Veille juridique Novembre 2016 - Fédération des Entreprises du
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Veille juridique Novembre 2016 - Fédération des Entreprises du
VEILLE JURIDIQUE EN ENTREPRISE N°004/DJSF/2016 de Novembre 2016 Département Juridique, Social et Fiscal L’inflation normative qui s’observe dans presque tous les secteurs de la vie nationale est susceptible de désorienter plus d’uns. Il en résulte une nécessité d’une expertise juridique et réglementaire pour en assurer une gestion efficace et efficiente. La veille juridique est une activité de suivi et d’anticipation des réglementations nationales ou internationales susceptibles d’avoir une influence sur les activités ou sur la stratégie des entreprises. Elle constitue désormais l’une des voies de communication de la Fédération des Entreprises du Congo, FEC en sigle. PROBLEMATIQUE DE LA CONFORMITE DES AVIS A TIERS DETENTEURS AU DROIT OHADA Les avis à tiers détenteur (ATD) figurent parmi les procédures particulières en droit fiscal congolais. Ils constituent des actes de poursuite visant les sommes, valeurs ou revenus appartenant au redevable ou à l’assujetti et qui se trouvent entre les mains d’un tiers. Ce dernier a l’obligation de donner au Receveur concerné l’information sur tous les éléments patrimoniaux du redevable qu’il détient et il doit le faire dans le délai lui imparti. Faute par lui de le faire, il sera poursuivi en lieu et place du redevable. Le tiers détenteur est également tenu d’opérer le paiement, à l’acquit du redevable, en se servant des éléments patrimoniaux de ce dernier qu’il détient. Ainsi compris, l’ATD constitue respectivement une mesure conservatoire dès qu’il est notifié au tiers détenteur, une sommation pour ce dernier à déclarer tout ce qu’il détient ou est susceptible de détenir pour le compte du débiteur; une sommation à payer à l’Etat la créance en charge du débiteur à partir des sommes ou valeur qu’il détient pour le compte de ce dernier et une mesure d’exécution dès l’expiration du délai légal. Les dispositions de l’article 10 du Traité OHADA et celles de l’article 336 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) prônent l’abrogation de toute disposition du droit interne d’un Etat Partie qui serait contraire ou semblable à une disposition d’un Acte Uniforme. Or, un grand nombre de normes fiscales sont soit contraires, soit semblables aux normes contenues dans l’AUPSRVE. A titre illustratif: Aux termes des articles 54 et 55 de l’AUPSRVE, la saisie conservatoire est en principe autorisée par voie juridictionnelle, excepté les cas pour lequel le créancier dispose d’un titre exécutoire. En droit fiscal congolais, le Receveur principal ou urbain d’une régie financière a le pouvoir de pratiquer une saisie conservatoire; Une simple lettre du Receveur de la DGI ou de la DGRAD suffit pour contraindre le tiers détenteur à fournir l’information sur le patrimoine du débiteur qu’il détient et à procéder, à l’expiration du délai requis, au paiement de la créance mise à la charge dudit débiteur. Pourtant, le droit OHADA requiert plusieurs formalités qui font défaut dans la procédure du recouvrement, par contrainte, des créances du Trésor public. En effet, aux termes de l’article 157 de l’AUPSRVE, le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier ou à l’agent d’exécution. Fédération des Entreprises du Congo, 10. Avenue des Aviateurs, Kinshasa - Gombe, RDC Tél. (+243)812488909 - Email: [email protected] - Site web: www.fec-rdc.com Portail économique: www.congobusinessrdc.org VEILLE JURIDIQUE EN ENTREPRISE Cet acte contient, à peine de nullité: L’indication des noms, prénoms et domiciles des débiteurs et créancier ou, s’il s’agit de personnes morales, de leurs formes, dénomination et siège social; L’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée; Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation; L’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes saisies dans la limite de ce qu’il doit au débiteur; La reproduction littérale des articles 38, 156, 169 à 172. L’ATD que les Receveurs lancent aux Banques commerciales ne contient pas toutes ces mentions pourtant substantielles pour sa validité. L’article 160 de l’AUPSRVE exige que la saisie soit dénoncée au débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution dans un délai de huit jours, sous peine de caducité. Or l’ATD ne l’est pas. Il accorde simplement huit jours au débiteur de s’exécuter et, à défaut, au tiers saisi de payer à l’Etat les sommes, valeurs ou revenus appartenant audit débiteur . Cette situation de la non-conformité du droit fiscal au droit OHADA a amené la République de la Côte d’Ivoire à solliciter un Avis consultatif de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, CCJA en acronyme, sur un certain nombre de questions liées à l’application de la législation OHADA et plus précisément en rapport entre cette législation et les normes juridiques édictées en droit interne. Cette demande d’Avis consultatif formulée suivant la lettre n°137/MJ/CAB3/KK/MB du 11 octobre 2000 du Ministre Ivoirien de la Justice, a été enregistrée au Greffe de la CCJA sous le n°002/2000/EP du 19 octobre 2000. Page 2 La République de la Cote d’Ivoire avait posé quatre questions fondamentales dont la dernière (4-g) était formulée comme suit: « Article 336 de de l’Acte uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d’exécution: « Le présent Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties » . « Quel est le sort des procédures fiscales contentieuses ? » En date du 30 avril 2001, la CCJA a émis l’Avis consultatif n°001/2001/EP qui a répondu, entre autres, à la quatrième question posée par la République de la Côte d’Ivoire de la manière suivante: « 4g: Le droit fiscal ne fait pas partie à ce jour des matières rentrant dans le domaine du droit des affaires harmonisé tel que défini par l’article 2 du traité relatif à l’harmonisation du Droit des Affaires en Afrique. Toutefois, si les procédures fiscales postérieures à la date d’entrée en vigueur de l’Acte uniforme concerné mettent en œuvre des mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement déterminées par ledit Acte Uniforme, ces procédures fiscales doivent se conformer aux dispositions de celui-ci » Au regard de la formulation de l’article 10 du Traité OHADA, de l’article 336 de l’AUPSRVE et de l’Avis consultatif de la CCJA, deux questions fondamentales méritent d’être posées. A la première question de savoir si les procédures fiscales congolaises en matière de recouvrement des créances sont-elles abrogées par les dispositions de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, Maître Emile Lambert OWENGA ODINGA, dans son ouvrage intitulé « Huit questions récurrentes de Droit fiscal congolais », répond en faisant la part des choses entre les normes de procédures qui renvoient au droit commun et celles ayant une connotation purement fiscale. En effet, selon cet Auteur, depuis l’entrée en vigueur de la législation OHADA en RDC, les dispositions légales qui organisent des normes de Fédération des Entreprises du Congo, 10. Avenue des Aviateurs, Kinshasa - Gombe, RDC Tél. (+243)812488909 - Email: [email protected] - Site web: www.fec-rdc.com Portail économique: www.congobusinessrdc.org N°004/DJSF/2016 de Novembre 2016 expressément ou tacitement aux normes de droit commun sont en principe abrogées. Cependant, suivant l’article 337 de l’AUPSRVE, il y a survivance des dispositions procédurales fiscales renvoyant aux normes de procédures de droit commun au regard des actions et procédures initiées avant l’entrée en vigueur de la législation OHADA en RDC. Autrement dit, la législation procédurale congolaise continue à trouver application au regard des mesures conservatoires, mesures d’exécution et des procédures de recouvrement, engagées avant le 12 septembre 2012. Il s’agit des mesures contraires ou semblables aux dispositions de l’AUPSRVE. En revanche, poursuit l’Auteur, les normes de procédures purement fiscales contraires ou semblables aux dispositions de l’AUPSRVE ne sont pas abrogées pour des raisons ci-après: Les Etats membres de l’OHADA n’ont pas encore mis en place un Acte Uniforme relatif au Droit fiscal. Jusqu’à ce jour, ces Etats refusent d’aliéner leur souveraineté dans ce domaine; Les recettes fiscales, non fiscales et douanières constituent les principales sources des revenus de l’Etat congolais; Les régies financières ne peuvent pas être dépossédés du pouvoir exorbitant de droit commun dont elles ont besoin pour mobiliser les recettes; Les finances publiques ne peuvent pas être soumises au régime de droit privé. Tout en saluant l’effort intellectuel fourni par l’Auteur pour faire le distinguo entre les normes des procédures fiscales qui renvoient expressément au droit commun de celles qu’il considère comme étant purement fiscales, Je ne partage cependant pas les conclusions qu’il en tire. En effet, le libellé de l’article 336 de l’AUPSRVE est sans équivoque et ne fait pas cette distinction. En effet, l’AUPSRVE abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties. Page 3 A la deuxième question de savoir quelle est la portée de l’Avis consultatif de la CCJA du 30 avril 2001, Maître Emile Lambert OWENGA pense, à juste titre, que les termes usités par la CCJA dans son Arrêt, à savoir: « Procédures fiscales postérieures à la date d’entrée en vigueur de l’Acte uniforme concerné », signifient que les actes de procédure que l’Administration fiscale ou des recettes non fiscales prendra conformément à la législation fiscale, après l’entrée en vigueur de l’AUPSRVE, doivent se conformer à cet Acte uniforme. Cette position s’harmonise bien avec les dispositions de l’article 337 de l’AUPSRVE et les juridictions congolaises ont compris les choses selon cette interprétation. Et, c’est dans ce sens qu’elles appliquent désormais la loi. Certains juristes arguent qu’il ne s’agit là que d’un Avis consultatif dépourvu d’intérêt et d’autorité. A ce sujet, Jérémie WAMBO, dans son livre intitulé « La Procédure consultative devant les juridictions communautaires africaines: Cas de la CCJA », leur répond en ces termes: « Mais, peut-on soutenir que le fait que les avis consultatifs soient facultatifs les dépourvoit de leur intérêt ou de leur autorité? Nous ne le pensons pas. En réalité, ces avis, même de manière détournée, s’imposent, dans la mesure où la haute juridiction, appelée à sanctionner les diverses violations, pourrait être amenée à casser les décisions ayant passé outre les avis pourtant sollicités, et imposer la position initialement indiquée dans les dits avis, en usant de son pouvoir d’évocation ». De ce qui précède, la Fédération des Entreprises du Congo espère vivement que le législateur congolais se fera la conviction d’harmoniser les dispositions de la législation fiscale relatives au recouvrement et voies d’exécution avec celles de l’Acte Uniforme qui organise ces matières. Me Etienne UTSHUDI LUTULA Directeur-Chef de Département Juridique, Social et Fiscal Fédération des Entreprises du Congo, 10. Avenue des Aviateurs, Kinshasa - Gombe, RDC Tél. (+243)812488909 - Email: [email protected] - Site web: www.fec-rdc.com Portail économique: www.congobusinessrdc.org