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Long for this World
Jonathan Weiner
L’éternelle quête d’éternité
Pierre-Yves Cusset
Agrégé de sciences sociales
Serons-nous, un jour, immortels ? Oui, et c’est peut-être pour bientôt. C’est en tout cas la
conviction d’Aubrey de Grey, gérontologue britannique aussi génial que controversé. Son
portrait sert de fil directeur à l’ouvrage que Jonathan Weiner, journaliste scientifique de
renom1, consacre aux développements les plus récents de ce qui constitue à ses yeux
une science nouvelle et « étrange », la science de l’immortalité.
P
récisons d’emblée une chose : ce que nous devrions atteindre dans un
futur proche, c’est une capacité à ne presque plus vieillir, ce que le gérontologue Aubrey de Grey nomme une « sénescence négligeable ». Nous
resterons donc vulnérables aux autres causes de mortalité : accidents,
meurtres, maladies foudroyantes, etc. Étant donné l’occurrence de ces événements
dans nos sociétés modernes, nous pourrions voir notre espérance de vie portée à un
millier d’années environ… Et bien davantage pour les plus chanceux d’entre nous.
Bien entendu, tous les gérontologues2 ne partagent pas cet optimisme. Toutefois,
l’idée que le vieillissement est une maladie comme une autre, qui peut être prévenue
ou combattue, fait son chemin. C’est ce qu’expose dans un style très divertissant
l’ouvrage de Jonathan Weiner, qui se lit comme une enquête. Une enquête qui com1. Il a notamment reçu le prix Pulitzer pour The Beak of the Finch, ouvrage dans lequel il suivait Peter et Rosemary
Grant, deux biologistes ayant passé vingt ans à étudier les pinsons des îles Galápagos et ayant découvert à cette
occasion que le processus d’évolution pouvait être beaucoup plus rapide que ce que prévoyait la théorie de Darwin.
2. Les spécialistes du vieillissement.
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mence avec une question simple mais dont la réponse n’a rien d’évident : pourquoi
vieillissons-nous ?
Mythologie
Comme le rappelle Jonathan Weiner, la question de la mortalité apparaît dans toutes
les mythologies comme le premier fait à expliquer. Dans la culture judéo-chrétienne,
elle serait la punition infligée aux hommes pour avoir goûté au fruit défendu. Dans
la mythologie grecque, il existe une séparation fondamentale entre le monde des
mortels et celui des immortels, et, chez certains auteurs au moins, toute l’humanité
aurait été punie de vieillissement et de mort après que Prométhée eut volé le feu aux
Olympiens. Quant à vouloir trouver ou retrouver l’immortalité, le mythe de Faust
nous apprend que cela suppose de pactiser avec le diable.
Cette question – pourquoi vieillissons-nous ? – a particulièrement intéressé les biologistes évolutionnistes. Ils ont d’abord pensé que notre caractère mortel était une adaptation, le fruit même du processus darwinien d’évolution. C’est la théorie avancée en
1883 par le biologiste allemand August Weismann.
Si la vie est
Selon lui, la mort est le sacrifice que chaque génération
limitée dans sa
consent pour le bien de la suivante. En effet, les individus
durée, c’est parce
« usés » accaparent des ressources au détriment des indiqu’une durée
vidus sains. Ils doivent donc être éliminés pour le bien de
de vie illimitée
serait, du point de
l’espèce. Si la vie est limitée dans sa durée, c’est parce
vue de l’évolution,
qu’une durée de vie illimitée serait, du point de vue de
un luxe sans
l’évolution, un luxe sans objectif (« a luxury without a
objectif.
purpose »). C’est la vie qui a inventé la mort !
Il existe pourtant une faille dans ce raisonnement. Cette faille a été mise au jour
par un autre biologiste, Peter Medawar, lauréat du prix Nobel de médecine pour ses
travaux en immunologie pendant la Seconde Guerre mondiale. Weismann posait en
effet comme une évidence le fait que les êtres âgés sont usés et décrépits. Pourtant,
en quoi l’avancement en âge devrait-il nécessairement impliquer une usure ? Et
quand bien même les êtres s’useraient naturellement, fit remarquer Medawar, pourquoi l’évolution aurait-elle besoin d’inventer un mécanisme par lequel les êtres usés
disparaîtraient ? Dans le monde sauvage, les êtres faibles sont de toute façon voués
à être éliminés. De fait, la plupart des animaux, lorsqu’ils ne vivent pas en captivité,
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ne meurent pas de vieillesse, ils meurent jeunes. Les souris sauvages, par exemple,
meurent dans neuf cas sur dix avant d’avoir atteint l’âge de 1 an : dévorées par un chat
ou une chouette, mortes de froid ou de faim. De même, les écureuils gris meurent
dans 93 % des cas avant 4 ans à l’état sauvage, alors qu’en captivité ils peuvent vivre
jusqu’à l’âge de 20 ans. Nul besoin par conséquent de gène programmant la mort par
vieillissement. Dans l’état de nature, ils n’ont de toute façon pas le temps de s’exprimer : la dangerosité du milieu suffit à éliminer les êtres affaiblis.
Ce qu’il convient d’expliquer, ce n’est donc pas tant notre caractère mortel que notre
usure. Pour Medawar, l’explication est au fond assez simple. Dans le monde sauvage,
le danger est toujours présent. Les seuls êtres mortels
qui transmettent leurs gènes aux générations suivantes
sont ceux qui grandissent assez rapidement pour pouLe processus
d’évolution a
voir se reproduire avant d’être tués par un prédateur ou
donc abouti à
par un fléau quelconque. Le processus d’évolution a
ce que nos corps
donc abouti à ce que nos corps soient construits pour
soient construits
pour grandir
grandir rapidement. Pas pour durer.
rapidement. Pas
pour durer.
Cette théorie a été progressivement admise par la plupart des spécialistes à partir du milieu du XXe siècle. À
la fin des années 1970, le Britannique Tom Kirkwood l’a reformulée dans des termes
contemporains et lui a donné un nom qui a frappé les esprits : la théorie du corps
jetable (« disposable soma theory »). En résumé, cette théorie explique qu’à partir du
moment où les êtres vivants ont passé l’âge de la reproduction, où ils ne font plus
d’enfants, l’entretien de leurs corps devient, du point de vue de l’évolution, quelque
chose de superflu. Lorsque nous avons transmis nos gènes, nous sommes des déchets.
Jonathan Weiner note que la théorie de Medawar, pour sinistre qu’elle soit, présente
un revers intéressant et qui prête à l’optimisme. Si ceux de nos ancêtres qui ont survécu suffisamment longtemps pour être grands-parents ont pu aider leurs enfants à
élever leurs propres enfants, et si donc ils ont pu améliorer de manière significative
les chances de survie de ces derniers, alors les gènes de la longévité auraient pu être
favorisés par la sélection naturelle. En d’autres termes, si le fait d’avoir des grandsparents pendant son enfance constitue un atout pour survivre, alors la sélection
naturelle devrait favoriser les lignées d’individus aux espérances de vie élevées. Cette
théorie est connue sous le nom de « Grandmother Hypothesis ». Elle permettrait d’expliquer un autre phénomène : la ménopause. En effet, porter et élever un enfant est
très exigeant. Du coup, il se pourrait que le fait de ne plus être féconde à partir d’un
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certain âge – et de pouvoir ainsi aider ses enfants à élever leur propre progéniture –
soit un avantage dans la compétition pour la transmission des gènes.
En tout état de cause, on observe bien que lorsque la pression du milieu se relâche,
lorsque l’urgence de la transmission des gènes se fait moins pressante, la longévité des
êtres s’accroît. Dans certaines îles, comme les îles Galápagos, certains animaux n’ont
plus de prédateurs. Ils vivent alors beaucoup plus longtemps. De même, les espèces qui
se sont vu attribuer par la nature des protections contre les prédateurs – carapaces ou
ailes – vivent plus longtemps que les espèces équivalentes qui en sont dépourvues.
Ainsi, la souris à pattes blanches et la chauve-souris rhinolophe sont de taille sensiblement équivalente. Mais alors que la première ne vit pas plus de huit ans, la seconde
peut vivre une trentaine d’années. D’un point de vue évolutionniste, il y avait un intérêt
pour ces chauves-souris échappant aux prédateurs d’investir dans un système de maintenance plus complexe que celui de la souris. On observe le même phénomène avec les
écureuils volants, les opossums volants et les lémuriens volants3.
Pour Medawar et ses successeurs, le processus de vieillissement et la mort ne sont donc pas des adaptations. Ce
La vie n’a rien
sont des infortunes liées au fait que ce qui compte du
prévu ni pour
nous maintenir en
point de vue de l’évolution, c’est que nous vivions assez
vie indéfiniment
longtemps pour transmettre nos gènes. Si la vie a mis
ni pour nous faire
au point un plan méticuleux pour nous faire grandir,
mourir.
elle n’a rien prévu ni pour nous maintenir en vie indéfiniment ni pour nous faire mourir. Notre fin n’est pas
inscrite dans nos gènes. Mais si le vieillissement n’est pas une fatalité, le combattre
suppose de bien le comprendre. Et cela se révèle compliqué.
Chaos
Au début du XVIIe siècle, Francis Bacon, dans The History of Life and Death, avait
recommandé que les meilleurs médecins commencent à collecter des histoires de vie
plus ou moins au hasard et à y rechercher des régularités. Jonathan Weiner indique
qu’à la fin des années 1980, c’est ce que faisaient encore la plupart des biologistes
intéressés par le vieillissement. Car le phénomène est difficile à appréhender. Alors
3. Même si, à proprement parler, tous ces animaux ne volent pas, mais parviennent simplement à planer.
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que dans la phase de croissance, lors de la division cellulaire, on voit immédiatement
de l’ordre se créer sous nos yeux, dans le vieillissement il semble n’y avoir que chaos.
Et pourtant, il existe bien une forme de régularité dans ce processus, puisque l’on
peut deviner l’âge d’un individu à ses traits.
Ce dont on est sûr aujourd’hui, c’est que le vieillissement, comme l’Hydre de Lerne,
est un processus a plusieurs têtes. Ce qui fait d’ailleurs douter certains biologistes
de la possibilité de vivre beaucoup plus longtemps, car trop de choses se dérèglent
quand on prend de l’âge.
Prenons les mitochondries. Chaque cellule en contient entre quelques centaines et
quelques milliers. Et chaque mitochondrie contient une large collection de petits
moteurs rotatifs. Ces petits moteurs produisent l’énergie nécessaire à la cellule : l’adénosine triphosphate ou ATP4. De temps en temps, au lieu d’être transformées en ATP au
sein des mitochondries, quelques molécules d’oxygène s’envolent comme des étincelles
et sont instantanément transformées en oxydants ou radicaux libres. En se baladant
dans la mitochondrie, ces radicaux libres endommagent certaines de ses parties, de la
même manière que l’oxygène de l’air oxyde les métaux. Et ces dommages s’accumulent.
Comme le résume Jonathan Weiner, l’oxygène nous alimente et nous consume.
Les mitochondries endommagées et qui ne fonctionnent plus sont avalées par des
petites machines appelées autophagosomes, qui les transportent jusqu’à des sortes
de centres de traitement des déchets appelés lysosomes. Ces derniers sont capables
de démembrer les mitochondries et de les recycler sous forme de pièces détachées.
Mais, petit à petit, nos mitochondries s’usent de plus en plus, et le corps a de moins
en moins d’énergie. Les petits moteurs qui fabriquent l’ATP fonctionnent moins
bien, toute la machinerie de la cellule fonctionne moins bien, les erreurs s’accumulent et nous finissons par mourir. Voilà une des causes du vieillissement, sur
laquelle la plupart des gérontologues s’accordent.
Il existe ainsi de nombreuses formes de déchets produits au cours du métabolisme.
Selon Aubrey de Grey, qui a décidé de prendre le problème à bras le corps, on peut les
classer en sept types qui constituent les sept grandes causes du vieillissement : les
mutations cancérigènes de l’ADN nucléaire ; les mutations de l’ADN mitochondrial5 ;
4. Weiner rappelle qu’étrangement les mitochondries sont les descendantes de parasites. Il y a un milliard d’années,
des bactéries envahirent ou furent avalées par de grosses cellules ; ce sont ces bactéries qui, au cours de l’évolution, se
sont installées à demeure au sein des cellules.
5. Chez l’homme, le génome mitochondrial comporte trente-sept gènes, contre trente mille environ dans le noyau.
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les déchets qui se forment à l’intérieur des cellules, du type de ceux dont on a parlé
dans le cas des mitochondries ; les déchets qui s’accumulent entre les cellules ; les pertes
de cellules6 ; les cellules qui ne se divisent plus, mais qui ne meurent pas pour laisser
d’autres cellules les remplacer et qui pourraient secréter des substances dangereuses ;
enfin, les « connecteurs extracellulaires ». Ces derniers désignent des protéines de
liaison qui tiennent entre elles les cellules d’un tissu. Lorsque ces connecteurs sont trop
nombreux, le tissu peut perdre de son élasticité. C’est cette perte d’élasticité qui est à
l’origine des rides mais aussi d’autres phénomènes comme la presbytie. Dès lors que
l’on connaît les grandes causes du vieillissement, peut-on agir ?
Des machines moléculaires
Pour ralentir le vieillissement, voire pour donner une seconde jeunesse aux personnes
d’âge mûr, de nombreuses choses ont été tentées. Jonathan Weiner en rappelle quelquesunes. Par exemple, dans les années 1920, Eugen Steinach proposait des opérations de
rajeunissement qui consistaient à pratiquer des vasectomies7. On espérait ainsi que les
hommes vieillissants, au lieu de donner la vie à des enfants, se redonneraient la vie. Au
cours de ces années, à Vienne, plus d’une centaine de professeurs d’université auraient
subi cette opération, dont Sigmund Freud.
Dans les années
1920, Eugen
Steinach proposait
des opérations de
rajeunissement
qui consistaient
à pratiquer des
vasectomies. On
espérait ainsi
que les hommes
vieillissants, au
lieu de donner la
vie à des enfants,
se redonneraient
la vie.
La stratégie proposée par Aubrey de Grey pour combattre le vieillissement découle de ce que l’on sait
aujourd’hui de ses causes : nos corps sont des machines
moléculaires, qui, en fonctionnant, font des erreurs
ou produisent des déchets toxiques dont elles ne parviennent pas à se débarrasser. Il estime utopique de
vouloir changer le métabolisme afin qu’il ne produise
plus de déchets. Ce dernier est en effet beaucoup trop
complexe à comprendre, et donc, a fortiori, à modifier.
Ingénieur de formation, il propose une stratégie d’ingénieur : plutôt que de vouloir prévenir la production des
déchets et des erreurs, il faut aider le corps à s’en débarrasser.
6. Certaines cellules ne se remplacent pas, ou se remplacent lentement, trop lentement pour compenser les pertes.
7. Ligature du canal déférent de chaque testicule, canal qui transporte d’ordinaire les spermatozoïdes.
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Il a proposé des solutions à six des sept grandes causes du vieillissement qu’il a mises
en évidence. Pour se débarrasser des déchets intracellulaires, il suggère ainsi de stimuler le système de destruction et de recyclage des déchets de la cellule. Pour se
débarrasser des déchets extracellulaires, mais aussi des cellules qui ne fonctionnent
pas tout en refusant de mourir et des cellules mortes qui polluent notre corps de
toxines, il conviendrait de stimuler le système immunitaire. Pour éviter l’apparition de dysfonctionnements
Aubrey de
dans les mitochondries, il propose d’injecter les gènes
Grey a proposé
mitochondriaux dans le noyau des cellules. Enfin, pour
des solutions
à six des sept
lutter contre la prolifération des connecteurs extracellugrandes
causes
laires, il suffirait de trouver des protéines capables de
du vieillissement
casser ces chaînes qui relient entre elles les cellules.
qu’il a mises
en évidence.
Bien sûr, pour
Bien sûr, pour chacune de ces « propositions », les prochacune de ces
blèmes à résoudre sont immenses : il y a loin de la coupe
« propositions »,
aux lèvres. Prenons l’exemple des connecteurs extracelles problèmes à
résoudre sont
lulaires. Il « suffirait » de trouver un solvant à même
immenses.
de les dissoudre… mais de ne dissoudre qu’eux. Tout le
problème est là. Et c’est un problème que l’on rencontre
à chaque fois que l’on souhaite mettre au point un médicament qui tue la maladie
sans tuer le patient. Jonathan Weiner rappelle d’ailleurs au passage qu’on a d’abord
appelé les médicaments des « specifics ».
Quant à la septième cause de vieillissement, c’est-à-dire en fait au cancer, qui est
causé par des mutations de l’ADN nucléaire, s’y attaquer semble, même à l’optimiste
Aubrey de Grey, hors de portée. Notre corps contient déjà des armées de contrôleurs et de réparateurs d’ADN. Mais, le corps humain étant composé de milliers de
milliards de cellules, des erreurs finissent pas se glisser dans certaines d’entre elles.
Aubrey de Grey esquisse néanmoins une solution. Il s’agirait d’interdire aux cellules
de produire la télomérase, protéine qui sert à réparer les extrémités des chromosomes, appelées justement télomères. En temps normal, ces extrémités s’usent avec le
temps, ce qui empêche les cellules de se diviser indéfiniment. Si la télomérase n’était
plus produite par notre corps, les cellules cancéreuses finiraient par mourir. Mais les
cellules saines également. Il conviendrait alors, pour régénérer l’ensemble de nos cellules, d’injecter périodiquement dans notre corps des cellules souches modifiées de
telle façon qu’elles ne puissent pas coder la télomérase mais que leurs chromosomes
disposent de télomères plus longs qu’ils ne le sont normalement. L’idée d’éliminer
de notre corps une fonction telle que la production de télomérase connue pour être
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essentielle à la vie est difficile à admettre ! D’autant qu’il faudra d’abord éliminer
par chimiothérapie nos cellules souches originelles capables, elles, de produire la
télomérase. Dans ces conditions, on comprend que cette idée soit jugée folle par la
quasi-unanimité des gérontologues.
On atteint ici les limites de l’ouvrage de Jonathan Weiner. Le lecteur néophyte a
en effet bien du mal à juger de la crédibilité des propositions contre le vieillissement. Et cela d’autant plus que c’est principalement autour de la figure d’Aubrey
de Grey qu’est construit l’ouvrage, personnage contesté dans le monde des gérontologues. Quant aux réflexions sur les conséquences sociales et psychologiques d’un
allongement substantiel de la vie, elles restent convenues. La lecture de Enhancing
Evolution8, du professeur de bioéthique John Harris, est plus décapante : on y trouve
une défense aussi provocante que convaincante de l’amélioration artificielle des êtres
humains qui démonte une à une les objections les plus couramment avancées contre
ce type de manipulations.
La lecture de l’ouvrage de Jonathan Weiner est recommandable tant elle est distrayante et instructive. Et on en ressort avec la conviction qu’un allongement révolutionnaire de l’espérance de vie – en bonne santé – n’est plus de la science-fiction.
Même si nous sommes peut-être arrivés trop tôt en ce monde pour en devenir les
premiers bénéficiaires…
Le livre
Jonathan Weiner, Long for this World. The Strange Science of Immortality, Ecco, 2010,
320 pages.
8. John Harris, Enhancing Evolution. The Ethical Case for Making Better People, Princeton University Press, 2007.
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