Elisabeth - Sciences Po Service Carrières

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Elisabeth - Sciences Po Service Carrières
OUART Elisabeth
Campus de Paris
RAPPORT DE STAGE
Année 2014-2015
Stage effectué à Londres, Royaume Uni,
Chez Gide Loyrette Nouel, cabinet d’avocats
Stagiaire au département International Dispute Resolution
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SOMMAIRE :
1. INTRODUCTION GÉNÉRALE ……………………………………………………. P.4
A) Explication du choix du stage et de la démarche effectuée ……………………………….…. P.4
(a) Le choix du stage : …………………………………………………………………….. P.4
(b) Le choix du pays : ……………………………………………………………………… P.5
© La démarche effectuée : ………………………………………………………………… P.6
B) Présentation de l’entreprise : ………………………………………………………………….. P.6
a) Présentation de Gide Loyrette Nouel : ………………………………………………….. P.6
b) Présentation du bureau de Londres : ……………………………………………………. P.7
c) Présentation de mon département : International Dispute Resolution …………………. P.7
II) LES DÉBUTS DU STAGE : ADAPTATION ET SAUT DANS L’INCONNU ……………. P.9
A) Des premiers pas timides ………………………………………………………………………. P.9
a) L’entrée en matière ……………………………………………………………………………… P.9
b) Les activités paralégales ……………………………………………………………….. P.10
c) L’apprentissage des outils de recherche: passage obligatoire pour ma formation : …….P.12
d) Les débuts nécessaires pour gagner la confiance: ……………………………………... P.13
B) Une certaine évolution au cours de mon stage : ……………………………………………… P.14
a) Une formation plus soutenue grâce à l’arrivée d’une nouvelle associée ……………… P.14
b) Les travaux de relecture et de traduction: Un moyen de gagner en aisance linguistique. P.15
c) Les présentations ou la plongée dans le grand bain : ………………………………….. P.16
III) UNE RÉELLE AVANCÉE : ………………………………………………………. P.18
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A) Les recherches : une entrée dans le monde des avocats …………………………………..
P.18
a) Les recherches directement sur les dossiers:…………………………………………… P.18
b) Les recherches en marge des dossiers : les recherches juridiques:……………………. P. 20
B) La rédaction des articles et la constitution des dossiers : un gage d’indépendance………… P. 22
a) Article sur une réforme du droit anglais : …………………………………………….. P.23
b) Un article sur un cas pratique : ………………………………………………………... P. 24
c) Avoir secondé une avocate pendant la durée quasi totale d’un petit dossier : Un gage
d’indépendance …………………………………………………………………………... P. 25
IV) DES EXPERIENCE ENRICHISSANTES, PROFESSIONNELLES MAIS AUSSI
HUMAINES ……………………………………………………………………………... P.26
A) Le French law moot d’Oxford: Une expérience originale affilée à mon stage : …………… P. 26
a) The preparation of the Oxford Law Moot: …………………………………………… P. 26
b) The journey at Oxford: ……………………………………………………………….... P.27
B) Prise de perspective au sein de l’équipe d’International Dispute Résolution ……………..… P.27
a) L’équipe : ……………………………………………………………………………... P.28
b) Une position de plus en plus assurée jusqu’à la fin du stage: ………………………… P. 29
CONCLUSION ………………………………………………………………………….. P.30
Annexe 1: La vie à Londres …………………………………………………………….. P.31
Annexe 2: Un exemple de présentation effectuée ……………………………………... P.34
Annexe 3: Un exemple de recherche juridique effectuée ……………………………... P.37
Annexe 4: Un exemple d’article rédigé ………………………………………………… P.43
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1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
Les étapes préliminaires qui m’ont conduite chez Gide Loyrette Nouel ont occupé une
certaine partie de mon temps mais surtout de mon esprit en Seconde année de Sciences Po.
A) Explication du choix du stage et de la démarche effectuée
Le choix entre stage et université puis celui du secteur de mon stage a été pour moi assez
évident.
(a) Le choix du stage :
Je suis rentrée à Sciences Po pour devenir avocate et plus précisément avocate pénaliste,
souhait qui m’habite depuis la Seconde et qui m’avait fait présenter à la fois mon dossier au
Collège de Droit d’Assas et passer le concours de Sciences Po Paris.
Mes premières années à Sciences Po et les cours d’introduction au droit en deuxième année
que j’ai choisis (droit pénal et droit des contrats), ont conforté mon souhait d’exercer cette
profession. Pourtant, il me fallait encore vérifier si cette ambition résistait à l’épreuve de la
réalité. En effet, Sciences Po avait commencé à m’ouvrir les portes de la théorie mais je
désirais désormais rentrer dans la pratique, bien consciente, grâce aux expériences de mon
père, ancien magistrat et lui-même avocat aujourd’hui, que le droit se vit plus qu’il ne
s’apprend réellement. Chaque situation, dit-il, requiert une interprétation de la loi.
Interprétation que je touchais du bout des doigts dans des cas pratiques certes, mais que je ne
pouvais réellement explorer qu’au cours d’un stage.
J’ai choisi d’apprendre sur le tas, pensant qu’un stage allierait à la fois la théorie et la pratique
alors que l’université ne m’aurait offert qu’un seul aspect. Je dois avouer que l’idée
d’affronter le monde réel me tentait aussi. Commencer un stage de huit mois dans une
entreprise à seulement vingt ans était un défi que j’avais envie de relever : l’idée de ne plus
travailler exclusivement pour moi mais aussi pour les autres et avec eux m’animait. C’est pourquoi j’ai voulu effectuer un stage dans un cabinet d’avocats, ou bien au sein du
service juridique d’une entreprise, de préférence pour huit mois consécutifs afin d’avoir une
réelle continuité d’action.
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(b) Le choix du pays :
Pour le choix de ma destination de troisième année, ma décision était aussi assez arrêtée. Je
voulais un pays anglophone pour mettre à l’épreuve de l’immersion ma maîtrise de l’anglais
et parce que je souhaitais encore confirmer mon niveau.
J’avais été au lycée en Section
Européenne anglais et avais obtenu un baccalauréat avec cette mention. En plus des cours
supplémentaires en anglais, rentrer dans cette section m’avait permis de voyager notamment à
Washington et à Liverpool et appris à apprécier l’anglais et l’histoire au départ commune de
ces deux pays. Mon cœur balançait alors encore entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
J’ai finalement préféré l’Angleterre en raison de la présence à Londres de mon parrain, qui y
a été magistrat de liaison à l’Ambassade de France pendant deux ans et demi. Les visites que
je lui ai rendues au cours de cette période m’ont fait découvrir une ville immense (neuf fois
Paris dit-on), pas toujours très riante certes mais infiniment majestueuse, et où la variété des
quartiers tranchait avec l’uniformité Haussmannienne connue depuis ma naissance. Par lui,
j’ai pu commencer à apprécier la culture britannique mais aussi m’initier aux différentes
approches du droit au travers de ce qu’il me racontait de son métier. Le Royaume Uni
présentait l’extrême avantage d’être proche de la France tout en m’apportant une réelle
coupure (qu’elle soit linguistique, monétaire et même…, il faut l’avouer, culinaire).
L’idée d’appréhender un autre système juridique avait aussi un réel intérêt pour moi car le
monde du droit est souvent mouvant et international et la Common Law ne m’était pas
familière. Bien que voulant être avocate pénaliste, j’ai appris, par les multiples métiers que
mon père a pu faire dans sa vie, qu’on ne sait jamais réellement où nos pas nous mèneront à la
fin. Aussi, m’intéresser à la Common Law était un moyen d’ajouter une corde à mon arc,
frustrée que j’étais de n’avoir, en seconde année, pas été assez rapide pour m’inscrire au cours
introductif sur ce thème.
En outre, mieux comprendre notre droit continental en l’opposant au système jurisprudentiel
anglais me semblait être profitable.
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Ayant arrêté ces options, ma liste de possibilités se trouvait assez limitée : il me fallait trouver
un stage dans le domaine juridique où je pouvais toucher à la fois au droit français et anglosaxon et idéalement situé au Royaume Uni.
© La démarche effectuée :
Plus attirée par le droit pénal à la base suite à mon premier stage en cabinet d’avocats, j’ai
choisi de ne pas me limiter à ce domaine de droit, tant pour m’assurer que le master Droit
économique pourrait me convenir (il n’y a cours de droit pénal qu’au second semestre et on
ne peut en faire une spécialité lors de sa deuxième année de master) que pour appréhender un
nouveau domaine du droit. J’ai alors contacté toutes les entreprises et les cabinets d’avocats
français que je connaissais implantés à Londres: de Danone à Orange en passant par la femme
de Tony Blair (j’avais l’espoir de liens nous unissant d’une part par sa maîtrise parfaite du
français et d’autre part par un partage d’un intérêt pour une profession commune). Une bonne
trentaine de lettres de motivation et de Curriculum Vitae envoyés, toujours en anglais pour
montrer que mon niveau académique ne sera pas un frein à mon travail.
Je n’ai eu, en réalité, que très peu de réponses à ces mails et, lorsqu’elles étaient négatives,
elles me reprochaient avant tout mon manque d’expérience juridique.
Il ne me restait alors plus qu’à continuer en tentant de faire mettre sur la table l’ensemble de
mes cartes: mon énergie, mon culot, mes contacts…
Ce sont sur ces bases que ma candidature dans le cabinet d’avocats Gide Loyrette Nouel
Londres, a été envoyée puis acceptée pour une durée de huit mois; de début Septembre 2014
à fin Avril 2015. B) Présentation de l’entreprise :
Afin de faire mieux comprendre l’univers dans lequel j’ai évolué pendant huit mois, il est
important présenter le cabinet et plus particulièrement mon département.
a) Présentation de Gide Loyrette Nouel :
Gide Loyrette Nouel est un cabinet d’avocats d’affaires français dont le siège se trouve à
Paris, créé en 1920 et aujourd’hui dirigé par Baudouin de Moucheron et Stéphane Puel. 7! .
Le cabinet est spécialisé dans plusieurs domaines du droit des affaires comme la finance, le
contentieux, l’assurance, l’arbitrage, la propriété intellectuelle. Il maîtrise la plupart des
systèmes juridiques grâce à son implantation dans le monde. Cette image internationale était
illustrée dès ses débuts par son fondateur, Pierre Gide, à la fois Barrister au Royaume Uni et
avocat au barreau de Paris.
Aujourd’hui, 650 juristes et avocats de 35 nationalités différentes y travaillent dans l’un des
dix-huit bureaux présents sur 4 continents.
b) Présentation du bureau de Londres :
J’ai été, quant à moi, engagée au bureau de Londres. En plein cœur de la City, Gide se veut
au centre des activités financières et économiques du pays, et plus encore. Pour y accéder, il
faut pénétrer dans un immeuble en verre de trente étages entouré de gratte-ciels et
d’immeubles historiques où les gens sont habillés en tailleurs-talons ou costumes cravates;
bref un remake de la série Suits: avocats sur mesure à la mode anglaise.
Le bureau de Londres est beaucoup plus petit que celui de Paris et a été ouvert seulement en
2003. On y trouve une trentaine d’avocats spécialisés dans la banque & finance,
l’International Dispute Resolution (arbitrage), les taxes et l’énergie. Chacun de ces
départements se compose d’environ quatre avocats et d’un ou deux trainees (assez différent
du stagiaire français, je reviendrai là-dessus).
Le bureau même de Gide Londres travaille en collaboration avec trois autres cabinets: un
italien : Chiomenti, un espagnol : Cuatrecasas et un allemand : Gleiss; qui ont leur bureau
dans la même tour que Gide.
Cette imbrication et la présence d’avocats internationaux au sein même du cabinet, permet
d’avoir une réelle diversité des profils et des champs de compétence. Ces derniers sont très
vastes et se font souvent en collaboration avec les bureaux de Gide dans les autres pays
comme avec les trois cabinets partenaires.
c) Présentation de mon département : International Dispute Resolution
Mon maître de stage, Rupert Reece étant le partenaire du département International Dispute
Resolution, j’ai moi-même été affiliée à ce département, ce qui m’allait par ailleurs plutôt
bien, n’ayant pas une très grande attirance pour les chiffres, les dérivées ou encore la finance.
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Ce département se compose de deux associés, deux collaborateurs séniors, trois collaborateurs
juniors, deux trainees et de deux stagiaires. Les trainees en Angleterre, à la différence des
stagiaires en France, sont généralement plus âgés. La plupart approchait la trentaine. En fait,
au Royaume Uni, un trainee reste pendant deux ans dans le même cabinet d’avocats mais
change de département tous les six mois alors qu’en France, un stage dure généralement six
mois avant d’essayer d’en trouver un autre dans un autre cabinet. Les trainees n’ont pas de
réelles spécialités en droit et n’ont d’ailleurs généralement commencé les études de droit que
sur le tard. Ils sont la plupart du temps recrutés à la fin de leur stage par le cabinet qui les a
accueillis pendant deux ans et affiliés au département dans lequel ils ont montré le plus
d’aisance.
Au cabinet, les nationalités sont variées: française, anglaise comme géorgienne ou
ukrainienne et la parité est étonnamment bien respectée. Pensant que le monde des affaires
était l’apanage des hommes, c’est un cliché qui s’est envolé dès mon premier jour au sein de
Gide.
Les emplois sont d’ailleurs tout aussi diversifiés: on ne trouve pas dans un cabinet d’avocats
que… des avocats. Il faut penser au chef informatique, au manager des fournitures, à la
responsable de la communication, aux secrétaires légales, aux secrétaires non légales, aux
comptables et aux bibliothécaires et documentalistes. Ils constituent le personnel le moins
stable du cabinet. Au cours de mes huit mois de stage, j’ai vu quatre d’entre eux partir, deux
changer de poste et trois nouveaux arriver. Cette mobilité au sein du cabinet m’a fortement
étonnée et au départ assez effrayée je dois l’avouer: je me demandais s’ils allaient me garder
jusqu’à la fin de mon stage.
Plus spécifiquement, mon département est qualifié souvent de « résolution des litiges ». Il
serait l’équivalent en France d’un département faisant à la fois de l’arbitrage et du
contentieux. Les dossiers y sont variés tout comme les clients (on exerce en Europe, dans
beaucoup de pays africains, mais aussi en Asie, pour des entreprises notamment dans la
construction ou dans l’énergie, pour des individus ou bien même pour des Etats). Les cas
mélangent souvent du droit continental et de la Common Law ; on aime ainsi à répéter que la
spécialisation du département est multi-juridictionnelle. Par exemple, une procédure est
engagée au Royaume Uni mais les témoins ou les pièces s’expriment ou sont en français.
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Par son aspect international, ce département permet une réelle comparaison entre les deux
systèmes de droit : le droit continental se base sur un code, écrit, ferme et souvent foisonnant ;
la Common law est fondée sur les précédents et donc des cas pratiques, parfois
contradictoires.
II) LES DÉBUTS DU STAGE : ADAPTATION ET SAUT DANS L’INCONNU
Au début de mon stage, j’ai fait mes premiers pas dans un monde qui m’était alors inconnu. Je
n’avais jamais touché à l’arbitrage ou au contentieux et je m’apprêtais pourtant à y consacrer
huit mois de ma vie. Cela a rendu les débuts parfois difficiles mais m’a aussi permis de
m’adapter au fil des semaines.
A) Des premiers pas timides
Les premières missions qui m’ont été confiées ne m’ont pas toujours passionnée mais ont
rendu possible ma formation.
a) L’entrée en matière
Je suis arrivée à Londres très peu de temps avant mon stage. C’est ainsi que j’ai pris
possession de mon appartement à Queen’s Park, en zone 2 de Londres le dimanche 31 aout au
matin pour commencer à travailler le lendemain. J’ai pu me mettre directement dans le bain et
éviter ces moments de solitude et de doute qui m’effrayaient tant.
Le premier jour au bureau de Londres a servi de répétition générale où on m’a présenté mon
bureau, un grand open space encerclé de baies vitrées, mon équipe, mes horaires.
Ces derniers sont d’abord définis de façon légale. En effet, nous sommes tenus (toute
catégorie confondue) d’arriver pour neuf heures trente au travail et de ne pas partir avant dixsept heures trente, le tout entrecoupé d’une pause déjeuner d’une heure. Dans la réalité,
l’heure d’arrivée est respectée mais une journée de travail ne s’achève que lorsque le travail
demandé est terminé. Un cabinet d’avocats ayant de nombreuses échéances à tenir, on ne peut
se permettre de partir à n’importe quelle heure. Cela rendait mes horaires finalement très
variables. Les premiers mois souvent dix-sept heures trente mais vers la fin de mon stage plus
vers vingt heures. Quant aux pauses déjeuner, elles se font le plus souvent devant son
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ordinateur avec un sandwich ou une salade achetée au coin de la rue. C’est une première
différence avec mes stages effectués en France : très peu d’anglais prennent le temps de faire
une réelle pause au déjeuner. Ils préfèrent travailler et profiter du temps gagné pour rentrer
plus tôt chez eux même s’ils ne sont pas contre quelques pintes de bières partagées dans un
pub à la sortie du travail.
Après avoir visité le bureau et m’être assise dans mon open space, je me suis sentie un peu
seule dans ce grand espace. Heureusement, une autre stagiaire, Vicktoria, une ukrainienne
ayant fait ses études à la Sorbonne, à Londres depuis l’été pour six mois, s’est occupée de
moi.
Mes tâches au sein du cabinet ont évolué en fonction des mois. Les jours passant, la confiance
a commencé à s’établir et les tâches confiées à se diversifier. Parallèlement, j’ai appris à
gagner en assurance et à améliorer mon efficacité.
b) Les activités paralégales
Les trois premiers mois, j’ai avant tout effectué des tâches paralégales. Ce terme regroupe à la
fois les classements de dossiers, leur constitution dans des classeurs, leur impression, leurs
numérotation…
En l’absence de service reprographie dédié, il n’est pas rare de voir des stagiaires effectuer
cette mission. Mon manque d’expérience préalable m’a, quant à moi, directement désignée
pour cette tâche.
Une journée est alors assez monotone. Je pouvais passer l’ensemble de mes heures légales
dans la salle de photocopieuse à vérifier que chaque page avait été bien imprimée, à les ranger
dans le bon ordre, à remettre des feuilles et à réparer l’imprimante lorsqu’elle décidait de
rendre l’âme, ce qui arrivait assez fréquemment. Il m’est arrivé d’effectuer des impressions
jusqu’à cinq heures du matin en vue d’une réunion avec des experts qui avait lieu le
lendemain matin: huit copies de plus de 3000 pages en couleur numérotées étaient nécessaire.
L’on se rend compte de l’heure lorsque l’on commence à voir apparaitre les femmes de
ménages à partir de quatre heures du matin.
Les travaux paralégaux pouvaient aussi constituer en la réalisation d’index pour ces mêmes
classeurs, répertoriant l’ensemble des documents présents avec leurs titres, un bref descriptif
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et leurs dates. J’ai eu à en faire un certain nombre tout au cours de mon stage et ce jusqu’à la
fin. C’est une tâche minutieuse et assez chronophage, certains classeurs pouvant comporter
plusieurs centaines de documents qu’il faut alors tous détailler. Cela a été assez éprouvant pour moi au départ. J’avais imaginé me voir confier des missions
plus gratifiantes, et la désillusion a été grande. Mais au fur et à mesure, je me suis rendue
compte tout d’abord que je n’étais pas la seule à effectuer cela (ce qui rendait à mes yeux la
tâche moins ingrate), et ensuite que j’apprenais beaucoup plus que ce que je ne pouvais le
penser. Même si cela ne confortait pas spécialement mon niveau d’anglais, cela marquait un
point de départ à ma formation. A la différence de la France, presque tous les avocats anglais
avaient commencé leur carrière en qualité de paralégaux et avaient par la suite progressé au
sein du même cabinet ; cela explique d’ailleurs que certains trainees aient plus de la trentaine.
Démarche très rare dans l’hexagone où la hiérarchie et le culte du statut affecte à chacun selon
son rang des tâches déterminées; c’est ainsi que Vicktoria me disait n’avoir jamais eu à faire
de reprographies avant son stage à Londres.
Ainsi, malgré cette impression de travail à la chaîne, de fordisme, cette tâche constituait aussi
pour moi une très bonne entrée en matière. Je dois, avec le recul, admettre que je n’avais pas
au départ les connaissances adéquates pour commencer directement des recherches ou encore
la constitution de mémorandum.
Il me paraît en effet primordial de savoir constituer un dossier pour pouvoir anticiper les
étapes suivantes du métier d’avocat. Je l’ai réalisé le jour ou Hannah Todd, une collaboratrice
sénior du cabinet m’a dit qu’elle avait fait face à beaucoup de jeunes avocats ne sachant pas
mettre en forme un dossier et se retrouvant démunis lorsque personne ne pouvait les seconder.
J’ai pu ainsi me familiariser à tous les types de « classeurs » : ceux de correspondance (le plus
souvent entre le défendeur et le demandeur), qu’il faut toujours classer du plus récent au plus
ancien, ceux de « procédures » qui regroupent l’ensemble des étapes nécessaires à un
arbitrage et qui sont dans un ordre chronologique classique. Ces nuances peuvent paraitre
secondaires, mais elles sont pour un avocat un gain de temps et donc un gage de productivité.
Il y a aussi les différentes couleurs, en fonction de la nature du dossier : si le dossier est
« interne » (pour les seuls avocats), ou bien si il destiné à un expert ou à un client. J’ai aussi
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appris à faire des étiquettes. L’ensemble de ces travaux constitue une tâche minutieuse où
chaque étape doit être réalisée avec attention. L’avocat ne peut se permettre de perdre un
email en route ou d’avoir le mauvais numéro de dossier sur son classeur. Pour moi qui suis
une éternelle impatiente, cela m’a permis d’apprendre la rigueur. Je me suis parfois trompée
(oubli de pages par exemple, mauvaise date dans l’index ou recto verso non demandé) et le
fait de devoir tout recommencer apprend vite qu’un travail trop rapidement effectué car
considéré comme facile conduit à un travail bâclé.
Enfin ce travail initie de fait aux différentes étapes de la procédure (les statement of claim,
statement of defense, response of the claim, response of the défense et j’en passe). Certes, je
ne les écrivais pas encore, mais en les lisant, je retenais la trame et surtout, je commençais à
comprendre la logique que l’avocat doit suivre. J’ai ainsi appris toutes les différentes
procédures nécessaires pour mettre en place un arbitrage. Ce dernier durant rarement sur
moins de dix-huit mois, les classeurs sont un moyen primordial de conserver l’ensemble des
données qui seront utiles tout au long de la procédure et de se remettre à jour chacune des
étapes. Cela m’a obligé à oublier mes exigences pour me plier à celles du cabinet: je ne
travaillais désormais plus pour moi comme à Sciences Po mais j’étais un rouage d’une
organisation collective.
Cet apprentissage de l’aspect paralégal du métier d’avocat était d’autant plus utile qu’il est
universel et me sera bénéfique au cours de mes prochains stages, que ces derniers se passent
au Royaume Uni ou ailleurs sur le globe.
c) L’apprentissage des outils de recherche: passage obligatoire pour ma formation :
L’apprentissage différents outils de recherche mis à notre disposition chez Gide a été un
préalable nécessaire.
Le cabinet possède ce qu’on appelle une library sur son intranet où on y trouve une sélection
de sites juridiques à la fois français et anglais (de Dalloz à Westlaw en passant par PLC ou
Lexology), outils que je n’avais jamais utilisés au préalable.
C’est pourquoi j’ai demandé, dans un premier temps, à suivre une formation pour me
familiariser avec ces sites. C’est Adam, alors paralégal, qui a accepté de m’expliquer. Il m’a
alors appris à surfer sur les sites, à les lire en diagonale… chose qui peut être bien utile quand
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une recherche nous est demandée dans un bref délai.
J’ai aussi compris quel site regarder en fonction de l’objet recherché: Dalloz ou Legifrance
pour de la jurisprudence français, Kluwer pour de l’anglaise.
d) Les débuts nécessaires pour gagner la confiance:
Les trois premiers mois de mon stage ont été calmes. Il m’est arrivé alors de passer des
journées entières sans avoir grand-chose faire pendant mes heures légales. J’envoyais bien des
e-mails aux avocats pour qui je travaillais mais la réponse de ces derniers était souvent
négative. J’allais alors les voir mais le retour était rarement plus positif. Ils ne me
repoussaient pas méchamment mais me faisaient bien comprendre qu’ils n’avaient pas besoin
de moi dans le moment présent. Chaque minute de leur temps étant facturé sur un tableau,
déléguer lorsqu’ils n’avaient eux-mêmes pas énormément de dossiers en cours n’était pas un
gage de productivité pour eux. Je pense aussi que mon manque d’expérience a été un réel
handicap au début et je suis rapidement rentrée dans un cercle vicieux. Paradoxe de la jeune
de vingt ans sans expérience qui désire en acquérir mais dont les adultes, déjà expérimentés,
ont l’impression que ce serait perdre leur temps que de la former. En Angleterre, si l’avocat
n’a pas besoin de toi, il ne te donnera rien à faire alors qu’en France, lors de mes précédents
stages, mes superviseurs trouvaient toujours un moyen de m’occuper. Il faut s’habituer à cette
différence. Il est vrai qu’en France, il s’agissait de plus petites équipes, plus connectées entre
elles. A Londres, chacun travaille sur une partie d’un dossier bien défini sans empiéter sur le
travail de l’autre. Non pas qu’il n’y avait pas d’entraide mais cette dernière était beaucoup
plus ponctuelle que lors de mon stage dans un cabinet français, où les trois avocats
travaillaient conjointement.
Ces premiers mois ont été clairement les plus difficiles : il m’a en effet fallu un certain temps
d’adaptation. Mon maître de stage étant souvent à l’étranger (chose cocasse : il a été plus à
Paris que moi pendant toute l’année) et ayant à gérer le cabinet, il ne pouvait me donner des
tâches à effectuer. La différence culturelle faisait aussi que j’étais relativement gênée devant
le manque d’expressivité des anglais : je ne savais jamais réellement si les avocats étaient
contents ou non de mon travail ; ils étaient cordiaux certes mais ne laissaient pas paraitre de
jugement spécifique ; ne me donnant que très rarement leurs avis.
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J’avais imaginé que j’allais travailler avec un tuteur, ou du moins qu'une personne désignée
allait encadrer mon travail. Lorsque j’avais demandé à la responsable des ressources
humaines qui était mon « superviseur », j’avais constaté que la notion la rendait perplexe.
J’étais donc à la disposition de tout le monde mais par contrecoup, je subissais aussi son
corollaire : personne n’avait à s’occuper de moi.
Dalloz était alors un véritable allié. Quand je n’avais rien à faire, je me mettais à lire des
articles et à les ficher pour à la fois anticiper mes cours de master et aussi pour approfondir
mes connaissances, qui me faisaient défaut. J’essayais aussi d’emprunter des bouquins dans la
bibliothèque sur l’arbitrage et effectuais la même démarche pour au moins me dire que je ne
m’étais pas tout à fait levée pour rien.
Cette situation ne me donnant que très peu de chance de faire mes preuves, j’essayais de me
distinguer, non pas par la difficulté de mes tâches mais par ma réactivité. Je m’appliquais à
répondre aux mails comme d’effectuer les missions demandées le plus vite possible.
B) Une certaine évolution au cours de mon stage :
Les mois passants, mes tâches et donc mes compétences ont commencé à évoluer.
a) Une formation plus soutenue grâce à l’arrivée d’une nouvelle associée :
Une nouvelle avocate est arrivée environ trois mois après le début de mon stage comme
associée au bureau de Gide Londres. Elle avait déjà travaillé pour le cabinet mais l’avait
quitté de façon momentanée.
Française, elle exerce au barreau de Paris, de Londres et de New York et son arrivée pour moi
a constitué une réelle étape dans mon stage puisqu’elle s’est attachée à me former.
Cette formation passait tout d’abord par les maîtrises de base dans un cabinet d’avocats,
autres que paralégales. Par ce terme, j’entends déjà la maîtrise des mails à envoyer aux
clients. Chose qui peut sembler anodine mais chose finalement primordiale dans un métier où
une partie essentielle du travail consiste à alimenter son réseau.
Au départ, j’ai trouvé ça assez humiliant qu’on soit obligé de m’apprendre à écrire un mail. Je
me disais que j’en écrivais depuis des années dont certains étaient très « officiels », aussi
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pourquoi devais-je à nouveau apprendre à écrire?
Mais au fil de mon apprentissage, je me suis rendue compte de la complexité de certaines
formules utilisées par les avocats anglais lorsqu’ils s’adressent à leurs clients et par la même,
tout ce que j’avais à apprendre.
Cela m’a permis de rendre mon vocabulaire en anglais plus concis et plus direct : peu de mots
pour exprimer l’essentiel. Je m’éloignais de Proust pour me rapprocher d’un style plus
concis…
Ensuite, la nouvelle associée m’a fait lire la plupart des dossiers qu’elle traitait dans le but de
me familiariser, bien plus encore que lorsque j’imprimais un dossier, à toute la complexité
d’une procédure d’arbitrage.
Mais surtout, je pouvais aller dans son bureau pour poser des questions sur ce qui
m’échappait et souvent elle m’indiquait alors des lectures explicatives visant à compléter mon
apprentissage. Cette démarche m’a réellement aidée. Elle m’a d’abord permis de gagner en confiance en moi
et, par la redondance des lectures, m’a permis de définitivement intégrer la démarche.
b) Les travaux de relecture et de traduction: Un moyen de gagner en aisance linguistique :
Gide étant un cabinet avant tout parisien, il arrivait souvent que les avocats aient à travailler
en français, que cela soit pour écrire des mails aux clients francophones ou même pour écrire
des notes de recherche ou des parties du dossier.
La plupart des avocats parlent français mais ne sont pas pour autant bilingues. Le français, à
la différence de l’anglais pour la France n’est absolument pas une première langue au
Royaume Uni. On lui privilégie souvent l’espagnol, si bien que peu de personnes le parlent
couramment. Je touchais du doigt la place, sans doute plus secondaire que ce que j’aurais
souhaité, que tient désormais la France sur l’échiquier mondial. Il suffit de constater la
croissante des arbitrages réalisés dans les pays anglo-saxons au détriment de la place de Paris
pour comprendre que l’hexagone a perdu de sa superbe.
Aussi, l’on m’a confiée beaucoup de traductions.
Les thèmes de ces derniers ou des relectures étaient variés : cela pouvait aller de la relecture
d’un dossier à la correction de mails à envoyer à des avocats de Paris.
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Ce n’était clairement pas ma tâche préférée mais cela m’a permis, je pense, de progresser plus
vite en anglais. Je me souviens de moments où je devais traduire des passages entiers de
mémorandums portant exclusivement sur la description de différents gaz, moyens de forage et
éléments nécessaires à la construction de ces forages. Ne m’y connaissant absolument pas en
énergie, quelle que soit sa nature, c’était pour moi un véritable casse-tête. Google image était
alors un allié nécessaire, je l’avoue.
Même si je ne sais pas si ce genre de vocabulaire me servira à nouveau, cela m’a permis
d’acquérir de nouvelles compétences d’adaptation. J’ai enfin commencé à arrêter de penser en
français et ensuite effectuer ma traduction directement en anglais. Je commençais à gagner en
aisance linguistique et donc en confiance. La différence culturelle, créée par la langue,
s’amoindrissait à mesure que je la pratiquais.
c) Les présentations ou la plongée dans le grand bain :
Parallèlement, les tâches qui m’ont été confiées ont commencé à devenir de plus en plus
concrètes. Je touchais alors plus réellement au métier d’avocat.
J’ai, à partir de début décembre, commencé à effectuer ce qu’on appelle les « legal updates ».
En effet, chaque mercredi matin chez Gide, l’équipe d’International Dispute Resolution se
réunit en conférence téléphonique avec une partie de l’équipe d’arbitrage de Paris, dans une
salle de réunion pendant trente minutes - une heure. Lors de cette réunion, un des stagiaires,
qu’il soit de Paris ou de Londres effectue un legal update et un autre une market news (cela a
été rajouté au fils des mois). Ces réunions servent à maintenir l’interconnexion entre les deux
équipes et permettaient de se tenir au courant de l’actualité des dossiers, des derniers
avancements… La legal update, consiste en la présentation en dix minutes d’un cas pratique qui s’est
présenté dans la semaine et qui est susceptible, de par sa complexité, son champ
d’application…, d’intéresser l’équipe. Il doit porter principalement sur du droit anglais et sur
une procédure d’arbitrage, ou en tout cas, tout ce qui a un lien de près ou de loin avec les
activités du département. Ce n’est d’ailleurs pas évident toutes les semaines de trouver un
sujet de cette nature. La market news consiste en la présentation des dernières actualités des
entreprises pour lesquelles on travaille ou de l’état de l’économie en général.
! .
17
Je n’en avais pas faite lors de la première partie de mon stage car je ne me sentais pas encore
prête ; les sujets traités sont souvent très complexes et je pensais au départ ne maîtriser ni le
vocabulaire juridique anglais ni le contenu en soit pour y prétendre. Finalement, peu après ma
formation sur PLC et Lexology, j’ai demandé à faire une première présentation sous le regard
bienveillant de Viktoria, prête à me venir en aide à tout moment ainsi que des autres avocats
qui ne semblaient pas se formaliser de mon accent et m’encourageaient à aller plus loin. Ces
appuis m’ont donné assez confiance pour entamer ce qui allait être mon premier grand oral.
Je me suis alors plongée pour la première fois dans l’univers des articles juridiques
anglophones. Après avoir préparé une fiche récapitulative avec un résumé de tous les cas
intéressants de la semaine, il m’a fallu en choisir un et l’étudier plus spécifiquement. En fait,
le principe est un peu le même que lors d’un exposé de droit à Sciences Po : il faut présenter
les faits, les points soulevés par le juge dans sa décision et expliquer en quoi cela peut
intéresser l’équipe.
Si la préparation du sujet est classique, sa présentation m’inquiétait. Je me sentais assez
ridicule avec mon accent français et j’avais peur de buter sur les mots ou des questions qu’on
pouvait me poser à la fin.
La première fois n’a pas été évidente. J’ai choisi de la faire sur un cas intitulé CIP Properties
Ltd v Galiford Try Infrastructure Ltd & Ors. Il s’agit d’un contentieux dans le domaine de la
construction amené devant la Technology and Construction Court britannique par le
défendeur CIP properties en réparation des dommages causés par la violation d’un contrat. Ce
cas pratique était le prétexte pour aborder l’Alternative Dispute Resolution ou Modes
Alternatifs de résolutions des conflits en français. Il s’agit de l’ensemble des pratiques qui
vont impliquer un règlement à la fois juridique et judiciaire d'un différend tout en évitant
l’arbitrage. C’est une pratique de plus en plus répandue aussi bien en droit anglais que
français et donc assez intéressante à considérer.
Depuis, j’ai effectué de nombreuses autres présentations, environ une à deux fois par mois.
Un seul cas traitant du droit français. Il portait sur la reconnaissance ou non par la Cour de
Cassation d’une décision arbitrale rendue par la Chambre Internationale de Commerce de
Paris dans un contentieux opposant une entreprise portugaise et une entreprise irlandaise.
! .
18
J’ai aussi pratiqué les market news expliqués ci-dessus. Ces présentations ci sont plus brèves
(environ deux à cinq minutes) et ne sont, comme le nom l’indique, plus juridiques mais
économiques. Cela m’a permis de me familiariser avec des sites comme Bloomberg et d’enfin
apprendre à lire les cours de la Bourse.
Ces exercices me semblaient adaptés pour progresser aussi bien en théorie qu’en pratique : ils
me permettaient de vaincre ma timidité, de montrer que je pouvais me débrouiller pour traiter
d’un cas en anglais et surtout d’apprendre, apprendre à lire les jugements en anglais souvent
très différents des français (beaucoup plus longs, pas de références à des articles mais à des
cas jurisprudentiels), retenir le vocabulaire juridique anglais, à être concise… Bref apprendre
beaucoup de choses pour une présentation pourtant si courte.
III) UNE RÉELLE AVANCÉE :
J’ai connu au fil des mois une réelle avancée dans mon stage, aussi bien d’un point de vue
professionnel que personnel.
A) Les recherches : une entrée dans le monde des avocats
Deux types de dossiers ou de recherches m’ont été confiés: des recherches directement sur les
dossiers ou bien des recherches en marge sur des points juridiques. Elles ont marqué une
réelle étape pour moi car elles étaient la preuve que les avocats commençaient à me faire
confiance, notamment en raison de la complexité croissante des mémorandums qui m’étaient
donnés.
a) Les recherches directement sur les dossiers:
Ces recherches consistent souvent à étayer un point contesté par la thèse adverse, à faire des
recherches sur des personnes impliquées dans les affaires, sur des témoins, sur le contexte
politique de certains pays, leur situation géographique… Bref, se livrer à un véritable travail
d’enquête. Mon côté curieux, pour ne pas dire fouineur, allait enfin être mis à profit.
J’ai dû par exemple essayer de trouver des articles sur un cas similaire à celui que nous étions
en train de traiter, et qui impliquait la même entreprise que celle à laquelle nous étions
opposés. Le but était de voir la tournure qu’avait prise le jugement, mais aussi de savoir si
! .
19
l’on pouvait s’en servir. En outre, si l’entreprise avait été déjà été condamnée pour un fait
similaire, la balle était alors clairement dans notre camp. J’ai dû remonter à des articles des
années 90, les résumer et en faire des notes pour l’avocate m’ayant donné ce travail. Une
recherche comme cela s’étend sur une durée variable, d’une à deux journées, en fonction de la
facilité avec laquelle on peut remonter le temps.
Je constituais dans ce cas-là mon propre classeur d’enquête que je rendais à l’avocate, ce qui
donna lieu à des discussions sur les stratégies qu’on pourrait développer au vu du résultat des
recherches demandées. C’est un travail passionnant et l’on n’imagine pas la diversité des
sources ouvertes à notre disposition.
J’ai aussi dû trouver des cartes pour localiser des zones de forage revendiquées par les
demandeurs et contestées par notre client. J’ai alors appris que trouver une carte dont la
source est officielle n’est pas une manœuvre si aisée lorsqu’il s’agit de pays plutôt peu connus
ou guère transparents.
Par ailleurs, j’ai créé des tableaux comparatifs de photos fournies par le demandeur sur
l’évolution des travaux « clé en main » d’une zone de forage.
Il s’agissait de sélectionner les photos les plus pertinentes pour montrer que notre client avait
bien effectué dans les temps tous les travaux demandés ainsi que leur évolution au fil des
mois de construction.
Enfin j’ai eu à effectuer une comparaison des bilans comptables d’une entreprise entre 2009 et
2014 pour essayer de montrer, au travers de ceux-ci, qu’elle avait des difficultés. N’ayant
encore jamais touché à de la comptabilité, me retrouver face à tous ces chiffres, ces soldes et
ces balances a été un véritable défi.
Ce qui est intéressant dans ce genre de recherches directement sur le dossier, c’est qu’on ne
travaille plus alors uniquement sur des bases juridiques, on cherche des articles de presse dans
des journaux, des informations sur les pays sur leurs sites officiels… On se rend alors compte
de toute la signification d’une expression comme « le droit est vivant » : le travail d’enquêteur
qui m’attirait tant dans le métier d’avocat existe donc bien. Cela ne faisait alors que conforter
mon choix de master mais surtout ma vocation d’avocate.
! .
20
b) Les recherches en marge des dossiers : les recherches juridiques:
Les recherches juridiques consistent à développer un point de droit utile à la solution du litige.
Elles ont été pour moi un moyen direct d’étayer mes compétences juridiques.
Les recherches dans ce domaine que j’ai eu à effectuer ont été très nombreuses, à la fois sur
du droit anglais et sur du droit français. Ces dernières font aller chercher dans les revues
juridiques qui sont à notre disposition mais aussi dans les codes (quand c’est en droit
français), dans la jurisprudence… pour rédiger ce qu’on appelle un mémoire, une sorte de
note destinée à l’avocat qui a demandé le travail. De taille variable, il se divise normalement
en plusieurs parties : sur la loi, sur l’évolution de la jurisprudence et sur une conclusioncommentaire. Les thèmes des recherches ont été très vastes: j’ai eu par exemple à traiter du processus d’un
arbitrage international entre une autorité étatique et une compagnie en me demandant si un
arbitrage contre un Etat ou une entité étatique était possible, des critères nécessaires à la
constitution d’une clause d’arbitrage valide en droit français (plus spécifiquement sur la
clause compromissoire), à établir un tableau comparatif entre les règles juridiques mises en
place par les différents pays européens en matière de délai de paiement.
J’en résumerais quelques-unes pour illustrer mes propos.
Le premier était relatif aux multi-tiered clauses. Ce terme n’a pas de traduction littérale en
français mais regroupe toutes les étapes qui peuvent être préalables à la saisine d’un juge
comme par exemple la médiation et/ ou la conciliation ou bien encore l’intervention d’un
expert. L’avocate m’ayant donné ce sujet voulait savoir si, en France, il était nécessaire de
passer par ces « modes alternatifs de règlement du conflit », avant d’aller à l’arbitrage.
La première question qui se pose alors est de comprendre le terme exact pour lui trouver sa
variante en droit français. Pour quelqu’un qui, comme moi au début de mon stage ne
maîtrisait pas le vocabulaire juridique de l’arbitrage, en français comme en anglais, ce n’était
pas évident.
! .
21
Je me suis alors familiarisée avec le Code Civil et le Nouveau Code de Procédure Civile. Une
sorte de monde parallèle aux milliers de pages extrêmement fines et aux articles plus précis
les uns que les autres.
Dans ce cas précis, il s’agissait d’abord de présenter les articles français correspondant aux
modes alternatifs de règlement des conflits et à les expliciter au maximum pour des avocats
qui maîtrisent avant tout la Common Law et n’ont que peu de connaissances en droit
continental.
Ensuite, il fallait étayer tous les cas de jurisprudence nécessaires. La difficulté pour moi ici,
était de réussir à toujours trouver le cas le plus récent de jurisprudence pour être bien sûr de
ne pas étayer une thèse qui aurait été réfutée depuis. Cet exercice de recherche
jurisprudentielle est très intéressant dans le sens où il apprend tout d’abord à lire un jugement
français, à différencier les différentes chambres (un jugement de l’assemblée plénière de la
cour de cassation aura généralement plus de valeur qu’un jugement de la chambre
commerciale puisqu’elle réunit l’ensemble des six chambres de cette
juridiction), et à
comprendre le mécanisme d’un raisonnement juridique.
La conclusion était que les multi tiered clauses sont sujettes à une large interprétation par les
tribunaux français et que le principe général du droit de l’autonomie de la volonté des parties
donne force obligatoire aux clauses du contrat, car elles ont été voulues par les parties.
Dernier exemple : l’un des derniers memorandums sur lequel j’ai travaillé m’a été demandé
par une collaboratrice Senior de l’entreprise. Il portait sur les freezing orders dans le cadre des
litiges internationaux. Ces mesures du droit anglais décidées par le juge ont pour but de geler
pendant un temps défini les actifs d’un débiteur dans l’attente de l’exécution d’une décision.
Ils ont, en droit anglais, à la fois un rôle de soutien des procédures étrangères et à la fois la
prétention de soutenir l’exécution d’une décision arbitrale ou de jugements étrangers. La collaboratrice en question souhaitait envoyer aux clients une note sur ces mesures, à la fois
dans le cadre du droit anglais et dans celui du droit français, dans la pure tradition de notre
aura multi juridictionnelle.
! .
22
Le premier sujet a d’abord été de trouver la bonne « traduction » de ce concept anglais dans
notre droit continental. N’ayant jamais entendu parler de ce concept dix minutes avant sa
brève présentation par l’avocate, la peur du contresens était assez vive. Le premier réflexe est
alors de faire une comparaison entre ce que je peux trouver dans le Code Civil et sur Google. Après avoir trouvé les définitions de mesures conservatoires et provisoires en droit français,
j’ai conclu que cela correspondait au plus près des freezing orders. En effet, une mesure
conservatoire, en droit français, consiste notamment à placer l’actif du débiteur à la demande
du créancier afin de permettre l’efficacité des mesures d’exécution.
A partir du moment où les termes sont clairement définis, la démarche reste la même : tout
d’abord il s’agit de trouver les articles dans les lois, les décrets… qui appuient ces mesures.
Ensuite, il faut s’intéresser à la jurisprudence. Mon accroche citant cette fameuse phrase de
William E. Gladstone: « justice différée est justice refusée » m’avait permis de trouver
l’inspiration ainsi que mon angle d’attaque. Dans ce cas précis, ce qui était intéressant était le
revirement de jurisprudence en France à partir de 1995 : le juge qui suivait la règle du forum
arresti jusqu’alors, ce qui le rendait compétent pour décider de l’exécution de la mesure,
devint, après 1995, un juge qui traite sur la forme sans pouvoir d’exécution.
La rédaction de ces mémorandums; qu’ils portent directement ou non sur les dossiers, a été
pour moi une première réelle plongée dans la pratique du droit, chaque personne du cabinet
exerçant (qu’il soit trainee, collaborateur ou associé) doit en rédiger. Cela a été une étape dans
la familiarisation avec la si particulière rédaction juridique, un moyen de progresser encore un
peu plus en anglais, et d’élargir encore ma vision d’ensemble sur le métier d’avocat. Cela
confortait encore mon orientation.
B) La rédaction des articles et la constitution des dossiers : un gage d’indépendance
Gide publie souvent des articles pour la Revue générale du droit des Assurances qui traite de
l’ensemble des thématiques en droit de la responsabilité et des assurances. Cette dernière
demande à Gide Londres, de produire des articles sur le droit des assurances anglophone. Cela
n’est pas directement lié à ce que fait le département dans lequel je travaillais mais ça permet
! .
23
à Gide de garder une certaine notoriété dans des revues spécialisées. Ces articles doivent être très brefs, moins d’une page, mais sont complexes à rédiger.
Hannah Todd, l’avocate collaboratrice sénior citée précédemment, m’a demandé au cours de
mon stage d’écrire deux articles pour cette revue. Le choix de l’article était libre à partir du
moment où il traitait d’une décision anglaise. Cette liberté m’a permis une réelle progression.
C’est la première fois que je pouvais appréhender le droit de mon point de vue, sans censure.
a) Un article sur une réforme du droit anglais :
Le premier, rédigé à la fois en français et en anglais était le plus court des deux et ne portait
pas sur un cas pratique mais sur une modification de la Marine Insurance Act de 1906, un acte
du Parlement britannique relatif à l’assurance maritime. Il visait en effet à présenter de façon
concise la réforme du droit des assurances commerciales en Common Law et au sein de cette
réforme, quatre nouveautés étaient à mettre en exergue:
- les suspensive conditions, qui permettent à un assuré de remédier à un manquement pour
rendre conforme l’obligation sans décharger l’assureur de toute responsabilité à continuer
l’exécution de son contrat.
-La
fair representation of the risk; c’est-à-dire la publicité des risques renforcée par la
réforme avant même que le contrat entre assurés et assureurs se mette en place.
- Le principe de bonne foi renforcé qui permet une annulation moins automatique en cas de
violation de contrat.
- Et enfin la clarification des recours des assureurs confrontés à des demandes frauduleuses. Ces changements, bien que menus sur le papier apparaissent comme une réelle révolution
dans le droit des assurances anglais, révolution préparée depuis huit années par la Law
Commission britannique, et qui s’attaque un texte considéré comme une institution au
Royaume Uni.
De ce fait, travailler sur ces quatre points de réforme a constitué un certain défi pour moi afin
de retranscrire au plus près la réforme à un lecteur français qui, comme moi sans doute,
connait peu de chose au droit des assurances anglais.
! .
24
b) Un article sur un cas pratique :
Le second article issu de la Common Law a été le sujet le plus complexe que j’ai eu à traiter
chez Gide bien qu’écrit directement en français. Cet article a été aussi l’une des tâches les
plus stimulante et intéressante que j’ai eu à faire.
Trouver le sujet d’abord n’a pas été aisé. En effet, les décisions rendues par les juges anglais
en droit des assurances étaient soit pas assez fournies pour en faire un article soit avait déjà
été pris par les deux autres stagiaires qui avaient dû faire la même tâche que moi.
Aussi mon choix s’est arrêté sur le cas Atlasnavios-Navegecao LSA v Navigators Insurance
co Ltd and others. Les faits sont les suivants : un navire transportant du charbon depuis le
Venezuela jusqu’en Italie a fait l’objet en 2007 d’une inspection sous-marine par les autorités
vénézuéliennes qui ont découvert à bord 132 kg de cocaïne. Le navire fut alors séquestré.
Dans son jugement rendu, la Cour Commerciale de Londres avait dû décider si la War &
Strike Policy (assurance courante en droit maritime) couvrait les pertes du demandeur, qui
s’était vu finalement confisquer le navire et privé d’une partie de son équipage, en traitant
deux questions principales : l’interprétation des exclusions de garantie prévues dans le contrat
d’assurance, ainsi que la validité ou non de la demande de recouvrement des frais de justice et
de main d’œuvre d’entretien.
Partie de là, j’étais confrontée à un jugement de quatre-vingt-dix-neuf pages exclusivement en
anglais rendu par le juge Flaux J, connu dans le domaine pour être extrêmement technique.
N’ayant jamais touchée au droit des assurances sauf lors de mon précédent article, j’avais
dans ce cas précis eu l’idée saugrenue de traiter de quelque chose d’encore plus spécifique : le
droit des assurances maritimes.
J’ai mis plus de trois semaines à rédiger cet article en entier après avoir consulté toutes les
revues de la bibliothèque sur le droit maritime, écumé les sites juridiques et parcouru tout ce
qui se trouvait sur les moteurs de recherche à ce sujet.
J’ai aussi demandé de l’aide à une barrister venue pour deux semaines au cabinet pour se
former à l’arbitrage et qui se trouvait, comme par miracle ou au moins par signe du destin,
! .
25
dans le même open space que moi. Par sa gentillesse et sa pédagogie, elle m’a permis de
combler enfin les dernières zones d’ombre qui assombrissaient mon article.
Ce que j’ai aimé particulièrement dans la rédaction de ces deux articles réside dans la grande
liberté qu’on me laissait pour les traiter, et dans le défi que constituait chaque point traité. J’ai
senti que mon travail devenait plus construit au fur et à mesure que j’écrivais et que je
commençais réellement à gagner en indépendance. On m’a laissée choisir mon sujet et le
traiter. J’ai pu prendre une décision, bien que secondaire, pour Gide, décision qui m’a permis
aussi de faire mes premiers pas en matière de droit des assurances.
c) Avoir secondé une avocate pendant la durée quasi totale d’un petit dossier : Un gage
d’indépendance
Au cours de mon stage, j’ai eu la chance de suivre un dossier du début jusqu’à la fin. Ce
dernier portait sur une histoire de factures impayées entre deux entreprises. Dans cette affaire,
nous étions le demandeur et notre mission était de parvenir à la récupération d’une créance
d’une centaine de milliers d’euros tout en ne s’enlisant pas dans une procédure longue et
onéreuse.
Ce dossier m’a permis d’assister à mon premier
call
avec des clients et de rédiger ma
première attendance note. Cette dernière vise à retranscrire toute la discussion qui a eu lieu
pendant l’appel entre les clients et l’avocat et toutes les pistes qui ont été exploitées.
Ce coup de téléphone a été en quelque sorte le lancement de la procédure et, sous le contrôle
de l’avocate, j’ai rédigé ma première lettre de mission visant à lier le cabinet d’avocats au
client. Cette dernière définit l’étendue de la mission, son prix, ses conditions… Ensuite, j’ai eu à concevoir ce qui serait l’équivalent en français d’une mise en demeure sauf
que le défendeur a, au Royaume uni à contrario de la France, vingt et un jours ouvrés pour
répondre à cette demande.
Enfin, suite à la non réponse dans les quatorze jours à cette lettre, l’avocate m’a chargée
d’écrire une lettre de rappel pour signifier qu’il ne restait plus que sept jours à la partie
adverse pour se manifester.
Cette expérience a été réellement enrichissante car elle m’a permis, pour la première fois,
! .
26
d’effectuer par moi-même ce que j’avais lu dans les dossiers constitués au début de mon stage
et d’étoffer encore un peu plus ma pratique du droit.
IV) DES EXPERIENCE ENRICHISSANTES ; PROFESSIONNELLES MAIS AUSSI
HUMAINES
J’ai, en huit mois, vécu un certain nombre d’expériences enrichissantes et rencontré un nouvel
univers qui m’a confortée dans mon choix de devenir avocate.
A) Le French law moot d’Oxford: Une expérience originale affilée à mon stage :
a) The preparation of the Oxford Law Moot:
Le moot d’Oxford a constitué pour moi l’un des meilleurs souvenirs de mon stage. Expérience
aussi bien professionnelle qu’humaine, il m’a permis de « vivre » le droit au travers de
plaidoiries enflammées.
Le French law moot d’Oxford est un concours de plaidoirie organisé par l’université d’Oxford
et sponsorisé par Gide Londres. Ce concours réuni une dizaine d’étudiants en droit venant
d’universités européennes comme Cologne, Warwick ou encore Florence. Comme son nom
l’indique il se déroule exclusivement en français et porte sur un cas pratique que préparent les
élèves par groupe de deux avec leur mentor. Chaque équipe durant la journée du concours
peut jouer à la fois le rôle du défendeur et celui du demandeur. Ils sont évalués sur leur
éloquence ainsi que sur le fond des propos tenus : sur leur capacité à faire du droit français un
outil de la cause défendue.
Je connaissais à l’origine ce moot au travers de mon parrain qui en avait été l’un des jurés
quand il était magistrat de liaison, mais n’en avais jamais entendu parler autrement que dans
ces propos vantant le mérite de l’hospitalité à Oxford…
J’y ai été associée plus concrètement lorsque l’associée de Gide Londres est venue me
demander si je pouvais préparer le sujet pour elle et mon maître de stage, qui allaient être
membres du jury de cette édition.
Le sujet de cette année portait sur du droit immobilier et plus spécifiquement sur la question
! .
27
des droits des propriétaires et des locataires, et de la résiliation possible d’un bail. Trois
questions prédominaient:
-l’accueil d’un tiers est-il un motif de résiliation du contrat?
- la présence d’un furet est-il lui aussi un motif de résiliation du contrat?
- l’insuffisance du poêle dans la pièce principale relève-t-elle de la responsabilité du
propriétaire ou du locataire?
J’ai eu plusieurs semaines pour m’y préparer et j’ai écrit une note interne pour les deux
avocats sur les principaux points juridiques. Pour m’aider, Myriam, une stagiaire en dérivés,
m’a appris la structure que devait avoir un cas pratique en droit français : d’abord les faits,
ensuite le droit, puis le lien entre le droit et les faits.
C’était ma première expérience en droit immobilier, et je me suis rendue compte de toutes les
sous-questions que pouvaient ouvrir chacune des questions principales que j’avais soulevée
dans le sujet donné.
J’ai pris un réel plaisir à préparer ce moot, j’avais l’impression de préparer le sujet comme les
autres élèves.
b) La journée à Oxford:
Puis est venu le jour de ce fameux concours : nous sommes partis à une dizaine (les deux
associés membre du jury et tous les francophones du cabinet qui avaient souhaité se joindre à
l’évènement) dans un train de Londres Paddington à destination d’Oxford.
Entendre les élèves débattre sur le sujet que j’avais moi-même traité a été un réel plaisir et je
garde un souvenir très marquant de cette journée. Cela a été aussi une expérience humaine me
permettant de partir avec des collègues en dehors du cabinet.
B) Prise de perspective au sein de l’équipe d’International Dispute Résolution
J’ai travaillé durant mes huit mois de stage dans une équipe assez réduite et assez mouvante.
La taille du cabinet était un réel avantage car cela m’a permis de travailler avec chacun des
avocats et donc de devoir m’adapter à tous les styles et à tout type de demande.
! .
28
a) L’équipe : Chacun a été, à sa manière, d’un réel soutien pour moi et m’a permis d’appréhender un peu
plus les habitudes culturelles britanniques. Il n’y avait pas réellement de rapports
hiérarchiques au sein du département où je travaillais, dans le sens où on sentait plus une
cohésion de groupe qu’un rapport d’échelon entre toutes ses composantes. Chacun était très
poli mais aussi très réservé vis-à-vis de son prochain, ce qui m’a, au départ, beaucoup
étonnée, pour ne pas dire frustrée. Mais je me suis habituée au fil des mois et j’ai appris que
cette réserve n’était pas de l’impolitesse ou de l’hypocrisie de la part des anglais mais de la
pudeur.
Plusieurs évènements ont été organisés au cours de mon stage pour créer une sorte de
cohésion et de mêler la culture franco-britannique. J’ai ainsi été invitée à un déjeuner
d’équipe : un restaurant italien sur le thème tristement marquant de Charlie Hebdo, où nous
avons pu débattre notamment des différentes politiques d’intégration des étrangers entre les
deux pays. Il est d’ailleurs étonnant de voir avec quelle réserve un anglais aborde la politique.
A part une discussion animée avec un chauffeur de taxi pour qui la reine était la
personnification de Dieu, il n’est pas aisé de s’avoir ce qu’un anglais pense de son propre
gouvernement, et ce pourtant une année d’élection générale hormis peut-être lorsque l’on se
balade dans la rue et que l’on voit à la fenêtre des maisons affichés clairement les soutiens de
leurs habitants.
Je me souviens ainsi d’une anecdote : un des avocats avait une tasse où était représentée
Margareth Tatcher ; en la lui faisant remarquer, sa réponse a été « J’aime bien » puis « enfin
la tasse… le reste je n’ai pas d’avis ». Je n’ai que peu parlé de politique avec les anglais mais
ce qui en ressort d’après mes conversations avec Henry, ancien trainee de mon département,
c’est que les anglais, comme en France, redoutent la montée des extrêmes même si elle est,
étonnement moins importante que dans l’hexagone et se concentre sur le refus des institutions
européennes. Il l’explique notamment par le fait que le parti conservateur est souvent plus à
droite encore que ne peut l’être l’UMP en France. Je ne pense pas que mes collaborateurs
n’aient pas d’avis politiques, mais il est moins courant en Angleterre d’exposer à la vue de
tous ses opinions politiques comme on peut le faire en France. Je suis, malheureusement,
partie avant les élections et ne sais donc pas si son analyse était judicieuse ou non.
! .
29
b) Une position de plus en plus assurée jusqu’à la fin du stage
Il y a eu quelques moments festifs dans cet environnement de travail comme par exemple un
rendez-vous « patins à glace » avec deux avocats de mon département. Cet événement au
cœur de la City était organisé par des assureurs francophones et nous y sommes allés pour
représenter Gide. Ayant déjà écrit des articles sur le droit des assurances et parlant français, je
me sentais relativement à l’aise sauf sur la glace… n’ayant jamais chaussé les patins de ma
vie, ce sont les avocats qui se sont retrouvés à essayer de m’apprendre. Situation relativement
cocasse et plaisante avec du recul, car cela a permis de casser… la glace vis-à-vis d’eux et
m’a donnée confiance dans ma capacité à pouvoir, moi aussi, représenter le cabinet.
Outre les pots organisés, les réunions du mercredi permettent aussi à tous de trouver sa place
dans l’équipe. Par la présentation par un stagiaire différent chaque semaine, ce moment du
mercredi était un bon moyen pour nous d’exister réellement au sein du cabinet. Pouvoir ainsi
s’exprimer au milieu de tous était, à mes yeux, une réelle chance et le meilleur moyen de
gagner une certaine forme de confiance. J’ai pris de l’assurance, au fur et à mesure de mes
présentations, une appréhension de la tâche totalement différente de ma part. Après avoir joué
avec mon stylo et m’être balancée sur ma chaise pendant mon premier coup d’essai, j’ai
appris à garder mon calme, à poser ma voix et à me détacher de mes notes. Ces présentations
étaient pour moi beaucoup plus impressionnantes que celles de Sciences Po car elles se
passaient devant des personnes qui connaissaient pour la plupart bien mieux le sujet que
j’allais traiter que moi-même et qui constituais un jury spécialisé et avertis.
Certes, il m’est arrivé au début de me sentir à l’abandon mais cela n’a pas duré, et j’ai eu
aussi l’impression de bénéficier d’une réelle formation grâce aux feedbacks durant tout mon
stage, même si j’aurais aimé que ces derniers soient parfois plus fréquents. Rendre un travail
et n’avoir aucun retour est parfois assez frustrant. Mais certains avocats faisaient réellement
l’effort et prenaient le temps de m’orienter. Je me souviens notamment de ceux d’une jeune
avocate collaboratrice qui prenait toujours le soin, après le rendu des mémorandums qu’elle
m’avait demandée, de me faire assoir dans son bureau pendant dix minutes pour m’expliquer
ce qui allait et ce qui n’allait pas afin de me faire progresser. J’avais alors réellement
l’impression d’apprendre, car je pouvais mettre le point sur mes lacunes, et donc tenter de les
combler.
! .
30
L’open space a favorisé mes rapports avec les deux autres stagiaires qui sont devenues des
amies : Viktoria dont j’ai déjà parlé plus haut est restée jusqu’à Décembre chez Gide Londres
et a été un véritable soutien pour moi. Elle avait la patience et la gentillesse de me réexpliquer
à mes débuts quand je ne comprenais pas toujours l’ensemble des consignes qu’on me
donnait. Elle m’a formée sur les présentations à faire le mercredi et m’a toujours aidée tant
sur le point personnel que professionnel.
L’arrivée de la nouvelle stagiaire, Sopiko, une géorgienne étudiant à l’université d’Assas, en
janvier a totalement fait évoluer cette situation. Désormais ce n’était plus moi la dernière
arrivée Quand je l’ai vue, totalement perdue et laissée à son bureau toute seule le premier
jour, je me suis revue quatre mois plus tôt à sa place. Je lui ai alors à mon tour appris à faire
des impressions, à trouver les fournitures, la bibliothèque, à faire les présentations du
mercredi…La boucle était donc bouclée.
Pour conclure, j’ai eu réellement l’impression grâce à ce stage de huit mois de rentrer dans la
vie active. J’ai, en huit mois, dû apprendre à gérer l’argent que je gagnais, à gérer un monde
que je ne connaissais que très mal, à supporter un rythme de travail parfois soutenu et à
m’adapter mais cette expérience m’a aussi permis de progresser. J’ai gagné grâce à Gide en
confiance et en maturité. Pour la première fois, je suis sortie du cocon parental pour me
confronter à la vie réelle. La différence de langue et d’univers m’ont permis de m’ouvrir,
d’appréhender plus facilement mon environnement.
J’ai appris qu’un avocat était à la fois un enquêteur et un conseil au service d’une partie. Je
peux désormais appréhender mon master de façon plus sereine et répondre à ma question
initiale : oui, je souhaite vraiment devenir avocate et ce, aussi bien en théorie qu’en pratique.
! .
31
Annexe 1 : La vie à Londres:
En effet, de mes huit mois à Londres, je garderai sans doute un meilleur souvenir de mon
stage que de ma vie dans la ville elle-même.
Il faut avouer que mon quotidien la bas, outre mon travail, n’était ni très riche ni très
épanouissant. Ne sachant jamais trop vers quelle heure j’allais sortir du travail, je ne me suis pas aventurée
dans des cours du soir ou autres, de peur de ne pas pouvoir m’y rendre et de payer pour rien.
Mes relations durant la semaine se limitait alors avant tout à celles professionnelles, et c’est
sans doute pour cela que j’attachais autant d’importance à la présence des stagiaires : elles me
permettaient de ne pas être seule, au moins pendant ma journée de travail.
Mes soirées après le travail étaient plutôt calmes et assez répétitives. Outre deux amis que je
connaissais déjà avant d’arriver à Londres et qui n’avaient rien d’anglais (l’une italienne et
l’autre germano-français), et les stagiaires du bureau que je fréquentais parfois après le travail
pour aller au pub (chose très british, je ne me suis fait aucun ami là-bas. Mes journées se
ressemblaient toutes : 50 minutes de RER-Metro pour aller jusqu’au travail, cinq minutes de
marche, une journée au bureau puis 50 minutes de route pour revenir et généralement un diner
devant un film. Certains jours de la semaine étaient, je dois l’avouer, assez déprimants et la
solitude s’est faite réellement sentir au début, surtout lorsque le stage ne me captivait pas ou
que les tâches que je devais effectuer durant ma journée étaient répétitives. Dans ce cas-là,
rentrer chez soi pour se retrouver seule était vraiment dur, et je sentais comme un sacrifice le
fait d’avoir choisi le stage plutôt que l’université. J’avais jusqu’alors vécu avec mes parents et
n’avais jamais eu à me confronter aussi brutalement à ce que représentait la vie toute seule.
Mes week-ends en revanche étaient bien occupés par des amis profitant de ma présence à
Londres pour venir visiter la ville et passer deux jours avec moi. Je pense que là a été aussi
mon erreur. J’avais tellement peur de me retrouver toute seule à Londres que j’avais proposé à
la plupart de mes amis français de venir me voir durant le week-end. Mais, bien que j’ai passé
de moments supers avec eux, je n’ai jamais réellement pu profiter de Londres par moi-même,
la semaine étant trop fatiguée pour m’aventurer dans les rues de Londres, sauf pendant 4
week-ends sur tous ceux de mes huit mois de stage.
! .
32
Je m’étais mise en colocation pour parer à ce cas de figure qui me faisait si peur mais ce fut
un échec.
Lors de mes réunions avec Sciences Po avenir, j’avais eu l’impression que la
colocation était la solution miracle pour avoir des amis dans une ville inconnue mais j’ai vite
déchanté.
Par la différence d’âge sans doute, mais surtout par la différence de rythme de vie, je n’ai
jamais réussi à réellement sympathiser avec mes colocataires. Je ne les avais rencontrées que
brièvement avant de m’installer définitivement, trop contente de trouver un logement dans
mes moyens et ne ressemblant pas totalement à la chambre d’Harry Potter, ou devrais-je dire
à son placard.
L’ambiance était le plus souvent cordiale avec mes colocataires mais je les voyais peu (l’une
étudiante sortant beaucoup et l’autre travaillant souvent jusqu’à trois heures du matin), et je
me sentais même assez mal à l’aise quand je les voyais, l’appartement devenant vite assez
petit. La fatigue faisait aussi que, lorsque je rentrais, j’avais le plus souvent seulement envie
de me retrouver toute seule tranquillement et de me reposer. Je pense qu’en réalité, aucune de
nous n’a fait réellement l’effort d’aller vers l’autre, et l’ambiance au sein de la maison était
même relativement désagréable, mes deux colocataires se cherchant constamment des noises
sur des sujets bénins comme l’utilisation de la machine à laver.
Je pense que cette colocation m’a aussi laissée un goût amer à la suite du vol que nous avons
subis un vendredi après-midi. Rentrer chez soi et voir que ses bijoux et son ordinateur ne sont
plus là met un certain coup au moral et crée une sorte d’appréhension à l’idée de devoir
rentrer chez soi de nouveau.
Je pense que je ne retenterai pas l’expérience des colocations avec des gens que je ne connais
pas et je ne la recommande pas non plus.
Sur Londres même, c’est une ville qui m’a semblé à la fois très belle et très inaccessible. De
par sa grandeur mais aussi de par son coût. En effet, Londres est une ville très chère et où il
faut réellement avoir un budget conséquent pour réussir à profiter de l’ensemble de ce que la
ville offre. Une oyster card (équivalent du pass navigo dans le métro parisien) à 125 pounds
par mois, un cinéma à 15 pounds (respectivement environ 160 et 21 euros) sont autant de
budget qui a la fin du mois viennent faire un trou dans les finances. A part les bières, moins
chères qu’en France, les expositions permanentes des musées et la nourriture à un prix
! .
33
relativement identique que celui de l’hexagone, tout est en moyenne plus onéreux à Londres
et outre mon salaire, j’ai été frappée par la difficulté avec laquelle il fallait boucler les fins de
moi. C’était aussi pour moi ma première rentrée dans la vie active et la première fois où je
devais gérer mon argent par moi-même. Cela rend les habitudes culturelles différentes : les
anglais ont l’habitude de rentrer tôt du travail, d’aller au pub pour boire une (impressionnante)
quantité d’alcool puis de rentrer chez eux. En huit mois de stage, je ne suis allée que deux fois
au cinéma et jamais au théâtre en raison de son prix. J’ai d’ailleurs été marquée de voir qu’il
existait des places plus chères et réservables dans les salles de cinéma. Cela rend ce genre
d’activités encore plus exceptionnelles car onéreuses.
J’ai en revanche pu m’habituer au flegme des anglais mais jamais à leur sorte de tabloids ou
presse à scandale délivrée gratuitement dans le métro.
J’ai cherché un appartement dès la fin du mois de Juillet grâce à spare.room.com, un site de
colocation qui couvre l’ensemble de Londres et permet d’établir de nombreux critères et donc
de ne pas perdre trop de temps dans la recherche. Je voulais être sûre d’avoir un logement une
fois arrivée, ce qui me semblait plus rassurant.
Le marché à Londres est vaste mais les prix très élevés, aussi s’y prendre à la dernière minute
signifie souvent se retrouver dans un endroit soit à la limite du vétuste, soit hors de prix. ! .
34
Annexe 2: Un exemple de presentation: CIP Properties Ltd v Galliford Try infrastructure
Ltd & Ors
Introduction:
To introduce the case, CIP Properties Ltd v Galliford Try infrastructure Ltd & Ors
concerned an 18 million dollars construction dispute issued before 1 April 2014. This claim
has been brought in the Technology and Construction Court by the claimant, sus- nommé CIP
Properties, as assignees, against the defendant, sus-nommé Galliford Try Infrastructure Ltd,
who is the main contractors of a large development site in Birmingham. CIP takes Galliford to
Court for damages for the actual and estimated costs for remedial works in the area. The
defendant issued third party proceedings against the architects and certain subcontractors.
In this case, one issue of principle arose: the judge Coulson J had to consider whether he
should agree or not to order a 4 months stay of proceedings for mediation proposed by the
claimant, prior to the disclosure of documents.
Although the Judge is referring to a fact specific situation, concerning the interaction between
ADR and case management in TCC, I think that this ruling might be of more general interest.
Indeed, the ability of Judges to stay or “pause” proceedings in order to allow the parties to
engage in ADR is well integrated in the English courts.
•
First, normally, the standard directions promulgated by the Ministry of Justice, so
called “Ungley order” encourage mediation but do not stop the proceedings. The
other school of thought comes from the case Wright v Micheal Wright Supplies Ltd
[2013] which concerned two litigants in person and a dispute relating to a share sale
agreement.
This school of thought suggests that the court can direct a stay either at the behest of
one or both of the parties or of the court’s own motion for the purpose of ADR. The
judge, in this case, considered that “mediation has an increasing part to play in
providing civil justice.”
In our case; by declining to order the 4 months stay in the directions for the operation
of ADR, Coulson J puts a different and a wider school of thought on the front line.
! .
35
The one concerned about the potential for ADR to act as an obstacle to parties
exercising (who are looking to exercise) their rights to justice. According to him, the
parties must take all proper steps to settle the litigation whilst at the same time
preparing the case for trial. He said that “It is not an either/or option”.
On the one hand, he justified his decision by the fact that both parties were seeking an ADR
window but were in violent disagreement as to know when this window should be. Thus, it
appeared to the judge that it was not reasonable to open this stay at one stage or another. This,
you will say, is one specific case. However, on the other hand, the interesting and more
general point resulting from his judgment is that the Judge considered that ADR could be a
bad case management.
•
Second, Coulson J is very careful to make clear that he is very much supporting the
use of ADR but raised the point that “it’s usually inappropriate for the court […] to
build in some sort of special “window” of three or four months in order that the court
proceedings can be put on hold whilst the parties engage in ADR”. According to
him, “to allow ADR or mediation to take place is an even worse option. […] (which)
creates uncertainties and the potential for tactial games-playing”. He quotes as an
example the case of Roundstone Nurserie Ltd v Stephenson Holdings Ltd [2009]
where a mediation was cancelled unilaterally by Stephenson Holdings in a purely
tactical sense. This failure on ADR is time wasted.
•
It leads us to our 3rd point: ADR can also be considered as a bad case management
because of the delay and extra-cost led by ADR. In his judgement, the judge in the
present case raises the point of the, sometimes, inappropriate relationship between
the length of proceedings and costs. His view is that this is unnecessary to create
extra delay when there was plenty of opportunity in the overall case management
time table for ADR to occur without a specific window in the proceedings for the
purpose. The window of ADR inevitably leads to the trial being delayed. It’s contrary
to the classical view of good case management to get the case trial ready and heard
as promptly as possible. He rather encouraged reasonable period between each step
in the process (2 months) to allow parties to engage in ADR but after disclosure.
! .
36
Conclusion:
Coulson acknowledged that at the same times the virtues of ADR and effective case
management may be in conflict. Mediation is part of the wider dispute process and should not
become a process of its own. In Coulson’s view, effective case management must take
priority, refusing at the same time the two most famous schools of thought and maybe giving
us a new orientation of future decisions. But we can consider that for most of the judges,
power of costs management and penalties first and then, the use of, the standard directions
promulgated by the Ministry of Justice “Ungley order”, are probably sufficient if used
strictly. But after this judgment, parties will have to think again if a certain amount of early
disclosure and an early mediation might be better than a rushed attempt to seek a stay in a
busy trial, which might be refused.
! .
37
Annexe 3 : Un exemple de recherche juridique: Enforceability of multi-tiered dispute
clauses under French Law
1.
The 1793 Constitution instituted as a prerequisite to every civil procedure a
mediation attempt. Nowadays, the frequent use of multi-tiered dispute clauses
confirms this prerequisite. The reform of 20 January 20121 relating to the alternative
dispute resolution gives a new lawfulness to these clauses.
2.
"The trial is not the normal mode of dispute resolution"2 said J.Foyer and G.Cornu, 2
French practitioners and writers of the 1976 French Code of civil procedure. It seems
that, the interest of promoting a more consensual justice is still usable 40 years later.
3.
It’s worth noting that, the multi-tiered clause’s regime is, as we have seen, mainly
jurisprudential. In doing so, it deals with its fluctuations and inaccuracies.
4.
After summarizing the French Law’s position over the binding force of a clause and
the possible plea of non-admissibility resulting from that (1), we will consider the
position adopted by the French courts in recent case law (2) to finally give the
current French position over enforceability of multi-tiered dispute clauses (3).
1.
THE RECOGNITION OF THE CONTRACT’S BINDING FORCE (1.1) AND
THE POSSIBILTY FOR THE JUDGE TO USE A PLEA OF NONADMISSIBILTY UNDER FRENCH LAW (1.2)
5.
Concerning the binding force of a contract, in its general provisions, Article 1134 of
French Civil Code states that:
"Agreements lawfully entered into take the place of the law for those
who have made them. They may be revoked only by mutual consent, or
for causes authorized by law. They must be performed in good faith."3
1
Décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends. http://www.legifrance.gouv.fr/
affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025179010&dateTexte&categorieLien=id
2
"Le procès n’est pas le mode normal de résolution des litiges" - Recueil Dalloz - 5 février 2015 - n°5. Page 1
3Civil Code. Page 147
! .
38
6.
L’autonomie de la volonté des parties is of central importance in French Contract
Law and gives to every clause of a contract a potential binding force.
7.
In France, if the judge recognizes a binding force to the multi-tiered clauses, he can
decide to apply a plea of non-admissibility under Articles 122 et sec of the Code of
Civil Procedure4.
8.
Article 122 of the Code of Civil Procedure states:
Article 122: "A plea of non-admissibility is any ground whose purpose
is to get the adversary's claim declared inadmissible, without entering
into the merits of the case, for lack of a right of action, such as a not
being the proper party, lack of interest, statute of limitations, fixed timelimit or res judicata." 5
9.
That means that the principal effect is to end litigation without assessment of the
merits. The judge will declare the claim inadmissible.
10.
Article 124 completed this statement:
"A plea of non-admissibility must be admitted without requiring the
person raising them to prove damage and even though the
inadmissibility may not result from any express legal provision."6
11.
Some plea of non-admissibility may be invoked by the judge even if the parties did
not ask to.
12.
Some of the sub-articles are of particular interest to understand the French Law point
of view on multi-tiered dispute clause. These sub clauses explain the broadest sense
of plea of non-admissibility stating:
4Code
of Civil Procedure.
5
"Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans
examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la
chose jugée."
6
"Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que
l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse."
! .
39
Article 122-1 bis7 "It follows from the articles 122 and 124 that plea of
non-admissibility is not enumerated exhaustively".
Article 122-8 quarter8 "Lawful, the contract clause instituting a
compulsory conciliation (…) constitutes a plea of non-admissibility
required to the judge, if alleged by the parties".
2.
INTERPRETATION OF THE PLEA OF NON ADMISSIBILITY
REGARDING MULTI-TIERED CLAUSE IN CASE LAW
13.
There has been a jurisprudential evolution in France started by the Chambre Mixte de
la Court de Cassation’s landmark decision of 14 February 2003 (Poiré v Tripier)9
(a). This decision has been interpreted (b) and finally confirmed by the latest caselaw (c and d).
(a)In the Poiré v Tripier case of 2003, Mr Poiré transferred his shareholding
in a company to Mr Tripier. The contract stipulated that, in case of a
dispute, the parties had to resort to mediators prior to commencing
legal proceedings but Mr Poiré brought a claim before the courts
without respecting the prior mediation. The court of first instance gave
a judgment on the merits without reference to the breach of the
mediation clause. However, the Court of Appeal of Paris upheld the
appeal and declared Mr Poiré’s claim inadmissible. The case was then
brought to the Chambre Mixte of the Cour de Cassation.
The Chambre Mixte stated that:
"it follows from Articles 122 and 124 of the new Code of Civil
Procedure that the plea of non-admissibility are not exhaustively listed;
7
"Il résulte des art.122 et 124 que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées".
8
"Licite, la clause d’un contrat instituant une procedure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la
mise en oeuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non recevoir qui s’impose au juge
si les parties l’invoquent."
9
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007047169&dateTexte=
! .
40
that, lawful, a clause of a contract establishing a compulsory
conciliation procedure prior to referral to the courts, whose the
implementation suspends until its end the period of limitation,
constitutes a plea of non-admissibility imposed on judges if the parties
invoke it".
In that excerpt, the Chambre Mixte even specified that by submitting the
dispute to conciliation or mediation, the effect of applicable statute of
limitations is suspended. It has been codified in French Law under the Loi
Béteille of 22 December 201010. This settles the conflicting views of the
various chambers of the Cour de Cassation on the enforceability of multitiered dispute resolution clause.
(b)In its decision dated 29 April 201411 (Medissimo v Logica), the Cour de
Cassation has, for a moment, deviated from this French position.
In this case, Medissimo, a pharmaceutical company entered into a contract with
Logica, an IT company to outsource the maintenance of a software program
and the writing of two others. Medissimo initiated proceedings before the
French courts, alleging breaches in the performance. Logica argued that the
claim was inadmissible because of the disrespect of the amicable dispute
resolution prior the judge referral.
The Cour de Cassation stated:
"Having regard to Article 122 of Civil Procedure Code, whereas the
contract clause stipulating an attempt to reach an amicable settlement,
with no specific conditions of implementation, does not constitute a
compulsory conciliation procedure prior to the court’s referral".
10
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023273986&categorieLien=id. Article 37 II : "the
article 2238 has been modified : the limitation is also suspended starting from the conciliation of a participatory process
convention"
11https://www.courdecassation.fr/publications_26/arrets_publies_2986/
chambre_commerciale_financiere_economique_3172/2014_5880/avril_6446/414_29_29083.html
! .
41
According to this decision, the binding force of the multi-tiered dispute clause
can depend of its redaction. A mere mutual agreement to attempt to resolve a
dispute without any particular conditions as to its implementation can be
ignored.
(c)The first Civil Chamber, on the 1st of October 2014 (Society Chebanca v
SCI Quito), refuted that decision and gave a broad interpretation of the
Chambre Mixte’s decision.
In this case, the society Chebanca granted a property loan to SCI Quito. SCI
Quito didn’t respect the due dates. Society Chebanca sent SCI Quito before the
execution judge, ignoring the prior conciliation clause.
In its decision, the first Civil Chamber reaffirmed that, under Article 1134 of
the Civil Code:
"The contract clause instituting a conciliation procedure, prior to the
referrals, is imposed on the judges, regardless of the nature of it"12.
In so doing, an amicable settlement as in the Medissimo v Logica would appear
to constitute a compulsory conciliation procedure.
(d) The Chambre Mixte’s decision of 12 December 2014 (Proximmo v
Arnal-Lafon-Cayrou) confirmed this position and more broadly the
one taken in 2003.
In this case, Proximmo (the building constructor) and Arnal-Lafon-Cayrou (the
manufacturer) have entered into a contract. One of the clauses of this contract
included the referral to the Regional Council of the Order of Architects’
opinion before any procedure judiciary.
Following a dispute, the claimant had sent a request for advice to the Regional
12http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?
oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029537832&fastReqId=1117534736&fastPos=15
! .
42
Council of the Order of Architects before the first judges decide but after
referral to the courts.
The Chambre Mixte stated:
"If a contract provides, in case of dispute, the obligation to resort to
conciliation prior to any referral of a judge, the parties may not
commence court proceedings as this reconciliation has not been
attempted ".13
3.
CONCLUSION
14.
It appears that, in French Law, multi-tiered dispute clause is subject to a broad
interpretation, starting from the Chambre Mixte’s decision of 2003 and as confirmed
in the last Chambre Mixte’s decision of 12 December 2014.
15.
L’autonomie de la volonté des parties and the binding force of the contract clauses
are forcefully affirmed under French Law. The willingness of the parties acts as law
in the contracts, and in fact, the wish for the parties to use mediation or conciliation
has to be respected and, when needed, imposed.
13
"Lorsqu’un contrat prévoit, en cas de litige, l’obligation de recourir à une conciliation préalablement à la saisine
éventuelle d’un juge, les parties ne peuvent introduire une instance judiciaire tant que cette conciliation n’a pas été
tentée". https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambres_mixtes_2740/279_12_30649.html
! .
43
Annexe 4: Un exemple d’article: Atlasnavios - Navegacao Lda v Navigatoes Insurance
Coltd and others:
Assurance maritime - War & Strike Policy - Acte de malveillance- Abandon du navire - Frais
de justice et de main d’œuvre- Commercial Court
Le 13 Aout 2007, le navire B ATLANTIC, transporteur du charbon depuis le Venezuela
jusqu’en Italie, est soumis à une inspection sous-marine de la coque par les autorités
vénézuéliennes où 132 kg de cocaïnes placés par des passeurs, supposément inconnus aux
propriétaires demandeurs, sont trouvés. A la suite de cette découverte, l’équipage est arrêté et
le navire consigné. Les demandeurs engagent alors une procédure en vertu de leur police
d'assurance War & Risk policy pour la perte réputée totale du navire après la détention de ce
dernier pendant plus de six mois. Les demandeurs font abandon du navire au profit de
l’assureur le 18 Juin 2008.
Les demandeurs réclament 14.135.000 dollars pour la valeur du navire et de son équipement
et 5.872.392 dollars pour le personnel et les frais judiciaires.
Dans son jugement rendu devant la Cour Commerciale de Londres le 8 décembre dernier, Mr
Justice Flaux a donc du décider si la War & Strike Policy couvrait les pertes du demandeur en
traitant deux questions principales : l’interprétation des exclusions de garantie prévues dans le
contrat d’assurance (I) ainsi que la validité ou non de la demande de recouvrement des frais
de justice et de main d’œuvre. (II).
I)
Validité des exclusions de garantie soumises sous la War & Strike Policy
Les assureurs opposent deux exclusions : celle due à une infraction à la règlementation
douanière (a) et le non-respect de la sécurité à bord (b).
a) Selon la War & Strike insurance, l’assurance couvre « la capture, la saisie, l’arrêt
contraint ou la détention » (clause 1.2) du navire mais ne rend l’exclusion possible
que si la confiscation par les autorités de ce dernier est le fruit d’une infraction à la
règlementation douanière.
A cette exclusion, défendue par les assureurs, Le tribunal joint la lecture de la
section A de l’assurance qui prévoit une couverture pour « tout dommage
! .
44
malveillant » et pour « la perte du navire causée par toute personne agissant
malicieusement ».
Pour le tribunal, l’exclusion n’est pas opposable en cas d’infraction indépendante
de la volonté des demandeurs puisqu’elle est le fruit de l’acte malicieux d’un tiers.
b) La seconde exclusion revendiquée par les assureurs résulte dans la prétendue
incapacité des demandeurs d’assurer la sécurité au sein du navire et donc d’être
responsable de sa perte.
Le tribunal rejette cet argument en constatant que les propriétaires ont pris les
mesures de sécurité suffisantes.
II)
Droit du requérant à recouvrer ses frais de justice et de main d’œuvre
En second lieu, le tribunal a dû examiner la prétention du requérant à recouvrer ses
frais de justice et de main d’œuvre exposés à la fois avant (a) et après (b) que le
propriétaire du navire fasse abandon de ce dernier au profit de l’assureur :
a) Premièrement, les dépenses juridiques et les coûts de fonctionnement du navire
pendant la séquestration de ce dernier par le gouvernement sont, d’après le
tribunal, recouvrables puisqu’ils ont été engagés dans le but de sortir le bateau de
détention. L’assurance doit donc couvrir au prorata des dépenses émises par
l’assuré pour aboutir à ses fins.
b) Secondement, le défendeur revendique l'accord implicite avec l'assuré au terme
duquel sont assimilés la date de notification d’abandon et celle de la fin de la
procédure. Ce faisant, il considère que la notification d'abandon faite au
demandeur met ipso facto fin à sa garantie des frais de justice et d’entretien
puisque le propriétaire est censé lui avoir transmis ses compétences.
En l'espèce, le tribunal se libère de cette présomption en analysant in concreto
les circonstances : il constate notamment l'engagement des propriétaires à la
demande des assureurs pour la conservation et l'entretien du navire qui révèle que
la notification d'abandon n'a pas interrompu véritablement aux yeux des parties
leurs obligations respectives.
! .
45
En conclusion, le tribunal abandonne la solution classique selon laquelle les frais de
justice et d’entretien ne sont plus garantis à compter du moment où l’obligation de
recourir à la justice et de travailler s’achève par une notice de perte réputée totale ou
un abandon au profit de l’assureur.
Le tribunal recouvre ainsi sa liberté d’analyse des garanties du contrat au regard des
circonstances de la cause.