Essais cliniques€: Les patients prêts à participer

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Essais cliniques€: Les patients prêts à participer
Dossier Recherche
Essais cliniques
Les patients
prêts à participer
L’AFCROs a lancé, en 2007, une enquête sur
la connaissance du grand public en matière de recherche
clinique. Les résultats viennent d’être rendus publics.
L
Trop peu de malades sollicités
L’enquête réalisée entre juin et octobre 2007, à partir d’un
premier pilote lancé au printemps précédent, a donné
lieu à l’exploitation de 555 questionnaires au total. L’âge
moyen du public interrogé est de 46 ans, avec 50 % de
personnes âgées de 33 à 57 ans, une majorité de femmes
(58 %), et 68 % de citadins. L’enquête permet de mettre
en évidence la perception du grand public en matière de recherche clinique, même si 70 % des répondants disposent
d’une formation supérieure2, et, particularité de l’enquête,
17 % travaillent dans le secteur de la santé. Pour près de
7 personnes sur 10, avant d’être vendus en pharmacie, les
médicaments sont obligatoirement testés sur l’être humain.
Si peu de patients a vu leur médecin traitant leur proposer
de participer à un test de médicament (6,9 %), plus d’un
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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2008
« PLUS D’UN QUART
DES PERSONNES INTERROGÉES
SONT PRÊTES À PARTICIPER
AUX ESSAIS CLINIQUES »,
SELON L’ÉTUDE DE L’AFCROS.
DR
’Association française des sociétés de recherche sous
contrat (AFCROs), présidée par Michel Abiteboul,
qui rassemble l’essentiel des entreprises du secteur
opérant dans l’Hexagone, est de longue date soucieuse d’améliorer la participation des patients à la recherche clinique (RC) en France. A cet effet, elle a constitué
un groupe de travail, dénommé « accès aux patients »1 qui
a lancé une vaste enquête, avec pour objectif de mieux
connaître la vision qu’a le grand public de cette recherche
et d’améliorer la communication des opérateurs en direction des patients comme des médecins qui, de leur côté,
seront l’objet d’une seconde enquête dans un proche avenir. « Nous avons également cherché à savoir s’il existait un
gisement mal exploité de patients qui peuvent participer
à nos études et comment pouvaient être levés les freins à
leur participation plus large », explique encore Frédérique
Cabrières, coordinatrice du groupe de travail. Au delà, l’association s’est interrogée sur la manière dont ses membres
peuvent contribuer à améliorer la communication sur la
recherche clinique menée en France.
quart des répondants (26,3 %) se déclarent prêt à accepter,
si la proposition leur en était faite. Autre résultat à noter :
les personnes auxquelles est proposé un test répondent en
général plutôt favorablement à la demande (83,4 %) qui
leur est faite. Les investigateurs ont dans ce registre un
boulevard qui peut s’ouvrir devant eux !
La confiance en tête
Parmi les motifs d’acceptation des patients de participer à
un test de médicament après sollicitation de leur médecin,
la confiance faite à ce dernier vient nettement en premier
(71,4 %), suivie d’une volonté affirmée des patients de
faire progresser la recherche médicale en général (44,1 %).
35,6 % y voient aussi « une chance d’avoir un nouveau
médicament ». A l’inverse, ceux ayant refusé placent au
premier rang de leurs motifs de rejet le fait de refuser d’être
un « cobaye » (67,4%), ou avancent de « ne pas être assez
L’information sur les tests de médicaments devrait
utiliser les moyens suivants
100%
91%
85%
Source : Enquête Afcros, groupe « accès aux patients, juin 2008.
90%
80%
70%
74%
68%
62%
60%
50%
40%
30%
25%
20%
10%
0%
TV
radio
journaux
affiches rue
affiches guides
au cabinet
affiches guides
en pharmacie
malade » pour franchir le Rubicon quand ils considèrent que
la recherche clinique n’est pas le rôle de leur médecin traitant. Interrogés sur les membres de leur entourage (famille,
amis, collègues de travail) ayant déjà participé à ce type de
tests, seulement 16 % des patients confirment cette implication. Des patients qui considèrent à 86 % qu’ils devraient être
plus informés sur les tests réalisés sur les médicaments. Plus de
9 personnes sur 10 pensent que ces tests peuvent se faire dans
les établissements de santé, contre à peine plus de 5 sur 10
auprès des médecins spécialistes. Seulement 32 % des interrogés voient ces tests possibles chez le généraliste, tandis que
les pharmaciens ou dentistes sont peu considérés comme des
acteurs possibles en la matière (pour respectivement 7 et 15 %
des répondants).Sur le cadre réglementaire qui régit les essais
cliniques, 58 % des patients savent qu’il existe une législation
en la matière. 53 % estiment qu’elle protège plus les sujets que
les organisateurs et 87 % qu’une autorisation du ministère de
la Santé est nécessaire pour initier un essai.
Le médecin traitant privilégié
Par ailleurs, pour 55 % des interrogés, dans certains tests
comparant plusieurs médicaments, « même le médecin ne
sait pas quel médicament est donné au malade participant
au test ». La notion de médicament placebo est parfaitement comprise par le grand public qui, à hauteur de 90 %,
confirme que certains malades peuvent recevoir, dans certains tests comparant plusieurs produits, « un médicament
en fait inactif ». La perception qu’ont les patients sur les
rétributions données aux médecins qui s’engagent dans
les essais est également intéressante : 44 % estiment que,
dans ce cadre, les médecins n’ont pas le droit d’être payés
(55 % seulement estiment le contraire). A l’opposé, 81 %
affirment clairement que les malades ne peuvent pas être
rétribués (19 % pensent le contraire). En outre, 89 % pensent que l’anonymat des participants aux tests est toujours
respecté. De manière lucide, les patients
français, à 87 %, ne pensent pas que la recherche clinique est un domaine seulement
de spécialité et qu’elle ne se ferait que sur
« des maladies graves ».
Enfin, la source privilégiée d’information sur
76%
ces « tests » ou essais cliniques demeure en
premier chef le ministère de la Santé, suivi
à 78% et à égalité du médecin traitant ou
d’une structure spécialisée de recherche, puis
de l’industrie pharmaceutique (64 %). Les
associations de patients sont privilégiées par
51 % des sondés, à égalité avec le pharmacien de quartier. Quant à l’information sur
les tests, elle doit aux yeux du grand public
utiliser essentiellement le canal privilégié
du cabinet médical, suivi de la pharmacie,
voire de l’Internet, ou encore des journaux
(voir tableau ci-joint). Cette préférence donnée au médecin traitant ne confère pas à ce
internet
dernier, selon 79 % des patients, des compétences supérieures à d’autres praticiens non
impliqués dans les essais. Reste que peu de
patients confirment que leur propre généraliste participe à
des tests (6 % seulement), la grande majorité (81 %) étant
dans l’incapacité de répondre à la question, un petit nombre répondant par la négative (13 %). « La participation de
leur médecin aux essais cliniques n’est pas valorisée par les
patients qui probablement attendent avant tout un rôle de
soignant », commente le groupe de travail de l’Afcros.
Confiance et volonté civique
Au total, concluent les experts de l’association, les critères
d’acceptation sont basés avant tout sur la confiance en son
médecin et une volonté « civique » de faire progresser la recherche médicale plutôt qu’une recherche de bénéfice individuel médical ou financier. Quant aux critères de refus, ils
sont largement dominés par la crainte d’une prise de risques,
confirmés par une vision des études plutôt spécialisée et hospitalière. « La culture générale sur les essais (législation, principes éthiques, notion de placebo, etc) est certes imparfaite,
mais plus importante que l’on pourrait s’y attendre, en accord avec le niveau croissant d’information de la population
générale dans le domaine de la santé », note encore le groupe
de travail, qui observequ’il y a de la part des patients une très
forte demande d’information sur les études. Une demande
dont la satisfaction ne peut que conduire à une plus forte
implication des patients dans le champ des essais cliniques,
et par effet rebond des médecins investigateurs impliqués.
A chaque acteur de la recherche clinique d’informer et de
motiver les uns comme les autres. n
Jean-Jacques Cristofari
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SEPTEMBRE 2008 - PHARMACEUTIQUES