gueye - Microfinance au Sénégal

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gueye - Microfinance au Sénégal
ATELIER D’ECRITURE SUR LA
MICROFINANCE AU SENEGAL
" Ecrire pour partager les expériences et innovations
dans le secteur de la microfinance au Sénégal"
Du « social » dans la gestion des
performances de la microfinance au
Sénégal
Ndéye Absa GUEYE,
Coordonnatrice du Projet MISION Africa - Sénégal / Gestion des Performances Sociales
Janvier 2012
Programme d’Appui à la Microfinance (PAMIF 1)
Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES)
Sommaire
L ISTE
4
DES ACRONYMES
P ROBLEMATIQUE
5
LA
7
GESTION DE LA PERFORMANCE SOCIALE
Historique de la Performance Sociale au Sénégal
7
Présentation de MISION Africa
9
Qu’est-ce-que la performance sociale ?
10
La démarche de la performance sociale
10
Le progress out of poverty index (PPI) : un outil de mesure de la pauvreté et de la
performance sociale
L’ EXPERIENCE
DE
CAURIE- MICROFINANCE
11
DANS LA GESTION DES
12
PERFORMANCES SOCIALES
Processus de mise en place d’un système de Gestion de la Performance Sociale 12
La révision de la mission
13
La définition de buts et objectifs sociaux
13
Le Processus d’évaluation
14
Proposition d’un plan d’amélioration
16
Application du PPI
17
Intégration du module GPS dans le SIG
17
Mise en place de la balanced scorecard (tableau de bord prospectif)
18
Réalisation d’un Rating social et financier
19
A SSOCIATION
E NJEUX
D EFIS
PROFESSIONNELLE ET PERFORMANCES SOCIALES
DES PERFORMANCES SOCIALES ET DE LEUR MESURE
ET PERSPECTIVES
22
23
25
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Programme d’Appui à la Microfinance (PAMIF 1)
Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES)
C ONCLUSIONS
26
B IBLIOGRAPHIE
27
Ouvrages
27
Sites WEB
27
Revues
27
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Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES)
Liste des acronymes
APSFD :
Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés
ASACASE/CPS : Association sénégalaise pour l’appui à la création d’’activités socioéconomiques / Crédit Populaire du Senegal
BCEAO :
Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CRS :
Catholic Relief Services
CAURIE-MF :
Coopérative Autonome pour
Economiques par la Microfinance
DMF :
Direction de la Microfinance
DRS :
Direction de la Réglementation et de la Supervision des SFD
FDEA :
Femme Développement et Entreprise en Afrique
GPS :
Gestion des Performances Sociales
IMF :
Institutions de Microfinance
MISION :
MFI Improve Social Impact and Outreach through Networks
PAMIF 2 :
Programme d’Appui à la Microfinance volet 2
PPI :
Progress out of Poverty Index (Indice de Passage du Seuil de Pauvrete)
SFD :
Systèmes Financiers Décentralisés
SPI :
Social Performance Indicators (Indicateurs de Performances Sociales)
SPTF :
Social Performance Task Force
U-IMCEC :
Union des Institutions Mutualistes Communautaires d'Epargne et de
Crédit
le
Renforcement
des
Initiatives
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Problématique
Dans le secteur de la microfinance, la transparence financière, grâce à l´existence de critères de performance
clairs, de reporting réguliers, d´évaluations externes et de ratings, a joué un rôle significatif dans la mise en
place d’institutions de microfinance (IMF) solides. En effet, le succès d’une IMF a pendant longtemps été
associé à ses résultats financiers mesurés par une batterie d’indicateurs liés à la qualité du portefeuille, à
l’efficacité opérationnelle et la rentabilité, entre autres. Cependant, ces indicateurs financiers ne parlent que
d’une partie de la performance d’une institution : celle financière. Afin de poursuivre le renforcement du
secteur, il est nécessaire d’accroître la transparence des SFD en ce qui concerne leur capacité à réaliser leurs
objectifs sociaux en incluant les pauvres et les personnes marginalisées, précisément le segment de
populations pour lequel les premières institutions de microfinance ont été créées.
Le secteur de la microfinance a connu une évolution ces dernières années et se présente sur le tableau cidessous :
Situation du secteur au 30 juin 2011
INDICATEURS
Taux de pénétration
population totale
Nombre de membres –
clients
%
de
femmes
membres/clientes (*)
Comptes
inactifs
depuis au moins 2 ans
Nombre d'emprunteurs
actifs
Encours des dépôts
(milliards)
% Dépôt à Terme
# d’épargnants
Encours
de
crédit
(milliards)
Emprunts de plus de
deux ans contractés
auprès
des
institutions
financières (milliards)
Total Actif (milliards)
Productivité des agents
de crédit
Situation du PAR à 30
jours
Situation du PAR à 90
jours
Taux d’abandon de
créances
Autosuffisance
opérationnelle
Taux de capitalisation
6%
7%
8%
9,47%
10,15%
12,04%
12,13%
Progression
depuis
décembre
2010
0,757%
682 949
803 517
943 595
1 093 838
1 207 095
1 447 692
1 495 027
3,27%
41%
38%
44%
44,21%
39%
44%
43%
-2,27%
ND
ND
ND
148 472
231 386
222 834
27 554
- 87,63%
115,711
166 871
214 483
256 016
281 679
384 387
404 707
5,29%
62,438
74
91
102,84
119
135,2
151,46
12,03%
13%
12%
14,8%
26%
22%
26%
27%
-
-
-
-
845 064
1 131 721
1 197 183
81,163
90
111
132,5
140,53
170,45
177,55
3,85%
5,78%
4,17%
ND
ND
ND
ND
17
25,4
26,7
5,12%
94,67
ND
123,37
493
168,70
496
184,76
518
257,75
606
252,88
616
282,54
590
11,73%
-422%
ND
ND
ND
ND
6,79%
4,80%
8,31%
73,13%
2,75%
3,81%
2,50%
3,13%
3,63%
3,55%
3,65%
2,82%
ND
ND
ND
ND
ND
0,26%
0,50%
92,31%
123%
129%
125%
121,24%
108,4%
110,8%
113,80%
2,71%
ND
ND
27%
28,63%
23,50%
27,33%
25,45%
-6,88%
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Juin 2011
SOURCE : Direction de la Microfinance, (Juin 2011), Enquête auprès d’un échantillon de SFD
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Au sein des IMF et lors des réunions de direction, la discussion porte essentiellement sur la croissance, la
santé du portefeuille, les données d’encours de crédit, de volume des dépôts, etc. Les questions telles que
l’extension des services aux clients ciblés, la satisfaction de la clientèle et l’impact sont rarement mentionnées
alors qu’elles sont fondamentales dans l’analyse de la viabilité sociale de l’institution.
Dans les années récentes, les succès de la microfinance traduits en termes de croissance du nombre des clients,
du ciblage des exclus, de la promotion de l'entrepreneuriat, etc. et l'engouement médiatique qu'elle a suscité
comme outil de lutte contre la pauvreté, ont renforcé l'attention pour ce secteur. Cette tendance a permis à la
microfinance de poursuivre sa croissance et de se professionnaliser. Cependant, considérées par essence
comme "sociales", les institutions de microfinance faisaient alors uniquement l'objet d'une évaluation de leurs
performances financières. On voit aujourd'hui émerger des critiques sévères sur les risques de dérives :
commercialisation croissante, surendettement, manque de transparence des taux, impact parfois limité des
services, etc.
Des événements se produisent dans certaines régions du monde comme en Inde, au Maroc, au Nicaragua,
etc., entrainant des vagues de suicides parmi les clients pauvres de microcrédit. Ces drames sont mis en lien
avec les pratiques de recouvrement abusives de certaines IMF, également accusées de pratiquer des taux
d’intérêt exorbitants, le surendettement et le manque d’information sur les conditions de crédit. Ils
provoquent la colère de nombreux emprunteurs et auraient en outre incité ces derniers à suspendre leurs
remboursements.
Avec l'expérience, le secteur a identifié les risques de son activité et a travaillé sur les conditions d'une
microfinance vertueuse. Dans ce contexte, un certain nombre d'initiatives, ont développé des approches et
outils innovants pour évaluer et améliorer les performances sociales de la microfinance. Ces outils facilitent
l'évaluation du public ciblé en fonction de critères internationalement reconnus de seuils de pauvreté et
permettent de suivre l'évolution du niveau de vie des ménages pour s'assurer que la gamme de services
proposés répond bien aux attentes des clients.
La microfinance travaille également sur l'amélioration de ses pratiques. Il s'agit en premier lieu d'éviter de
nuire à ses clients, et de suivre, comme standards minimum, des principes de protection des consommateurs
qui évitent les risques de surendettement, promeuvent la transparence des taux d'intérêt, le comportement
éthique des employés ou encore la confidentialité des données des clients.
Au-delà de cette approche de responsabilité sociale, la microfinance cherche à avoir un impact positif sur ses
clients. Elle travaille alors sur une gamme adaptée de services pour répondre aux besoins diversifiés des
ménages et des micro-entreprises, réduire la vulnérabilité des clients et les accompagner à différentes étapes
de leur cycle de vie.
Elle s'efforce de toucher des clients exclus du système financier classique par des stratégies de ciblage, s'assure
que ses services sont bien utilisés (éducation financière) et apportent un changement positif sur les conditions
socio-économiques des populations touchées.
La maturité de la microfinance appelle à une croissance maîtrisée, des retours financiers raisonnables, des
niveaux de coûts en lien avec les services apportés et les capacités de remboursement des clients. Elle doit
également continuer de se reposer solidement sur les principes de base qui ont construit le secteur et fondé sa
notoriété : proximité, inclusion, protection des clients, transparence, adaptation d'une gamme de services.
L'ensemble de ces outils et approches apportent désormais une feuille de route au secteur et permettront de
promouvoir, en toute transparence, les pratiques vertueuses de son développement.
Si nous sommes d’accord sur le principe selon laquelle « on gère ce qui peut être mesuré », alors les
performances sociales doivent être gérées comme le sont les performances financières. Il est donc essentiel
que les dirigeants de l’institution communiquent à tous les niveaux
sur l’importance des performances sociales et leur intégration dans
les systèmes de gestion de l’institution.
L'industrie de la microfinance se développe à un rythme où les
IMF doivent de plus en plus assumer leur responsabilité sociale
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envers leurs membres, clients et la communauté au sein de laquelle elles opèrent, et être plus transparentes
vis-à-vis de l’accomplissement d’objectifs sociaux. Un nombre croissant de donateurs et d’investisseurs exige
que les IMF suivent leur progrès dans l'exécution des principes de protection du client et dans l'évaluation du
travail social de proximité vers les marchés cibles. Pour cela, dans les années récentes, un nombre de plus en
plus important d’institutions de microfinance, à travers les associations nationales en Afrique, se sont
intéressées aux pratiques de Gestion de la Performance Sociale.
La gestion de la performance sociale
Si la microfinance fait autant parler d’elle, c’est en grande partie parce qu’elle a le potentiel d’aider les pauvres
à mieux gérer leurs ressources financières, à saisir de nouvelles opportunités économiques, à atténuer leurs
risques au quotidien, à réduire leur vulnérabilité et à améliorer leurs conditions de vie. Et pourtant, on mesure
souvent la réussite de la microfinance à l’aune des résultats financiers des institutions, sans chercher à évaluer
le bien-être de leurs clients ni dans quelle mesure ces institutions parviennent à réaliser leurs objectifs sociaux.
Il y a seulement deux ans, la proposition d’introduire des critères permettant d’évaluer les performances
sociales a même rencontré une vive opposition au sein du secteur. L’argument avancé était le suivant : le taux
élevé de remboursement des prêts prouve que la microfinance bénéficie aux pauvres et l’introduction de
nouveaux critères de performance ne ferait qu’alourdir le système et affaiblir l’objectif de pérennité financière
que le secteur s’est efforcé de privilégier. Mais aujourd’hui, à l’heure où la microfinance examine de plus près
sa capacité à servir les très pauvres, des organisations examinent à nouveau la possibilité d’une évaluation de
la performance sociale et de l’élaboration de directives et d’outils destinés à en communiquer les résultats.
L’expérience du Sénégal en gestion des performances sociales témoigne de la faisabilité d’une telle approche
bien que pour être efficace, celle-ci devra s’intégrer dans un dispositif.
Historique de la Performance Sociale au Sénégal
Le Catholic Relief Services Sénégal (CRS) est une ONG
américaine qui a été créée en 1960, la même année ou le
a accédé à son indépendance. Pendant les premières
le CRS a fourni une aide aux populations mal desservies,
que les victimes de la sécheresse. L’assistance inclut la
promotion des activités qui favorisent la nutrition,
la pêche, l'agriculture, l'arboriculture et la reproduction du
le forage des puits.
Sénégal
années,
telles
comme
bétail et
Durant les années 1980, le CRS Sénégal a continué à
répondre aux besoins immédiats des Sénégalais tout en
déplaçant l'attention aux besoins à long terme des communautés. Après 1988, le CRS a davantage mis l'accent
sur les projets de développement à long terme. Reflétant cette stratégie, le CRS Sénégal a fourni un soutien
aux organisations non gouvernementales locales et les communautés, tout en continuant à répondre aux
situations d'urgence. CRS a travaillé avec les personnes touchées par le conflit de 1990 entre le Sénégal et la
Mauritanie, les victimes des inondations en 1991, les invasions acridiennes de 2004 et le conflit casamançais
en cours.
La plupart des activités de CRS Sénégal repose sur la consolidation de la paix et les activités de réhabilitation
en aide aux populations vulnérables dans les zones sous-développées telles que Kolda, Fatick et
Tambacounda, ainsi que dans les zones de conflit de la Casamance.
Le Catholic Relief Services est l'un des acteurs majeurs dans le monde de la microfinance, avec un réseau de
plus de 36 programmes nationaux de soutien à la fois aux institutions de microfinance formelle et une gamme
de programmes communautaires d'épargne menées. Depuis 1988, le programme de microfinance du Catholic
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Relief Services a atteint les communautés les plus pauvres du monde avec l'accès aux services financiers
durables. Les activités de microfinance du CRS sont profondément enracinées dans l’enseignement social
catholique, ce qui favorise le caractère sacré et la dignité de la personne humaine.
Le Programme de microfinance de CRS s'engage à servir les plus pauvres, en particulier les femmes et les
populations vulnérables dans les communautés rurales éloignées. Il cible les pauvres travailleurs autonomes
qui ont peu ou pas accès au crédit formel ou aux services d'épargne. Des études indiquent que les femmes
sont plus susceptibles d'utiliser leurs prêts et leurs bénéfices au profit de leurs familles en investissant dans
leurs entreprises et à l'aide des revenus supplémentaires pour répondre aux besoins des ménages telles que
l'achat des aliments de qualité, l'amélioration du logement familial et les soins de santé, payer les frais scolaires
des enfants, et épargner pour les urgences. Ironiquement, les femmes sont souvent les plus pauvres de leurs
communautés et contrôlent le moins de ressources, même dans les sociétés où les petites entreprises sont
traditionnellement le domaine des femmes. Par conséquent, les programmes de microfinance de CRS sont
conçus pour cibler stratégiquement les femmes dans un effort d’élever des familles et des communautés
entières.
Actuellement, les programmes de microfinance du CRS atteignent plus de un million de clients (69,9 pour
cent de femmes) dans 36 pays en Afrique, en Asie, en Europe et au Moyen-Orient, en Amérique latine et les
Caraïbes. Le Catholic Relief Services a été le soutien des activités de microfinance pour plus de vingt ans,
grâce à des partenaires locaux qui jouent le rôle principal dans la mise en œuvre de ces initiatives au sein de
leurs communautés. CRS fournit un soutien indispensable au renforcement des capacités des partenaires en
leur fournissant une formation et une assistance technique sur des innovations qui peuvent répondre
efficacement aux besoins des communautés pauvres. Des organisations partenaires locales fournissent la
perspicacité et l'expérience sur la meilleure façon de travailler avec leur communauté fondée sur une
compréhension de leurs besoins. Ce mode de travail avec des partenaires locaux a permis d'aider à
responsabiliser les communautés locales et d'assurer une programmation durable au sein du réseau mondial
de CRS.
Le programme de microfinance conduit par le CRS depuis 1999 a donné naissance à la Caisse Autonome
pour le Renforcement des Initiatives Economique par la Microfinance, connue sous le nom de CAURIEMicrofinance. Cette institution sénégalaise est devenue autonome en 2005, mais CRS et CAURIE sont
encore des partenaires et travaillent ensemble pour faire progresser le développement des femmes au Sénégal.
Ce cordon ombilical qui lie ces deux structures justifie le choix de CAURIE-MF qui a été à l’origine de
l’élaboration du document de projet et désignée par le CRS comme institution pilote dans le cadre de la
gestion de la performance sociale.
Cette motivation est partie de l’historique du CRS en matière d’évaluation des performances sociales qui
consistait à l’époque à suivre un échantillon clients d’un cycle de prêt a un autre en vue d’évaluer les
améliorations liées au crédit. En 1988, le CRS a initié un programme de microfinance dénommé Banques
Villageoises (BV) et qui a été mis en œuvre dans les zones de Kaffrine (arrondissements de Birkelane et
Nganda), Toubacouta, Kolda, Barkedji, Thiès et Diourbel.
Le système d’Analyse des Performances Sociales avait à l’époque été initiée avec un groupe de cinq femmes
volontaires par banques villageoises qui répondait à des critères basés sur leur niveau de pauvreté. Le groupe
est suivi pendant le cycle de 6 mois à la fin duquel une évaluation est faite. Les résultats permettaient de
mesurer le niveau d’évolution de chaque femme par rapport à leur capacité à rembourser leur crédit sans
retard, à respecter l’épargne exigée et parfois même à renforcer leur épargne volontaire, à engager des
dépenses d’amélioration de leurs habitations (achats de draps de lits, de rideaux, etc.) et l’amélioration en
quantité et en qualité (en nombres de calories) de leurs repas.
Cette initiative a été renforcée par le lancement d’une Etude d’Impact faite par un chercheur envoyé au
Sénégal par le CRS pendant 2 mois à Dioly (Arrondissement de Nganda). Il y a eu ensuite une
démultiplication de cette analyse des performances sociales au niveau des autres programmes des banques
villageoises à Kolda, Toubacouta, Barkedji et Thies. Ce type de suivi des performances sociales du
programme de microfinance du CRS à l’époque reposait sur l’observation.
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Présentation de MISION Africa
Dans leur recherche de rentabilité : exigée par la plupart des donateurs et investisseurs, beaucoup
d'institutions de microfinance à travers l'Amérique Latine et l'Afrique ont subordonné leurs buts objectifs et
sociaux initiaux pour se concentrer plus spécifiquement sur les enjeux financiers. Alors que ceci n’était pas
intentionnel, cette tendance a conduit les SFD à la conception de produits et la sélection de clients qui
cherche à réduire au minimum le risque et maximiser les profits. Un nombre important de SFD ont ainsi pu
atteindre la viabilité financière. De cette manière, cependant, ils ont exclu souvent systématiquement les
personnes pauvres et marginalisées, le segment de la population pour lequel beaucoup d'institutions de
microfinance ont été créées. En réponse à la tendance que les IMF ont dévié de leurs buts sociaux, un
nombre croissant d'entre elles et leurs associations nationales se sont intéressés à l'étude de la gestion de la
performance sociale, des outils et des pratiques pour aborder ces questions.
MISION signifie littéralement “MFIs Improve Social Impact and Outreach through Networks” et se traduit en
français par : Les Institutions de Microfinance Améliorent l’Impact Social et la Portée à travers les Réseaux. En 2006, CRS
a reçu un financement de la Fondation Ford pour piloter les pratiques de gestion de la Performance sociale
sur un nombre limité d’IMF latino-américaines. Le projet MISION a initialement travaillé avec trois
associations de microfinance, deux associations nationales (COPEME au Pérou et ASOMIF au Nicaragua) et
une association régionale (REDCAMIF, le Réseau de Microfinance de l'Amérique centrale basé au Nicaragua)
- pour créer des ressources pratiques en Gestion des performances sociales en vue de renforcer la capacité
des IMF pour les mettre en œuvre et étendre l'utilisation de pratiques de la gestion des performances sociales
(GPS) partout dans l'Amérique Latine. S’appuyant sur les succès réalisés pendant cette phase pilote, CRS
reçoit des fondations Ford et Mastercard un financement pour s'étendre à 10 pays supplémentaires en
Amérique Latine en 2009. Ce projet MISION II inclut aussi une expansion pilote en Afrique, spécifiquement
le Sénégal, en développant des échanges Sud-Sud.
CRS a officiellement lance la phase pilote de MISION II au Sénégal en Juillet 2009. Cette phase pilote
conduite par CAURIE-MF en partenariat avec U-IMCEC, FDEA et ASACASE, utilise une collaboration
innovante Sud-Sud basée sur l’approche développée par CRS en Amérique Latine durant le projet initial
MISION. L’approche se concentre sur le renforcement de l’association nationale de microfinance du Sénégal
qui fait la promotion de la gestion de la performance sociale et joue un rôle central dans la sensibilisation, la
formation des consultants, l’appui au reporting régulier de performance sociale, et encourage les SFD à
incorporer l’apprentissage dans les opérations pour mieux atteindre leur mission.
Sur la base des avancées de ces quatre dernières années, CRS a proposé une expansion de la promotion de la
GPS dans six pays en Afrique de l’Ouest et de l’Est. Les associations de ces différents pays ont la
compréhension, la motivation, la capacité et le niveau des ressources nécessaires pour produire les résultats
dans les trois prochaines années. MISION Africa offre un appui intense pour la formation, l’assistante
technique et le suivi afin de renforcer les associations nationales et le Réseau Africain de Microfinance
(AFMIN) qui coordonne le projet en Afrique.
MISION Africa fait la promotion de la gestion de la performance équilibrée en tenant compte de la
performance financière et sociale. Elle entend assurer la viabilité des activités du projet en trois domaines :
1. Renforcer la capacité de AFMIN et des six associations nationales à assurer un rôle central dans la
promotion de la GPS au niveau de leurs membres
2. Renforcer la connaissance de la base sur la GPS et les compétences techniques des consultants locaux qui
peuvent fournir les services de formation et de suivi aux SFD sur la base d’un bon rapport qualité-prix
3. Développer un plaidoyer avec les donateurs internationaux, les investisseurs et les gouvernements
nationaux pour accroitre leur niveau d’appui aux SFD et associations nationales pour promouvoir et mettre
en œuvre la GPS.
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Qu’est-ce-que la performance sociale ?
Selon la Social Performance Task Force (SPTF), l’organisation en charge de coordonner les efforts de
recherche à ce sujet dans le secteur de la Microfinance, « La performance sociale est la mise en pratique
efficace de la mission sociale d’une institution en accord avec des valeurs sociales acceptées ».
Cette performance sociale répond à un nombre de principes de gestion pour la microfinance qui sont les
résultats d’une initiative sectorielle, visant à rendre l’objectif social de la microfinance plus effectif. Ces
principes reflètent un consensus partagé par un large spectre d’acteurs (dont les institutions de microfinance,
les réseaux, les bailleurs, les investisseurs et les organisations d’appui), qui s’engagent dans des actions
concrètes pour atteindre leur mission en gérant leur performance sociale.
Pour toute organisation, une gestion de la performance efficace est un processus continu de mise en pratique
des valeurs qui supposent de définir des objectifs clairs et une stratégie explicite pour les atteindre, un suivi et
évaluation des progrès vers les objectifs fixés et l’utilisation de l’information pour améliorer la performance
organisationnelle globale.
En tant qu’activité à finalité sociale, les institutions de microfinance développent des pratiques commerciales
afin d’atteindre des buts spécifiques. Les objectifs sociaux incluent un plus large nombre de pauvres et exclus ;
l’amélioration de la qualité des services financiers appropriés aux clients ; la création d’avantages pour les
clients ; et l’amélioration de la responsabilité sociale des SFD entre autres. Pour ce faire, l’expérience
démontre qu’une gestion efficace de la performance en microfinance requiert d’une perspective à la fois
sociale et financière.
Un SFD gérant sa performance sociale doit explicitement :
•
•
•
•
•
Traduire sa mission et ses valeurs en objectifs clairs et mesurables afin de définir explicitement
ses intentions sociales. Il est plus probable que des SFD qui ont des objectifs clairs vont établir une
stratégie concrète afin de les atteindre.
Créer et implanter des systèmes de responsabilité sociale, en incluant la protection du client. Au
minimum, les IMF doivent s'assurer de ne pas nuire en aggravant la situation de ses bénéficiaires. La
microfinance a un énorme potentiel pour aider ses clients, mais c’est un aussi un outil qui peut détériorer
leurs situations par le surendettement par exemple.
Tracer, comprendre et analyser les progrès faits en matière d’objectifs sociaux. Les SFD qui gèrent
leur performance sociale sont plus efficaces : ils atteignent mieux leur clientèle-cible, dispensent des
services plus appropriés et créent des opportunités de changements positifs pour leurs clients.
Aligner ses pratiques commerciales avec les objectifs sociaux et financiers. Tous les aspects des
opérations des SFD ont un impact sur les objectifs sociaux, par exemple le marketing, le recrutement et la
formation des employés, les primes, la culture de l’organisation ainsi que la composition du Conseil
d’Administration.
S’assurer que les prises de décisions prennent en compte les résultats sociaux et financiers à la
fois. La prise en compte des conséquences sociales et financières des décisions prises engendre une
meilleure performance globale de la gestion.
Les SFD qui intègrent une vision sociale dans leur processus de gestion de la performance bénéficient non
seulement à leur clientèle, mais disposent aussi d’une capacité à publier leurs résultats sociaux à des acteurs
externes, dont les investisseurs sociaux.
La démarche de la performance sociale
La performance sociale est définie tout autant en terme de processus qu’en terme de résultats. Le processus
qui aboutit à la réalisation des changements souhaités dans la vie des clients s’appelle la « démarche DE LA
PERFORMANCE SOCIALE ».
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Figure 1 : Démarche de la Performance Sociale
La démarche de la performance sociale devrait être considérée comme un processus dans lequel les
opérations sont associées aux stratégies afin d’atteindre les résultats recherchés. Cette démarche représente le
processus de mise en pratique de la mission de l’organisation. Elle se compose d’une stratégie, des opérations,
de l’utilisation des informations et des résultats. Ces composantes sont interdépendantes. Comme l’illustre le
graphique ci-dessus, la gestion des performances sociales repose sur une bonne utilisation de l’information.
La gestion des performances sociales apporte un cadre de travail qui permet aux organisations de gérer ce
processus de façon réfléchie.
Le progress out of poverty index (PPI) : un outil de mesure de la pauvreté et de
la performance sociale
Dans le secteur de la microfinance, il n’existe pas d’études d’impact fiables. L’évaluation des résultats repose
sur le niveau économique des clients et les changements observés. Deux facteurs ont gêné la mise au point
d’outils rigoureux permettant d’examiner les résultats : le coût élevé de la collecte de renseignements détaillés
au niveau des clients et la complexité à établir un lien de causalité avec l’impact (c’est-à-dire prouver que les
améliorations constatées dans la vie des clients résultent directement et exclusivement des services de
microfinance). Dans le cadre de MISION, un outil intéressant est désormais disponible : l’indice de sortie de
pauvreté (PPI). Cet outil utilise des données issues d’enquêtes nationales auprès des ménages pour créer des
indicateurs qui caractérisent plus rigoureusement le niveau économique des clients.
Facile à utiliser, l’indice PPI se compose d’un ensemble de dix questions simples (concernant les conditions
de logement, l’utilisation de toilettes – latrines -, les biens possédés, etc.). Les réponses sont notées en
fonction d’un système de points établi au préalable par le biais d’une analyse économétrique rigoureuse. Le
personnel d’une IMF peut utiliser ces données pour déterminer le pourcentage des clients qui vit en dessous
du seuil de pauvreté avec moins d’un ou deux dollars par jour. En suivant ainsi les mêmes clients dans le
temps, on obtient une estimation des changements intervenus dans leurs conditions de vie. Il est aisé
d’effectuer des comparaisons entre IMF de différents pays, car elles communiquent toutes leurs informations
par rapport à des indices de référence communs : le seuil national de pauvreté ou le nombre de personnes
vivant avec moins d’un ou deux dollars par jour. Si les bénéfices sociaux sont essentiels à la vision de la
microfinance, la gestion et le suivi de la performance sociale sont cruciaux pour sa mise en pratique.
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Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES)
L’expérience
de
CAURIE -microfinance
performances sociales
dans
la
gestion
des
Le projet de Gestion de la Performance Sociale a été initié au Sénégal en 2009 par une phase pilote d’un an
exécuté par CAURIE-MF en partenariat avec UIMCEC, FDEA et ASACASE. En 2010, le projet est étendu
dans cinq autres pays africains : Benin, Burkina, Kenya, Ouganda et Ethiopie. Au Sénégal, l’expansion a
touché huit SFD dont deux appuyés par le programme d’appui a la Microfinance (PAMIF-2) : Microcred
Dakar, FONEES de Dakar, MEC FEPRODES de Saint-Louis, MEC MPAL, UMECAS de Thiès, CECAP
de Podor, Mec Téranga de Kaolack et Mec Dimbalante de Foundiougne.
La Société Coopérative dénommée « Coopérative Autonome pour le Renforcement des Initiatives
Économiques par la Microfinance » portant le sigle CAURIE-MF est issue d’un long processus de réflexion
engagée depuis 2008 au sein de l’entité originelle créée en octobre 2005 et portant le statut juridique d’une
SARL. Cependant, il est important de noter que le projet « CAURIE-MF » est le fruit de la capitalisation
d’une vingtaine d’années de partenariat dynamique et fécond entre le Catholic Relief Services (CRS) - Sénégal
à travers son Programme de Microfinance « les banques villageoises » et son partenaire stratégique, l’Eglise du
Sénégal au travers de la Caritas.
Cette mutation juridique et institutionnelle de CAURIE-MF, en phase avec la nouvelle réglementation du
secteur, entend asseoir les bases d’un développement harmonieux des activités conformément à sa mission
fondée sur la performance sociale. Cette transformation institutionnelle est guidée par le souci de répondre
avec efficacité aux besoins croissants d’un segment spécifique de l’industrie de la microfinance au Sénégal ; la
nécessité d’offrir une gamme de services diversifiés d’échelle et de qualité, de diversifier les ressources
financières, de développer un professionnalisme opérationnel et de rendre autonome la gestion ; et, enfin,
l’ambition d’atteindre l’autosuffisance et de tendre vers la pérennité.
L’offre des produits et services financiers est développée sur six agences (Thiès, Kolda, Ziguinchor, Louga,
Diourbel et Tambacounda) Les opérations couvrent, en 2010 onze régions : Thiès, Diourbel, Kolda, Sédhiou,
Ziguinchor, Dakar (Département de Rufisque), Louga, Tambacounda, Kaolack, Kaffrine et Fatick. En plus
de son réseau d’agences, CAURIE-MF a ouvert trois points de service en Casamance afin de couvrir cette
régions. Des études sont actuellement en cours pour l’ouverture éventuelle de deux agences supplémentaires à
Kaolack et Saint Louis. La Direction Générale, basée à Thiès, assure la supervision et la coordination générale
des activités. Elle dispose des directions et services rattachés (administration et ressources humaines, finance
et comptabilité, opérations, partenariat, études et développement, contrôle, système d’information).
CAURIE-MF cible prioritairement les femmes à travers sa méthodologie de crédit solidaire et contribue ainsi
à la promotion de l’égalité des genres et l’émancipation de la femme. Elle cherche également à développer sa
présence en milieu rural. Au 31 septembre 2011, CAURIE-MF compte 45 542 clients dont 45 282 femmes.
Les hommes représentent 0,49% de la clientèle globale. Les emprunteurs actifs s’élèvent à 42 101. L’encours
épargne s’élève à 2,017 milliards francs CFA et le portefeuille de crédit est de 3,880 milliards de francs CFA.
Processus de mise en place d’un système de Gestion de la Performance Sociale
Dans le cadre de la mise en place du système de gestion de la Performance Sociale,
CAURIE a été orienté par la demande suivante :
•
•
•
•
•
Clarifier ses objectifs sociaux
Comprendre ses clients
Comprendre pourquoi ses clients quittent l’IMF ?
Comprendre les impacts sociaux et financiers sur la vie de ses clients, leurs
familles et la communauté
Utiliser l’information sur la performance sociale pour communiquer avec les
parties prenantes
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Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES)
•
•
Revoir régulièrement son travail
Assurer un suivi systématisé et régulier des objectifs sociaux et des indicateurs.
La révision de la mission
La première étape du processus d’introduction de la Performance sociale a consisté à réaliser un atelier
stratégique associant le personnel technique et politique de l’institution pour ensemble réviser la mission
sociale. La mission d’une institution de microfinance est le « point d’ancrage » de tout système de gestion des
performances sociales. Elle correspond à son double objectif à la fois social et financier. C’est ce qu’on
appelle le « doble bottom line » ou le triple « bottom line » qui intègre également la dimension environnementale.
Pour faire apparaître ces dimensions, la mission doit intégrer des buts sociaux. Et pour cela, elle doit pouvoir
répondre aux trois questions suivantes liées au ciblage, à la satisfaction des clients et aux changements dans la
vie des clients.
1.
2.
3.
Qui voulons-nous cibler ?
Comment les besoins de nos clients sont-ils satisfaits?
Quels sont les résultats désirés ?
Si la mission ne répond pas à ces trois questions, il faudrait la revoir. Pour CAURI-MF, ce processus a donné
le résultat ci-après.
Ancienne mission
Nouvelle mission (révisée)
Face aux difficultés d’accès au crédit pour les populations
démunies, CAURIE-MF a pour mission d’offrir des services
micro financiers appropriés aux micro-entrepreneurs pauvres,
principalement les femmes sur la base des principes du
"Crédit aux pauvres" et des meilleures pratiques dans le
domaine de la microfinance tout en s’investissant pour son
autonomie financière".
« Contribuer durablement à la promotion
économique et sociale des microentrepreneurs pauvres, principalement les
femmes en leur offrant des produits et
services financiers appropriés »
La définition de buts et objectifs sociaux
Apres la révision de la mission, une des composantes essentielles de la gestion de la performance sociale
consiste à élaborer des buts et objectifs sociaux. La gestion de la performance sociale est un processus de
gestion. Dans ce cas, une IMF gère le processus allant de la « Stratégie » aux « Résultats », en suivant la
démarche de la performance sociale. Pour gérer ce processus, CAURIE-MF a d’abord défini les résultats
qu’elle cherche à atteindre. Les trois types de résultats que les SFD cherchent le plus souvent à atteindre sont :
ƒ Atteindre la clientèle ciblée
Quelles populations seront touchées par l’IMF ? Les micro-entrepreneurs pauvres principalement les femmes
ƒ Répondre aux besoins de la clientèle ciblée
Comment l’IMF répondra-t-elle aux besoins de ses clients ? Offrir des produits et services financiers appropriés
ƒ Introduire un changement dans la vie de la clientèle ciblée
Quels changements positifs l’IMF permettra-t-elle d’apporter dans la vie de ses clients cibles ? Contribuer
durablement à la promotion économique et sociale des micro-entrepreneurs pauvres, principalement les femmes
Pour une gestion réfléchie des performances sociales, CAURIE-MF a traduit chaque but en indicateurs de
type SMART (précis, mesurable, atteignable, pertinent et assorti d’échéances). Sans ses indicateurs de résultats,
l’institution n’a aucune information précise permettant de mesurer sa progression et, par conséquent, il est
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difficile de savoir si elle est ou non en train de réaliser sa mission. Les indicateurs traduisent des réalisations
précises qui doivent être menées à bien pour atteindre des buts sociaux. Ils représentent la progression à
atteindre dans le sens des changements prévus pour les clients. Le tableau ci-après illustre la démarche
engagée par CAURI-MF.
BUTS SOCIAUX
OBJECTIFS SOCIAUX
INDICATEURS
Sélection
1. Au cours de chacune des cinq prochaines 1. % de nouveaux clients femmes qui
années, 60% des nouveaux clients
sont en dessous du seuil de pauvreté
Les micro-entrepreneurs
femmes sont en dessous du seuil de
pauvres principalement les
pauvreté
femmes
2. % de nouveaux clients issus du milieu
2. Au cours de chacune des cinq prochaines
rural par rapport au nombre total de
années, 60% des nouveaux clients sont du
nouveaux clients
milieu rural
3. % de femmes dans le portefeuille
3. Dans les cinq prochaines années, les
femmes représentent au moins 95% de la
clientèle
Satisfaction
Offrir des
services
appropriés
1. Au cours de chacune des cinq prochaines 1. Taux d’abandon des clients
années, le taux d’abandon de nouveaux
produits et
clients femmes ne dépasse pas 5%
financiers
2. Au cours de chacune des cinq prochaines
années, le taux de fidélisation des clients 2. Taux de fidélisation des clients
se trouvant entre les 2ème et 5ème cycles
atteint au moins 90%
Dépassement
1. 60% des nouveaux clients femmes 1. % de nouveaux clients femmes aufranchissent le seuil de pauvreté au bout
dessus du seuil de pauvreté
Contribuer durablement à
de 5 ans
la promotion économique
et sociale des micro- 2. 60% des clients ont un dépôt moyen qui 2. % de clients qui augmentent leur
entrepreneurs
pauvres,
augmente de 10% par an
épargne au moins de 10% par an
principalement les femmes
Le Processus d’évaluation
La troisième étape correspond au processus d’évaluation réalisé en deux parties. La première partie est une
auto-évaluation ou évaluation interne pour laquelle a été élaboré un outil à prendre en charge par le personnel
de l'institution. La seconde partie est un audit social, basé sur l'auto-évaluation mais où il s’agit de contrôler
l'information et de l’apprécier en fonction de paramètres plus généraux.. L’outil d’auto-évaluation a été
appliqué à CAURIE. L’objectif de ce travail était que le personnel de direction de l'institution réfléchisse aux
processus clefs affectant les résultats financiers et sociaux, afin d'améliorer les performances dans les deux
domaines.
La direction de l’institution a ensuite rempli un questionnaire inspiré d’un système d'évaluation de la qualité
« Malcolm Baldrige », développé aux Etats Unis, et comprenant les domaines suivants: Gouvernance,
Planification Stratégique, Orientation Client, Analyse et Gestion des Connaissances, Ressources Humaines,
Gestion des Processus et Résultats. Ce type d’outil se propose d’analyser une organisation d’un point de vue
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systémique 1 . Son cadre d’analyse est repris dans l’illustration ci-après. L'important n'est pas obtenir une
qualification déterminée mais d’engager un processus de réflexion qui oriente les changements nécessaires
pour améliorer la performance sociale et financière de l'institution.
Figure 2 : Méthodologie de l'outil d'auto-évaluation
Source: Malcolm Baldrige National Quality Award
La gouvernance examine la façon dont la direction assure la pérennité de l’organisation. Elle évalue le
« gouvernement » de l'organisation et la façon dont sont abordées les responsabilités éthiques, légales et la
responsabilité sociale.
La planification stratégique examine la façon dont l'organisation développe des objectifs stratégiques et des
plans d'action. Elle évalue également la façon dont les objectifs stratégiques sont déployés, modifiés et
mesurés dans leur avancement. Elle analyse aussi comment les projets stratégiques se traduisent en plans
opérationnels.
L’orientation-client examine la façon dont l'organisation détermine les besoins, les souhaits et les
préférences des clients. Elle examine également la manière dont l'organisation construit les relations avec ces
derniers et détermine les facteurs clefs qui permettent l’entrée, la satisfaction et la fidélisation des clients, ainsi
que la croissance et la pérennité des opérations.
La mesure, l’analyse et la gestion de la connaissance examine la façon dont l'organisation sélectionne,
collecte, analyse et améliore ses données, ses informations et ses connaissances. Elle mesure également la
façon dont l'organisation évalue la performance.
Les ressources humaines examinent la façon dont les systèmes de travail de l'organisation, la gestion de
l'apprentissage et la motivation, permettent à tous les collaborateurs de développer et d’utiliser leur potentiel
maximum en concordance avec les objectifs globaux, la stratégie et les plans d'action de l'organisation. Elle
examine également les efforts faits par l'organisation pour établir et entretenir un lieu et un climat de travail
qui favorise l’excellence de la performance et la croissance de l’organisation.
1
www.quality.nist.gov.
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La gestion des processus examine les aspects clefs de la gestion des processus produits, services et
organisationnels pour la création de valeur; ainsi que les processus dits de support. Ce critère implique tous
les processus clefs et toutes les unités de travail.
Les résultats sont examinés selon les dimensions suivantes:
-
Résultats de sélection (ou ciblage). Examine si l’on s’approche de la clientèle cible.
Résultats de satisfaction. Examine comment sont satisfaits les besoins des clients.
Résultats d’amélioration et de responsabilité sociale. Examine comment sont favorisés les changements
dans la vie des clients.
Résultats financiers. Examine les aspects financiers comme la rentabilité, les retards de paiement,
l'efficience, etc.
Chacun des aspects est abordé dans le questionnaire développé. Ce dernier précise les membres de la
direction ou du conseil qui sont en mesure de répondre ainsi que les informations à mobiliser. L’objectif est
d’inciter à une réflexion sur la manière dont la mission est mise en pratique et sur les processus-clés
permettant d’atteindre les résultats escomptés. La performance sociale est ainsi abordée comme partie
intégrante de l'organisation institutionnelle. Depuis cette perspective, le questionnaire traite de l’ensemble des
dimensions organisationnelles A l’issue de cette auto-évaluation, l’audit prétend vérifier les résultats de façon
externe afin de valider le projet de renforcement des capacités organisationnelles destiné à améliorer les
résultats sociaux et financiers. La démarche repose sur un questionnaire complémentaire mis en œuvre par un
évaluateur externe.
Proposition d’un plan d’amélioration
A l’issue du processus, le plan d’amélioration des performances sociales présente les faiblesses de l’institution,
les recommandations formulées et les actions à mener. Dans le cas de CAURI-MF, , le plan d’amélioration
repose sur les actions suivantes :
•
Gouvernance : renforcement des capacités du conseil d’administration, notamment en analyse financière
et mise en place de mécanismes formels de prévention, de détection et de gestion des crises.
•
Planification stratégique : suivi systématique de la mise en œuvre du plan de développement.
•
Orientation Clientèle : dotation d’instruments d’évaluation de la satisfaction de la clientèle et
diversification de sa gamme de crédits pour rester attractive à moyen et long terme, utilisation
systématique de l’outil PPI.
•
Ressources humaines : mise en œuvre d’un plan de formation prenant en compte les besoins de tout le
personnel et renforçant l’analyse de sa productivité ; définition d’indicateurs de mesure de la productivité
des agents de crédit et définition d’un optimum pour chaque indicateur ; relance des prêts au personnel.
•
Processus : révision des conditions d’accès à l’épargne, jugées trop rigides et contraignantes par les
clientes, mise en œuvre d’une réflexion stratégique sur la méthodologie de crédit qui apparaît comme trop
coûteuse.
•
Résultats (Rentabilité/Efficacité) : meilleure maîtrise des charges ; amélioration de la stratégie de
financement.
Le plan d’amélioration est en cours de mise en œuvre. Parmi les mesure engagées, le prêt au personnel a été
redéfini avec des montants plus élevés, une durée plus longue et un taux d’intérêt plus faible. La motivation et
les conditions de travail du personnel ont été améliorées par l’acquisition de nouveaux moyens matériels et
l’augmentation des salaires. Des enquêtes de satisfaction sont programmées en vue de revoir les conditions
d’accès à l’épargne et de fidéliser les clients. CAURIE-MF organise des sessions de sensibilisation et de
formation des emprunteurs au profit des membres des groupements de femmes centrées sur la gestion d’une
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activité commerciale, l’épargne et le crédit. CAURIE-MF soutient également financièrement CARITAS en lui
reversant une partie de ses bénéfices afin d’appuyer des actions dans le domaine de l’aide aux personnes les
plus démunies. En 2010, CAURIE-MF a reversé au secrétariat national de CARITAS ainsi qu’aux CARITAS
diocésaines de Thiès, Kolda, Ziguinchor, Kaolack, Dakar, Tambacounda et Saint-Louis un montant de 44,8
MFCFA soit 37.5% du résultat net de 2009. Ces fonds ont été utilisés pour réaliser des actions de première
urgence au profit des sinistrés des inondations de Kaolack et de Dakar (distribution de matelas, couvertures,
riz, huile, etc.) et pour distribuer des denrées de première nécessité lors des périodes de soudure aux
populations pauvres de Ziguinchor, Thiès, Kolda, Saint-Louis et Tambacounda.
Application du PPI
Le Progress out of Poverty Index (PPI) ou indice de sortie de la pauvreté est un outil d’évaluation de la pauvreté
des clients, créé par la Fondation Grameen du Bangladesh. Il constitue une base pour l’évaluation des
performances sociales. Il est l’un des rares outils basés sur des données statistiques visant à mesurer le niveau
de pauvreté des clients. CAURIE-MF constitue l’institution pionnière au Sénégal pour la mise en œuvre du
PPI en partenariat avec la Fondation Grameen afin de mesurer le niveau de pauvreté de sa clientèle
conformément à sa mission sociale. Une phase pilote a été mise en œuvre en 2010 dans trois agences (Thiès,
Ziguinchor et Kolda) avec le double objectif de déterminer le niveau de pauvreté de la clientèle et déterminer
la distribution de la pauvreté de la clientèle des trois agences selon les critères suivants : nombre de cycle de
prêts, résidences rurale et urbaine. Le processus a été mené selon la démarche de la Fondation Grameen qui a
accompagné CAURIE-MF et qui comprend :
•
La présélection de 568 clients parmi la clientèle des trois agences selon un échantillonnage prenant en
compte comme clés de répartition le caractère rural-urbain des clients ainsi que le nombre de cycles
effectués au sein des banques villageoises ;
•
Des formations pour le personnel impliqué dans le test pilote (agents de crédit, chefs d’agence) ;
-
Un principe de séparation des tâches avec différentes personnes intervenant à chaque niveau du
processus (administration des questionnaires, saisie, vérification et analyse) ;
-
Un contrôle auprès de 10% des clients interrogés pour vérifier la fiabilité des données.
Les résultats ont montré que 45% des clients de ces agences se trouvent en dessous du seuil national de
pauvreté, soit un résultat légèrement inférieur à la moyenne nationale (50,8% en 2005). En outre, plus le
nombre de cycles augmente, plus le pourcentage de clients se situant en-dessous du seuil de pauvreté
diminue : 46,9% pour les clients ayant effectué entre 1 et 3 cycles, 44,8% entre 4 et 6 cycles et 42,9% pour
sept cycles ou plus. Cependant aucune étude d’impact n’a été menée afin de démontrer une relation de cause
à effet. Les résultats du PPI ont permis à CAURIE-MF de revoir sa stratégie de localisation géographique de
ses services. En effet, avec le PPI, il est apparu que le niveau de pauvreté des clients étaient relativement
proche du niveau national. La nouvelle méthode basée sur un indice de vulnérabilité permet de sélectionner
les localités les plus pauvres. Suite à ce pilote, CAURIE-MF a décidé de généraliser l’utilisation du PPI et
prévoit en 2011 un test sur un échantillon de 1.000 clients sélectionnés dans l’ensemble des agences. Des
outils complémentaires (études de satisfaction, études des départs de clients, groupes de travail, etc.) ont déjà
été utilisés par CAURIE-MF au cours des dernières années mais pas de façon systématique et uniquement
pour une partie limitée de la clientèle. CAURIE-MF prévoit désormais de réaliser des études de satisfaction et
sur le taux de rotation des clients tous les deux ans.
Intégration du module GPS dans le SIG
Le Système d’information et de gestion (SIG) ou tout autre système de suivi est essentiel dans la mise en place
du dispositif de suivi de la performance sociale. CAURIE a acquis le logiciel Perfect qui lui a permis par un
développement spécifique d’intégrer les indicateurs de performance sociale et l’outil PPI. Il permet de
prendre en compte plusieurs enquêtes par personne à des périodes différentes, plusieurs seuils de pauvreté, de
différentes versions du PPI, l’exportation des données brutes, le stockage des données ainsi qu’une possibilité
de corriger les erreurs de saisie.
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Mise en place de la balanced scorecard (tableau de bord prospectif)
Le tableau de bord est un système de management stratégique. Il vise à accompagner la mise en œuvre de la
stratégie. L’outil consiste à présenter la stratégie sous forme de cartographie représentant graphiquement ce
qui doit être mise en œuvre pour la renforcer. Elle repose sur des objectifs stratégiques reliés aux résultats par
des relations de «cause à effet ». Pour CAURIE-MF, la stratégie 2011-2014 retenue en atelier de direction
propose de « créer de la valeur pour ses clients » au travers d’une vision articulée autour d’« une institution
financièrement viable, socialement responsable et leader dans l’offre de services aux pauvres ».
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Réalisation d’un Rating social et financier
Un rating social est un processus mené par une organisation externe (agence de rating ou de
notation) qui fournit une opinion sur la façon dont l’institution parvient à traduire sa mission en
pratique. L’auditeur ne fournit pas de recommandations pour améliorer les pratiques, mais il
analyse des documents et donne une appréciation notée sur la base de ses conclusions. Le
processus de définition de la vision et de révision de la mission a mis en lumière un rééquilibrage
des orientations stratégiques de CAURIE-MF entre les objectifs sociaux qui prédominent depuis la
création de l’institution et les objectifs de pérennité financière qui ont gagné en importance au
cours des dernières années. Le rating évalue toutes les dimensions de l’institution et fournit
également des orientations.
Concernant la gestion de la performance sociale, un rating a attribué à CAURIE la note « 3 + »,
qui est la deuxième meilleure note obtenue par une institution de microfinance en Afrique. « 3 + »
signifie que l’institution est en progrès avec une intention claire d’atteindre des objectifs sociaux et
que des systèmes de gestion de performances sociales sont mis en œuvre. Une Note « B- » a été
attribuée aux performances financières : tendance stable. CAURIE-MF a atteint le seuil de rentabilité
en 2008 et est demeuré excédentaire depuis lors.
Les témoignages des bénéficiaires
La responsabilité sociale vis-à-vis des
bénéficiaires
Je m’appelle Awa Sy, je fais du commerce. Je
suis trésorière du BV de Keur Khaly à
Tivaouane. Je travaille avec CAURIE-MF
depuis le programme de la CARITAS en 1999.
Je suis à mon 29eme cycle de crédit. Mon
premier prêt était 20.000 f et je suis à 1.000.000
aujourd’hui. CAURIE est la seule institution à
ma connaissance qui ne demande ni garantie, ni
caution, à la différence des autres IMF. Elle
nous demande simplement de nous constituer
en groupe de solidarité et cela permet de
consolider les liens sociaux. Avant l’octroi du
prêt, la formation de base est l’éducation
financière : comment gérer un prêt, comment
gérer son activité, etc.. A CAURIE, si je décide
de quitter, je récupère l’intégralité de mon
épargne ce que les autres IMF ne font pas. En plus de tout cela, le partage des dividendes tous les 6 mois
par les membres du BV est une particularité. Cette somme nous a permis d’acquérir des biens
communautaires pour des fins sociales.
Les crédits contractés à CAURIE me permettent de prendre en charge la sante de la famille car mon mari
est en chômage depuis 2002 pour des raisons de santé. Je parviens à payer la scolarité de mes enfants. Je
participe aux cérémonies familiales, j’achète mes bijoux et mes habits avec les bénéfices de mon activité. Je
suis soutien de famille et grâce au prêt, je suis autonome. Je suis maintenant bien intégrée dans la
communauté où je vis car j’ai la possibilité de participer aux tontines du quartier et de tisser des relations
sociales ce qui n’était pas le cas avant. C’est une IMF que je ne quitterai jamais de ma vie.
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Je m’appelle Khoudia Ndiaye, je suis commerçante et présidente du BV DVF
Thiès. Je suis également la vice-présidente du bureau départementale du cadre
de concertation régionale des BV. J’ai adhéré à CAURIE-MF en 2008 et suis
à mon 6eme cycle de prêt. Mon prêt est de 50 000 et est resté constant parce
que c’est ce qui correspond à mes besoins. Il faut venir visiter ma chambre, tu
seras impressionnée par le niveau d’équipement. Je n’envie aucune femme.
Tout cela grâce à CAURIE-MF. Pour adhérer à CAURIE, nous avons
formulé une demande et l’équipe est venue faire des enquêtes et nous avons
été retenus. C’était la première fois qu’une IMF intervienne dans notre
localité du fait de notre pauvreté. Les avantages de CAURIE comparés aux
autres IMF sont nombreuses, ils ont organisés des formations sur la
méthodologie de l’IMF, le fonctionnement d’un banc villageois, le comité de
crédit, etc. avant de venir financer les groupes de
solidarité. CAURIE-MF cherche toujours la croissance
des activités des bénéficiaires, le renforcement de leur
capacité financière et les éduque contre le gaspillage
d’où l’épargne obligatoire qui n’est accessible qu’une
fois dans le cycle. Les plaintes des bénéficiaires sont
rapidement résolues par l’équipe de terrain qui est très
dynamique et très ouvert. Les dividendes nous ont
permis d’investir dans des biens pour la communauté
(chaises, nattes, tables, ustensiles de cuisine) et qui sont
utilisés lors des cérémonies familiales. Entre autres,
CAURIE a organisé les BV en cadre de concertation
qui est membre du conseil d’administration. Nous
organisons des visites d’échange et participons aux
foires grâce à l’appui de ce cadre. Des réflexions sont
en cours pour formaliser les groupes en vue de pouvoir diversifier nos activités et bénéficier d’appuis
d’autres partenaires.
Je m’appelle Marthe Ndione, je suis membre du BV Sainte-Anne 2. J’ai adhéré à CAURIE-MF en 2002
avec un premier prêt de 30 000 f. Je suis à mon 19eme cycle avec un montant de 1 200 000F. Mon mari
quand il me taquine, il me souhaite de
mourir avant lui pour hériter mon épargne.
Je mène diverses activités telles que la
transformation de l’arachide, le commerce
de pagnes, l’élevage de porcs et la boutique
alimentaire. J’ai déjà acheté un terrain et suis
en cours de négociation pour un deuxième
car une partie de mon épargne me le
permet. Ces investissements sont pour
l’avenir de mes enfants. Mes revenus ont
considérablement augmenté du fait des
crédits que je rembourse mais surtout de
l’épargne obligatoire. Nous avons du
matériel de location pour les cérémonies
familiales grâce aux dividendes dont
bénéficient les groupes. La gestion à
CAURIE est transparente. Le taux d’intérêt
est de 10% et le mode de paiement était in fine. Maintenant les procédures ont changé et ils nous font
rembourser l’intérêt mensuellement et le capital à la fin du cycle ce qui n’est pas confortable. Le paiement
des intérêts mensuels limite notre capacité d’épargne. Nous leur demandons de revenir à la formule d’avant.
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Je m’appelle Angel Diedhiou, je suis mariée et mère
de 4 enfants. Je suis trésorière du BV Sainte-Anne 1.
J’ai adhéré a CAURIE en 2002 avec un premier prêt
de 30 000 f. Je suis actuellement au 19eme cycle avec
un montant de 2 000 000 f. Je fais de l’aviculture, du
commerce, de la transformation de fruits et légumes.
Avant, Je n’avais pas accès aux banques du fait des
garanties et n’avais personne pour me cautionner. A
CAURIE, je n’ai aucune forme de garanties ou de
caution, ni en bijoux, ni en meubles. L’avantage par
rapport aux autres IMF est l’épargne obligatoire qui
permet de prévenir ou de rembourser en période de
vaches maigres. Le personnel est de qualité, nous
avons leurs numéros de téléphone et les interpellons à
tout moment. Ils sont très ouverts. Le charme de CAURIE
c’est la proximité. Les agents sont tout le temps sur le terrain
avec une sensibilisation permanente. Depuis que je travaille
avec CAURIE, mes conditions de vie ont changé. Mon salon
a été fait avec les ressources générées par mes activités. Je
soutiens mon mari dans l’éducation des enfants. Quand je ne
travaillais pas, j’avais des problèmes avec mon mari à force
de toujours demander.
(Mr Faye le mari d’Angel témoigne :) Le crédit est bien, mais
l’accompagnement dans les activités est plus important. Ceci
aiderait les femmes à fructifier leurs activités et éviter le
détournement de l’objectif du prêt. Quand la femme
contracte un prêt, c’est pour toute la famille alors que si
c’est l’homme, c’est pour aller chercher d’autres femmes.
Chez moi, c’est ma femme qui a accès au crédit à
CAURIE mais c’est toute la famille qui en assure la
gestion. Ses activités permettent de prendre en charge
différentes situations de la famille car je connais mes
capacités financières comparées aux charges familiales et
je sens le surplus qui y entre et les origines. Nous cogérons de manière transparente, je l’oriente et l’assiste
dans ses activités et les remboursements se font à temps.
L’écoulement des produits est géré par les enfants qui
ont même ouvert un compte à CAURIE. Vous voyez, ce
mois-ci nous avons payé un congélateur à 325 000 f, le
réfrigérateur étant étroit pour garder les produits.
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Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES)
La responsabilité sociale vis-à-vis du personnel :
Les témoignages d’un membre du personnel, agent de crédit superviseur
Je m’appelle Dieynaba Sall, je travaille à CAURIE depuis 11 ans en tant qu’agent de Crédit Superviseur à
l’agence de Thiès.
A CAURIE, nous sommes une famille. Les avantages pour le personnel sont nombreux. Nous avons un
prêt CPIM (prêt au personnel) très intéressant d’un montant de 15 millions, pour une durée de 15 ans avec
un taux d’intérêt de 2,5% mensuel. Ceci motive le personnel et le fidélise. Les heures supplémentaires sont
formalisées et les salaires ont été augmentés et harmonisés conformément à la nouvelle convention
collective du secteur. Nos relations avec les clients nous motivent et nous fidélisent davantage. Le sentiment
d’appuyer des personnes vulnérables à s’activer et générer des ressources qui améliorent leurs conditions de
vie est déjà une satisfaction pour nous. En mesurant notre apport et notre contribution, nous nous rendons
compte que nous ne travaillons pas pour CAURIE mais pour nous-mêmes. La relation avec la hiérarchie
est saine et les dirigeants sont ouverts. CAURIE-MF a su instaurer un climat de travail convivial entre le
personnel qui s’est approprié l’institution. L’organisation annuelle des journées d’amitié en est une preuve,
un moment où tout le personnel se réunit pour mieux se connaitre, renforcer les liens et communier. Les
conditions et moyens de travail sont acceptables.
Cependant, il existe des faiblesses dans le travail. Le nombre d’agents de crédit est insuffisant. Le personnel
est surchargé et ceci nous éloigne de nos familles et nous n’avons plus de contrôle sur les enfants. Nous
travaillons jusque tard (20 h) et même les week end. Dans les normes, un agent de crédit doit gérer 10 BV
mais nous en gérons 15 à 17 par agent. Le nombre de clients par agent était fixé à 500 et passe de 750 à 800
clients par agent avec des risques liés à notre méthodologie d’octroi de crédits. Nous tenons 5 réunions
mensuelles par agent par semaine d’où un total de 260 réunions dans l’année en plus du travail
administratif. Les agents de crédit gèrent le montage des dossiers de crédit Kiva, le montage du PIP, le
remboursement des crédits, le PPI, etc. A cela s’ajoute les mutations du personnel qui faussent la
planification. Il faudrait à ce niveau un bon recrutement en nombre et en qualité avec un temps
d’adaptation et une bonne planification des activités. Les formations sont aussi insuffisantes. Une seule
formation a été dispensée cette année et a porté sur l’informatique.
Association professionnelle et performances sociales
L’Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés (AP-SFD) est la structure
fédératrice des institutions de microfinance au Sénégal. Elle a été créée le 1er Aout 1996 dans le
but d’œuvrer à la défense des intérêts moraux et matériels des Systèmes Financiers Décentralisés
du Sénégal et officiellement reconnue sous la Nouvelle Appellation AP-SFD Sénégal le 19 avril
2008. Son but est de professionnaliser et développer le secteur de la microfinance au Sénégal avec
comme principale mission d’assurer le rôle de représentation et de défense des intérêts de ses
membres, de garantir la viabilité de l’institution et de participer au renforcement des capacités de
ses membres.
L’Association s’est fixée comme objectif de « contribuer à la construction d’un système financier
pérenne et inclusif ». Dans cette optique, elle a mis en œuvre, en partenariat avec les différents
acteurs, un plan stratégique pour la promotion des performances sociales des SFD. La
performance sociale permet en effet de rendre l’objectif social de la microfinance plus effectif.
Cette stratégie reflète un consensus partagé par un large spectre d’acteurs (dont les institutions de
microfinance, les réseaux, les bailleurs, les investisseurs et les organisations d’appui), qui s’engagent
dans des actions concrètes pour renforcer la gestion de leurs performances sociales.
Plus largement, le projet MISION s’appuie sur les associations professionnelles pour promouvoir
la gestion des performances sociales. Cette motivation pour promouvoir la gestion des
performances sociales émane d’un constat s’articulant autour de :
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•
la dérive de mission de la microfinance ;
•
critiques croissantes autour des taux d’intérêt, des méthodes de recouvrement, etc.
•
faible transparence de la portée et de l’impact social des SFD ;
•
attitude de la BCEAO vis-à-vis des SFD qui ont une mission sociale mais qui sont considérés
de plus en plus comme des banques ;
•
absence d’entités étatiques qui prennent en compte l’aspect social.
Dans le cadre du projet MISION, l’AP-SFD travaille avec 11 SFD et bénéficie de l’appui du
PAMIF-2 qui accompagne deux institutions de sa zone d’intervention. L’Association est chargée
du recrutement des consultants, de la sélection des SFD, de la sensibilisation et la promotion de la
performance sociale au Sénégal.
Enjeux des performances sociales et de leur mesure
La microfinance s’est construite dès le départ sur la double identité sociale et financière. La
première hypothèse est que les démarches de responsabilité sociale peuvent être à la base de
stratégies doublement gagnantes à la fois sur le plan social et financier (« win-win solution »). Les
résultats de nombreuses études dans le secteur privé montrent que la corrélation entre
performances sociales et financières n’a rien d’évident. Dans le cas de la microfinance, certains
analystes défendent cette approche (double ou triple « bottom line »). De nombreuses IMF ont
l’intuition que le renforcement de leurs performances sociales peut contribuer au renforcement de
leurs performances financières en améliorant leurs relations avec les clients, le personnel et
l’environnement socio-économique dans lequel elles s’insèrent.
L’autre idée est qu’une démarche mettant en avant la responsabilité sociale permet aux institutions
d’améliorer leur avantage comparatif. Si ce n’est pas, dans le cas de la microfinance, un réel enjeu
vis-à-vis de la clientèle, on peut faire le parallèle avec la recherche de financement externe et le
positionnement de la microfinance vis-à-vis des investisseurs qui intègrent de plus en plus ces
critères dans leurs processus d’analyse. Cette démarche est donc au cœur de la gestion de l’image
de marque ou du « capital-réputation » des entreprises, avec l’idée centrale que ce dernier, en
particulier dans un secteur comme celui de la microfinance, ne peut être basé uniquement sur des
critères financiers. L’émergence de nouveaux segments de marché, en termes d’accès au
financement (investisseurs éthiques), expliquerait alors le développement des démarches de
responsabilité sociale. Ainsi, par rapport aux pressions récurrentes sur les taux d’intérêt élevés du
secteur de la microfinance, la mise en avant des performances sociales peut constituer une réponse
indispensable pour maintenir la viabilité financière du secteur.
A l’échelle internationale afin de développer un cadre commun de gestion des performances
sociales, des acteurs concernés ont créé une plateforme. Un Groupe de travail sur la performance sociale
(Social Performance Taskforce) a été constitué en mars 2005 par le CGAP, la Fondation Ford et la
Fondation Argidius en vue de créer des outils standardisés permettant d’évaluer la performance
sociale, d’en communiquer les résultats et de répondre aux réticences du secteur à son encontre.
Aujourd’hui, le Groupe de travail compte plus de 150 organisations dont les initiatives ont permis
des progrès indéniables. Ses membres ont convenu d’une définition commune de la performance
sociale ainsi que d’un cadre commun qui en énonce les éléments fondamentaux. Lors de sa
dernière réunion, le Groupe de travail a adopté un modèle commun de présentation des
informations : un ensemble d’indicateurs que les institutions dotées d’une mission sociale peuvent
utiliser pour communiquer leurs résultats en matière de performance sociale. Ce modèle commun
adopté pour le suivi de la performance sociale comprend un petit nombre d’indicateurs clés jugés
essentiels par le Groupe de travail. Ces indicateurs se répartissent en trois grandes catégories :
intention (l’institution a-t-elle clairement défini sa mission sociale et ses objectifs sociaux ?), action
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(l’institution surveille-t-elle la réalisation de ses objectifs sociaux et traite-t-elle son personnel et les
communautés locales de manière éthique ?), résultats (l’institution touche-t-elle une population
pauvre et exclue, et la clientèle constate-t-elle des changements positifs au niveau de son bien-être
social et économique ?). Ce modèle de reporting sera hébergé sur le site du MIX Market ; une
institution peut décider de communiquer tout ou partie des indicateurs. Les indicateurs ont été
conçus pour être simples et relativement faciles à communiquer. En effet, les informations
concernant ces indicateurs sont généralement faciles à trouver dans les documents et procédures
internes de l’institution ou à obtenir à l’aide des outils mentionnés ci-dessous. En revanche, il est
plus difficile de communiquer sur les indicateurs de résultats, car ceux-ci imposent de collecter des
données sur les conditions de vie au niveau du client ou de son ménage. Pour rassembler ce type
de données, les IMF peuvent recourir à des outils d’enquête, tels que les outils d’évaluation de la
pauvreté ou l’indice de passage du seuil de pauvreté (Progress out of Poverty Index – PPI –
élaboré par Mark Schreiner pour le CGAP, la Fondation Grameen et la Fondation Ford).
Des outils d’évaluation axés sur les aspects « intention » et « action » de la performance sociale
peuvent aider une IMF à communiquer sur les indicateurs correspondants du cadre commun de
reporting. Quelques agences de notation spécialisées2 proposent des notations de la performance
sociale en complément des notations financières traditionnelles. Ces notations s’appuient
principalement sur les informations disponibles au niveau institutionnel pour déterminer les
chances d’une IMF de réaliser ses objectifs sociaux.
Pour les institutions de microfinance, les stratégies de renforcement des performances sociales
impliquent à court terme des coûts spécifiques : formation des clients, animation de groupes,
partage de l’information et volonté de transparence, prise en compte des liens sociaux et des
valeurs locales ; ce qui demande une connaissance approfondie des spécificités sociales et
culturelles dans les zones d’opération de l’IMF, l’apport de services sociaux non financiers, etc. Le
ciblage des populations pauvres (zones rurales reculées, petits montants, risques sur les activités,
etc.) reste souvent une option coûteuse, où les économies d’échelles sont réduites, et les coûts de
transaction élevées.
Par rapport à ces investissements, les IMF veulent être évaluées non seulement sur leurs
performances financières, leurs projections et perspectives, mais aussi sur la valeur de leur action
sociale et de leur engagement dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Les IMF recherchent
alors des outils qui donneront une valeur, une reconnaissance, une visibilité à leur travail. En
contrepartie, cette approche sur le renforcement des liens sociaux et la responsabilité sociale peut
aussi induire à plus long terme des réductions de coûts.
Transparence, échange d’information et connaissance réciproque vont créer la confiance, renforcer
les relations sur le long terme, permettre le partage de normes et de valeurs et ainsi fidéliser les
clients et favoriser les remboursements. La formation et la participation des clients peuvent aussi
accroître la productivité des agents et limiter les coûts de transaction pour l’institution en réduisant
le coût du suivi et du contrôle sur les transactions financières. Face aux crises auxquelles sont
confrontées les IMF ces dernières années (départs massifs de clients, groupes ou clients inactifs,
impayés, faillites, etc.), celles-ci gagneraient alors à améliorer leurs performances sociales pour
renforcer leur stabilité et leur crédibilité.
Pour promouvoir ces situations « gagnant-gagnant », comme évoqué dans la première hypothèse,
les IMF cherchent à avoir des outils utilisés dans le pilotage interne de l’institution pour suivre
leurs performances sociales : quelle est notre mission sociale, comment la mettre en œuvre, quels
indicateurs suivre ? Ces outils doivent aussi permettre un « feed-back » régulier pour améliorer
leurs interventions. Elles ont alors besoin d’outils d’analyse et d’outils d’aide à la décision qui
offrent un cadre de réflexion et des informations sur les indicateurs à suivre et leurs interprétations.
Dans leurs attentes, les IMF revendiquent des outils complets et adaptés à leurs situations ; elles
2
M-CRIL, MicroFinanza Rating et Planet Rating.
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craignent également, dans le cadre de la seconde hypothèse de construction de leur « capitalréputation », une multiplication d’outils qui rajouteraient des ratios et données à collecter à la
longue liste des requêtes de leurs différents partenaires institutionnels et financiers. Elles désirent
dans un système de notation pouvoir résumer l’ensemble de leurs efforts menés en faveur de
l’impact social sur leurs clients et environnement, et ne veulent se contenter de « rating light » qui
ne mettraient pas suffisamment en valeur leurs activités et engagements.
Défis et perspectives
Les défis du secteur restent importants :
•
En termes d’offre de services, pour pouvoir poursuivre leur action de façon durable, les IMF
doivent s’engager dans la voie de la pérennité financière, gérer au mieux leurs coûts et
s’autonomiser des subventions. Les IMF se sentent alors parfois tiraillées entre leur mission
sociale (toucher les exclus) et leurs objectifs financiers (couvrir les coûts de l’offre de services).
En outre, le nécessaire changement d’échelle de la microfinance qui permettra de servir plus
largement le public cible - on peut estimer à plusieurs millions le nombre de personnes qui
sont encore exclues de tout accès aux services financiers - repose dans les tendances actuelles
sur l’implication des banques commerciales et le renforcement de l’investissement privé. Qu’en
sera-t-il alors de la mission sociale de la microfinance ?
•
En termes de réponse aux besoins des populations cibles, la microfinance, outil stratégique de
développement, a trop souvent été présentée comme un « médicament à spectre large »,
solution à une vaste gamme de problèmes économiques - lutte contre la pauvreté, croissance
économique et développement individuel, émergence et consolidation des petites entreprises,
« empowerment » des femmes, soutien à la famille, etc.). Pourtant, les critiques sur les dérives de
ses pratiques sont de plus en plus fréquentes3. Le principal reproche est celui de la banalisation
de pratiques financières qui s’inscrivent dans une démarche purement commerciale sans se
soucier des risques sur les bénéficiaires et des limites de leur impact social. Les institutions
cherchent alors simplement à rentabiliser l’accès des populations défavorisées aux services
financiers de base par l’application de techniques et règles de plus en plus proches de la finance
commerciale.
Ainsi, l’évolution de la microfinance vers la “commercialisation” pointe les risques de dérives où
les financeurs pourront s’orienter vers les banques commerciales jugées plus professionnelles, plus
solides, plus aptes à toucher un large public, en défaveur des institutions qui cherchent à réaliser
une mission sociale et ont jusque-là permis des innovations. Les services de microfinance ne
doivent pas être considérés comme la « chasse gardée » des ONG de développement, ni devenir
l’outil exclusif des banques commerciales. Mais si l’on veut s’assurer que les services financiers
offerts gardent leur pertinence sociale, il faut pouvoir suivre et valoriser les actions qui
renforceront une microfinance de masse mais respectueuse de ses clients et sensible à son impact.
Les acteurs de la finance solidaire cherchent alors à pouvoir valoriser, faire reconnaître et amplifier
leurs actions qu’ils considèrent aptes à concilier objectifs sociaux et objectifs financiers. Ce type de
préoccupations monte également parmi la communauté des bailleurs, interpellés sur les impacts de
la microfinance alors que de l’argent public est utilisé pour appuyer son expansion. Qui sont les
bénéficiaires ? Quel impact social sur les individus, les communautés, les territoires ? Quels modes
d’action et quelle responsabilité sociale de ces organisations ?
L’idée que les actions de la microfinance ne pouvaient plus simplement être guidées et évaluées à
l’aune de la performance financière a petit à petit fait son chemin dans le secteur de la
microfinance, suite à l’observation de dérives et de crises telles que le surendettement de clients ou
les effets négatifs sur les liens sociaux des fonctionnements de certains groupes dits « solidaires ».
Dans ce contexte, diverses initiatives ont vu le jour depuis le début des années 2000 pour faire
3
Voir par exemple Guérin, Palier, 2005 ; Servet, 2006.
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valoir l’importance pour le développement comme pour la pérennité des institutions de
microfinance des objectifs sociaux et de leur valorisation. Encore faut-il en faire la démonstration
avec des outils de pilotage et démarches d’évaluation adéquats.
Sont apparus alors les premiers outils pour mesurer qui était réellement touché (CGAP Poverty
assessment tool, travaux du réseau Accion International) et une pression croissante des bailleurs pour
suivre le ciblage et l’impact. Des approches et des outils ont permis de faire avancer le concept de
performance sociale et de finance solidaire. Le CGAP, regroupant bailleurs et investisseurs de la
microfinance ainsi que différentes initiatives du secteur ont défini les performances sociales en
précisant que la valeur sociale d’une institution financière se base non seulement sur le ciblage des
pauvres et des exclus, mais aussi sur le renforcement des liens sociaux, du capital social et sur sa
responsabilité sociale. Des réticences se manifestent également4. Comment et pourquoi suivre les
performances sociales, trop complexes, trop subjectives, trop relatives, pas assez
« mathématiques » ? L’attention sur les performances sociales ne risque-t-elle pas de détourner les
IMF de leurs objectifs de pérennité financière ? Ne va-t-on pas rajouter un fardeau supplémentaire
aux IMF en leur imposant encore de nouveaux standards à suivre et à atteindre ?
Au-delà de la conception technique des outils, un certain nombre de questions restent en suspens:
la promotion et la mesure des performances sociales permettent-elles de nouvelles régulations
sociales, politiques et institutionnelles au sein du secteur financier ? Participent-elles à l’élaboration
et à la diffusion d’un socle éthique commun ? Appuient-elles de nouveaux modèles de
développement ?
Pour que les démarches engagées puissent être un levier pour engendrer de nouvelles formes de
régulation, il faut dépasser l’effet de « mode » sur l’évaluation sociale et réellement intégrer ces
outils et ces démarches dans le quotidien de la finance solidaire, les faire reconnaître par les acteurs
du secteur, illustrer et prouver la valeur ajoutée de l’approche solidaire. Il s’agit également de
pouvoir étendre les concepts et les approches à l’ensemble de la chaîne d’activité de l’économie
solidaire : financement-production-distribution-consommation.
Conclusions
Par la double vocation sociale et financière dont se réclame le secteur de la microfinance, il
apparaît de plus en plus indispensable de s’intéresser à la façon dont ses institutions définissent
leur mission sociale et la mettent en pratique dans leur mode de gouvernance (actions spécifiques,
système d’information et de gestion, etc.). En effet, le contexte général suscite de nombreuses
interrogations sur l’évolution du secteur de la microfinance (développement des approches
« commerciales », renforcement de l’investissement privé et émergence de partenariats bancaires,
etc., alors que sa contribution « réelle » à un ensemble d’objectifs sociétaux tels que la lutte contre
la pauvreté, le développement local ou la réduction des inégalités sociales fait toujours débat.
Le secteur de la microfinance est à la croisée des chemins. Les institutions de microfinance (IMF)
ont montré leur capacité à offrir de façon durable aux exclus des systèmes bancaires classiques des
services financiers diversifiés et adaptés (petites sommes, remboursements réguliers, ciblage des
activités des ménages pauvres, contacts directs avec des agents de crédits locaux, etc.). Elles ont su
innover dans les garanties non traditionnelles et ont développé des systèmes basés sur la solidarité,
la proximité et la participation pour accroître la confiance et pour atténuer les barrières sociales et
informationnelles entre les clients et l’institution. Les bénéficiaires apprécient ces services et
remboursent généralement bien les prêts. Si les défis techniques ont été relevés, c’est en premier
lieu grâce aux innovations développées en particulier par les ONG depuis une trentaine d’années,
pour renforcer les liens sociaux et repousser les frontières des services financiers avec des produits
adaptés aux contraintes économiques et sociales des populations cibles.
4
Voir par exemple, Jacquand, 2005.
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Au Sénégal, l’intégration de la performance sociale peut contribuer à la logique de
professionnalisation du secteur et faire en sorte que les résultats de la microfinance soient
directement perceptibles sur les populations bénéficiaires. Dans cette logique, la Direction de la
Microfinance (DMF) doit s’engager à soutenir la gestion des performances sociales au Sénégal en
menant le plaidoyer au niveau de l’Etat, des partenaires au développement, des SFD et, plus
largement, du public. Un dispositif de promotion des performances sociales doit être mis en place
pour les sensibiliser davantage à la GPS. Compte tenu de l’engagement des SFD dans la réduction
de la pauvreté, la DMF doit véritablement œuvrer afin de faire des performances sociales une
exigence dans la réglementation au même titre que les performances financières. L’AP-SFD, dans
sa mission, doit compléter son action par un plaidoyer sur la réglementation et promouvoir de
nouveaux instruments comme la centrale des risques qui peut constituer un moyen de contrôle et
de réduction du surendettement. L’engagement des institutions de microfinance dans la gestion
des performances sociales constitue un gage de transparence pour fournir des réponses aux
nombreuses critiques auxquelles le secteur est confronté.
Bibliographie
Ouvrages
-
Sebastion Boye, Jeremy Hajdenberg, Christine Poursat, Le guide de la microfinance : Microcrédit et
épargne pour le développement,
-
Helms Brigit, La finance pour tous, construire des systèmes financiers inclusifs, CGAP,
-
Muhamed Yunus, Vers un nouveau capitalisme, 2008
-
Anita Campion and Chris Linder with Katherine E. Knotts, Putting the “social” into performance
Management : a practice – based guide for microfinance, impact-consortium
Sites WEB
-
www.lemonde.fr/idees/article/2011/05/02/la microfinance a l’épreuve de la performance
-
www.appeldeparis.org : appel de Paris pour une microfinance responsable
-
www.themix.org/social-performance/management
-
www.cerise-microfinance.org/-impact-et-performances-sociales-
Revues
-
W. Angora (EMP), F. Bédécarrats (Paris1/GRET-CERISE), C. Lapenu (CERISE), Performances
sociales et Financières : Etre viable tout en servant le développement ?
-
Liens entre performances sociales et financières en microfinance
-
Social Performance Progress Brief, September 2006 Volume 1, Number 1
-
Social Performance Progress Brief, February 2009 Volume 1, Number 5
-
Social Performance Progress Brief, December 2006 Volume 1, Number 2
-
Alliance pour la promotion des performances sociales en microfinance, Newsletter Juin 2009
-
CGAP, Focus Note 27 : protection des emprunteurs dans le secteur de la microfinance, 2005
-
Cerise, Dossier thématique : impact et performances sociales, 2008, en anglais
-
ACCION, Insight 24 : Guidelines to evaluate Social Performance, 2007
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AMFIU, working paper on consumer protection, 2007
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Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES)
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Goodwin-Groen, Bringing Pro-consumer ideal to the client : a consumer Protection Guide for
financial institutions serving the poor, 2006
-
SEEP Network, Trust Through Transparency : Applicability of consumer protection self regulation to
microfinance, 2003
-
SEEP Network Progress Note 14: Consumer Protection Principles in Practice : A framework
for Developing and Implementing a Pro-Client Approach, 2006
-
Speakers corner sur la protection du consommateur de USAID-Microlinks
MicroLINKS, Speaker's Corner Discussion Summary : Consumers and Credit, The Current
State of Affairs in Consumer Protection, 2008
-
Simon Cornée (2006), Analyse de la convergence entre performances financières et performances sociales,
Master Recherche en Sciences de gestion
Atelier d’écriture sur la microfinance au Sénégal - Page 28/28
REPUBLIQUE DU SENEGAL
UN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI
En partenariat avec
----------------------
MINISTERE DE L'ENTREPRENARIAT FEMININ
ET DE LA MICROFINANCE
----------------------
DIRECTION DE LA MICROFINANCE
------------------------
PROGRAMME D’APPUI A LA MICROFINANCE
VOLET 1 (PAMIF1)
UN ATELIER D’ECRITURE EN MICROFINANCE, POURQUOI ET COMMENT ?
Contexte
Malgré les expériences riches et variées qui ont marqué son évolution, les textes de capitalisation sur la microfinance dans bien
des pays du sud, et notamment au Sénégal sont rares et souvent produits par des chercheurs du Nord. Face à ce constat, le
Projet d’Appui à la microfinance Volet 1 (PAMIF1) a invité les acteurs sénégalais de la microfinance à capitaliser leurs
expériences. C’est l’objet de l’Atelier d’écriture qui s’est tenu à Saly Portudal du 18 au 21 octobre 2011, en partenariat avec le
Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES) et avec l’accompagnement de l’Institut de Recherches et
d'Applications des Méthodes de développement (IRAM).
Au-delà d’un simple séminaire rassemblant dix experts et praticiens de la microfinance au Sénégal., l’Atelier est le produit d’un
processus d’accompagnement à l’écriture. La dynamique a été lancée début 2011 avec le lancement d’un appel à propositions
dans la presse et sur le portail sénégalais de la microfinance. Le processus a compris trois phases : une première période
d’échanges entre les auteurs et les animateurs pour retravailler la problématique et le plan, quatre jours d’atelier et un temps
consacré à la relecture et à la publication des textes. Le texte proposé résulte de cette dynamique.
Écrire pour partager les expériences et les savoir-faire : Des regards croisés sur la microfinance
L’atelier a rassemblé dix participants, institutionnels, cadres de mutuelles et d’investisseurs, experts, chercheurs et étudiants
travaillant en lien avec le secteur de la microfinance. Fait remarquable, le groupe était composé de cinq femmes et de cinq
hommes.
Des lectures croisées ont été organisées entre les participants et des entretiens individuels ont été tenus avec les animateurs de
l’Atelier. Les animateurs du processus ont été : Mansa OUALY (Expert microfinance, Co-responsable du PAMIF-1), François
Seck FALL (Maître de Conférences à l’Université de Toulouse 2-Le Mirail, chercheur au LAREPS-Université deToulouse 1 et
chercheur associé au CRES) et François DOLIGEZ (Agro-économiste à l’IRAM, Professeur associé à l’Université de Rennes 1 et
appui technique auprès du PAMIF-1).
Des réunions collectives et conférences ont permis des échanges pour resituer les textes dans la problématique plus large du
secteur de la microfinance au Sénégal.
Une volonté forte de promouvoir la capitalisation d’expériences : partenariat entre le secteur de la
microfinance et le milieu de la recherche
Cette initiative a été menée conjointement entre le PAMIF-1 et le Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES).
Le CRES est une association qui a été créée en 2004 par un groupe d'enseignants-chercheurs de diverses disciplines
(Economie, Droit, Techniques quantitatives, Sociologie) de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (UCAD) qui ont voulu mettre
sur pied une institution de recherche indépendante, spécialisée dans le domaine économique et social, et capable de répondre
aux besoins du marché africain en compétences de haut niveau sur les questions relatives aux politiques nationales et aux
grands programmes en cours d’élaboration.
Ce partenariat a permis d’apporter un regard critique et constructif de la recherche sur les expériences de capitalisation en
microfinance.
Coordonnées/Contacts des partenaires
-
Direction de la microfinance (DMF) : Sotrac Mermoz Lot n°90 Dakar, Tél : (221) 33 860 26 52, Fax : (221) 33 860 29 03, Email : [email protected], Site portail de la microfinance du Sénégal : www.microfinance.sn
-
CRES : Rue 10 Prolongée, Cité Iba Ndiaye Djadji, lots n° 1 et 2 - Sacré-Coeur Pyrotechnique, Dakar (Sénégal),
BP : 7988 Dakar-Médina, Tél : (221) 864 77 57, Fax : (221) 864 77 58, E-mail : [email protected], Site web : www.cres-sn.org
-
Agence Belge de Développement CTB : 121 Sotrac Mermoz Route de Ouakam, Dakar, Tél : (221) 33 860 01 25/26, Fax :
(221) 33 864 01 27, SITE WEB : www.btcctb.org