement d'un salaire, de primes, de participation et intéressement… jusqu'à la rupture. Toute différence de traitement n'est pas nécessairement discriminatoire. Pour relever d'une telle qualification, la différence appliquée à un salarié doit résulter, fut-ce en partie, de la prise en compte « de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation familiale ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, ou en raison de son état de santé ou de son handicap ». Dixhuit mauvaises raisons, qui ne peuvent avoir aucune place même minime, dans les décisions de l'employeur. Urbain NLYITA-DOYO postule à un emploi de technicien hotline, et démontre, grâce au témoignage de l'agent de Pôle emploi, que l'employeur a souscrit à son égard une promesse d'embauche. Il attend en vain la concrétisation de la promesse, refuse deux autres offres fermes d'emploi, et fait a posteriori le lien entre la rétractation de l'employeur, et la question posée lors de l'entretien : « accepteriez-vous de changer de prénom ? » à laquelle il a donné une réponse négative. Le conseil de prud'hommes constate l'existence d'une promesse d'embauche non tenue et le salarié obtient des dommages et intérêts sans cependant que soit mentionné dans le jugement la discrimination, laquelle n'était, il est vrai, pas nécessaire à la solution du litige. Demander à un candidat de changer de prénom relève de la banalité lorsqu'elle vise un écrivain ou un artiste, dans le cadre d'une mise en scène tendant à mobiliser l'émotion du public. Aucune discrimination n'est admise, et le législateur a pris soin de qualifier de « différence de traitement autorisées » les distinctions opérées : - en fonction de l'âge, si les différences de traitement sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime notamment le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs (art. L.1133-2) Mais contraindre le candidat à un poste de salarié d'un centre d'appel probablement délocalisé en Tunisie ou en Inde, à adopter un prénom « bien de chez nous » pour donner l'illusion de la proximité à des clients dont certains sont néanmoins probablement issus de la diversité, est-ce légitime ? - en fonction de l'inaptitude constatée par le médecin du travail, si les différences sont objectives, nécessaires et appropriées (art. L.1133-3) - en fonction du genre, si elles sont temporaires, et visent à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes (art. L.1142-4). Demander à Marie-Bernadette, Dominique et Nafissatou d'adopter un prénom à deux syllabes tel Sophie pour faciliter le contact, est-ce légitime ? Au cœur de la décision de l'employeur se niche sans doute l'idée que le client préfère un prénom franco-français… et l'on plonge alors dans le marais des préjugés, allègrement projetés par l'employeur sur sa clientèle. Si la responsabilité sociale de l'entreprise était plus qu'un concept abstrait, elle pourrait s'enrichir et tirer fierté de la diversité d'un recrutement se traduisant par la présence en son sein de prénoms à consonance maghrébine, espagnole, portugaise, juive ou indienne. La porte s'entrouvre, lorsque les mesures répondent à « une exigence professionnelle essentielle et déterminante, répondant à un objectif légitime et proportionné » (art. L1133-1). Ainsi, a pu être admis le recrutement d'étrangers dans un pôle d'excellence scientifique international, le versement d'une indemnité d'expatriation au profit de salariés étrangers, le licenciement d'un surveillant rituel de confession juive qui entretient des relations avec une femme mariée, ou celui d'une employée qui garde un foulard sur le visage lorsqu'elle est en contact avec la clientèle. L'employeur qui demande à un candidat de changer de prénom mesure t-il la blessure qu'il provoque dans l'esprit d'un candidat, qui peut à raison penser que le prénom choisi par ses parents traduit une origine à dissimuler, en sorte que l'accueil qui lui est accordé dans le monde du travail suppose l'abandon de toute référence à son origine. Le juge ne s'y trompe pas lorsqu'il qualifie de discrimination la demande faite à Mohammed de se faire appeler Laurent, même s'il l'a accepté pendant deux ans, même si quatre autres salariés de cette maison de retraite s'appellent Mohammed. En revanche, le refus d'embaucher un salarié, au motif qu'il n'a pas le bac professionnel dont est au contraire titulaire la personne recrutée n'est pas reconnu comme un élément objectif, dès lors que ce diplôme n'avait pas été annoncé comme une exigence indispensable pour l'occupation du poste (Cass. soc., 15 décembre 2011, n°10-15.873). La discrimination est interdite, et la marge d'appréciation laissée à l'employeur comme au juge est étroite, d'autant que l'aménagement des règles de preuve vient opportunément donner un effet utile à l'ensemble du dispositif. Le candidat à un emploi ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte… au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (art. L.1134-1). Place est faite aux associations de lutte contre les discriminations et organisations syndicales représentatives pour exercer l'action de substitution (art. L.1134-2, art. L.1134-3). L'employeur prétendait que ce prénom était emblématique d'une religion… avait-il oublié que Nicolas, Pierre, Yves le sont tout autant dans une autre religion si proche de lui qu'il l'avait oubliée ? La Cour de cassation ne retient pas la discrimination à raison du prénom, qui ne figure pas dans la liste des dixhuit items de l'article L.1132-1, mais de l'origine, l'appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race (Cass. soc. 10 novembre 2009 n°0842.286). La sanction est rigoureuse, et la victime pourra obtenir à son choix une indemnisation, où la nullité de toute disposition ou mesure discriminatoire (art. L.1132-4). Celui qui témoigne et/ou agit ne peut être sanctionné (art. L.1132-3). II Les plaideurs ne s'y trompent pas et la liste des droits et libertés invoqués est longue. Discrimination encore pour Samia B, recrutée par de multiples CDD qui obtient la requalification des contrats comme de la rupture et demande en outre des dommages et intérêts pour harcèlement et discrimination caractérisée par un différé d'embauche de 15 jours mis à profit par une directrice adjointe pour contourner le refus initial d'une directrice qui avait déclaré qu'elle ne faisait plus confiance aux maghrébines depuis un incident provoqué en plein service par le mari d'une salarié prénommée Samia. La preuve de la discrimination a été rapportée par le témoignage de la directrice adjointe et la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel qui avait retenu que la salarié présentait des faits faisant présumer l'existence d'une discrimination tandis que la prétendue justification apportée par l'employeur ne constituait pas un élément objectif étranger à toute discrimination. Certains sont propres au droit du travail, tel le droit de grève, la liberté syndicale, le droit à la négociation collective, le droit de retrait. D'autres relèvent du droit commun tel la liberté d'expression, le respect de la vie privée à travers le choix du domicile, de la marque de son véhicule ou de son conjoint, le droit d'envoyer des messages personnels depuis son outil professionnel, le droit à un procès équitable… la liste n'est pas exhaustive, en raison de la formulation ouverte de l'article L.1121-1 du Code du travail. Les entreprises elles-mêmes trouvent avantage à réaffirmer leurs droits fondamentaux : droit de propriété, liberté d'entreprendre, et au niveau européen, liberté d'établissement, liberté des prestations de service. L'office du juge consiste alors à concilier des droits qui s'opposent, et à admettre les restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir, et proportionnées au but recherché. Observons cependant que dans cette affaire, la salariée a dû faire preuve d'une opiniâtreté qui force l'admiration. Ni la HALDE ni le Procureur de la République n'avait répondu à ses attentes. Le soutien de ses collègues et d'une directrice adjointe qui ne partageaient pas le point de vue discriminatoire de sa supérieure ont permis de faire reconnaitre la réalité de la discrimination subie, même si l'embauche n'a été différée que de 15 jours. Le contrat « loi des parties », et ses clauses de mobilité, de non concurrence, de résidence imposée, s'effacent derrière le droit à l'emploi, la liberté du travail, et le libre choix du domicile. Ainsi, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève bien du pouvoir de direction de l'employeur, sauf atteinte excessive aux droits du salarié, au respect de sa vie personnelle et familiale, ou à son droit au repos (Cass. soc. 3 novembre 2011 n°10-14.702). Ainsi, la distinction nette posée par le code du travail entre discriminations, et violation des droits et libertés dans l'entreprise semble relativement opérationnelle. Discrimination encore, pour le transsexuel qui travaille dans une entreprise de gardiennage et sécurité, et se trouve licencié sans indemnité pour s'être présenté à minuit dans les locaux d'un client « déguisé en femme » « affublé d'une robe, d'une perruque blonde, et de chaussures à talon, afin de récupérer ses affaires ». Cette faute de nature à porter atteinte au sérieux, au professionnalisme, à la crédibilité de l'entreprise vis-à-vis du client région Rhône-Alpes serait constitutif d'un manquement à la loyauté. Le juge contextualise en rappelant qu'à trois reprises ce salarié s'est plaint de discrimination, moqueries publiques, et polémiques sur son origine sexuelle. Manifestement, l'employeur ignore que le transsexualisme n'est pas une mise en scène, un jeu de déguisement, un travestissement, mais plutôt une ambigüité physique qui justifie un traitement approprié en sorte que l'apparence soit mise en conformité avec le genre féminin de la personne. Le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel retiennent que les termes employés « affublé, déguisement » traduisent chez l'employeur le déni de la légitimité de la démarche de conversion sexuelle du salarié dont il avait pourtant été informé. Il n'est pas contestable que la démarche du salarié ai pu provoquer un trouble auprès de ses collègues, voir même de clients. Le genre est tabou, et le changement de sexe l'est plus encore tant la compréhension d'une telle situation s'estompe derrière la gêne et son corollaire la moquerie. Cependant, ces champs respectifs se confondent dans la position de certains plaideurs, notamment lorsque sont en cause les choix vestimentaires. Porter un bermuda sous la blouse, un survêtement, des boucles d'oreilles, ou le foulard islamique, relèvent bien de choix vestimentaires, mais également pour l'un d'entre eux au moins de convictions religieuses. Le licenciement d'une directrice adjointe de crèche qui refuse de quitter le foulard islamique est contesté tant au titre de la prohibition des discriminations à raison des convictions religieuses, qu'au titre d'une restriction injustifiée à la liberté de penser et d'adhésion à une religion. Le conseil de prud'hommes s'appuiera sur le principe de laïcité, et l'obligation de neutralité du personnel dans une mission de service public, tandis que la cour d'appel rejette la demande de la salariée, en affirmant que la liberté religieuse qui s'exerce pleinement dans l'entreprise, peut cependant subir des restrictions justifiées par la nature des tâches à accomplir, et proportionnées au but recherché. Ainsi, le licenciement n'est pas lié aux convictions religieuses ; exit la discrimination ; et ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales visées par l'article 1121-1 (CA Versailles 27 octobre 2011, n°10/05642). « On ne nait pas femme, on le devient » mais le chemin est difficile. Le salarié qui s'engage dans une démarche de conversion sexuelle aura tout intérêt à en informer son employeur (CA Montpellier 3 juin 2009, n°08/06324) en sorte que celui-ci s'abstienne de toute discrimination qui trouve son origine dans l'appartenance à l'un ou l'autre sexe y compris dans la conversion sexuelle (CJUE 30/04/1996 affaire C13-94). En revanche, le port de boucles d'oreille par le chef de rang d'un restaurant gastronomique est clairement traité sous l'angle de la discrimination en raison du choix de l'employeur, qui prononce le licenciement du salarié en lui indiquant qu'il ne peut « tolérer le port de boucles d'oreille sur l'homme que vous êtes ». C'est donc bien l'apparence physique du salarié rapportée à son sexe qui était en cause, et le licenciement est nul (Cass. soc., 11 janvier 2012, n°10-28.213). Ainsi, même si certains clients indiquaient ne pas vouloir être servis par un homme à boucles d'oreille, le partage de préjugés ne constitue pas l'exigence professionnelle essentielle et déterminante, ni l'objectif légitime, ni encore l'exigence proportionnée imposés par le législateur. 2- Les droits et libertés Dans le voisinage du principe de discrimination, le législateur a placé un titre II intitulé « droit et liberté dans l'entreprise », comportant un chapitre unique : nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché L1121-1. Par sa généralité, cette disposition a vocation à régir l'ensemble des relations de travail. III Quand au port du bermuda ou d'un survêtement, ils peuvent relever d'une certaine fantaisie, qui n'est pas nécessairement de mise dans une agence immobilière, ou un cadre de travail pouvant mettre le salarié avec la clientèle (Cass. soc. 6 novembre 2001 n°99-43.988, Cass. soc., 28 mai 2003 n°02-40.273, Cass. soc., 12 novembre 2008 n°07-42.220). La Cour de cassation distingue de la provocation, de la fantaisie qui peut être accordée à chacun dans la singularité de l'affirmation de sa personnalité. En conclusion, la question sous jacente est celle de savoir jusqu'où va l'engagement du salarié dans son travail. Met-il à disposition de l'employeur sa force de travail, ou engage-t-il son être profond, et ce qui le relie à ses origines, et au genre auquel il appartient. Chacun doit comprendre que selon les termes d'Alain Supiot « le travail n'est pas une marchandise, il est inséparable de la personne du travailleur » (Critique du droit du travail, PUF, 2007). Myriam PLET Avocat au Barreau de Lyon SCP Myriam Plet [email protected] Dans deux des situations décrites, le salarié est écarté parce qu'il n'accepte pas de changer d'identité, ou au contraire parce qu'il veut se doter d'une identité féminine conforme à ce qu'il est. Le point de vue de Maître Yves Fromont D'autres formes de discrimination témoignent de la protection importante dont disposent les salariés. (II) La protection contre les discriminations fait l'objet d'un arsenal juridique considérable élaboré notamment sous l'influence du droit international des droits de l'homme mais aussi du droit communautaire. I. Discrimination raciale à l'embauche Les textes de référence sont : La Cour de cassation se référant à la constitution avait affirmé depuis longue date que : « Nul ne peut faire l'objet de mesures discriminatoires en raison de son origine » (Cass. Soc., 10 févr. 1998, Bull., n°78) - les articles L.1132-1 à L.1134-5, L.2313-2 et L.8113-5 du Code du travail, - les articles L.225-1 à L.225-4 du Code pénal ; - la loi organique n°2011-333 du 23 mars 2011 relative aux défenseurs des droits ; L'article 1132-1 du Code du Travail dispose que : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement (…) en raison (…) de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, à une nation ou une race (…) » - le décret n°2011-904 du 29 juillet 2011 (procédure devant le défenseur des droits) ; - la loi n°2011-939 du 10 août 2011. En synthèse, toute décision de l'employeur (embauche, promotion, sanctions, mutation, licenciement, formation etc…) doit être prise en fonction de critères professionnels et non sur des considérations à caractère personnel qui seraient fondées sur des éléments extérieurs au travail (sexe, religion, apparence physique, nationalité, vie privée…). a. Recrutement différé en raison d'une discrimination raciale Une salariée est engagée en qualité d'employé de restauration par différents contrats à durée déterminée entre le 10 mai 2004 et le 29 mai 2005. Les pratiques de discrimination ou de sélection à l'embauche en fonction de critères ethniques ou raciaux auraient selon certaines enquêtes sociologiques une certaine ampleur (enquête DARES 2005 « offre d'emploi et recrutement »). Le 20 juin 2005, elle dépose plainte pour harcèlement et discrimination à l'encontre de la directrice de la cafétéria. Le 30 octobre 2007, la salariée saisit le conseil des prud'hommes pour obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et des dommages et intérêts pour acte discriminatoire. Les statistiques de saisine de la HALDE au motif de discrimination rencontrées lors de la phase d'embauche représenteraient 28% des réclamations (rapport annuel de la HALDE 2009). L'examen attentif des faits révèle que tant le Procureur de la République, la HALDE ou l'inspection du travail n'avait relevé l'existence de discrimination. Alors que ces réclamations seraient importantes, le contentieux en la matière ne serait pas très fourni (voir « La preuve des discriminations à l'embauche en raison de l'origine », RDT, 2010, p.635). Cependant, certains faits avaient été dénoncés par des employés de la cafétéria lors de l'enquête de gendarmerie. L'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 18 janvier 2012 est une illustration flagrante d'une forme de discrimination directe au sens du traitement défavorable et illégitime d'une personne s'exprimant de manière ouverte (voir Michel Miné, Travail et Emploi, sept. 1999, n°80) (I). C'est surtout le témoignage crucial de la directrice adjointe de la cafétéria qui va emporter la conviction des juges tant en appel que devant la Cour de cassation : IV « Attendu qu'ayant relevé que la directrice adjointe de la cafétéria avait informé la salariée, laquelle était « chaudement recommandée » par la direction d'un autre établissement, qu'elle ne pouvait l'engager immédiatement car la directrice lui avait indiqué qu'elle « ne faisait pas confiance aux magrébines » de sorte qu'elle n'avait pu être recrutée que 15 jours plus tard à la faveur de l'absence de la directrice partie en vacances, la cour d'appel qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ces constatations rendaient inopérantes, a, par ce seul motif, caractérisé la discrimination raciale. » Il s'agit donc d'un cas de discrimination directe lequel tombait nécessairement sous le coup de l'article L.11321 du Code du travail. Dans les faits, si l'employeur pouvait à juste titre réfuter le témoignage des quatre salariés qui ne faisaient état que de soupçons quant au racisme de la directrice sans se fonder sur des éléments objectifs probants, il n'avait pas d'argument pour expliquer les propos tenus par la directrice suite à la candidature de la salariée autre qu'un dérapage personnel lié à une altercation qu'elle aurait eue par le passé avec le mari d'une salariée d'origine magrébine. Ainsi, une discrimination très temporaire (15 jours) reste une discrimination, peu importe que l'employeur l'ait « réparée » par une embauche. b. Promesse d'embauche et discrimination raciale supposée La jurisprudence censure toute pratique discriminatoire motivée par des exigences discriminatoires de clients. L'employeur doit produire des justifications qui lui semblent objectives en invoquant les motivations habituelles relatives aux restrictions à la liberté de se vêtir à sa guise (par exemple, tenue vestimentaire négligée non compatible avec la réception d'une clientèle : CA Reims, 12/01/2000, RJS 2000, n° 478). Mais les juges disposent d'un pouvoir d'appréciation très large ce qui confine à un certain arbitraire tant les appréciations peuvent être contrastées et variables. De ce point de vue, le contentieux ancien a beaucoup moins d'intérêt car les solutions retenues il y a quelques années semblent désormais dépassées : ainsi il y a 20 ans, l'employeur pouvait s'opposer à une tenue dite « fantaisiste » cheveux longs et boucles d'oreilles pour un chauffeur livreur ou queue de cheval pour un serveur (CA Paris, 18ème ch., 6 mai 1982 et CA Paris, 22 avril 1987, 22ème Ch., JSL, 2011, n°88). Or, récemment, la Cour de cassation a considéré que le licenciement d'un chef de rang dans un restaurant gastronomique qui avait refusé d'ôter pendant le service ses deux boucles d'oreilles reposait sur un motif discriminatoire (Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-28.213). Cependant, la liberté vestimentaire n'est pas une liberté fondamentale du salarié comme en a jugé la Cour de cassation dans la fameuse affaire du « bermuda ». (Cass. soc. 28 mai 2003, n°02-40.273) : L'employeur peut imposer des contraintes vestimentaires pour autant qu'elles soient justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché, si bien que toute tenue vestimentaire incompatible avec les fonctions ou les conditions de travail peut être interdite, la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail ne constituant pas une liberté fondamentale. Il peut être aussi tenté d'exiger de ses salariés en contact avec la clientèle certaines « adaptations ». Ainsi, dans certains salons de coiffure parisiens de prestige, il était fréquent que l'employeur demande à ses coiffeuses de changer de prénom, soit que le prénom n'était plus à la mode, soit qu'il pouvait « déplaire » à la clientèle. C'est une affaire de ce type qu'a jugé le Conseil de prud'hommes de Lyon pour un salarié qui avait postulé à un poste de technicien hotline. Le salarié soutenait que l'entreprise, lors de l'entretien d'embauche, lui avait demandé de répondre au téléphone sous un autre prénom que le sien (il s'agissait d'un prénom africain) et que c'était suite à son refus d'accepter de changer son prénom que la promesse d'embauche avait été rompue abusivement. Le salarié a obtenu gain de cause devant le conseil des prud'hommes qui a jugé que sa promesse d'embauche avait fait l'objet d'une rupture abusive. Certes, la motivation de la décision ne vise pas expressément la discrimination puisque le conseil a motivé sa décision par le fait que la promesse d'embauche résultait d'une attestation du responsable du Pôle emploi interrogé sur le sujet. De ce point de vue, la décision est critiquable en ce que la validité de la promesse d'embauche suppose « une promesse ferme et précise » et non pas une simple « proposition d'emploi » encore moins la simple affirmation d'un agent du Pôle emploi qui affirmait qu'un responsable de la société aurait « validé » l'embauche de l'intéressé. Nul doute cependant que, dans cette affaire, l'affirmation d'une discrimination, même si elle n'a pas été établie, a pesé sur la décision. II. La discrimination à raison de l'apparence physique du salarié rapportée à son sexe Statistiquement les discriminations fondées sur l'apparence physique seraient peu importantes ou tout au moins auraient suscité peu de réclamations devant la HALDE (0,5% selon le rapport de la HALDE de 2010). Hormis l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 janvier 2012 (arrêt précité Cass. Soc., 11 janvier 2012, n°10-28.213), le contentieux judiciaire de la discrimination fondé sur l'apparence physique semble peu abondant. Et de ce point de vue, l'affaire du transsexuel jugée par la Cour d'appel de Grenoble est intéressante. Il s'agissait d'un agent d'exploitation d'une entreprise exerçant son activité dans le domaine de la sécurité. Il est embauché en août 2007 et en janvier 2009, il s'engage dans un processus dit de changement de genre. Il est licencié pour faute grave, la lettre de licenciement étant ainsi rédigée : « - En date du 12 juin 2009, vous vous êtes présenté dans les locaux de notre client le Conseil Régional du Rhône, sur lequel vous êtes affecté depuis plus d'un an, affublé d'une perruque blonde, d'une jupe et de chaussures à talons hauts afin de récupérer vos affaires. - En date du 24 juin 2009, vous vous êtes de nouveau présenté au poste de sécurité du Conseil Régional V Enfin et surtout, le plaignant bénéficie d'un aménagement de la preuve de la discrimination puisqu'il lui suffit de présenter des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ce qui oblige l'employeur à prouver que sa décision a été justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination (art. L.1134-1 du Code du travail). du Rhône affublé d'une robe, maquillé et portant des rajouts de cheveux blonds afin de prendre votre poste. Votre comportement délibérément provoquant et volontairement répétitif constitue un manquement de loyauté. Un tel comportement de nature à porter atteinte au sérieux, au professionnalisme et à la crédibilité de l'entreprise vis-à-vis de son client, ne peut être toléré et nous contraint de mettre un terme immédiatement à nos relations de travail… » Toute lettre de licenciement qui, de près ou de loin, fait référence à des critères susceptibles de constituer une discrimination doit être rédigée « au scalpel ». La Cour d'Appel de Grenoble, a donc jugé que « c'est uniquement en raison de son apparence physique et de son sexe que JP a été licencié…que le licenciement est donc nul en raison de la discrimination qui le fonde …» A défaut, la moindre erreur de forme peut coûter très cher. Notons aussi qu'en termes de stratégie prud'homale, il est préférable pour le plaignant d'opter pour la discrimination de l'article L.1132-1 du Code du travail plutôt qu'un débat sur le fondement de l'article L.1121-1 du Code du travail qui laisse plus de manœuvres à l'employeur pour apporter des restrictions aux libertés individuelles pour autant qu'elles soient justifiées « par la nature de la tâche à accomplir ou proportionnées au but recherché ». Le salarié obtient 36.000 € de dommages et intérêts à ce titre ce qui accessoirement devrait amortir une partie des frais médicaux…. La Cour d'appel retient donc l'existence d'une discrimination fondée sur l'apparence physique rapportée au sexe. Une difficulté supplémentaire en matière de discrimination résulte des ambigüités du droit : d'une part, le droit français ne reconnaît pas les minorités ethniques (la constitution « ne connaît que le peuple français, sans distinction d'origine, de race ou de religion » décision CC n°91-290 du 9 mai 1991), d'autre part, le principe de non discrimination autorise dans une certaine mesure la reconnaissance du droit de l'individu à vivre ses différences. Cette décision rejoint l'affaire dite des « boucles d'oreilles » (Cass. soc., 11 janvier 2012 précitée). La lettre de licenciement précisait « votre statut au service de la clientèle ne permettait pas de tolérer le port de boucles d'oreilles sur l'homme que vous êtes… » Ainsi, ce n'était pas tant le fait de porter des boucles d'oreilles qui posait problème à l'employeur mais l'apparence physique du serveur orné de deux boucles d'oreilles ce qui laissait à penser qu'il avait donc un genre « trop féminin » pour un homme… En France, le refus d'une différence doit être justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination mais lorsque cette différence porte atteinte à des valeurs fondamentales, elle ne peut être tolérée dans l'entreprise. Finalement, la question reste posée de savoir si le salarié aurait obtenu gain de cause sans la critique implicite par l'employeur de son « statut d'homme » ou s'il n'avait porté qu'une seule boucle d'oreille (comme certains Compagnons du Tour de France !)… . C'est le sens de l'arrêt Baby-Loup par lequel la Cour d'Appel de Versailles a sanctionné une salariée de confession musulmane qui refusait d'enlever son voile dans une crèche au motif que la liberté de religion n'autorisait pas cette salariée à imposer de manière aussi voyante ses convictions religieuses dans un espace social privé laïque (CA Versailles, 27 oct. 2011, RG n° 10/05642). A noter qu'un paragraphe de la lettre de licenciement aurait pu être évité : « votre comportement délibérément provoquant et volontairement répétitif constitue un manquement au devoir de loyauté ». Plutôt qu'un jugement de valeur sur l'apparence physique rapportée au genre, l'employeur aurait peutêtre dû se placer sur le terrain de la compatibilité du changement de genre intervenu avec les exigences du poste d'agent de sécurité. L'évolution du contentieux judiciaire de la discrimination laisse finalement une grande place à la différence dans l'entreprise et la question de l'apparence physique en est l'illustration. Mais la non discrimination consacre aussi « le droit à l'indifférence » en ce qu'elle établit une égalité de traitement des personnes au sein de l'entreprise peu importe … leurs différences. Dans ce type d'affaires, les enquêtes de discrimination sont minutieuses et malgré l'absence d'éléments véritablement probants, le juge peut, à la faveur d'une appréciation du contexte, estimer qu'il y a matière à discrimination. Ainsi, la Cour d'appel de Montpellier (3 juin 2009, n° 08/06324) que la concomitance entre la révélation par le salarié de son transsexualisme et son licenciement révélait que le vrai motif était son changement de sexe peu importe le libellé de la lettre de licenciement (fautes de gestion). Yves FROMONT Avocat au Barreau de Lyon Cabinet Fromont Briens [email protected] Nous observerons que dans toutes ces affaires, il n'est pas innocent pour le salarié de se placer sur le terrain des discriminations. L'article L.1132-1 du Code du travail a un champ d'application extrêmement large et l'existence d'une discrimination entraîne, si elle est reconnue, une sanction très lourde à l'encontre de l'employeur, la nullité du licenciement prononcée (art. L.1132-4 du Code du travail). VI Décisions commentées Clause de mobilité et changement de fonctions Cour d’appel de Chambéry, ch. soc., 24 novembre 2011 EXPOSE DES FAITS Cette solution est quelque peu surprenante dans la mesure où la notion de « mission facultative » permet en réalité à l'employeur de retirer des attributions au salarié de manière unilatérale. Un salarié embauché en qualité d'agent de sécurité depuis 1998 puis promu chef de poste en 2001, était affecté à Seynod. Ainsi, alors que le salarié avait été promu chef de poste, cette évolution professionnelle et l'accomplissement effectif des taches associées à ce nouveau poste ne constituent pas aux yeux de la cour un élément du contrat de travail mais une simple faveur consentie au salarié, et sur laquelle l'employeur peut à tout moment revenir, indépendamment d'ailleurs de la mise en oeuvre d'une clause de mobilité. Ensuite de la perte du marché du site de Seynod, l'employeur affectait le salarié à un poste d'agent de sécurité à Sallanches à compter de septembre 2009. Le salarié refusait cette affectation et la société le licenciait pour faute grave par courrier du 18 novembre 2009. A l'appui de la contestation de son licenciement, le salarié faisait valoir que la rétrogradation du poste de chef d'équipe au poste d'agent de sécurité accompagnant la mutation, justifiait son refus de la nouvelle affectation. La cour aurait en effet pu adopter des motifs identiques s'agissant d'une nouvelle affectation proposée au salarié indépendamment de la circonstance de la perte de marché. Il apparaît pourtant qu'une autre analyse aurait pu être retenue : s'il est constant que la mission de coordination est une faculté, le fait pour l'employeur de confier au salarié la responsabilité de chef de poste et ce faisant d'user de cette faculté, emporte modification du contrat et l'employeur ne pouvait pas, sans l'accord de salarié, lui retirer ces attributions. La Cour confirmant le jugement entrepris, déboute le salarié, considérant qu'en application de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, « 'affectation à un poste d'agent de sécurité ne constitue pas une rétrogradation puisque la mission de coordination dévolue à un chef de poste n'est que facultative ». La Cour aurait alors pu juger qu'en l'absence de chef de poste disponible et de la perte de marché, l'employeur proposant un retour à un poste d'agent de sécurité, le salarié était en droit de refuser ce repositionnement, sans que cela ne constitue une faute. OBSERVATIONS La Cour de cassation admet de longue date que dans l'exercice de son pouvoir de direction, l'employeur puisse modifier les conditions de travail du salarié et notamment des tâches qui lui sont confiées. (Cass. soc. 4 février 2004 n°02-40.527) On ne peut en effet admettre qu'un salarié refusant un retrait de ses responsabilités soit considéré comme fautif. Une telle modification n'est pas soumise à l'approbation préalable du salarié dès lors que la qualification de celui-ci n'est pas incidemment remise en cause. Mélanie CHABANOL Avocat au Barreau de Lyon SCP Antigone Avocats [email protected] Il y a lieu à cet égard de s'attacher aux fonctions réellement exercées par le salarié et de ne pas s'arrêter au seul intitulé de la fonction figurant soit dans le contrat de travail soit dans les bulletins de paie. Cette espèce pose la question de la notion de modification de la qualification et des fonctions du salarié. PRINCIPAUX ATTENDUS Faut-il considérer que le retrait de responsabilités antérieurement confiées s'analyse nécessairement en une rétrogradation qui ne peut être imposée au salarié, ou peut-on admettre que dès lors que la qualification stricto sensu du salarié n'est pas modifiée, le retrait de certaines attributions peut être librement décidé par l'employeur ? « Qu'il résulte de l'annexe 2 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, relative à la classification des postes d'emploi, que pour les agents d'exploitation occupant le niveau 3, la mission de coordination de leur groupe de travail n'entre pas nécessairement dans leur fonction, s'agissant d'une faculté ; Qu'en l'espèce, suite à son arrêt maladie et son congé sans solde, Monsieur X n'a pas pu être réintégré dans ses fonctions antérieures à savoir chef de poste au G. C. à Seynod en raison d'une perte de marché; La Cour de Chambéry considère que le retrait des tâches de coordination ou d'encadrement, telle qu'elles étaient confiées au salarié depuis huit ans ne s'analyse pas en une rétrogradation, nécessitant l'aval du salarié, dans la mesure où les tâches « essentielles de ce poste, à savoir les fonctions élémentaires de sécurité et de prévention » étaient maintenues et que la "mission de coordination dévolue à un chef de poste n'est que facultative ». Qu'il ressort de l'attestation de Monsieur Y, responsable de l'agence P. Annecy, qu'à l'époque, aucun poste de chef de poste n'était disponible dans la région annecienne; VII Que le poste d'agent de sécurité proposé à Monsieur X n'avait pas pour effet une diminution de salaire ou de coefficient et les taches essentielles de son poste, à savoir les fonctions élémentaires de sécurité et de prévention, étaient conservées; Qu'en conséquence, le licenciement de Monsieur X repose bien sur une faute grave justifiant la cessation immédiate de son contrat de travail sans préavis. » Attendu qu'en application de la convention collective susmentionnée, l'affectation à un poste d'agent de sécurité ne constitue pas une rétrogradation puisque la mission de coordination dévolue à un chef de poste n'est que facultative; Cour d'appel de Chambéry, Chambre sociale, 24 novembre 2011, n°11/00787 Que dès lors, Monsieur X ne pouvait s'en prévaloir pour refuser son affectation; Suicide au travail présomption d’imputabilité - fait du travail (non) Cour d'appel de Lyon, ch. séc. soc., 17 janvier 2011 EXPOSE DES FAITS 2. Le cheminement emprunté par la Cour de Lyon pour rendre l'arrêt commenté manifeste une orthodoxie juridique qui doit être soulignée. Un salarié, employé par une entreprise du bâtiment, était à ce titre affecté sur un chantier avec plusieurs de ses collègues de travail. a. En premier lieu, s'est posée la question de l'application du principe de présomption d'imputabilité, selon lequel relève de la législation sur les accidents du travail la lésion survenue au temps et sur le lieu du travail. Lors d'une pause d'une heure entre 12 h et 13 h, le salarié, demeuré sur le chantier au contraire de ses collègues de travail l'ayant quitté pour aller se restaurer, s'est donné la mort par pendaison. Si, en l'espèce, le suicide s'est produit sur le lieu du travail, le salarié défunt a cependant commis son geste désespéré pendant le temps d'une pause déjeuner entre 12 h et 13 h. Saisie par la veuve du défunt d'une demande de prise en charge du suicide au titre de la législation sur les accidents du travail, la caisse primaire d'assurance maladie, après avoir diligenté une instruction, est entrée en voie de prise en charge sur avis conforme de son médecin conseil. Certes, l'accident survenu pendant la pause déjeuner dans l'entreprise ou dans des locaux de l'entreprise servant à la restauration est susceptible de caractériser un accident du travail, cependant sous réserve que le salarié ne se soit pas soustrait à l'autorité de l'employeur (Cass. soc., 21 février 1969, Bull., n°148 ; Cass. civ. 2ème, 3 avril 2003, Bull., n°100). La Cour d'appel de Lyon, par arrêt infirmatif du 17 janvier 2012, a jugé inopposable à l'employeur la décision de prise en charge querellée. C'est l'arrêt commenté. Etant en l'espèce établi que les salariés quittaient le chantier entre 12 h et 13 h pour déjeuner à l'extérieur, le défunt, en demeurant nonobstant pendant ce temps sur le chantier, s'est soustrait à l'autorité, au contrôle et à la subordination de l'employeur. OBSERVATIONS 1. A priori, l'acte de suicide « réfléchi et volontaire totalement étranger au travail » caractérise une faute intentionnelle au sens de l'article L.453-1 du Code de la sécurité sociale, exclusive de l'application de la législation sur les accidents du travail (Cass. soc., 23 septembre 1982, n°81-14.698 PB). A juste titre, la présomption d'imputabilité a donc été écartée. b. La présomption d'imputabilité écartée, il convenait, dans un deuxième temps, d'apprécier si la preuve était rapportée que le suicide avait été commis par le fait du travail. L'acte de suicide peut toutefois tomber dans le champ de la législation professionnelle, par exemple s'il est le résultat d'une « impulsion brutale » résultant des remontrances adressées par l'employeur (Cass. soc., 20 avril 1988, n°86-15.690 PB) ou s'il est lié aux « vicissitudes des relations professionnelles » du salarié avec son employeur (CA Riom, Ch. soc., 22 février 2000, D. 2000, n°10). La Cour de Lyon s'est à cet égard livrée à l'examen du dossier constitué par la caisse primaire d'assurance maladie dans le cadre de l'instruction diligentée dont il résulte que : - la veuve a souscrit une déclaration d'accident du travail en évoquant une dégradation des conditions de travail sans aucune autre précision ; La Cour de cassation a plus généralement jugé, par un arrêt de principe du 22 février 2007, que le suicide, même commis à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur, constitue un accident du travail dès lors qu'il est établi « qu'il est survenu par le fait du travail », au sens de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale (Cass. civ. 2ème, 22 février 2007, FP-PBRI, RJS 2007, n°666). - le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie a émis un avis favorable à la prise en charge sans aucune argumentation ; - auditionnés, les collègues de travail ont cependant VIII la preuve, en cas de recours de l'employeur : déclaré que si son comportement s'était assombri depuis plusieurs semaines avant la commission de son geste désespéré, le défunt ne s'était cependant jamais plaint dans l'entreprise ou à l'endroit du médecin du travail d'une quelconque difficulté professionnelle ni, a fortiori, d'une dégradation de ses conditions de travail. - soit de la survenance d'une lésion au temps et sur le lieu du travail permettant l'application de la présomption d'imputabilité ; - soit, à défaut, que l'accident a été provoqué par le fait du travail. Aux termes du dossier d'accident du travail constitué par la caisse primaire d'assurance maladie, la preuve du caractère professionnel du suicide n'était dans ces conditions pas rapportée et si l'on peut convenir que l'allégation générale et imprécise de la veuve, intéressée à la prise en charge, n'était effectivement en soi pas probante, on relèvera plus particulièrement la motivation de l'arrêt quant à la portée de l'avis du médecin conseil lequel, bien que liant la caisse primaire d'assurance maladie en application de l'article L.315-2 du Code de la sécurité sociale, n'est pour autant pas une preuve du caractère professionnel de l'accident en cas de recours exercé par l'employeur à l'encontre de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle. Cette preuve n'étant en l'espèce pas rapportée par la caisse primaire d'assurance maladie, la décision de prise en charge, à bon droit, a été jugée inopposable à l'employeur. Reposant sur une motivation juridiquement orthodoxe, l'arrêt commenté mérite ainsi une totale approbation. Christophe BIDAL Avocat au Barreau de Lyon SCP Joseph Aguera & associés [email protected] Il s'agit là d'une stricte application des règles probatoires en matière d'accident du travail, selon lesquelles il appartient à la caisse de sécurité sociale, subrogée dans les droits du salarié ou de l'ayant droit qu'elle a indemnisé par sa décision de prise en charge qui reste définitive dans les rapports caisse/salarié, de rapporter PRINCIPAUX ATTENDUS Il résulte de ces éléments que Régis X... n'a pas souhaité rencontrer le médecin du travail et ne s'est pas plaint de son travail auprès de ses collègues ; les collègues de travail n'expliquent pas la soudaineté et l'importance du mal être de Régis X... qu'ils s'accordent à dater de la fin du mois de juillet 2007 ; le seul témoignage de l'épouse qui renvoie à une dégradation progressive des conditions de travail ne suffit pas à rattacher le suicide au travail. « Le suicide est intervenu au cours de la pause de la mijournée ; durant cette pause d'une durée d'une heure, les ouvriers ne restaient pas sur le chantier et partaient déjeuner à l'extérieur ; Régis X... ne se trouvait donc pas placé sous l'autorité de l'employeur durant la pause ; dans ces conditions, le suicide ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité au travail. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a diligenté une enquête au cours de laquelle l'épouse de Régis X... et ses collègues de travail ont été entendus. (…) Dans ces conditions, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'AIN ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le suicide de Régis X... trouve sa cause dans le travail. » La caisse a interrogé son médecin conseil qui en regard de la question « Le décès est-il imputable à l'accident du 9 novembre 2007 » a apposé les lettres AF ce qui signifie avis favorable mais sans l'argumenter. Cour d'appel de Lyon, Chambre sécurité sociale, 17 janv. 2012, n°11/01478 Licenciement économique et groupe de sociétés : rentabilité n’est pas compétitivité Cour d'appel de Dijon, ch. soc., 24 novembre 2011 EXPOSE DES FAITS Débusquer l'Arlésienne et dénicher la pieuvre ; voilà, pour reprendre la métaphore du Professeur VATINET (R. Vatinet, La pieuvre et l'Arlésienne, Dr. Soc. 2010, p 801), ce à quoi s'emploient les juges du fond chargés du contrôle du motif économique d'un licenciement intervenu au sein d'une entreprise appartenant à un groupe. Une fois le groupe « démasqué », encore convient-il de déterminer son secteur d'activité et d'identifier la menace qui pèse sur sa compétitivité. C'est à ce travail que s'est livrée la Chambre sociale de la Cour d'appel de Dijon dans le cadre de l'arrêt commenté qui offrait à juger le cas d'un salarié licencié pour motif économique par la SAS A, société IX appartenant au Groupe X, leader mondial dans son secteur d'activité et présent dans 20 pays en Europe et en Afrique du Nord. Le salarié en question avait été licencié pour motif économique dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi mis en œuvre au sein de la SAS A, le motif économique étant constitué par la réorganisation de l'entreprise qui assurait avoir dû réagir en mettant en œuvre « un projet d'organisation et de rationalisation de ses activités afin de ne pas laisser ses résultats se dégrader et sauvegarder sa compétitivité ». La cour a toutefois considéré que l'employeur avait en réalité « mis en oeuvre son projet de restructuration, non pas pour faire face à une véritable menace sur son marché, mais afin d'atteindre les résultats financiers La sauvegarde de la rentabilité n'est pas la sauvegarde de la compétitivité. attendus par le groupe, en privilégiant son niveau de rentabilité ». De même, la cour, poursuivant son rôle de vigie pour plaideurs égarés, a entendu préciser de nouveau que l'employeur ne pouvait se contenter de proposer un seul poste au salarié en présumant que celui-ci aurait refusé toute mobilité géographique. La cour a par ailleurs relevé de manière surabondante que l'obligation de reclassement n'avait pas été respectée. OBSERVATIONS L'intérêt de l'arrêt réside non pas tant dans la solution adoptée mais davantage dans la démarche suivie par les juges et notamment l'analyse faite par les conseillers dijonnais du rapport qui avait été établi par l'expert comptable, duquel il ressortait que l'employeur, intégré à un groupe d'envergure mondiale, avait en réalité souhaité atteindre un niveau de profitabilité et de cash opérationnel tel que défini par un plan établi au moment de l'intégration de la dite société au groupe auquel elle appartenait. Cet arrêt s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation qui rappelle que, lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, d'une part, la sauvegarde de la compétitivité s'apprécie au niveau du groupe et du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise et, d'autre part, que les recherches de reclassement, qui doivent être précises et concrètes, doivent être étendues à l'ensemble des sociétés du groupe auquel l'employeur appartient, sans que celui ne puisse en aucun cas présumé du refus du salarié pour justifier une limitation de ses recherches. Le juge cherchera les tentacules de la pieuvre partout où elles se cachent ; reste à savoir si ces recherches s'étendront jusqu'au cerveau de l'animal pour considérer que c'est in fine ce lieu où se prend les décisions qui définit le périmètre du groupe. La cour, relevant en l'occurrence que l'employeur ne fournissait aucune pièce comptable propre au groupe ou à la holding européenne, en a justement déduit que cette carence était à elle seule suffisante pour considérer le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. La question (sinon la chasse) est ouverte. La cour a néanmoins souhaité aller plus avant et, dans une démarche didactique sinon pédagogique, a entendu rappeler que le juge doit rechercher le motif originel du projet de restructuration ayant abouti au licenciement, lequel, s'il peut être la sauvegarde de la compétitivité, ne peut en aucun cas être la recherche de résultats financiers. Fabien ROUMEAS Avocat au Barreau de Lyon Cabinet Fabien Rouméas [email protected] PRINCIPAUX ATTENDUS Attendu qu'il résulte de ces éléments que l'employeur a mis en oeuvre son projet de restructuration, non pour faire face à une véritable menace sur son marché, mais afin d'atteindre les résultats financiers attendus par le groupe, en privilégiant son niveau de rentabilité, dans un contexte économique de ralentissement de l'activité ; qu'ainsi, la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise n'est pas démontrée ; » Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 24 nov. 2011, n°11/00155 « Attendu que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité auquel elle appartient ; Attendu que, lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, la sauvegarde de la compétitivité s'apprécie au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ; (…) Groupe de sociétés : Rachat par un fonds de placement - Incidences en droit du licenciement pour motif économique Cour d'appel de Grenoble, ch. soc., 12 septembre 2011 EXPOSE DES FAITS placement « White Stone IV », auquel les parts sociales ont été peu après revendues, LBO France demeurant son mandataire de gestion. Madame Martine X. est entrée au service du groupe Piera, qui poursuivait une activité dans les domaines de la promotion, de la construction et de la commercialisation immobilières, en mai 1996 ; au dernier état de sa collaboration et depuis octobre 2003, elle exerçait les fonctions d'assistante service après vente au sein de la société Piera Gessy. En juin 2007, près des trois quarts du capital des différentes sociétés du groupe ont été acquises par une société Financière Piera, créée pour l'occasion par la société de gestion de portefeuille et d'investissement LBO France, semble-t-il pour le compte du fonds de Le groupe Piera a aussitôt fait reconnaître l'existence d'une unité économique sociale (UES) et, dès le comité d'entreprise constitué, annoncé puis présenté un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) à raison de prétendues difficultés économiques, d'abord rejeté tant par le comité que par l'administration du travail, comme « dépourvu de tout sérieux ». X Après des péripéties dont l'arrêt commenté ne donne pas le détail mais qu'on peut deviner, un PSE remanié a Pour refuser de suivre Madame X. dans cette analyse, la Cour de Grenoble a usé de motifs qui nous paraissent éminemment confus et même entièrement contradictoires. Elle a certes, pour balayer l'argument tenant aux liens capitalistiques, constaté de façon factuellement exacte, qu'au moment de la présentation puis de la mise en œuvre du PSE, la société LBO France n'était plus actionnaire de la holding Piera Finance. finalement fait perdre son emploi à Madame X., par acceptation d'une convention de reclassement personnalisé (CRP), actée le 1er septembre 2008. Madame X. a néanmoins saisi le Conseil de prud'hommes de Gap de différentes demandes, notamment d'annulation pure et simple de la rupture de son contrat de travail, à raison de la nullité du PSE luimême, et subsidiairement de requalification en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute de motif économique véritable et d'efforts de reclassement opérants, lesquels, selon la demanderesse, auraient dû s'apprécier et être recherchés au sein d'un groupe comprenant nécessairement la société LBO France. Mais elle le constate dans les termes suivants : « la société LBO France, société de gestion de portefeuille qui gère et conseille de nombreux fonds d'investissement et qui à ce titre était la représentante du FCPR White Stone IV, dont elle était le mandataire, n'était pas actionnaire de la société Piera Finance, ne disposait d'aucun droit de vote ni d'aucun droit lui conférant une influence dominante au sein du conseil de surveillance ». Par jugement du 25 janvier 2010 prononcé après partage de voix, le Conseil de prud'hommes de Gap a débouté Madame X. de l'intégralité de ses demandes. L'arrêt commenté a confirmé cette décision par motifs adoptés, tandis qu'entre temps les différentes sociétés du groupe Piera avaient été placées en liquidation judiciaire. Voici donc une nouvelle catégorie de mandataire : le mandataire sans pouvoir, pour ainsi dire sans mandat. La Cour écrit pourtant un peu plus loin, toujours dans les motifs qu'elle a adoptés : OBSERVATIONS « la société LBO France ne dispose pas de droit de vote dans les assemblées générales mais détermine en fait les décisions dans les assemblées générales du groupe PIERA à raison des droits de vote qu'elle exerce pour le compte du FCPR White Stone IV au titre de son mandat » Cette décision nous plonge dans le monde enchanté des sociétés de capital-investissement, « Private Equity » et autres fonds de placement, où disparaissent les responsabilités aussi sûrement que les emplois. Voilà un groupe de sociétés aux activités parfaitement complémentaires, et de toute évidence raisonnablement prospère, puisqu'il suscite, en 2007, la convoitise du fonds de placement délicieusement nommé «white stone». Comprenne qui pourra et peu importe que le principe même du mandat est de découpler la titularité des droits et leur exercice, mais exit la société LBO France de toute inclusion dans le groupe Piera, bien qu'elle « détermine en fait les décisions dans les assemblées générales du groupe », il est vrai, selon la cour, sans « aucune influence dominante ». Ce dernier mandate le « Private Equity » LBO France (dont nous recommandons vivement la visite du site Internet particulièrement édifiant sur les mystères des "leveraged by out " ou opérations à effet de levier assorties d'une TRI - comprendre taux de rentabilité interne - à 25% par an), qui crée une holding chargée de réunir la majorité du capital social des différentes sociétés du groupe Piera, qu'elle revend à « White Stone », tout en demeurant son conseil et mandataire de gestion du groupe ainsi passé sous son contrôle. Quid, alors, du FCPR White Stone IV, cet étrange mandant dont on ne peut cependant contester qu'il était actionnaire (très) majoritaire au moment de la présentation du PSE puis de la rupture du contrat de travail de Madame X. ? Ne rêvons pas trop : la cour nous explique que « les fonds communs de placement étant des copropriétés d'instruments financiers et de dépôts, ils ne disposent pas de la personnalité morale et son représentés à l'égard des tiers par la société chargée de leur gestion ». Mais la holding spécialement créée devient subitement déficitaire (à cet égard, il n'est pas irrespectueux de constater que la cour d'appel ne s'est pas épuisée à comprendre pourquoi), fait reconnaître une UES de toute évidence pour sécuriser le périmètre d'un éventuel contentieux à venir, puis présente - non sans mal, ainsi qu'il a été dit - et met en œuvre un PSE, avant que les différentes sociétés du groupe ne soient placées en liquidation judiciaire. Et la boucle est bouclée : LBO Finance n'était ni actionnaire ni personnellement titulaire d'aucun droit, « White Stone » n'a quant à elle pas même la personnalité morale (on se demande d'ailleurs comment elle a pu acquérir des parts sociales ou confier un mandat), de sorte qu'aucun des deux ne saurait être en quoi que ce soit concerné par le sort du groupe conduit à la faillite peu après son acquisition. De ce ces rebondissements juridiques et économiques, Madame X. a considéré, que la société LBO France devait être incluse dans le périmètre d'appréciation tant de la validité du PSE que des difficultés économiques alléguées, mais aussi pour la recherche de son reclassement, à raison des liens capitalistiques existant entre les différentes société Piera et la holding Piera Finance dune part, entre cette dernière et la société LBO France d'autre part, et enfin entre LBO France et les autres sociétés dans lesquelles elle détenait des participations, qu'il y avait lieu, selon la demanderesse, d'inclure également dans le groupe, pour peu que leurs activités relève du même secteur ou autorisent la permutation de tout ou partie du personnel. Et pour ceux qui n'auraient pas bien saisi (dont nous sommes, il faut bien le reconnaître), la Cour nous assène ceci : « Les sociétés gérant des fonds de placement et les sociétés dans lesquelles ces fonds ont été investis ne constituent pas un groupe ». La généralité du propos a de quoi susciter l'interrogation : en quoi nos règles, tant de droit social que de droit économique, empêchent-t-elles d'examiner, sous prétexte qu'il s'agit d'un fonds d'investissement ou de son gestionnaire, s'il existe un ascendant économique et/ou juridique permettant de les inclure dans un groupe que de toute évidence ils contrôlent ? XI La Cour ne le dit pas, et semble tenir la solution pour acquise, de façon quasi-abstraite. On comprend aisément la crainte que peut inspirer chez certains la possibilité qu'un fonds de placement puisse servir de lien pour caractériser un groupe incluant les différentes sociétés dont ce fonds est actionnaire, même en s'en tenant aux stricts critères jurisprudentiels. Gageons que le droit positif, qui ne peut se résumer en l'état à l'arrêt commenté, saura aborder ces questions sans tabou. Karine THIEBAULT Avocat au Barreau de Lyon SCP Antigone Avocats [email protected] PRINCIPAUX ATTENDUS « Que dès lors ils ont rappelé que les sociétés gérant des fonds de placement et les sociétés dans lesquelles ces fonds ont été investis ne constituent pas un groupe au sens où un groupe comprend des sociétés dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel et qu'en conséquence le groupe dans le périmètre duquel les possibilités de reclassement devaient être recherchées était bien le groupe Piera, c'est-à-dire l'Unité Economique et Sociale constituée par les trois sociétés Piera Promotion, Piera Finance et Piera Distribution, niveau auquel il y avait lieu de se situer pour la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi et pour l'appréciation du motif économique » Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 12 septembre 2011, n°10/00926 Notion de “trouble manifestement illicite” en matière de référé Cour d'appel de Lyon, ch. soc., sect. A, 11 janvier 2012 EXPOSE DES FAITS - De ce fait il n'était pas établi l'existence d'un trouble illicite dans le fait de ne pas appliquer la convention collective dans la version revendiquée par la salariée. Après avoir régularisé une rupture conventionnelle, une salariée a attrait son ex-employeur devant la formation de référé du conseil de prud'hommes afin d'obtenir une provision sur rappel de salaire. OBSERVATIONS Cette salariée se fondait sur l'affirmation selon laquelle elle n'aurait pas été rémunérée sur la base de son exacte classification conventionnelle et, subsidiairement, en deçà du salaire minimum garanti estimant devoir bénéficier du coefficient 351 de la convention collective de l'hospitalisation privée à but non lucratif (FEHAP) dans sa version rénovée. L'employeur a opposé à cette demande le fait que la convention revendiquée n'était pas étendue et ne s'imposait pas à lui ; qu'il ne se bornait, en conséquence, qu'à une application strictement volontaire de cette convention dans sa version non rénovée comme le prévoyait le contrat de travail de la salariée et, encore, une note d'information portée à la connaissance de l'ensemble du personnel. Par son jugement du 26 novembre 1980, le Tribunal de grande instance de Paris a qualifié le juge des référés comme celui « de l'évident et de l'incontestable ». (TGI Paris, 26 novembre 1980, JCP 1981, IV-378). Cette définition s'applique à la formation de référé du conseil de prud'hommes dans le cadre des attributions qu'il tient des articles R.1455-5 et R.1455-6 du code du travail. Le premier de ces textes prévoit que la formation de référé peut, en cas d'urgence, prescrire toutes mesures qui ne se heurtent pas à une contestation sérieuse. Le second précise que cette Formation peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire toutes mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un « trouble manifestement illicite ». La formation de référé saisie ayant fait droit aux demandes, l'employeur a interjeté appel. La cour d'appel a réformé la décision entreprise retenant que : - Le contrat de travail liant les parties ne visait pas la convention collective revendiquée dans sa version rénovée ; Dans le premier cas le juge des référés est le juge de l'incontestable, dans l'autre celui de l'évident puisque, bien qu'il existe une contestation sérieuse, il peut prendre toute mesure… pour autant qu'il existe un trouble dont l'illicéité (c'est-à-dire attentatoire à la règle de droit) non seulement existe mais est, encore, manifeste. - La détermination de la version de la convention collective devant être appliquée constituait une contestation sérieuse échappant à la compétence du juge des référés ; XII d'application, par l'employeur, de la convention collective revendiquée par la salariée se heurtait à une contestation sérieuse et que ne pouvait dès lors être établi l'existence d'une illicéité du fait de cette nonapplication. L'intérêt de l'arrêt commenté réside dans le fait que, d'une part, il est fait une application rigoureuse des principes sus énoncés (ce qui n'est actuellement pas si banal) et que, d'autre part, il propose une articulation entre les notions de contestation sérieuse et de trouble illicite. Ainsi : Ce n'est en réalité que lorsque le défendeur se borne à alléguer des faits pour expliquer ou justifier les raisons pour lesquelles il n'a pas appliqué la règle de droit qui devait l'être que le juge des référés dispose du pouvoir de prendre toute mesure utile pour faire cesser un trouble qui est, dès lors, illicite… quand bien même ces faits pourraient être constitutifs de contestation sérieuse. La Cour de cassation affirme qu'il appartient au juge des référés d'appliquer la loi même si cette dernière requiert une interprétation (tel, par exemple, le cas d'un article du code du travail) pour rechercher si une obligation est ou non sérieusement contestable. (Cass. soc. 24 juin 2009, n° 08-42.216). Il doit, par essence, agir de même pour apprécier l'existence d'une manifeste illicéité qui serait génératrice de trouble. Tel est le cas, par exemple, lorsque l'employeur refuse le transfert du contrat de travail d'un salarié dans son entreprise alors que les conditions légales de l'article L.1224-1 du Code du travail sont réunies, motif pris que l'ancien employeur avait frauduleusement muté un salarié dans l'entité objet de la reprise dans le seul but de ne pas le conserver à son service (Cass. soc., 25 octobre 2011, n° 10-19.772). En revanche et c'est ce que rappelle la cour d'appel dans le présent arrêt, il ne peut y avoir de trouble justifiant une prise de mesure lorsque la « manifeste illicéité » n'est pas établie… en d'autres termes lorsqu'il n'est pas démontré une atteinte à une règle de droit ou à un texte législatif ou réglementaire. En l'espèce il est de règle qu'un employeur n'est pas tenu d'appliquer une convention collective non étendue (sauf s'il est adhérent ou membre d'un groupement ou d'une organisation signataire de la convention). Dans ce cas, il ne l'applique que de son unilatérale volonté. Tout trouble même objectivement reconnu ne saurait justifier l'intervention du juge des référés. Ce dernier doit caractériser l'illicéité du trouble. Tel n'est pas le cas lorsque l'application de la règle de droit revendiquée à l'appui de la demande est sérieusement contestable. Par conséquent, s'il ne fait pas bénéficier, comme ici, une salariée d'une disposition d'une convention collective dans sa version (rénovée) non étendue, la cour d'appel considère qu'il n'a pas porté atteinte à une règle de droit ou à une disposition du code du travail. En rappelant ces principes de base la chambre sociale de la Cour d'appel de Lyon s'inscrit dans la lecture rigoureuse mais logique et juste des dispositions de l'article R.1455-6 du Code du travail. La cour, au contraire, fait référence aux dispositions figurant dans le contrat de travail, ledit contrat formant la loi des parties au sens de l'article 1134 du Code civil. Olivier LACROIX Avocat au Barreau de Lyon Cabinet C.E.F.I.D.E.S. [email protected] Sachant au demeurant que constitue une contestation sérieuse, par exemple, la détermination de la portée d'une clause contractuelle (Cass. soc., 23 février 1997, Bull., n° 139) ou, encore, l'interprétation d'une convention collective (Cass. soc., 9 mars 1977, Bull., n° 78) c'est de manière pertinente que la cour d'appel, dans l'espèce commentée, a retenu que la demande PRINCIPAUX ATTENDUS La détermination de la convention collective applicable aux parties, eu égard à leur proposition sur ce point, constitue une contestation sérieuse qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher. « La demande de classification au coefficient 351 sur laquelle X fonde sa demande de rappel de salaire repose sur l'application de la convention collective de l'hospitalisation privée à but non lucratif rénovée par l'avenant n° 2002-02 du 25 mars 2002. De ce fait, l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la non-application de la convention collective rénovée du 25 mars 2002 n'est pas établie » Cet avenant n'a pas été étendu. Dans une note d'information du 25 juin 2003 y a informé les salariés de son intention de ne pas appliquer la convention collective rénovée. Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale, section A, 11 janvier 2012, n°11/02672 En mentionnant dans le contrat de travail la liant à X, la seule convention collective du 31 octobre 1951 (FEHAP) non rénovée, elle a réaffirmé sa volonté de s'en tenir à l'application volontaire des seules dispositions antérieures à cette rénovation. XIII Péremption d’instance : qu’est-ce qu’une “diligence particulière” ? Cour d'appel de Lyon, ch. soc., sect. A, 8 février 2012 EXPOSE DES FAITS La péremption d'instance ne doit pas faire obstacle au caractère abusif d'un licenciement économique. Telle est la leçon qu'il faut, s'emble-t-il, retenir d'un arrêt rendu le 7 février 2012 par la chambre sociale A de la Cour d'appel de Lyon. Monsieur M. a fait l'objet d'un licenciement économique prononcé le 6 avril 2004 par son employeur, la société R. alors en liquidation judiciaire. Saisi d'une contestation, le Conseil de prud'hommes de Lyon devait débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes par jugement rendu le 26 janvier 2011, après que le bureau de conciliation, présidé par le juge départiteur, eut ordonné diverses mesures d'instruction visant notamment à permettre la production d'éléments économiques, et un sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de commerce de Lyon en vue de la désignation d'un mandataire ad hoc. Un appel était interjeté le 23 février 2011 par Monsieur M. En défense, la société R. soulevait tout d'abord l'irrecevabilité des demandes aux motifs que l'instance était périmée… Non seulement la cour a rejeté ce moyen de procédure, mais au surplus, statuant sur le fond du litige, elle accueillait favorablement les demandes de Monsieur M. Si la solution donnée au fond présente peu d'intérêt sur le plan des principes, en revanche, la position adoptée sur l'exception de péremption ne manque pas de surprendre. OBSERVATIONS I - La Cour d'appel de Lyon retient l'existence d'un groupe de sociétés. Après avoir noté que Monsieur M. ne contestait pas la réalité de la cause économique, ni ne formait de demande à l'encontre d'une société JM, la cour réforme le jugement aux motifs que le reclassement aurait dû être recherché à l'intérieur du groupe composé des sociétés R. et JM. A ce sujet, la cour en profite pour rappeler la définition du groupe en matière de licenciement économique. Cette définition ne se confond pas avec celle donnée ni par le code de commerce ni par le code du travail pour la mise en place d'un comité de groupe. Le groupe « s'entend de l'ensemble formé par les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel » Appliquant strictement ces principes, la cour a estimé qu'il existait suffisamment de points communs entre les deux sociétés (trois associés communs, sièges sociaux communs, emploi des mêmes salariés par l'une ou l'autre des sociétés, activités voisines, gérant commun…) pour en conclure à l'existence d'un groupe. Le gérant s'étant abstenu d'effectuer des recherches au sein de la société JM., la cour en conclut logiquement que la cause réelle et sérieuse du licenciement faisait défaut. Cette position s'inscrit dans la logique de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation dont la définition du groupe semble aujourd'hui relativement stable. Enfin, il est notable de relever que la cour a mis hors de cause la société JM. qui avait été appelée en la cause par la société R. Cette solution s'imposait : - Monsieur M. ne formait aucune demande directement contre la société JM. impliquant sa qualité de « co-employeur » ; - Le débiteur reste l'employeur indépendamment du fait que le reclassement doit être recherché au sein d'un groupe de sociétés et quand bien même la société R. avait demandé à être relevée et garantie par la société JM. à hauteur de la moitié des condamnations qui seraient prononcées à son encontre. Sur ce point, la décision commentée reste conforme aux principes en la matière. Mais pour parvenir à cette solution, la cour a dû contourner l'obstacle que constituait le moyen soulevé par la société R. au titre de la péremption d'instance. II - La Cour d'appel de Lyon rejette l'exception de péremption. Faut-il le rappeler, la péremption en prud'homale obéit à des règles spécifiques. matière En droit commun, la règle a été fixée par l'article 386 du CPC qui dispose que « l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ». En droit du travail, c'est l'article R.1452-8 du code du travail qui détermine les conditions de la péremption en ajoutant une condition qui n'existe pas en droit commun. La définition en est la suivante : « En matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. » XIV - D'autre part, elle a cru pouvoir retenir que le juge, en l'occurrence le bureau de conciliation, « avait expressément mis des diligences à la charge des seules sociétés R. et JM. » Le lecteur aura noté la nuance particulièrement restrictive de la définition en droit du travail, notamment l'emploi de la locution « n'est périmée que lorsque… », que l'on ne retrouve pas dans la définition de droit commun. Certes le bureau de conciliation avait demandé aux sociétés mises en cause de produire leurs bilans et leurs registres du personnel, ce qui constituait à l'évidence des diligences, comme l'a retenu la cour, mais il avait également enjoint au demandeur d'avoir à conclure pour le 25 janvier 2006, ce qu'il n'avait fait que le 18 décembre 2008, soit plus de deux ans après la notification de l'ordonnance du bureau de conciliation intervenue le 11 janvier 2006. Mais il importe surtout de relever que le droit du travail impose aux parties une condition supplémentaire pour que l'exception de péremption soit retenue : il faut que les diligences dont le défaut justifie que l'instance soit déclarée périmée, aient été « expressément mises à leur charge par la juridiction » En d'autres termes, la péremption ne peut être utilement soulevée que si et seulement si l'une des parties n'a pas respecté ou exécuté l'ensemble des diligences que le juge lui a demandé d'accomplir. Fort de ce constat, la cour aurait dû admettre que le demandeur avait été défaillant puisqu'il n'avait pas respecté l'obligation mise à sa charge par le bureau de conciliation. La jurisprudence sociale est particulièrement bien fixée en la matière : si aucune diligence n'est mise à la charge des parties, la péremption ne sera pas constatée par le juge (Cass. soc., 6 décembre 2011, n°10-14.513). Mais la cour en a décidé autrement en affirmant que la transmission de conclusions du demandeur ne constituant pas une diligence « particulière », le demandeur n'était soumis finalement à aucune obligation… En revanche, si les diligences n'ont été accomplies que partiellement, la péremption sera acquise (Cass. soc., 28 février 2012, n°10-26.562). La position de la cour peut syllogisme suivant : Malgré la constance de ces principes, la Cour d'appel de Lyon a écarté sèchement le moyen en s'appuyant sur deux points : 1 - Le dépôt de conclusions ne constitue pas une diligence « particulière » en procédure sans représentation obligatoire ; - D'une part, elle a considéré, contre l'évidence, que « dans la procédure sans représentation obligatoire, la transmission de conclusions et du bordereau de communication des pièces ne constitue pas une diligence particulière » 2 - Or, bien que le juge a enjoint au demandeur de conclure, cette situation ne peut être considéré comme constituant une diligence mise à sa charge ; 3 - Donc l'instance n'est pas périmée du seul fait que le demandeur n'a pas conclu dans le délai de deux ans… Or, il est admis de longue date que, même dans le cadre de la procédure dite orale (sans représentation obligatoire, pour reprendre la formule de la cour), le dépôt de conclusions écrites constitue une diligence… Les règles de procédure sont en principe destinées à garantir les droits des parties au procès, quelles qu'elles soient. La jurisprudence est là-encore, bien établie. Cass. Cass. Cass. Cass. soc., soc., soc., soc., donc se résumer par le 5 janvier 2011, n°09-72.378 24 juin 2009, n°08-43.770 9 mars 2005, n°02-46.319 11 juin 2002, n°00-42.654 A ce titre, il importe au juge de les faire respecter quand bien même celles-ci conduiraient à ne pas examiner le fond d'un dossier. Elles ne doivent donc pas être détournées au profit de tel ou tel intérêt car leur mise en oeuvre participe au respect fondamental des droits de la défense. La Cour d'appel de Lyon a donc entendu prendre une position radicalement contraire à celle de la Haute Cour. Pour ce faire, elle n'a pas hésité à préciser que le dépôt de conclusions ne constitue pas une diligence « particulière ». Cet ajout à la définition réglementaire a toute son importance ! Olivier BARRAUT Avocats au Barreau de Lyon SELAS Jacques Barthélémy et associés [email protected] La cour n'ignore pas qu'il est fréquent que la radiation est prononcée justement en raison du défaut de communication des conclusions. Or, en soumettant la péremption au respect d'une diligence « particulière », la cour a exprimé sa volonté d'exclure de sa propre définition, la simple communication de conclusions. XV PRINCIPAUX ATTENDUS que dans la procédure sans représentation obligatoire, la transmission des conclusions et du bordereau de communication des pièces ne constitue pas une diligence particulière dont l'inexécution pendant le délai de péremption serait susceptible de permettre de constater l'extinction de l'instance ; « Attendu que le groupe au sein duquel les possibilités de reclassement doivent être recherchées en cas de licenciement pour motif économique, ne se confond ni avec le groupe résultant de l'application de l'article L.233-3 ou de l'article L.233-16 du code de commerce ni avec le groupe juridiquement défini par l'article L.2331-1 du code du travail relatif à la constitution du comité de groupe ; mais s'entend de l'ensemble formé par les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; (…) que l'ordonnance du bureau de conciliation du 11 janvier 2006 avait expressément mis des diligences à la charges des seules sociétés R. et JM. ; que l'exception de péremption soulevée par Maître R. en qualité de mandataire ad hoc de la S.A.R.L. R. sera donc écartée. » Attendu que selon l'article R.1452-8 du code du travail, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale, section A, 8 février 2012 n°11/01406 à 11/01409 Responsables de la rédaction : Pierre Masanovic Yves Fromont Fromont Briens SCP Antigone Avocats 60, rue Jaboulay, 69007 LYON tél : 04-78-72-27-29 40, rue de Bonnel, 69003 LYON tél. : 04-78-62-15-00 XVI