Dossier technique du CHNC : emissions-de-gaz-a-effet-de
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Dossier technique du CHNC : emissions-de-gaz-a-effet-de
Dossier technique ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE SOMMAIRE 1 / ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE EN BREF 2 / DÉVELOPPEMENT 3 / ORDRES DE GRANDEUR ET DONNÉES GÉNÉRALES 4 / RÉGLEMENTATION 5 / CONCLUSION 6 / RÉFÉRENCES Mise à jour juillet 2015 1 / 11 1 / ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE EN BREF Ce dossier technique se base sur les retours de l'expérience américaine en matière d'exploitation de gaz et pétroles de schiste, qui y a connu un développement exponentiel depuis le milieu de la première décennie des années 2000. Comme toute activité industrielle, l'exploitation des Hydrocarbures non conventionnels (HNC) libère dans l’atmosphère des gaz à effet de serre (GES). Le méthane (CH4), principal composant du gaz naturel et le dioxyde de carbone (CO2), qui est un gaz de combustion, en sont les principaux contributeurs. Tout au long de la chaine de production et distribution des HNC, les différentes activités sont à l’origine d’émissions, parmi lesquelles on distingue : • Les émissions liées à l’exploitation des gaz et pétroles de schiste, depuis la phase initiale de production jusqu'à leur transport et leur distribution. Les émissions interviennent à la mise en production des hydrocarbures lors du processus de séparation des effluents de production (fluide de fracturation et gaz ou pétrole) ; sur les réseaux d’acheminement du gaz, ce sont essentiellement des fuites qui en sont à l'origine. • Les gaz d'échappement des moteurs, pour la plupart Diesel, utilisés sur le site : il s'agit des camions transportant les matériels et matériaux d’exploitation, des pompes utilisées pour le forage et la fracturation hydraulique, ainsi que des générateurs électriques éventuellement utilisés. La nature de ces émissions n'est pas différente de celles observées sur les exploitations d'hydrocarbures conventionnels car les gaz émis sont identiques. Il s’agit essentiellement du méthane (CH4), et du gaz carbonique (CO2). Le grand nombre de puits et les techniques utilisées pour exploiter les HNC ont conduit l'administration américaine à renforcer progressivement la législation en vigueur, notamment par l’utilisation de séparateurs fermés, obligatoires pour toute nouvelle installation depuis le 1er janvier 2015 : cette règlementation impose désormais d'utiliser un dispositif de capture des gaz à la sortie des puits, lors des opérations de mise en production, au lieu des cuves ouvertes majoritairement utilisées jusqu’alors pour dissocier le gaz de l’eau et des autres composants. En revanche, les fuites éventuelles liées aux réseaux de transport et distribution sont plus difficiles à traiter, du fait de la très grande longueur des gazoducs déjà installés sur tout le territoire des Etats-Unis (plus de 1.5 million de miles1, soit plus de 2.4 millions de km de réseau de transport et distribution), mais des efforts importants sont réalisés également dans ce domaine. 2 / DÉVELOPPEMENT Gaz à effet de serre (GES) : ce sont des gaz qui absorbent partiellement le rayonnement infrarouge émis par la surface de la terre, en le réémettant en partie vers l’espace et en partie vers la terre, ce qui augmente la température au sol. Plus d’une quarantaine de gaz à effet de serre ont été recensés par le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC). Parmi les principaux figurent la vapeur d'eau (H2O), le méthane (CH4) et le dioxyde de carbone (CO2), à lui seul responsable de l’essentiel de l'effet de serre (à hauteur de 80% pour l’effet de serre total, mais à 56% de l’effet de serre additionnel contribuant au changement climatique). Méthane ou dioxyde de carbone … quel est le gaz à l’effet de serre le plus puissant ? La réponse n’est pas si simple car elle dépend de la période de référence considérée, et les mesures d’impact font l’objet de débats au sein de la communauté scientifique. Pour les appréhender, on a recours à deux types de grandeurs : • 1 Le Potentiel de Réchauffement Global (PRG) ou Global Warming Potential (GWP), qui mesure la capacité d'un gaz à contribuer au réchauffement (les gaz ont un PRG très variable selon leur composition : si l'on attribue au CO2 un PRG de 1, le méthane a alors un PRG de 25 (récemment réévalué par le GIEC à 34), donc environ 30 fois supérieur à celui d'une même quantité de CO2) ; de plus, le PRG est défini sur un EPA "U.S. Greenhouse Gas Inventory Report: 1990-2013" 2 / 11 intervalle de temps donné (en général 100 ans, parce que cela correspond à la durée de vie du CO2, mais cela peut être 10 ou 20 ans et dans ce cas les valeurs du PRG sont différentes, en l’occurrence 108 pour 10 ans et 86 pour 20 ans dans le cas du méthane, contre 34 pour 100 ans) ; l'intervalle de temps considéré est un élément très important et il est nécessaire de bien le définir dans les études comparatives (c'est d'ailleurs une source de discussions entre les experts). Pour comparer l'effet de serre des différents gaz entre eux, les scientifiques raisonnent "en équivalent CO2" qui prend en compte une période de référence de 100 ans. On considère ainsi que 1 million de tonnes de méthane équivalent à 30 millions de tonnes de CO2. • Leur temps de résidence dans l’atmosphère, c'est-à-dire le temps nécessaire pour que leur concentration diminue de moitié : le CO2 a une durée de séjour de 100 ans, le méthane de 8 à 12 ans. Le méthane a donc un effet de serre plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2) ; celui-ci est cependant le principal contributeur des GES additionnels2, car il est émis en plus grande quantité. Deux grandes sources d’émissions de gaz à effet de serre dans l’industrie pétrolière Les émissions de gaz à effet de serre par l'industrie du pétrole et du gaz sont d’une part liées au processus même de l'activité tout au long de la chaine, depuis l'exploitation jusqu'à la distribution du gaz et d’autre part, aux moteurs Diesel utilisés sur les sites d’exploitation pendant les phases d’exploration et de développement. 2.1. Emissions de gaz à effet de serre le long de la chaine de production-distribution des Hydrocarbures Non Conventionnels Le gaz en question est ici essentiellement le gaz naturel, en l’occurrence du méthane (CH4), avec, dans une plus faible proportion, de l'éthane (C2H6), voire du propane (C3H8) et du butane (C4H10). Les fuites de gaz dans l'atmosphère sont de deux ordre : structurelles, car inhérentes au processus d’exploitation, ou fortuites, c’est- à-dire non intentionnelles et liées à des défaillances de la structure. 2.1.1. Les émanations structurelles Au tout début de la mise en production intervient la phase de dégorgement du puits, celle ou reflue vers la surface l’eau injectée pour la fracturation hydraulique, mêlée aux hydrocarbures (gaz et pétrole issus du gisement) ainsi qu’aux différents résidus de sable et autres minéraux que l’on doit séparer. L'opération de séparation de ces effluents3 intervenait jusqu’ici en milieu ouvert, c’est-à-dire dans des cuves ouvertes à l’air libre, où les gaz se dispersent dans l’atmosphère, le temps nécessaire à la stabilisation de la production d'hydrocarbures et à leur évacuation dans les réseaux de transport, soit une durée de quelques jours. Beaucoup d'installations ne sont en effet pas toujours conçues pour permettre dès la mise en production la capture de ces gaz, qui sont donc libérés dans l'atmosphère. Ceci reste vrai pour beaucoup d'installations antérieures à 2012. Sur l'ensemble des installations, mais plus particulièrement celles liées au transport du gaz, il faut noter l'importance des émanations à partir des vannes pneumatiques qui jalonnent les canalisations : ce sont des vannes qui fonctionnent en utilisant l'énergie fournie par la pression régnant dans les canalisations et qui libèrent à chaque opération d’ouverture/fermeture une petite quantité de gaz dans l'atmosphère. Des émanations se produisent également lors de la purge des installations (en anglais, "gas venting"), une intervention qui s’avère parfois nécessaire pour libérer le gaz contenu à l’intérieur des canalisations, avant une opération de maintenance par exemple. Cette opération peut être comparée aux purges effectuées dans les canalisations d’eau lorsque l’on doit intervenir pour réparer une fuite d’eau. Afin de limiter l'effet de serre des émissions de méthane, celui-ci peut être "torché", c’est-à-dire "brûlé à la torche" et - sous l’effet de la combustion - se transformer en dioxyde de carbone (CO2), qui est un gaz à effet de serre moins puissant que le méthane. Dans le jargon professionnel, cette opération est appelée "gas flaring". 2 L’effet de serre additionnel est celui qui est généré par l’activité humaine depuis l’ère industrielle. 3 Les effluents sont l’ensemble des fluides liquides et gazeux, mélangés aux particules solides, produits par le puits pendant la phase de dégorgement. 3 / 11 Quand doit-on brûler le gaz à la torche ? Quatre opérations peuvent entraîner le brûlage à la torche : • Le brûlage de démarrage : le gaz est brulé, le temps de régler l'ensemble des installations en début de production ; dans le cas des hydrocarbures non conventionnels, cette opération intervient lors des opérations de reflux précédant la mise en production ; • Le brûlage de routine : le gaz associé à la production de pétrole est enflammé en continu- en l'absence de solutions alternatives ; • Le brûlage opérationnel : le gaz est brûlé lors d’arrêts programmés ou accidentels des installations ; • Le brûlage de sécurité : le gaz est évacué des installations en cas d'accumulation dangereuse, et enflammé immédiatement ; ce type de brûlage est rare mais difficilement évitable. La solution alternative : les séparateurs fermés ou "green completion" : Pour éviter la dispersion des gaz dans l’atmosphère, les opérateurs ont désormais recours à des séparateurs fermés, appelés "green completion" ou encore "Reduced Emission Completion – REC"4, dans le langage courant des opérateurs. Cette technologie récente a été mise en place pour limiter les rejets de gaz naturel dans l'atmosphère lors du dégorgement des puits. Le gaz, une fois séparé de l’eau et des autres effluents, est récupéré et évacué dans les réseaux de collecte ; si ceux-ci ne sont pas immédiatement disponibles, il est brulé par torchage dans l'attente de pouvoir être évacué. 2.1.2. Les émanations fugitives Ces émanations sont fortuites, c’est-à-dire qu’elles sont libérées dans l'atmosphère de façon non intentionnelle. Elles sont le fait de fuites de différentes natures, les plus classiques étant liées à la vétusté des installations (corrosion, soudures défaillantes…). Les émanations fugitives des forages • Condensats et "plunger lifts" Dans certains gisements de gaz de schiste se trouvent des condensats, hydrocarbures liquides associés au gaz et produits avec celui-ci : ils ont tendance à s’accumuler dans le puits et il faut les évacuer pour ne pas compromettre la production du gaz. On faisait appel jusqu’à présent à des techniques telles que celle du "gas-lift" pour les faire remonter à la surface, mais cette opération peut engendrer des fuites de gaz. On privilégie désormais le système des "plunger lifts", des pompes autonomes équipées d'un piston mécanique fonctionnant en circuit fermé avec la seule pression du gaz produit. Cette nouvelle technologie permet de réaliser une économie substantielle d'énergie et offre une excellente étanchéité, contribuant ainsi à diminuer les fuites de GES. • Les défauts d’étanchéité des puits Autre cas de figure, les fuites de méthane de certains puits présentant un défaut d'étanchéité lié à la mauvaise cimentation des casings (tubes installés dans le puits de forage). Du gaz peut se glisser dans les interstices liés à des défauts de cimentation et remonter le long du forage. Si de telles fuites ont été décrites à l'occasion de rares cas de pollution des aquifères superficiels, elles n'ont jamais pu être mises en évidence pour démontrer une fuite de gaz vers l'atmosphère. 4 Rachael Bunzey "Natural Gas and Green Completion in a Nut Shell", Energy in Depth, November 26, 2012 4 / 11 Les émanations fugitives des réseaux d’acheminement du gaz Outre ces fuites à partir des puits de production, on constate d’autre type d’émanations en provenance des réseaux de raccordement, de transport (longs de plusieurs milliers de kilomètres) et de distribution du gaz. L’ensemble des canalisations est jalonné de compresseurs et d'équipements qui peuvent laisser échapper le gaz lorsqu’ils fuient. La vétusté de certaines canalisations peut également être mise en cause (rouille, défaut de soudures etc…) ; dans les réseaux de distribution, l'utilisation croissante de canalisations en plastique permet de pallier ces défauts. Mais la très grande longueur des gazoducs déjà installés à travers le territoire des Etats-Unis (au total plus de 1.5 millions de miles5, soit plus de 2.4 millions de km, dont 500 000 km de plus depuis 1990), évacuant à la fois les gaz conventionnels et non conventionnels, rend difficile et à long terme les opérations de détection et de colmatage des fuites. 2.2. Emissions de gaz à effet de serre en provenance des moteurs Diesel (gaz d’échappement) En phase d’exploration et de développement des exploitations d'hydrocarbures, l’activité est intense sur les sites et de très nombreux moteurs Diesel sont utilisés : ceux des camions de transport qui acheminent les matériels et matériaux nécessaires, mais aussi des pompes utilisées lors du forage et pour la fracturation hydrauliques, ainsi que ceux, éventuels, des générateurs électriques. Ces moteurs sont une source non négligeable de CO2. En lieu et place des moteurs Diesel, les opérateurs privilégient de plus en plus une motorisation électrique afin d’actionner sur les chantiers les nombreux moteurs et pompes, utilisés notamment pour la fracturation hydraulique. Un autre axe de progrès consiste à mettre en place dans la mesure du possible des conduites pour acheminer l’eau sur le site, plutôt que d’avoir recours à un transport par camions fonctionnant au gazole. 2.3. Emissions de gaz à effet de serre (GES)6 aux Etats-Unis Une étude récente de l'EPA, publiée en février 2015, fait état de nouvelles données statistiques ainsi que d’analyses très détaillées, sur les émissions de l'industrie du gaz naturel ainsi que de l'industrie du pétrole aux Etats-Unis, pour les hydrocarbures conventionnels et non conventionnels dans leur ensemble, sans distinction. 2.3.1. Les émissions de GES par l’industrie du gaz naturel (C02 et CH4) aux Etats-Unis Pour mémoire, la production de gaz naturel aux Etats-Unis7 s'est élevée en 2013 à 689 milliard de m3. Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) se sont élevées à 37.8 millions de tonnes (Mt) en 2013, soit une augmentation de moins de 1% par rapport à 1990. Il s'agit essentiellement du CO2 issu des moteurs Diesel et des opérations de brûlage par torchage. Emissions de CO2 par l'industrie du gaz naturel (Mt CO2) Activités 1990 2005 2009 2010 2011 2012 2013 Production sur site 9.8 8.1 10.9 10.9 14.0 13.2 15.9 Traitement 27.8 21.7 21.2 21.3 21.5 21.5 21.8 Transport et stockage 0.1 0.1 0.1 0.1 0.1 0.1 0.1 + + + + + + + 37.7 29.9 32.2 32.3 35.6 34.8 37.8 Distribution TOTAL +: émissions < 0.1 Mt CO2 Les émissions de méthane (CH4) se sont élevées à 159.9 millions de tonnes (Mt) d'équivalent CO2 en 2013. Il s’agit du méthane produit par les industries d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, lors des opérations de production (forage), de traitement (exploitation) puis de transport et de distribution. 5 EPA "U.S. Greenhouse Gas Inventory Report: 1990-2013" et EIA "About U.S. Natural Gas Pipelines" 6 EPA "U.S. Greenhouse Gas Inventory Report: 1990-2013" 7 BP Statistical Review of World Energy June 2015 5 / 11 En 2013, on observe une diminution de 9% par rapport à 1990 (cf tableau ci-dessous). Cette baisse est essentiellement attribuée aux activités de production et de transport / distribution, notamment par l'utilisation croissante d'équipements de production dits "verts" et de pompes de type "plunger lift" au lieu de "gas-lift", ainsi que du remplacement partiel de pipelines métalliques par des matériaux en plastique. Emissions de CH4 par l'industrie du gaz naturel (Mt équivalent CO2) Activités 1990 2005 2009 2010 2011 2012 2013 Production sur site 55.4 71.0 64.4 59.2 54.2 52.8 49.5 Traitement 21.3 16.4 19.2 17.9 21.3 22.3 22.7 Transport et stockage 58.6 49.1 52.7 51.6 53.9 51.8 54.4 Distribution 39.8 35.8 34.1 33.5 32.9 30.7 33.3 175.1 171.9 170.4 162.2 162.3 157.6 159.9 TOTAL NB: les valeurs des émissions sont présentées en unités de masse équivalente de CO2 en utilisant les valeurs de l'IPCC AR4 GWP. Les valeurs représentent le CH4 émis dans l'atmosphère (le CH4 qui est capturé, brûlé, etc. et non émis dans l'atmosphère n'est pas pris en compte dans ce tableau). Analyse des émissions par activité : production, traitement, transport et stockage • Les activités de production de gaz naturel Méthane CH4 - Ces activités ont contribué à hauteur de 31% des émissions de méthane de l'industrie du gaz naturel (conventionnel et non conventionnel) aux Etats-Unis, soit 49.5 Mt d'Equivalent CO2 et ont connu une baisse moyenne de 11% sur la période allant de 1990 à 2013. Un résultat qui doit être compris de la façon suivante : d’abord en hausse, de 1990 à 2007, car liées au démarrage de la production des gaz et pétrole de schistes, les émissions évoluent ensuite à la baisse (35%), entre 2007 et 2013, suite à la mise en œuvre de procédés plus respectueux de l’environnement : le recours au torchage – remplaçant le dégazage à l'air libre – puis l’usage croissant d'équipements de production dits "verts" (en anglais "green completion" ou "complétions vertes"). Parmi eux, les pistons élévateurs ("plunger lifts"), qui permettent d’éviter les fuites de gaz lors de l’évacuation des liquides accumulés dans le puits, en les faisant remonter à la surface sans générer de perte de gaz. Dioxyde de carbone CO2 - Les activités de production sont à l’origine de 15.9 Mt, soit 42% des émissions de CO2 par l'industrie du gaz naturel, un chiffre en croissance de 63% entre 1990 et 2013, essentiellement attribué au torchage du gaz, en forte croissance pour éviter les émanations de méthane directement dans l'atmosphère (rappelons ici que le méthane est un gaz à effet de serre 30 fois plus puissant que le CO2 à moyen terme). • Les activités de traitement de gaz naturel Méthane CH4 - Les activités de traitement ont contribué à hauteur de 14% des émissions de méthane soit 22.7 Mt d'équivalent CO2, soit un résultat en hausse de 6% entre 1990 et 2013, lié en partie à des fuites des compresseurs qui 6 / 11 alimentent les innombrables voies d'accès au réseau principal de transport du gaz ; un chiffre représentatif de l’essor des gaz et pétrole de schiste et l’augmentation de sites de production. Dioxyde de carbone CO2 - Sur la même période, ces activités ont également contribué à hauteur de 58% des émissions de CO2 par l'industrie du gaz naturel, (21.8 Mt), soit une baisse de 22%. Celle-ci est plus difficile à analyser et semble due à une diminution de la quantité de CO2 extrait du gaz produit afin d'obtenir un gaz de qualité commerciale (ces chiffres sont globaux pour tous les gaz, qu'ils soient conventionnels ou non et rendent ainsi l'analyse plus délicate). • Les activités de transport et de stockage Méthane CH4 - Les activités de transport et stockage ont généré 34% des émissions de méthane, à hauteur de 54.4 Mt d'équivalent CO2, soit une baisse de 7% sur la période allant de 1990 à 2013. Ce résultat positif s’explique par la maintenance effectuée sur le réseau, notamment sur les compresseurs et le remplacement de nombreuses vannes pneumatiques qui jalonnent les canalisations (estimées à plus de 400 000)8. Dioxyde de carbone CO2 - Ces activités sont à l’origine d’une très faible part des émissions de CO2 (moins de 1% des émissions de CO2 par l'industrie du gaz naturel), soit 0.1 Mt. • Les activités de distribution Méthane CH4 - Les activités de distribution ont contribué à hauteur de 21% des émissions de méthane, soit 33.3 Mt d'équivalent CO2, une évolution en baisse de 16 % en 2013 par rapport à 1990 ; celle-ci s'explique principalement par l'utilisation croissante de canalisations en matières plastiques, assurant une meilleure étanchéité. Pour mémoire, l'étendue du réseau de distribution de gaz dépasse les 2 million de km, en croissance de 0.5 million de km depuis 1990. Dioxyde de carbone CO2 - Les émissions de CO2 provenant des activités de distribution sont de moins de 1% des émissions de dioxyde de carbone par l'industrie du gaz naturel. 2.3.2. Les émissions de GES par l’industrie du pétrole (C02 et CH4) aux Etats-Unis Cette même étude présente une analyse détaillée des émissions de gaz à effet de serre (GES) produite par l'industrie du pétrole. Pour mémoire, la production de pétrole aux Etats-Unis s'est élevée en 2013 à 448 Mt9. Dioxyde de carbone CO2 - Les émissions de dioxyde de carbone se sont élevées à 6.0 Mt en 2013, soit une croissance de 36% par rapport à 1990. L’industrie du pétrole aux Etats-Unis émet donc environ 6 fois moins de CO2 que celle du gaz. Méthane CH4 - Les émissions de méthane (production, transport et raffinage, sources conventionnelles et non conventionnelles confondues) se sont élevées à 40.4 Mt d'équivalent CO2 en 2013, soit une croissance de 32% par rapport à 1990. On peut retenir que le pétrole aux Etats-Unis contribue 4 fois moins que le gaz à l’émission de méthane. Ces chiffres en croissance sont liés à la forte expansion des exploitations de pétrole tirée par l’essor du non conventionnel pendant la période. Emissions de CO2 par l'industrie du pétrole (Mt CO2) Activités Production sur site Raffinage TOTAL 1990 2005 2009 2010 2011 2012 2013 0.4 0.3 0.3 0.3 0.4 0.4 0.5 4.1 4.6 4.4 3.8 4.1 4.7 5.5 4.4 4.9 4.7 4.2 4.5 5.1 8 EPA "Options For Reducing Methane Emissions From Pneumatic Devices In The Natural Gas Industry", 2006 9 BP Statistical Review of World Energy June 2015 6.0 7 / 11 Emissions de CH4 par l'industrie du pétrole (Mt équivalent CO2) Activités Production sur site Transport Raffinage TOTAL 1990 2005 2009 2010 2011 2012 2013 29.7 23.1 33.4 35.0 35.8 37.9 39.4 0.2 0.1 0.1 0.1 0.1 0.2 0.2 0.7 0.8 0.7 0.7 0.8 0.8 0.8 30.6 24.0 34.2 35.8 36.7 38.9 40.4 NB: les valeurs des émissions sont présentées en unités de masse équivalente de CO2, en utilisant les valeurs de l'IPC AR4 GWP. Analyse des émissions par activité : production, transport et raffinage • Les activités de production ont contribué à l'essentiel des émissions de CH4 de l'industrie du pétrole aux EtatsUnis (plus de 97%, soit 39.4 Mt d'équivalent CO2) ; il s'agit pour l'essentiel d'émissions à partir des séparateurs ouverts et des émissions des diverses vannes pneumatiques utilisées. Les émissions de CO2 s'élèvent à 0.5 Mt (il est à noter que le CO2 émis lors des opérations de torchage ont été comptées avec celles de l'industrie du gaz ci-dessus) ; • Les activités de transports ont contribué à 0.4% des émissions de CH4 de l'industrie du pétrole aux Etats-Unis (0.2 Mt d'équivalent CO2). Les émissions de CO2 sont quasiment nulles ; • Les activités de raffinage ont contribué à un peu plus de 2% des émissions de CH4 de l'industrie du pétrole aux Etats-Unis (0.8 Mt d'équivalent CO2). Les émissions de CO2 s'élèvent à 5.5 Mt, représentant ici 88% des émissions de cette industrie, du fait des opérations de torchage. 3 / ORDRES DE GRANDEUR ET DONNÉES GÉNÉRALES Quelques données publiées par l'EPA américaine10 : Les émissions de GES en 2013 aux Etats-Unis sont essentiellement dues au dioxyde de carbone (CO2 82.4%), suivies par le méthane (CH4 – 9.7%), puis par l'oxyde d'azote (N2O – 5.3%). En valeur absolue et toutes sources anthropiques (c’est-àdire résultant de l'activité humaine) confondues, les émissions de CO2 se sont élevées à 5 419 Mt aux Etats-Unis (à comparer avec 363 Mt en France) et celles de CH4 à 666 Mt éq. CO2 (à comparer avec 53 Mt éq. CO2 en France) - valeurs 2012. 10 EPA "U.S. Greenhouse Gas Inventory Report: 1990-2013" 8 / 11 Si l'on analyse les sources anthropiques du méthane introduit dans l'atmosphère aux Etats-Unis (654.1 Mt d'équivalent CO2), on obtient la répartition suivante : Le bétail (fermentation entérique) apparait comme la première source d’émanation de méthane (164.5 Mt d'équivalent CO2 - 25.1%), suivi par les systèmes de Gaz Naturel (rassemblant les installations de production, de transport et de traitement : 159.9 Mt d'équivalent CO2 – 24.4%), puis les décharges (114.6 Mt d'équivalent CO2 – 17.5%), les exploitations de charbon (64.6 Mt d'équivalent CO2 – 9.9%), l'industrie des Engrais (61.4 Mt d'équivalent CO2 – 9.4%), et enfin l'industrie pétrolière (rassemblant les installations de production, le raffinage et la distribution : 40.4 Mt d'équivalent CO2 – 6.2%). Rappelons qu’un million de tonnes de méthane a un effet de serre équivalent à environ 30 millions de tonnes de CO2. 4 / RÉGLEMENTATION Aux Etats-Unis La règlementation a beaucoup évolué au cours de ces dernières années, incitant les principaux acteurs de l’industrie des Hydrocarbures Non Conventionnels à prendre des mesures en matière de réduction de gaz à effet de serre. Elle a été mise en place au fur et à mesure de l’avancée de l’exploitation de cette nouvelle énergie, jusqu’alors inexpérimentée. Le "Clean Air Act" est la première législation fédérale aux Etats-Unis, mise en place en 1963, pour le contrôle de la pollution atmosphérique. De nombreux amendements sont venus régulièrement le compléter. Il donne autorité à l'EPA (Environment Protection Agency - Agence de Protection de l’Environnement aux Etats-Unis) pour définir les règlementations en la matière. Les "National Emission Standards for Hazardous Air Pollutants" (NESHAP), émis par l'EPA, fixent les limites quantitatives d'émission de polluants atmosphériques spécifiques, de façon à garantir la qualité de l'air et protéger la santé humaine. Il convient de noter spécifiquement une règlementation fédérale émise en 2012 par l’EPA, qui fixe les obligations de l’industrie des Hydrocarbures Non Conventionnels en matière de gaz à effet de serre, en deux grandes étapes : • Avant le 1er janvier 2015, l'industrie doit diminuer les émissions de composés organiques volatils (COV), soit en procédant au torchage des gaz à la sortie des séparateurs, soit en installant une complétion verte (séparateurs fermés); • A partir du 1er janvier 2015, l'industrie ne doit plus avoir recours au torchage des gaz à la sortie des séparateurs et doit les récupérer (par complétion verte) pour les valoriser. 9 / 11 En janvier 2015, l'EPA a émis de nouveaux objectifs de réduction des émissions de méthane et de COV par l'industrie pétrolière : une baisse de 40 à 45% des émissions de méthane par rapport aux niveaux de 2012 devrait être effective en 2025, sous réserve de ratification par le Congrès. Cela nécessitera un recours systématique aux complétions vertes et limitera le torchage à certaines situations particulières seulement. Au Canada : dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, le Canada s'est engagé en mai 2015 à réduire ses émissions de GES de 30% d'ici 2030 par rapport à 2005 et entend notamment réguler les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier. En Europe11 : l'émission d'hydrocarbures gazeux vers l'atmosphère est interdite et strictement contrôlée (sauf en cas de danger) et le torchage des gaz ne peut avoir lieu qu'après obtention d'une autorisation spécifique. Le potentiel résiduel de diminution des émissions de méthane est donc très faible en Europe. 5 / CONCLUSION Un tiers des émissions de gaz à effet de serre par les HNC se produisent au cours de la mise en production des hydrocarbures, lors du reflux des effluents liquides et gazeux. Jusqu’à présent, l’industrie américaine procédait aux dégorgements des puits dans des séparateurs ouverts qui provoquent la libération des gaz dans l’atmosphère. La législation américaine impose désormais, lors de la mise en production des nouveaux puits, l'utilisation de séparateurs fermés (ou "green completion"), qui permettent de capter le gaz au lieu de le laisser s'échapper dans l'atmosphère. Autres sources d’émission, les fuites, liées à des défauts d’étanchéité et à des problèmes de maintenance sur les nombreuses canalisations des réseaux de raccordement, de transport et de distribution du gaz. Elles sont plus difficiles à résoudre compte tenu de la longueur des gazoducs, évalués à plus de 2.4 millions de kilomètres, mais une série de mesures y contribuent (comme par exemple le remplacement de canalisations en métal par des matériaux en plastique). Enfin, sur les sites de forage lors des opérations d’exploration et de développement précédant la mise en production, de nombreux moteurs Diesel sont utilisés (camions, pompes, générateurs électrique), qui émettent du dioxyde de carbone (CO2). Afin de réduire ces émanations, on privilégie de plus en plus de générateurs électriques. La règlementation peut jouer un rôle déterminant, en fixant les limites admissibles en matière d'émissions. Elle fait l'objet de constants ajustements aux Etats-Unis, contribuant à diminuer les niveaux d'émissions constatés. Ainsi, malgré le développement des exploitations de gaz de schiste aux Etats-Unis sur la période de référence, les émissions de méthane par l'industrie du gaz naturel ont baissé de 9% entre 1990 et 2013. Ces émissions devraient encore continuer à baisser, suite à la nouvelle règlementation fédérale émise en 2012 par l’EPA, imposant à partir du 1er janvier 2015 un recours systématique aux complétions vertes et limitant le torchage à certaines situations particulières. Au-delà, l'EPA a émis de nouveaux objectifs de réduction des émissions de méthane et de Composés Organiques Volatils par l'industrie pétrolière, sous réserve de ratification par le Congrès : une baisse de 40 à 45% des émissions de méthane par rapport aux niveaux de 2012 devrait ainsi être effective en 2025. En Europe et notamment en France, si une exploitation d'hydrocarbures non conventionnels devenait réalité, la règlementation mise en place permettrait d'éviter environ un tiers des émissions constatées aux Etats-Unis (il convient de rappeler à cet égard que l'émission d'hydrocarbures gazeux vers l'atmosphère est déjà interdite - sauf en cas de danger et strictement contrôlée et que le torchage des gaz ne peut avoir lieu qu'après obtention d'une autorisation spécifique). Enfin, le bilan global de l’exploitation du gaz de schiste en termes d'émissions de gaz à effet de serre doit être apprécié au regard des substitutions qu’il peut permettre d’engager, notamment avec une réduction du recours au charbon (qui présente en outre un effet sur les polluants locaux, au-delà de la problématique de l’effet de serre). Si cette substitution potentielle n’est pas universelle (elle ne jouerait pas en France où le charbon ne pèse que 3 ou 4% du mix énergétique), elle a été significative aux Etats-Unis et le sera, potentiellement, en Chine à l’avenir (ou plus près de nous en Pologne, Allemagne et Danemark). Le CHNC publiera prochainement une étude des bilans comparés des différentes énergies fossiles, sur la totalité de la chaîne, depuis leur exploitation jusqu'à leur utilisation par combustion à des fins énergétiques. 11 Global Methane Initiative "European Commission Global Methane Reduction Actions", 2013 10 / 11 6 / RÉFÉRENCES Au-delà des références citées dans le présent document, le lecteur pourra également se reporter aux ouvrages suivants: • Rapport de l'Académie des Technologies, "Le méthane, d'où vient-il et quel est son impact sur le climat", 2013 Dans ce rapport, l’Académie des technologies donne des clefs pour mieux comprendre l’évolution des émissions de méthane et émet un certain nombre de recommandations pour réduire ces émissions : réaliser des mesures régulières de la composition de l’atmosphère au-dessus des grandes zones forestières ou des grandes zones agricoles de la planète ; intensifier les recherches sur les zones humides, qui représentent un enjeu majeur, notamment les zones arctiques potentiellement génératrices d’émissions massives à parti du pergélisol ; conduire une réflexion sur la manière dont l’équivalence CO2 du méthane doit évoluer pendant les prochaines décennies pour optimiser les politiques climatiques… • Comité de l'environnement de l'Académie des sciences, Le "Livret de l’Environnement", mars 2013 Des fiches pédagogiques élaborées par le Comité de l'environnement de l'Académie des sciences, faisant le point sur les changements climatiques liés aux activités humaines et sur les Gaz à Effet de Serre. • United States Environmental Protection Agency (EPA), "Understanding the Basics of Gas Flaring", novembre 2014 Un dossier pédagogique qui explique le brûlage du gaz par l'industrie du pétrole et du gaz. • David J C MacKay et Timothy J Stone, “Potential Greenhouse Gas Emissions Associated with Shale Gas Extraction and Use”, 2013 Une étude mandatée par le DECC (Department of Energy and Climate Change) de Grande Bretagne, analysant les émissions de GES issues de l'industrie du gaz de schiste. 11 / 11