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Lawrence WEINER
Œuvres acquises en 1985 et en 1996 à
l’issue de la Biennale de Lyon 1993 Et
tous ils changent le monde… :
Masses of Rusting Metal Spreading
Stains upon the Surface of the Earth / Des
masses de métal en train de rouiller répandant des taches sur le sol, 1984
Dimensions variables
Œuvre acquise en 1985, n° d’inventaire :
985.6.1
Flour & Water (+)(-) Sugar & Salt / Farine & Eau (+)(-) Sucre & Sel, 1991
Dimensions variables, première exposition :
4 x 12 m
Œuvre acquise en 1996, n° d’inventaire :
996.2.1
L’attitude de Lawrence Weiner à
l’égard de la réalisation, de la
diffusion et de la réception de
son œuvre est exemplaire.
C’est dans le catalogue de
l’exposition intitulée January 531, 1969, organisée à New York
par Seth Siegelaub qu’il publie
pour la première fois sa célèbre
déclaration, laquelle accompagne toutes ses œuvres depuis
cette date :
« 1- L’artiste peut construire la
pièce
Vue de l’exposition L’art mol et raide… (détail) 17 octobre-10
2- La pièce peut être fabriquée
août 2002. ©Blaise Adilon ©Adagp, Paris 2010
3- La pièce n’a pas besoin
d’être réalisée.
Chacune de ces propositions est équivalente et conforme aux intentions de l’artiste, le choix
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des conditions dépend du récepteur à l’occasion de la réception . »
Lorsque nous invitons Lawrence Weiner en 1985 pour la création d’une pièce au Musée, nous
choisissons cinq de ses « déclarations » parmi les notes et interviews qu’il a publiées et qui
constituent la base de notre dialogue. Elles portent respectivement sur l’espace, la croyance, le
contexte, la relation aux objets, le matériau. Si elles concernent avant tout l’œuvre de Lawrence Weiner, elles se réfèrent toutes, par extension, à la question du Musée, lequel à Lyon à
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cette époque est encore un « work in progress » .
Ce sont ces conversations et dialogues engagés avec les artistes qui construisent et affinent
peu à peu le projet muséographique, donnant corps aux notions de moment (voir notice Abramović/Ulay) d’œuvre générique (voir notice Robert Filliou), concomitante des questions de
production (voir notice John Baldessari), de site spécifique (voir notice Robert Irwin), de temporalité réflexive-rétrovision (voir notice Robert Morris), etc., toutes notions artistiques de première importance qui caractérisent le Musée de Lyon.
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Cette exposition rassemble Robert Barry, Douglas Huebler, Joseph Kosuth, Lawrence Weiner (voir les
notices consacrées à Robert Barry, Douglas Huebler et Joseph Kosuth et l’hommage rendu par le Musée
à ce moment si particulier et à cet espace si peu muséographique). En décembre 1968, Laurence Weiner a
publié Statements, édité par S. Siegelaub et The Louis Keher Foundation. Le livre contient vingt-quatre
énoncés (ou « déclarations ») qui sont autant d’ « œuvres », divisées en General and specific statement.
Entre 1969 et 1972, Lawrence Weiner expose aussi bien les énoncés que leur réalisation accompagnée de
sa déclaration d’intention. En 1970, le comte Panza, propriétaire de plusieurs œuvres de Weiner propose
à l’artiste de les exposer en les peignant directement sur le mur. Lawrence Weiner exposera son premier
énoncé peint (au pochoir) en 1972 à la gallerie Toselli à Milan.
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Saint Pierre Art Contemporain, qui n’est pas encore un musée, ouvre en octobre 1984 dans une partie
inoccupée du Musée des beaux-arts de Lyon.
© Musée d’art contemporain de Lyon – 2010
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Cinq déclarations de Lawrence Weiner :
« Toute chose existe avec un certain espace autour, même une idée existe à l’intérieur
d’un espace » (Art Without Space, 1969, symposium réunissant Lawrence Weiner, Robert Barry, Douglas Huebler et Joseph Kosuth avec Seth Siegelaub dans le rôle du modérateur).
« Michel Claura : croyez-vous en l’art ? Pourquoi ?
Lawrence Weiner : il n’y a rien en quoi il faille croire ou ne pas croire. L’art est un fait, ou bien
l’on en fait usage, ou bien on choisit de l’ignorer… » (VH 101, 1971, n° 5 p. 65.)
« Michel Claura : est-ce que le contexte dans lequel vous montrez votre travail a une importance quelconque ?
Lawrence Weiner : l’art ne peut exister que dans un contexte qui, pour quelque raison que ce
soit, ou bien l’invite à exister, ou bien lui permet d’exister » (VH 101, 1971, n° 5 p. 65.)
« […] Quant à moi, je m’intéresse d’avantage à l’idée du matériau qu’au matériau luimême… Mes propres œuvres ne donnent jamais aucune indication, ne se présentent que
comme un fait accompli. »
(« Conversation avec Ursula Meyer », 1969, publiée par Ursula Meyer dans Conceptual Art,
New York, 1972, p. 217-218.)
« L’art est et doit être une réalité empirique impliquée dans les relations d’êtres humains
aux objets et des objets en relation avec les êtres humains. » (« I am not content », portrait,
Artforum, volume 20, n° 9, mai 1982, p. 65.)
Lawrence Weiner, Des masses de métal en
train de rouiller répandant des taches sur le
sol, 1984. ©Blaise Adilon ©Adagp, Paris
2010
L’œuvre que propose Weiner au Musée s’intitule :
Des masses de métal en train de rouiller répandant
des taches sur le sol. C’est l’histoire de la sculpture
saisie du point de vue de la réception (un des en3
jeux majeurs du « système » des musées) .
Cette œuvre, pour répondre aux diverses questions
(contexte, usage, fait, etc.) empruntera deux formes
correspondant aux différents contextes de son exposition : tout d’abord, en tant qu’œuvre de la collection présentée dans l’enceinte du Musée, elle
occupera toujours le même mur, selon la même
disposition de part et d’autre d’une baie vitrée invitant à regarder à l’extérieur. Elle paraît en anglais et
en français, toujours à la même échelle, à la même
dimension et de la même couleur (pragmatiquement elle est tout à la fois une phrase, un dessin,
une sculpture et un wall drawing). Mais en tant
qu’œuvre de Lawrence Weiner participant à une
exposition temporaire en dehors de ce site spécifique, elle s’inscrit alors sur n’importe quel mur, dans
un rectangle de dimension variable s’adaptant à la
surface disponible ; et elle est indifféremment en
français ou en anglais. Cette œuvre unique sera
souvent exposée simultanément dans deux lieux
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différents sous deux formes différentes .
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Exposée la première fois du 15 juin au 15 juillet 1985. Weiner opère un double déplacement, l’énoncé,
puis celui du spécifique au générique. Le langage en effet autorise touts les interprétations, usages ou
imaginaires. Seul l’énoncé reste stable. Si la pièce est « fabriquée », elle n’incarne alors qu’un des multiples états transitoires de sa forme générique, laquelle se tient uniquement dans le statement.
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Voir notice Sol LeWitt.
© Musée d’art contemporain de Lyon – 2010
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Lawrence Weiner, Farine & Eau (+)(-) Sucre & Sel, 1993. ©Blaise Adilon ©Adagp, Paris 2010
Conçue en 1985, l’œuvre de Weiner, dans sa « version collection » est contrainte
d’abandonner en 1995 le site qui la qualifie comme telle, et avec lui, paradoxe, elle perd la
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forme de l’énoncé qui la désigne précisément comme constitutive de la collection . Il reste par
conséquent, à donner à l’œuvre un « lieu » qui réconcilie l’origine et l’original.
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À l’occasion de la Biennale 1993 , Lawrence Weiner crée Farine & Eau (+)(-) Sucre & Sel.
L’œuvre est monumentale. C’est une allusion à peine voilée aux mouvements sociaux et aux
crises politiques qui se déroulent alors en Pologne et plus largement dans les pays de l’ancien
bloc de l’Est. Les deux signes plus et moins sont « évidés », creusés dans le mur qu’ils traversent et à travers lequel on distingue un au-delà (salle suivante ou extérieur). L’œuvre est énigmatiquement recto-verso. Elle est acquise en 1996.
Aujourd’hui, le dialogue se poursuit avec Lawrence Weiner autour d’un projet qui rassemblerait
les deux pièces du Musée (dans une forme réconciliée), à une troisième qui pourrait s’inscrire
dans un ensemble plus large composé (également) des deux œuvres publiques de Villeurbanne et de Lyon (marelle, parking, respectivement de 1990, 2008) afin de constituer un seul
parcours dédié à Lawrence Weiner, (une forme de « rétrovision » en quelque sorte. Sur cette
notion, voir également les notices Allan Kaprow, Niele Toroni).
Cette pièce nouvelle s’intitule :
Une formulation d’une forme
La formalisation d’une forme
Et ainsi de suite
Elle est en cours d’acquisition. Elle s’inscrit dans un ensemble de 500 mètres carrés d’un seul
tenant avec Masses et Farine & Eau. Lors de nos conversations, Lawrence Weiner nous
confirme, par e-mail le 18 décembre 2008, que : « Masses of Rusting Metal n’a pas de forme.
La façon dont je l’ai exposée dans l’ancienne situation était absolument belle. Mais je crois que
la manière (the way) que je viens de proposer est aussi belle. L’œuvre (the work) n’a pas de
forme spéciale ? Elle est aussi sujet d’un contenu qui, en français, anglais ou dans n’importe
quel autre langage se tient en lui-même (« finds itself in ») ».
Lawrence Weiner
Né en 1942 à New York (États-Unis), vit et travaille à New York (États-Unis)
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À sa création, en 1984, le futur Musée d’art contemporain s’installe temporairement dans une partie
inoccupée du Musée des beaux-arts de Lyon. Cette période s’achève en 1995, date de l’ouverture d’un
nouvel édifice construit par Renzo Piano.
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Et tous ils changent le monde, codirection artistique Thierry Raspail/Thierry Prat, commissaire invité
Marc Dachy, Lyon, 3 septembre-13 octobre 1993, Halle Tony-Garnier.
© Musée d’art contemporain de Lyon – 2010
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