A New York - Rigg Design
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A New York - Rigg Design
DéCOROOM 2 A New York Brooklyn revival A Brooklyn, une ancienne maison de quartier vient de s’offrir un lifting en art majeur. L’architecte d’intérieur d’origine australienne Sally Rigg y a insufflé un profil très cutting-edge. PHOTOS ERIC LAIGNEL / TEXTE CATHERINE PEYRE 178 IDEAT Ci-dessous : Depuis l’entrée, on accède à un patio intérieur à l’abri de la tramontane, vent qui souffle du nord dans cette partie de l’île et sculpte son paysage. A ce niveau, on distinge et la salle à manger extérieure. Table en teck et acier dessinée par le propriétaire. Chaises Toy de Philippe Starck (Driade). Page de droite : Devant la bibliothèque de l’éditeur espagnol Treku, trône une chaise longue LC4 de Le Corbusier, Jeanneret et Perriand (Cassina). Lampe Parentesi, d’Achille Castiglioni et Piu Manzu (1970) pour Flos. Posée au sol, une œuvre de Pepe Solís. E n poussant la porte de cette élégante et vénérable demeure victorienne qui ne renie pas ses cent ans, on est d’emblée propulsé du XIXe à un espace muséal futuriste du XXIe siècle, où les toiles cohabitent avec des œuvres in- teractives d’avant-garde. Comme la Shadow Box de Rafael Lozano-Hemmer qui est carrément de l’ordre de la physique quantique, en filmant et révélant l’ombre du spectateur sur des centaines de minuscules vidéos de la taille d’un ongle. Le ton est donné. Nous nous trouvons dans une autre dimension, celle, arty et design des plus pointues de Jonathon Carroll, qui, comme son illustre homonyme, nous fait traverser le miroir vers un pays de merveilles extravagantes et déjantées. Art contemporain addict et grand collectionneur devant l’Eternel, le très British Jonathon a quitté avec préméditation le loft de SoHo où il vivait depuis huit ans pour cette maison jumelée de 335 m2 répartis sur quatre étages à Brooklyn pour plus de surfaces murales où accrocher ses trésors. Et, en Anglais de Birmingham bon teint, par besoin viscéral de chlorophylle. Ici, le quartier ombragé de Park Slope et les frondaisons de Prospect Park ont comblé tous ses desiderata. De plus, Brooklyn est devenu l’adresse newyorkaise la plus trendy par sa concentration d’artistes à l’hectare. Pour métamorphoser cette propriété centenaire, Jonathon a demandé à l’architecte d’intérieur Sally Rigg, fondatrice de Rigg Design, de la retravailler de fond en comble, une exigence gé- 180 IDEAT One putrid Klingon telephoned Batman, and bourgeois or Ci-dessus : Le coin lecture affiche une rigueur très zen. Au premier plan, chaise-longue LC4 (Cassina). Le grand cadre est l’œuvre de l’artiste Ricart Commeleran. Banc en teck et acier réalisé sur mesure selon un dessin du propriétaire. Lampe Parentesi (Flos). Ci-contre : Pour souligner le découpage fonctionnel, la salle à manger se situe quelques centimètres au-dessus du niveau du séjour dans lequel est disposé le sofa Protos de de Lluís Codina pour Perobell. Au premier plan, fauteuil DAR des Eames (Vitra). IDEAT 181 182 IDEAT nérée par le besoin de fluidifier, aérer, réer une luminosité inédite à tous les étages et les transformer tant en galerie d’art contemporain qu’en lieux de vie confortables. « Le challenge le plus important a été de conserver l’intégrité de la maison, mais en la débarrassant de tous ses détails victoriens sombres et oppressants et d’y faire entrer une lumière plus naturelle. La plupart des maisons de Brooklyn présentent ces mêmes caractéristiques et la plupart des propriétaires tiennent à garder ces installations vé- Ci-dessus : Le coin lecture affiche une rigueur très zen. (Cassina). Le grand cadre est l’œuvre de l’artiste Ricart Commeleran. Banc en teck et acier réalisé sur mesure selon un dessin du propriétaire. Lampe Parentesi (Flos). Ci-contre : Pour souligner le découpage fonctionnel, la salle à manger se situe quelques centimètres au-dessus du niveau du séjour fauteuil DAR des Eames (Vitra). tustes. Heureusement, Jonathon était d’accord pour repeindre de laque blanche tous les bois foncés et éclairer ainsi l’intérieur » raconte Sally. Ainsi, elle a sans scrupules abattu trois cheminées obsolètes, mais restauré les frises des plafonds et les escaliers d’origine. En revanche, Sally a relié, par un monumental escalier principal, le soussol, un précédent studio, au reste de la maison et l’a converti en salle de jeux, où un sofa de Patricia Urquiola s’allonge sous un collage photos de David Hockney (et qui jouxte une kitchenette Polvara). Devant une photo géante de Michael Najjar, Bionic Angel, une table de billard new look en alu peut se convertir en table de conférence. Un autoportrait de Basquiat inaugure le 2e étage, transformé en espace continu sur un sol en époxy au blanc très brillant, et qui relie la galerie d’art et le living-room. Afin d’y exposer une installation aux six lustres de Jorge Pardo, Sally Rigg a ouvert un puits de lumière qui permet de surplomber la grande photo Danae de Najjar. Dans le panthéon avant-gardiste de J. Carroll, les artistes Keith Tyson, Ian IDEAT 183 Monroe, Bjorn Schulke… côtoient de sublimes meubles d’EOOS, Stew Design, B&B Italia, Minotti, Poliform, Antonio Lupi… Le living-room boit une lumière qui enveloppe un canapé d’angle XXL et sa table tambour de Rodolfo Dordoni, juste en face de l’ancien manteau de cheminée encadré de marbre italien. Une œuvre étrange et symbolique happe la rétine : dans la salle à manger, dont les boiseries de chêne ont été décapées, Entanglement, un néon de Rafael Lozano-Hemmer qui éclaire une table de Piero Lissoni, sert de cordon ombilical entre le propriétaire et sa sœur jumelle restée en Grande-Bretagne, par le truchement d’un binôme régi en temps réel par le Web ! Le même Lozano-Hemmer, qui représentait le Mexique à la Biennale de Venise en 2007, est aussi l’auteur hyper créatif de l’installation Synaptic Caguamas : 30 bouteilles d’1 litre de bière posées, sur le plateau vert pistache d’une table de cantina mexicaine, tournent sur elles-mêmes en fonction d’incessants changements d’algorithmes. Un art supra conceptuel des plus pointus ! Si le 3e étage est dédié à la nuit, la cuisine profite aujourd’hui d’une vue sur le jardin grâce à une baie vitrée digne de la devanture d’une boutique. Ici, tout est grand, extravagant, intelligent, esthète et follement inspiré. 184 IDEAT # Ci-dessus : Un mur de pierres sèches ceint le terrain, sert d’appui à la maison et délimite la forme de la piscine. Page de gauche, en haut : Dans la chambre principale, le lit et les tables de chevet ont été intégrés à la menuiserie de la pièce. Lampes Royal, de David Abad (Dab). Plaid et coussins Linum. Page de gauche, en bas : Les tabourets de cuisine en fer et bois ont été créés spécialement par le propriétaire. Sur le mur, photographie Rose du désert de Bárbara Marco. Mobilier de cuisine de la gamme « Minos » (Santos), hotte aspirante Pando, électroménager Bosch.