1 Les vérités des sciences de la nature Le concept de vérité

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1 Les vérités des sciences de la nature Le concept de vérité
Les vérités des sciences de la nature
Le concept de vérité scientifique est au premier abord un concept équivoque.
D’une part parce qu’il est nécessaire de distinguer entre les sciences de la nature,
qui ont pour objet des phénomènes naturels, qui existent, qui sont des donnés avant
toute mise en observation, et les sciences mathématiques dont les objets sont des
créations de l’esprit. Tel est le raisonnement que nous suivrons au cours de ce
chapitre et le suivant : « les vérités des mathématiques ».
D’autre part, parce qu’il y a une certaine continuité de la connaissance sensible à la
connaissance scientifique. C’est une manière de se poser la question à nouveau de
« l’insincérité sincère » et de l’universalisme..
La recherche systématique de savoirs scientifiques n’est apparue que tardivement au
prix d’une longue évolution des mentalités.
Les mythes métaphysiques portant sur la constitution de l’univers avaient satisfait la
curiosité qui consiste à vouloir expliquer la nature. On s’attachait alors plus au
« pourquoi » qu’au « comment ». Les savants ont été longtemps d’abord des
philosophes. Nous pensons particulièrement au Timée de Platon et de son
démiurge, "forgeant l’âme du monde ". On concevait alors la science comme une
« philosophia naturalis » : jusqu’à Descartes, Leibniz, et même Newton (qui paraît-il
était alchimiste pendant un temps), on a prétendu déduire la science de la
métaphysique. L’arbre de la science prenant ses racines dans la métaphysique
comportait la mécanique (science des mouvements et de l’étendue de l’univers)), la
médecine (science de la nature humaine) et la morale (la science de l’âme et des
passions humaines).
La nécessité de soumettre le savoir à la réalité du donné n’est apparu qu’avec
l’émergence de la méthode expérimentale, avec l’Encyclopédie notamment et surtout
Kant qui a écrit une philosophie de la rupture de l’ordre de la science d’avec l’ordre
de la métaphysique en les plaçant l’une et l’autre sur des plans essentiellement
différents concernant des finalités différentes.
Accomplissant cette rupture avec les attaches métaphysiques, Auguste Comte
donnait sa théorie de la science positive, et Claude Bernard surtout établissait la
science de la méthode expérimentale.
Désormais la science se refuse à traiter des origines aussi bien que des fins
attribuées à la nature, son objet est la recherche d’une vérité proprement et
spécifiquement scientifique : l’adéquation d’une pensée et de son objet à condition
que celle -ci puisse être démontrée par des preuves rationnelles et expérimentales.
Pouvoir reproduire telle ou telle expérience avec les mêmes résultats reconnus par la
communauté scientifique devenait la preuve de « l’universalisme » de la découverte.
Il ne faut cependant pas croire, nous semble- t- il, que les sciences constitueraient
une connaissance directe sans la médiation de conditions et de postulats président à
l’approche scientifique de la réalité.
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L’idée même de « nature » évoque l’idée de quelque chose qui naît d’une chose
semblable qui a une consistance par soi, des caractères constants susceptibles
d’être vérifiés expérimentalement, y compris dans un monde en perpétuel
changement apparent. Le grec Phusis désignait un développement dans la
continuité.
Mais l’ordre lui-même de la nature ne dépend d’aucune intention pour les
scientifiques, leur préoccupation n'est pas d'en chercher le sens. Il manifeste une
idée de la distribution de phénomènes naturels dans un temps continu et dans un
espace à trois dimensions, homogène et isotrope. Et c’est avec Euclide que cet ordre
géométrique tridimensionnel apparaîtra, au troisième siècle avant J-C, comme ne
devant plus être remise en question avant le XXéme siècle.
Même en parlant de « Lois », par exemple celle d’Archimède, dont on parle
aujourd’hui plutôt du principe, la communauté des philosophes et des savants vont
déduire de la constance essentielle à la relation naturelle, sous-entendue par la
conception de la nature comme un ordre de Dieu, même après la rupture que nous
signalions plus haut : Auguste Comte, malgré tout son positivisme, se livre à des
considérations timidement métaphysiques, et Kant, fils de pasteur, conclut parle de
métaphysique.
C’est à Laplace que nous devons au début du XXéme siècle, cette vision du monde
naturel, en inventant la notion de « grande hypothèse « . Ce statut « d ’hypothèse »
indique bien qu’il s’agit non d’une vérité mais d’un postulat toujours provisoire
supposant la constance des phénomènes naturels et de leurs relations justifiant
l’observation et l’expérimentation. L’universalité de la communauté scientifique n’est
ce qu' elle s’accorde provisoirement. De grandes hypothèses mineures prennent
parfois l’allure de « théorie », source de cinglantes batailles entre scientifiques
ancrés dans leur vision précedentes, celles du groupe auquel ils appartiennent
comme les académies ou les sociétés scientifiques de tous ordres. Ils s’opposent
alors à toute nouvelle découverte qui bouleverse leur vision du monde ; l’histoire est
pleine de ces refus, blocages et condamnations qui justifient notre examen des
valeurs par la croyance en des vérités que nous faisons nôtres pour fonder notre
personnalité et justifier nos injustices injustifiables de fait vis à vis d’autrui et ce, au
nom du réalisme scientifique même porteur de Vérité « sine qua non ».
Pourtant Claude Bernard, dans son essai sur la méthode expérimentale, avait bien
nié la possibilité d’une vérité scientifique absolue en montrant qu’elle est seulement
relative aux grandes hypothèses et aux résultats d’une recherche toujours ouverte,
toujours provisoire.
C’est dans cette vision que d’honnêtes et loyaux savants, utilisant de plus en plus
dans leur recherche des « instruments mathématiques » nouveaux, ont pu émettre
des hypothèses de plus en plus hardies, bouleversant les découvertes précédentes,
quitte à ce qu’elles coexistent avec celles qui ont donné naissance à des techniques
dont nous sommes les usagers aujourd’hui. Nous pensons aux hypothèses mineures
comme la théorie de là relativité restreinte, celle de la théorie de la relativité
généralisée la mécanique ondulatoire, la théorie moléculaire la théorie de l’évolution
et bien sûr la théorie des quanta ou la théorie de l’espace- temps qui rompt
radicalement avec la théorie de la gravitation.
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Il peut même arriver que ce soient les grandes hypothèses qui semblent ne plus
correspondre à certains phénomènes. Par exemple les théories de la mécanique
ondulatoire de Louis de Broglie, ou l’indéterminisme de Heisenberg qui semblent
dépasser les exigences causales du déterminisme puisque des zones d ’incertitude
dans la progression d ’éléments infiniment petits ont pu être décelés. Certains
savants ont pu se demander si ce type d’indétermination ne représentait pas une
« sorte » de Liberté ?
En biologie moléculaire certains ne se heurtent-ils pas à des manifestations qui ont
toute l’apparence de la finalité, cette finalité qui intégrerait en fin de compte une
intention métaphysique dans la vie et l’interaction des cellules ? Ils parlent pas
exemple de « téléonomie « .on parle « d’enzyme messagers », comme si ces mots
n’étaient pas des vecteurs d’intention et de finalité. Ce faisant ils sont entrés dans le
monde du "comme si".
En tout état de cause, il arrive le plus souvent que l’attitude scientifique devienne un
« problème de moralité », d’autant que les vérités atteintes, toute provisoirement
universelles, en dernier ressort font partie de la Liberté, que si on la reconnaît pour
soi même l’on se doit du même élan la reconnaître pour les autres.
La recherche expérimentale dans les vérités de la nature, souvent nées de
l’observation des vérités sensibles, n’est pas vierge de toute morale ou de toute
métaphysique…elle n’est donc fondée en rien à justifier le Bien, le Beau, le Laid, le
Mal…comme par une transposition de l’attitude scientifique.. Et encore moins à en
condamner la recherche philosophique ou métaphysique comme une préoccupation
futile ou condamner les mots des autres qui ne deviennent pas plus des idées dés
lors qu’ils ne sont pas prononcés avec une attitude scientifique. A l’inverse
l’approche scientifique, par l’effort de réflexion qu’elle représente, est d’un apport
utile même pour les problématiques d’ordre métaphysiques. C’est un angle de vue
nécessaire mais pas suffisant. Il en ressort qu’il y a une complémentarité. On ne
s’enrichit que de différences si l’on élargir l’étendue de son entendement.
Il nous faut maintenant nous attacher aux « vérités mathématiques ».comme pure
création de l’esprit et non comme justificatif des Vérités.
René Polin
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