Par KHALID Mohamed
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Par KHALID Mohamed
UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ANNEE : 2005 N° -------------THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale -------------- Présentée et soutenue publiquement le 08 décembre 2005 à CRETEIL (PARIS XII) Par KHALID Mohamed Né le 26 août 1977 à Villeneuve-Saint-Georges (94) -------------- TITRE : Intérêt de la lactatémie dans la démarche diagnostique des crises convulsives généralisées des patients consultant au Service d’Accueil des Urgences pour malaise avec perte de connaissance. DIRECTEUR DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA M. Le Docteur HERVE Jérôme BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE 2 Remerciements À mes parents, pour le soutien qu’ils m’ont apporté toutes ces années, dans les grands moments de mon existence: « Que Dieu les garde ». À Mahfoud, Selim, et Najib parce qu’ils sont ma famille tout simplement. À mes amis. 3 Aux membres du Jury. A M. Le Professeur Roupie, ancien chef de service du SAU H. Mondor, pour m’avoir accueilli dans son service. Son aide m’a été très précieuse tout au long de ce travail de thèse. Sa disponibilité et ses qualités scientifiques m’ont apporté beaucoup. A M. Le Professeur Lejonc, chef de service actuel au SAU H. Mondor, qui trouvera dans ce travail les marques de mon estime et de ma gratitude. A M. Le Docteur Renaud, Directeur médical du SAU H. Mondor, je lui suis infiniment reconnaissant pour son soutien moral et scientifique, son aide notamment statistique a été indispensable à la réalisation de cet ouvrage. Je lui assure ma profonde reconnaissance. A M. Le Docteur Hervé Jérôme, Praticien hospitalier au SAU H. Mondor, qui a accepté d’être mon Directeur de thèse. Je tiens à l’assurer également de ma sincère et profonde reconnaissance pour le temps précieux qu’il a consacré à ce manuscrit. Son esprit critique et ses conseils auront été indispensables à la rédaction de cet ouvrage. Sa joie, sa bonne humeur, sa grande disponibilité et ses encouragements m’ont beaucoup aidé. Je l’en remercie. A l’ensemble des médecins du Service des urgences de l’hôpital Henri Mondor : MJ Calmette, V Lemiale, C Boraud, M Debacker, L. Bellefontaine qui ont rempli, de manière très consciencieuse, les fiches de recueil de données indispensables à la réalisation de cette étude. Aux Docteurs Jabre et Sende, médecins au SMUR 94, pour leurs conseils scientifiques et leurs aides précieuses. A Mme Benabdelmoumen, pour sa grande disponibilité, sa gentillesse et son aide experte en informatique. A toutes les membres du service des urgences du CHU H. Mondor, pour leur accueil et leur gentillesse. A toutes les personnes que j’oublie, qui m’ont aidé directement ou indirectement dans la réalisation de ce travail. Merci. Merci à tous de me pardonner les imperfections qui persistent dans ce manuscrit malgré plusieurs relectures. 4 TABLE DES MATIERES 5 REMERCIEMENTS Pages 2-3 TABLE DES MATIERES Pages 4-9 INTRODUCTION Pages 10-12 PREMIERE PARTIE Pages 13-41 I) LES MALAISES 14 A) Définition du malaise 14 B) Les orientations diagnostiques. 16 1) Orientation cardiologique. 16 2) Orientation neurologique. 16 3) Malaise vaso-vagale. 16 4) Hypotension orthostatique. 17 5) Orientation psychiatrique. 17 6) Les signes de gravité immédiate. 17 II) LES CRISES CONVULSIVES GENERALISEES 18 A) Généralités. 18 1) Épidémiologie. 18 2) Mode de présentation. 19 3) Caractéristiques sémiologiques. 19 B) L’interrogatoire. 20 1) L’âge du patient. 20 6 2) Les antécédents et facteurs de comorbidité. 20 3) Les circonstances de survenue. 21 a) Les prodromes. 21 b) Les circonstances physiologiques de survenue. 21 c) Les circonstances environnementales. 21 d) Les signes d’accompagnement des malaises. 21 e) L’évolution du malaise. 22 C) L’examen clinique. 22 1) Recherche de signes non spécifiques. 22 2) Recherche de signes cliniques d’orientation. 22 D) Les examens complémentaires. 23 1) Place de l’Electroencéphalogramme (EEG). 24 2) Place de l’Imagerie cérébrale. 26 a) La Tomodensitométrie cérébrale. 26 b) L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) cérébrale. 27 3) Place de la radiographie de thorax et de l’ECG. 28 4) Place des examens biologiques. 28 a) La glycémie capillaire. 28 b) Le Ionogramme sanguin, la biologie sanguine, et la numération formule Sanguine (NFS). 28 III) LE METABOLISME DES LACTATES 31 A) Introduction. 31 B) Métabolisme. 31 1) Le pyruvate : (figure 1). 32 2) Le rapport NADH/NAD+ (Figure 1). 33 3) La concentration en ions H+. 34 4) Le turnover du lactate. 35 a) Le foie. 35 b) Le rein. 36 7 c) D’autres organes. 36 5) L’hyperlactatémie : marqueur d’hypoxie et de métabolisme anaérobie [27]. 37 6) Les étiologies de l’hyperlactatémie. 39 MATERIEL ET METHODES. Pages 42-47 A) Les critères d’inclusion. 43 B) Les critères d’exclusion. 43 C) Méthodes. 44 1) Méthode de recueil des données. 44 2) Méthode de prélèvement de la lactatémie. 45 3) Méthode d’analyse des résultats. 45 a) Les variables étudiées. 45 b) Le nombre de patients nécessaires. 46 c) Les groupes d’analyses. 46 d) L’analyse statistique des résultats. 47 RESULTATS. A) Caractéristiques de la population. 1) Groupe avec témoins (GT+). Pages 48-59 49 50 a) Groupe 3 (GT+ CCG+). 50 b) Groupe 4 (GT+ CCG-). 51 2) Groupe sans témoin (GT-). 52 a) Groupe 1 (GT- CCG+). 52 b) Groupe 2 (GT- CCG-). 52 B) Les résultats biologiques. 55 1) Présentations des résultats. 55 2) Analyse de la courbe ROC. 57 3) Test diagnostique. 57 8 DISCUSSION. Pages 60-71 CONCLUSION. Pages 72-74 BIBLIOGRAPHIE. Pages 75-81 ANNEXES. Pages 82-90 9 Liste des figures Figure 1. Les voies métaboliques du pyruvate. 32 Figure 2. [55] Le système de transport membranaire du lactate. 34 Figure 3. [27]. Conséquences de l'hypoxie sur le métabolisme du pyruvate et du lactate. 37 Figure 4. Schéma récapitulatif de l’étude. 54 Liste des tableaux Tableau 1 : Classification des hyperlactatémies. [27] 39 Tableau 2 : Caractéristiques de la population. 49 Tableau 3 : Caractéristiques des groupes avec (GT+) et sans témoins (GT-). 50 Tableau 4: Paramètres cliniques et diagnostics étiologiques des groupes 3 et 4. 51 Tableau 5 : Paramètres cliniques et diagnostics étiologiques des groupes 1 et 2. 53 Tableau 6 : Tableau de Contingence. 55 Tableau 7 : Résultats des examens biologiques chez les patients ayant convulsé (Groupe 3) et les patients n’ayant pas convulsé (Groupe 4) en présence de témoins. 55 Tableau 8 : Résultats des examens biologiques chez les patients ayant convulsé (Groupe 1) et les patients n’ayant pas convulsé (Groupe 2) en absence de témoin. 56 Liste des graphes Graphe I : Courbe ROC de la lactatémie. 57 Graphe II : Lactatémies des patients du groupe 2 CCG – en fonction de la valeur seuil. 58 Graphe III : Lactatémies des patients du groupe 1 CCG+ en fonction de la valeur seuil. 58 Liste des annexes Annexe I : Fiche de recueil de données n° I. 83 Annexe II : Fiche de recueil de données n° II. 85 Annexe III : Consentement. 86 10 INTRODUCTION Le malaise est un des motifs de consultation et d’hospitalisation en urgence le plus fréquent. De nombreuses définitions existent, témoignant ainsi de l’imprécision du terme. La recherche 11 de sa cause demeure encore une entreprise délicate étant donnée sa définition vague, les symptômes étant généralement transitoires, l’examen clinique souvent normal au moment de la consultation et les nombreuses étiologies qu’il recouvre. Devant la nécessité de préciser le cadre clinique de prise en charge des malaises, et devant la préoccupation croissante du coût dans l’usage médical, véritable problème de santé publique, la Société Francophone des Urgences Médicales a organisé une conférence de consensus le 26 avril 1996 pour faire le point sur les données récentes de la littérature, proposer un algorithme d’aide à la décision médicale et passer en revue les problèmes en suspens : notamment la question du diagnostic étiologique des malaises. On distingue en pratique plusieurs causes de malaises, notamment les causes cardiocirculatoires au sens large (réflexe circulatoire ou cardiaque primitif), les causes non cardiaques (neurologiques, métaboliques, psychiatriques…) et on isole des malaises d’étiologie indéterminée [29, 45]. Des études estiment que 29 % des pertes de connaissance admises au Service d’Accueil des Urgences (SAU) [18, 66], sont d’origines convulsives, soit près d’un tiers des patients admis pour malaise et perte de connaissance. En pratique aux Urgences, le diagnostic rétrospectif de crise comitiale généralisée est souvent difficile. Il repose essentiellement sur l’anamnèse du patient et de l’entourage. En absence de témoin, l’examen clinique et les examens complémentaires se révèlent souvent être décevants. Ainsi les urgentistes souhaiteraient des marqueurs biologiques simples, rapides, sensibles et spécifiques pour étayer à posteriori un diagnostic cliniquement non évident de crise convulsive généralisée. Le dosage de tels marqueurs devra être facilement accessible dans tous les services d’Urgences et peu coûteux. Des auteurs se sont penchés sur ce problème et ont proposé des examens biologiques prélevés au décours d’un malaise avec perte de connaissance : mais ils se sont révélés être non spécifiques tels que le dosage de la créatinine phosphokinase (CPK) ou non spécifiques et non utilisables en urgence tels que les dosages de la prolactine ou du cortisol dans le sang et le liquide céphalorachidien [42]. Le dosage des lactates artériels a été récemment proposé comme aide au diagnostic des crises convulsives généralisées tonico-cloniques en raison de l’acidose lactique résultant de la phase anoxique. Ainsi certains auteurs se sont penchés sur le retentissement endocrinien d’une crise convulsive et notamment sur l’acidose lactique existant dans les suites d’une crise [54, 55, 57, 12 70] : le dosage des lactates veineux ainsi que le prélèvement des gaz du sang sont des examens simples et ne posent pas de difficultés d’interprétation. Dans un contexte d’urgence, le dosage de la lactatémie a-t-il un intérêt dans le diagnostic rétrospectif d’une crise convulsive généralisée ? Pour tenter de répondre à cette question, nous avons mené une étude prospective ayant durée six mois au SAU du Centre Hospitalo-Universitaire H. Mondor (94), dans le but d’évaluer l’apport du dosage des lactates veineux dans le diagnostic rétrospectif de crise convulsive généralisée chez les patients adultes admis aux urgences pour malaise avec perte de connaissance en présence ou non de témoins. Dans une première partie, nous allons tenter de définir le malaise et ses frontières nosographiques à partir de la dernière conférence de consensus de la SFUM, afin : • de retracer les grandes lignes de conduite à tenir devant une telle situation. • et de mettre en évidence les principales étiologies à évoquer devant tout malaise, et notamment une des plus importantes en terme fréquence à savoir la crise convulsive. Nous verrons ainsi, les limites de la clinique et des examens complémentaires recommandés, dans le diagnostic rétrospectif des crises comitiales aux urgences. Ces dernières ,créant une situation métabolique anaérobie, proche de l’exercice musculaire, sont à l’origine d’une augmentation de la lactatémie, dont l’interprétation nécessite une connaissance complète de son métabolisme. Le deuxième volet de ce travail sera consacré à la présentation de notre étude prospective et à l’analyse de ces résultats, suivi d’une discussion. 13 PREMIERE PARTIE I) LES MALAISES 14 En France, les malaises représentent une pathologie extrêmement fréquente en pratique médicale courante. Elle représente 10 à 15 % de l’ensemble des consultations [19]. Prendre en charge un malaise est un exercice quotidien en médecine d’urgence, qui présente cependant un risque d’erreurs important en raison de plusieurs difficultés. La première difficulté est liée aux nombreuses situations recouvertes par le terme de « malaises ». Le cadre restrictif des syncopes est plus fréquemment étudié dans la littérature, mais limiter la réflexion aux syncopes est peu opérant. C’est en effet aux malaises qu’est confronté le médecin aux urgences, et la démarche s’effectue à partir de ce motif de recours apparent et vague. La deuxième difficulté est liée à l’appréciation de la gravité. Il peut être difficile de repérer certains patients ayant une pathologie grave, mettant en jeu le pronostic vital, parmi une majorité de patients sans gravité. La difficulté est double, banaliser le malaise et méconnaître un diagnostic grave ou dramatiser ce risque et réaliser une prise en charge systématique trop lourde. Ceci explique la diversité de prise en charge. Cette diversité est patente dans une enquête prospective, incluant 270 patients dans dix services [22]. Elle confirme la nécessité de préciser le cadre nosographique des malaises et dans ce cadre, de proposer des recommandations. La Société Francophone des Urgences Médicales a organisé une Conférence de Consensus (CC) le 26 avril 1996 à Bordeaux et a demandé au jury de répondre aux questions relatives à la prise en charge des malaises [67]. A) Définition du malaise. La perte de connaissance brève est caractérisée par une perte de conscience courte, de quelques secondes à quelques minutes. Ce n’est pas un élément de gravité particulier ni un élément d’orientation diagnostique spécifique, tout comme l’absence de perte de connaissance. Elle ne doit faire écarter aucun diagnostic, même extracardiaque [8]. Le terme de lipothymie peut être défini comme une sensation de faiblesse généralisée avec étourdissement et diminution du tonus. Elle peut être accompagnée de prodromes et conduire à une chute [8]. La syncope quant à elle, est une perte de connaissance brutale caractérisée par une courte durée, associée à une perte de tonus postural, dont la récupération est spontanée. Elle peut être 15 accompagnée de clonies au niveau des membres supérieurs et de la face, d’une miction involontaire ou une chute traumatisante. En pratique, la distinction entre lipothymie, syncope et perte de connaissance ou non, n’apporte aucune implication diagnostique ni pronostique. En effet, leurs étiologies sont communes et le pronostic dépend de plusieurs facteurs notamment l’âge et l’étiologie [62]. Il apparaît donc logique de regrouper ces termes dans un même cadre nosologique : celui de MALAISE comme le recommande la conférence de consensus. La définition qui en est donnée par la Société Francophone des Urgences Médicales est la suivante : « le malaise est un épisode aigu, régressif, caractérisé par un trouble de la conscience ou de la vigilance (perte de connaissance brève ou lipothymie), avec ou sans hypotonie, qui peut être responsable de chute. Le retour à l’état antérieur est spontané, rapide et progressif.» La littérature médicale anglo-saxonne privilégie le terme plus restrictif de syncope ; les termes de « fainting » ou de « dizziness » correspondent plus au terme français de malaise mais demeurent peu utilisés. La VIème Conférence de Consensus [67] de la Société Francophone d’Urgence Médicale (SFUM), publiée en 1996 précise que dans le cadre d’une épilepsie, il peut être difficile de distinguer crise convulsive tonico-clonique généralisée et syncope. La crise convulsive se termine souvent par une syncope et la perte de connaissance brutale peut être accompagnée de mouvements convulsifs. Une perte de connaissance brutale peut être suivie d’une période de confusion, notamment chez la personne âgée. Syncope et épilepsie peuvent se compliquer de traumatisme. L’émission involontaire d’urines et/ou de selles n’est pas spécifique de la crise d’épilepsie et peut accompagner une perte de connaissance profonde. En pratique le terme de malaise est employé pour désigner un grand nombre de situations soudaines imprévues et vaguement inquiétantes. Il sert parfois d’explication à l’inexplicable. Plusieurs auteurs ont souligné l’impossibilité d’établir un arbre diagnostic simple. Les algorithmes publiés sont peu convaincants [51]. Mais l’ensemble des auteurs s’accorde à dire qu’au terme d’un interrogatoire fouillé et d’un examen clinique minutieux et orienté, on peut distinguer plusieurs situations qui orientent le diagnostic. B) Les orientations diagnostiques : 16 1) Orientation cardiologique Un malaise avec perte de connaissance à début brusque et retour rapide à la normale en moins de cinq minutes, avec pâleur extrême per-critique et recoloration rapide, est plutôt en faveur d’une cause cardiaque, ce d’autant plus qu’il existe des signes évocateurs : les antécédents de maladies cardiovasculaires, la survenue à l’effort, la prise de médicaments anti-arythmiques, des signes d’accompagnements tels que les douleurs thoraciques, palpitations, dyspnée… 2) Orientation neurologique Un malaise avec mouvements tonico-cloniques, cyanose ou rubéfaction cutanée per-critique ou confusion post critique est plutôt en faveur d’une crise comitiale généralisée. L’existence d’un syndrome déficitaire transitoire, le caractère stéréotypé des manifestations cliniques (épilepsie partielle) sont également évocateurs. Parmi les causes non cardiovasculaires de malaise, une place particulière doit être faite à l’épilepsie, en raison de sa fréquence (elle représenterait près d’un tiers des malaises avec perte de connaissance) et de ses implications diagnostiques différentielles fréquentes avec le cadre des syncopes. Il existe en effet des états frontières entre syncope et épilepsie, l’un pouvant précéder l’autre et réciproquement. Des critères ont été proposés pour différencier l’un et l’autre dans les cas difficiles : ils concernent la position et l’horaire lors du malaise, la couleur des téguments, l’existence d’une aura, la présence et la localisation de clonies, la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la durée du malaise, la cinétique du retour à la conscience, l’asthénie post-critique, le dosage des CPK [51] ; en absence d’anamnèse précise le diagnostic reste difficile. 3) Malaise vaso-vagal Il convient de l’individualiser. C’est en effet une des causes les plus fréquentes de malaise et son approche a été transformée par le développement du test d’inclinaison (ou Tilt-test) tant au niveau physiopathologique, diagnostique, que thérapeutique: ainsi grâce au test d’inclinaison, on peut désormais rattacher à une origine vaso-vagale un grand nombre des syncopes inexpliquées (jusqu'à 50%) [7, 36, 60, 63]. 17 Les arguments en faveur sont: l’age jeune, l’existence de circonstances déclenchantes, l’existence de prodromes (sueurs, faiblesse, pâleur) n’étant pas constante, une phase de récupération plus ou moins prolongée avec asthénie et hypotension, des antécédents de malaises du même type. Il peut également être trompeur et symptomatique d’une autre affection (infarctus du myocarde, embolie pulmonaire, hypovolémie…), il faut donc se méfier, être très prudent. 4) Hypotension orthostatique Les arguments en faveur d’un malaise par hypotension orthostatique sont la survenue lors du passage en orthostatisme, la reproduction du même malaise lors de l’épreuve d’orthostatisme, avec confirmation d’un phénomène hypotensif et l’existence de facteurs favorisants souvent retrouvée, notamment iatrogènes. L’hypotension orthostatique peut être individualisée, par la nécessité d’un diagnostic précoce et fiable, par sa fréquence particulièrement importante chez le sujet âgé, et par sa liaison avec un risque iatrogène. 5) Orientation psychiatrique Les arguments en faveur sont [44]: l’absence d’autre cause décelable, l’existence d’un stress ou d’un autre événement déclenchant, une sémiologie s’intégrant dans un syndrome psychiatrique identifiable et des antécédents de malaise du même type. L’orientation psychiatrique reste évidemment un diagnostic d’élimination. Dans tous les cas, la découverte à l’interrogatoire d’une autre symptomatologie peut amener à des diagnostics variés. Mention est faite de l’hypoglycémie qui doit être envisagée chez un patient diabétique présentant des signes évocateurs (sueurs, traitement hypoglycémiant…). 6) Les signes de gravité immédiate : La simple évocation d’une cause cardiaque est en soi un facteur de gravité, en raison de la surmortalité observée dans la population de patients dont l’étiologie est cardiaque. L’âge semble constituer un facteur de gravité. Il faut en rapprocher les problèmes associés à une polypathologie, source de comorbidité et de polymédication. 18 IL EST SOUHAITABLE DE PENSER QUE L’ABSENCE D’ANAMNESE PRECISE CONSTITUE UNE SITUATION A RISQUE POTENTIEL [67]. Ainsi, le malaise représente un motif fréquent de consultation dans un service d’urgence (jusqu'à 10% des patients), constituant de ce fait un véritable problème de santé publique de part sa fréquence, les complications pouvant mettre en jeu le pronostic vital et le retentissement en terme de coûts économiques. Sous ce terme de malaise se cache donc des étiologies très diverses et très variées. Dans une étude prospective effectuée chez une série de 107 patients admis aux urgences pour malaise, Kapoor énumère pas moins de 22 diagnostics distincts [34], de même dans une autre étude prospective incluant 200 patients hospitalisés à la suite de malaise, Le jeune et al. évoquent 31 diagnostics étiologiques différents. Leur classification est fondée sur les mécanismes physiologiques conduisant aux troubles de conscience [41]. On distingue ainsi en pratique plusieurs causes de malaises, notamment les causes cardiocirculatoires au sens large (réflexe circulatoire ou cardiaque primitif), les causes non cardiaques (neurologiques souvent sous estimées, métaboliques, psychiatriques…) et on isole des malaises d’étiologie indéterminée [29,45]. Les études les plus récentes estiment que 29 % des pertes de connaissance admises au Service d’Accueil des Urgences (SAU) [18,66], sont d’origines convulsives, soit près d’un tiers des patients admis pour malaise et perte de connaissance. II) LES CRISES CONVULSIVES GENERALISEES : A) Généralités : 1) Épidémiologie : L’épidémiologie descriptive de l’épilepsie et des crises convulsives se heurte aux difficultés de définition de l’épilepsie et aux différences méthodologiques rencontrées d’une étude à l’autre [66]. En conséquence, les discordances sont considérables dans les chiffres produits dans la littérature. Néanmoins, les crises convulsives généralisées y sont considérées comme une pathologie extrêmement fréquente. Compte-tenu des discordances signalées plus haut, le taux 19 d’incidence de l’épilepsie est très élevé (17 à 145 cas pour cent mille habitants par an). En excluant, les enfants de moins de 10 ans et les épilepsies non convulsivantes, le taux en France est de l’ordre de 50 cas pour cent mille habitants par an. Les difficultés méthodologiques conduisent à une sous-estimation. Dans les services d’urgence, la fréquence des crises convulsives est très élevée, de l’ordre de 3% des patients examinés. Il est probable qu’elle est également sous-estimée. Chaque service d’urgence reçoit plusieurs centaines de patients par an pour crise convulsive généralisée. Ainsi, Day et coll. [18], dans une étude prospective incluant 198 patients se présentant aux urgences pour malaise, retrouvent une origine convulsive chez 29% des patients. Dans une étude de Krumholz [37], sur 387 patients admis aux urgences pour crises convulsives généralisées, celles-ci ont été retenues comme probable ou possible dans 255 cas et rétrospectivement ce diagnostic n’a été retenu que chez 200 patients. 2) Mode de présentation : Il existe une nette prédominance masculine (75 % des patients sont du sexe masculin). L’âge moyen de survenue est 40 ans. Dans 35% des cas, il s’agit d’une première crise, dans 65% des cas il s’agit d’une récidive. Le contexte psychosocial doit être pris en compte, la maladie épileptique étant le plus souvent aggravée par les facteurs psychologiques et psychiatriques. Les crises convulsives occasionnelles n’ont aucune cause dans 20 à 30% des cas. Les étiologies sont variables suivant l’âge. 3) Caractéristiques sémiologiques : Les patient sont reçus pour perte de connaissance et/ou malaise, plus ou moins caractérisés. Leurs malaises peuvent être rattachés à une crise convulsive généralisée sur un faisceau d’arguments cliniques et anamnestique. L’enquête anamnestique réalisée auprès des témoins de la crise est la mission première du médecin urgentiste. B) L’interrogatoire 20 L’interrogatoire est un élément capital du diagnostic. Les données de l’interrogatoire permettent un diagnostic dans au moins 50% des cas [22]. Il doit être précis et réalisé auprès du malade, de l’entourage, du médecin traitant, des accompagnants et témoins, au besoin par téléphone. « Si on n’a pas porté de diagnostic de nature du malaise à la fin de l’interrogatoire, le plus souvent on restera sans diagnostic » [39]. Obtenir des informations de base (où ? quand ? comment ? etc…) est une priorité. L’interrogatoire, souvent qualifié de policier par le patient, est adapté à l’enquête que l’on doit mener devant tout malaise. Quand il y a des témoins, le diagnostic est rendu plus simple et l’interrogatoire peut permettre à lui seul de porter un diagnostic (exemple : crise convulsive…). Le meilleur examen complémentaire reste le plus souvent le téléphone [10]. Il est important d’interroger soigneusement les témoins et ainsi se faire une opinion en corrélant les propos du patient et ceux des témoins. Trop souvent des diagnostics sont générés par les secours médicalisés ou non. Ces secours appelés sur place (et qui arrivent souvent en phase post critique) devraient soigneusement recueillir les coordonnées de tout témoin direct du malaise. Ceci serait de grande utilité en terme de santé publique (et économie de santé). De même dans les services d’accueil des urgences, le rôle de l’infirmière d’accueil est irremplaçable pour retenir des témoins potentiels. Les données importantes de l’interrogatoire sont les suivantes : 1) L’âge du patient : Chez la personne âgée, la notion de malaise n’est parfois pas dissociable de la notion de chute et l’appréciation du retour à la normale est difficile. 2) Les antécédents et facteurs de comorbidité : La connaissance des antécédents familiaux et personnels est indispensable. On recherche la notion de malaise antérieur, d’une pathologie antérieure ou associée. L’étude minutieuse du traitement pris par le patient (y compris par automédication), la notion de sevrage ou de modification thérapeutique récente sont des données très importantes à recueillir. Il faut y associer la recherche de prise de toxiques ou de stupéfiants. 3) Les circonstances de survenue : 21 a) Les prodromes : Leur recherche doit être systématique. Les prodromes les plus fréquemment retrouvés sont des palpitations, une sensation de chaleur, des sueurs, un état vertigineux, des troubles visuels et auditifs. b) Les circonstances physiologiques de survenue : La position du patient au cours du malaise est recherchée de même que la notion d’un changement de position, tout particulièrement le passage de clinostatisme en orthostatisme. c) Les circonstances environnementales : Ce sont également des facteurs importants à prendre en compte (tels que une source de monoxyde de carbone, des événements psychologiques…) d) Les signes d’accompagnement des malaises : Une notion très importante concerne l’évaluation de la réalité et de la durée de la perte de connaissance. Elle est parfois difficile à faire préciser par le patient ou à estimer par l’intermédiaire des témoins. L’interrogatoire des témoins peut permettre de préciser la couleur du visage au moment du malaise (pâleur, cyanose, rubéfaction), la description de mouvements anormaux, la notion d’une prise initiale du pouls, ainsi que l’existence de manifestations respiratoires. La recherche de toute symptomatologie fonctionnelle, même fugace, et associée au malaise est capitale. La nature de ces signes est très variable (dyspnée, douleurs thoraciques, abdominales, céphalées…) Les crises comitiales partielles peuvent avoir une sémiologie riche, polymorphe et trompeuse, notamment des crises partielles complexes à sémiologie psychique. C’est essentiellement le caractère stéréotypé du déroulement du malaise récidivant qui est le caractère le plus évocateur. e) L’évolution du malaise : 22 L’interrogatoire apprécie la rapidité de la récupération, sa qualité, l’existence d’un état confusionnel post critique et éventuellement un syndrome déficitaire transitoire observé par l’entourage. On précise le délai de recoloration après reprise de la conscience, la notion de palpitations, de douleurs thoraciques post-critiques. Ainsi à l’issue d’un interrogatoire précis, riche, fiable et bien mené, un diagnostic peut être évoqué dans au moins 50% des cas. [ 22] C) L’examen clinique A travers l’examen clinique, on s’assure qu’il s’agit toujours d’un malaise tel qu’il est défini plus haut et qu’il ne s’accompagne pas de signes de gravité. 1) Recherche de signes non spécifiques : On recherche des lésions traumatiques dont il faut préciser s’il s’agit bien de la conséquence ou de la cause du malaise. La recherche de morsure de langue est importante, mais une morsure isolée du bout de la langue n’a pas de valeur spécifique. S’il s’agit d’une morsure latérale avec des lésions importantes, le diagnostic de crise convulsive peut être évoqué. L’émission d’urines n’a qu’une valeur relative et n’est pas spécifique. Associée à l’émission de selles, elle est le témoin en général, de la profondeur de la perte de connaissance et représente un signe de gravité. 2) Recherche de signes cliniques d’orientation : La deuxième partie de l’examen clinique va s’attaquer à la recherche de signes cliniques d’orientation étiologique, tels que la palpation du pouls, la mesure de la pression artérielle aux deux bras, et l’examen cardiovasculaire et neurologique qui doit être particulièrement minutieux. Après avoir éliminé toute contre-indication à l’examen clinique en orthostatisme, une recherche d’hypotension orthostatique s’impose. De plus, la recherche systématique d’un purpura cervico-facial, de signes de sevrage éthylique peut orienter, si elle est positive, vers une comitialité. 23 Au terme de cet interrogatoire et de cet examen clinique, on peut en déduire les arguments diagnostiques en faveur d’une crise convulsive: • Les antécédents convulsifs ; • La description de la crise (tonicoclonique ou tonique, suivie d’une phase comateuse avec respiration stertoreuse et salivation) ; • La morsure latérale de la langue ; • L’obnubilation post-critique ; • Le début sur le mode partiel (aura). Il peut s’agir d’une crise partielle complexe (50% des cas), de crises motrices ou sensitives (25% des cas), d’un début adversif ou giratoire (20% des cas). • Le déficit post-critique (20%) qui est en faveur d’une lésion cérébrale. • Les circonstances de la crise : manque de sommeil, fièvre, stimulation lumineuse intermittente, surmenage, sevrage médicamenteux, alcoolisme, hypoglycémie iatrogène. Malgré une anamnèse très précise et un examen consciencieux, le diagnostic clinique de crise convulsive généralisée aux urgences est souvent difficile [72] chez un patient victime de malaise avec perte de connaissance, tant les étiologies sont nombreuses. Le recours à des examens complémentaires s’avère être très souvent indispensable, certains auteurs [8, 9] ont dénombré pas moins de 27 examens paracliniques pouvant être réalisés dans le bilan d’un malaise. Certains sont simples et rapides à réaliser, d’autres nécessitent un plateau technique et des compétences rarement mobilisables 24h / 24h dans un SAU. Le médecin des urgences sera amené à choisir parmi des examens complémentaires souvent peu sensibles ou peu spécifiques dont la rentabilité dans le diagnostic des crises convulsives généralisées est souvent très limité et c’est ce choix qui est souvent difficile. D) Les examens complémentaires. Les examens complémentaires sont indispensables quand l’interrogatoire et l’examen clinique sont insuffisants pour étayer un diagnostic, mais leur usage ne peut être systématique et doit donc relever d’une démarche raisonnée en regard du grand nombre d’examens possibles. Ainsi, les examens paracliniques doivent être limités dans leurs indications ; leur multiplication risque d’allonger les temps de passage aux urgences, d’augmenter le nombre 24 des hospitalisations et d’être faussement rassurante ou trompeuse. Ils peuvent être coûteux et surtout, leur rentabilité à titre systématique est très faible, inférieurs à 10% pour la plupart des auteurs. Les objectifs essentiels de l’exploration complémentaire sont de confirmer une suspicion clinique et d’éviter de méconnaître une pathologie grave dont le diagnostic n’a pu être éliminé du fait de difficultés à l’interrogatoire, d’imprécision sur l’état antérieur du malade, de doute sur la récupération totale. Les notions de terrain et de circonstances doivent être prises en considération afin d’en limiter au maximum le nombre et d’en augmenter la rentabilité. Le choix et la qualité d’un bon examen paraclinique dépend d’abord de certains critères généraux [49] : - le résultat doit être fiable quelle que soit l’heure du jour où il est réalisé et donc, indépendant du technicien ou du médecin. - le risque iatrogène modéré relatif à la gravité de la clinique. - la réalisation précoce après l’épisode aigu. - l’examen doit prendre en compte l’âge et les antécédents du patient. Dans ces conditions, il est évident que certains examens et certains dosages biologiques longs à réaliser n’ont pas leur place au SAU. Si la survenue d’un malaise, surtout avec une perte de connaissance est très anxiogène pour le malade et sa famille, la plupart des études montrent qu’ils ont une gravité faible dans un SAU [34,49]. Même si cette gravité est variable en fonction du terrain et de l’étiologie, il ne faut donc pas courir le risque d’examens susceptibles d’être iatrogènes pour le patient sans argument clinique pour les justifier. Il est donc indispensable que le bilan paraclinique soit orienté par l’examen clinique et l’anamnèse [45]. 1) Place de l’Electroencéphalogramme (EEG) Un (EEG) est une technique d’exploration fonctionnelle cérébrale utilisée en routine depuis plus de 50 ans. La disponibilité actuelle des examens d’imagerie anatomique fonctionnelle cérébrale a restreint le champ des indications de l’EEG. Cet examen est néanmoins irremplaçable dans l’évaluation de la maturation cérébrale, dans l’appréciation des niveaux de vigilance physiologique (éveil et sommeil) et pathologique (comas) et en épileptologie [20-26]. 25 La valeur diagnostique de l’EEG est très limitée en urgence. Cet examen doit être interprété par un spécialiste et confronté aux données cliniques. Il est normal dans 50% des cas. Il est contributif lorsque les arguments cliniques sont en défaut, et que le tracé met en évidence des polypointes ondes ou un foyer irritatif. Ces signes en foyer sont mieux interprétables à distance de la crise (à partir de la 24ème heure). Sa place dans différentes situations d’urgence a été précisée en France en 1996 lors d’une réunion d’experts [17] grâce à une revue de la littérature. Les recommandations finales de cette conférence de consensus sont les suivantes : Indications à la réalisation d’un EEG en urgence : présomption clinique de mort cérébrale et de prélèvement d’organes envisagé ; état de mal épileptique larvé ; état de mal myoclonique ; prise en charge secondaire d’un état de mal convulsif : contrôle de l’efficacité du traitement ; état de mal convulsif avant traitement en cas de doute sur des manifestations non épileptique ou épileptique connu ; instauration ou modification d’une neurosédation après la survenue d’un traumatisme crânien ; crises épileptiques généralisées ou focales récidivantes Indications à la réalisation d’un EEG dans les 24 premières heures : sémiologie clinique évocatrice d’un état de mal épileptique non convulsif ; traumatisme crânien avec crises épileptiques inaugurales ; crises épileptiques généralisées inaugurales ; malaise suggérant une crise épileptique focale ; suspicion clinique d’encéphalite herpétique. Situations cliniques dans lesquelles l’ EEG n’est pas utile en urgence : 26 état de mal convulsif avant la prise en charge thérapeutique initiale ; crise d’épilepsie chez un patient épileptique connu ; crise d’épilepsie généralisée dans un contexte d’intoxication ou de sevrage (alcool, médicament) ; crise épileptique généralisée traitée par benzodiazépine ; traumatisme crânien sans crise inaugurale ; déficit neurologique constitué ou transitoire ; syndrome confusionnel de cause indéterminée ; perte de connaissances brèves ou malaises de causes incertaines, ou de causes non neurologiques. En bref, l’EEG n’a pas sa place en urgence dans le diagnostic des malaises avec perte de connaissance sans étiologie évidente, sa rentabilité diagnostique restant faible, de l’ordre de 0 à 5%. Ainsi, pour les pertes de connaissances brèves et les déficits neurologiques focaux non fébriles, l’EEG est inutile en urgence. 2) Place de l’imagerie cérébrale a) La Tomodensitométrie Cérébrale (TDM) Cet examen a un intérêt dans le diagnostic étiologique de certaines crises convulsives. Un article mené par Greenberg MK [23], concernant 11 études regroupant 1935 patients ayant bénéficié d’un scanner cérébral aux urgences, conclut à la présence d’anomalies au scanner dans 17,7% des cas. Cet article a permis d’affiner les recommandations en cas de première crise convulsive : la demande du scanner cérébral en urgence est indiquée en présence de signes focaux, de troubles de la conscience persistants, fièvre, notion de traumatisme récent, céphalées persistantes, notion de cancer, de traitement anticoagulant, suspicion de SIDA ; 27 un scanner pourra être programmé devant l’évolution favorable et l’absence de cause documentée (hypoglycémie, hyponatrémie, intoxication aux tricycliques). a noter l’absence d’indication chez les patients avec crise convulsive identique aux crises antérieurs. Donc le scanner permet d’étayer un diagnostic étiologique devant un interrogatoire ou un examen clinique contributif, il ne constitue en rien un examen diagnostique d’une crise convulsive. b) L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) Cérébrale Reste à définir la place de l’IRM cérébrale dans la prise en charge des crises convulsives généralisées : une étude récente menée en 2004 [68] révèle que lorsque la stabilité clinique du patient et sa surveillance peuvent être assurées, et lorsque les patients sont coopérants, les indications du TDM cérébral en urgence peuvent être appliquées à l’IRM à condition que cet examen soit facilement accessible. En pratique, l’IRM est le plus souvent différée après réalisation d’un scanner cérébral sauf en cas de suspicion de thrombose veineuse profonde cérébrale où cet examen pourra être réalisé d’emblée. L’IRM permettra le plus souvent de compléter l’analyse des lésions détectées au scanner ou améliorera la performance diagnostique dans la caractérisation des lésions encéphaliques lorsque le scanner est normal ou peu contributif. De plus, en dehors du contexte de première crise, lorsque la crise représente le début d’une épilepsie (crise inaugurale), l’IRM est l’examen de choix, mais non en urgence, pour la mise en évidence de lésions évolutives (neurofibromatoses, maladie de Bourneville, pathologie vasculaire ischémique ou malformative, pathologie tumorale ou infectieuse) et pour la visualisation des lésions épileptogènes (cicatrisations gliales, lésions focales d’origine malformative ou tumorale de bas grade). Les épilepsies seront ainsi classées en épilepsie cryptogénique (lésionnelle mais dont la lésion n’est pas visible) ou symptomatique (lésion identifiée). 3) Place de la radiographie de thorax et de l’ECG 28 La radiographie de thorax peut être utile en urgence dans un nombre de situations très restreintes, notamment la détresse respiratoire (secondaire par exemple à une inhalation lors d’une crise convulsive généralisée), la dissection aortique, suspicion d’embolie pulmonaire massive, et des signes d’hypertrophie ventriculaire [21]. C’est évidemment un examen dont la sensibilité et la spécificité est faible et par conséquent possède une rentabilité diagnostique dans le bilan de malaise peu élevé. L’ECG figure parmi les examens à réaliser systématiquement devant tout malaise, ce dernier étant un examen de réalisation rapide, fiable, immédiatement interprétable et se distinguant aussi par la gravité des diagnostics qu’il peut évoquer. 4) Place des examens biologiques : Parmi les examens biologiques prélevés au décours d’un malaise avec perte de connaissance, on distingue : a) La glycémie capillaire, Cet examen simple, rapide et peu invasif, peut se discuter en cas d’anamnèse évocatrice (antécédents, confusion, perte de connaissance prolongée), mais sa fiabilité est relative pour les valeurs limites inférieurs et donc sa rentabilité diagnostique est moyenne Ainsi, la découverte d’une glycémie limite ou basse associée à une amélioration clinique après resucrage ne doit pas faire illusion et faire porter le diagnostic d’hypoglycémie dans tous les cas. Les autres causes de malaise restent possibles, notamment la crise convulsive. b) Le Ionogramme sanguin, la biologie sanguine, et la Numération Formule Sanguine (NFS) Ces examens ont une très faible rentabilité. Ils apportent rarement des éléments décisifs au diagnostic quand ils n’ont pas été orientés par une suspicion à l’examen clinique et à l’interrogatoire. Ainsi il est recommandé de réserver ces bilans aux patients dans les circonstances suivantes [22]: 29 • patient âgé, dénutri ; • antécédents de néphropathie, d’hépatopathie ; • symptômes évocateurs : tels que l’altération de l’état général, les troubles de l’hydratation, la pâleur, la fièvre, la tachycardie, les troubles digestifs, et les épilepsie de novo ; • La prise médicamenteuse notamment de diurétiques, de laxatifs et de corticothérapie. Ces examens biologiques recommandés, prélevés au décours d’une crise convulsive généralisée sont utiles dans le diagnostic d’étiologie métabolique d’une crise mais ne peuvent pas être utilisés comme aide à un diagnostic cliniquement non évident. Les anomalies les plus fréquemment attendues de ces examens sont les suivantes : l’hyponatrémie, l’hypernatrémie et l’hypocalcémie. Le bilan biologique sera complété par la recherche d’une dyskaliémie, d’une insuffisance rénale ou d’une anémie pouvant être à l’origine de malaise avec perte de connaissance. En fonction du contexte clinique, d’autres examens peuvent être envisagés, tel qu’un bilan infectieux orienté par un point d’appel clinique (une ponction lombaire pourra être réalisée notamment si le patient présente un syndrome confusionnel fébrile), les gaz du sang artériel (en cas de dyspnée, d’insuffisance circulatoire, de troubles métaboliques, de recherche acidose), le dosage des Bêta-HCG (femme en période d’activité génitale, plus ou moins associée à un retard de règles)… Le bilan toxicologique est prélevé si l’on recueille des notions de toxicomanie (ou des antécédents de suicide). La recherche est alors centrée sur des drogues usuelles ou avouées par le patient. Un dosage toxicologique est aussi possible dans le but d’évaluer un surdosage médicamenteux ou au contraire un défaut d’observance du traitement notamment chez les patients épileptiques connus (dosage des anticomitiaux) ; en effet, l’apparition de crises convulsives chez un épileptique connu traité doit faire avant tout rechercher un défaut d’observance. En effet, celle-ci est imparfaite dans 50% des cas. Il faut néanmoins s’enquérir d’un phénomène intercurrent, susceptible d’abaisser le seuil convulsif, et s’assurer que la nouvelle crise ne témoigne pas d’une lésion figurée ayant échappée à un bilan d’imagerie. Enfin, on doit évaluer le recours à deux autres examens sanguins particuliers fréquemment recherchés : l’alcoolémie et le dosage du monoxyde de carbone. 30 Un dosage systématique du monoxyde de carbone et de l’alcoolémie ont été réalisés dans une étude chez huit patients avec une rentabilité de 100% pour le monoxyde de carbone et de 26% pour les cas d’intoxication éthylique aigue. Ces deux examens doivent donc être d’utilisation plus large que restreint aux urgences [22]. • On distingue donc bien d’une part, les examens complémentaires qui ont un intérêt pour étayer un diagnostic étiologique cliniquement évident de crise convulsive : la glycémie, le ionogramme sanguin, la calcémie, la recherche de toxique et/ou de surdosage médicamenteux (en fonction du contexte) et le bilan infectieux (si hyperthermie) ; mettant ainsi en cause une origine à la survenue de crise convulsive. • Et d’autre part, les examens biologiques prélevés au décours d’une éventuelle crise pour étayer un diagnostic cliniquement non évident, qui sont non spécifiques tels que le dosage de la créatine phosphokinase (CPK), ou non spécifiques et non utilisables en pratique aux urgences tels que les dosages de la prolactine ou du cortisol dans le sang ou le liquide céphalorachidien [2, 4, 13, 42, 43]. Ainsi, le diagnostic de crises convulsives est posé la plupart du temps rétrospectivement et se fonde en priorité sur l’anamnèse et la description de l’épisode. En absence de ces dernières, il n’existe actuellement aucun test diagnostique simple permettant d’affirmer avec certitude une crise convulsive généralisée. Certains auteurs se sont penchés sur le retentissement endocrinien d’une crise convulsive et notamment sur l’acidose lactique existant dans les suites d’une crise [54, 57, 70] : le dosage des lactates veineux ainsi que le prélèvement des gaz du sang sont des examens simples et ne posent pas de difficultés d’interprétation. L’interprétation d’une lactatémie nécessite une connaissance complète de son métabolisme. Comment explique-t-on un tel métabolisme, notamment dans les crises convulsives ? III) LE METABOLISME DES LACTATES. 31 A) Introduction : Le lactate est un métabolite qui joue un rôle considérable au sein du métabolisme intermédiaire dans de nombreuses espèces animales et notamment chez l’homme en particulier. Son métabolisme se fait par un passage obligatoire via le pyruvate, ce qui le situe au carrefour de tout le métabolisme. En effet, il est impliqué dans la production d’énergie (glycolyse ou oxydation dans le cycle tricarboxylique), dans les réactions de transamination, mais également dans l’équilibre acide-base et dans le potentiel d’oxydo-réduction. De plus, l’intérêt de cet élément est en rapport avec les grandes modifications de son métabolisme au cours des différentes situations physiologiques (effort musculaire) ou pathologiques comme l’anoxie, l’ischémie, l’agression, les crises convulsives, mais également les états infectieux, le métabolisme tumoral, etc.… B) Métabolisme L’acidose lactique reflète un déséquilibre entre la production et l’utilisation du lactate : selon les circonstances, elle exprime une surproduction, un défaut d’épuration ou, le plus souvent, l’association des deux phénomènes. La réaction biochimique unique qui produit du lactate dans l’organisme est une voie métabolique sans issue, où la conversion du pyruvate, catalysée par la déshydrogénase lactique (LDH) intracytosolique, est associée à la conversion d’une molécule de NADH en NAD selon l’équation : PYRUVATE +NADH+H (+) LDH LACTATE+ NAD (+) Cette réaction est réversible ; elle se produit dans le cytosol et est donc catalysée par une enzyme ubiquitaire, la lacticodéshydrogénase (LDH) ; il s’agit d’une réaction d’oxydoréduction entre les couples lactate/ pyruvate d’une part et NAD+/NADH d’autre part. Le lactate ne peut être métabolisé qu’après transformation du pyruvate, son précurseur immédiat. Dans les conditions normales, l’équilibre entre le lactate et le pyruvate s’établit de telle manière que la concentration de lactate est 10 fois supérieure à celle du pyruvate ; les valeurs normales chez le sujet sain au repos sont respectivement de 1 et 0,1 mmol.l-1. De la on peut en déduire, à partir de la loi de masse : 32 [LACTATE]= Keq. [PYRUVATE]. [NADH]/ [NAD+]. [H+] La concentration de lactate est donc déterminée par trois variables : 1. la concentration de pyruvate. 2. le rapport de NADH/NAD+ qui traduit le potentiel d’oxydoréduction du cytosol. 3. la concentration en ions H+. 1) Le pyruvate : (figure 1) Le pyruvate se situe au carrefour de plusieurs voies métaboliques : Figure 1. Les voies métaboliques du pyruvate (néoglucogenèse , transamination . l'oxydation phosphorylante décarboxylation en oxaloacétate ) [27] -La glycolyse anaérobie (figure 1) se trouve être la voie essentielle de la production de pyruvate. Elle se déroule dans le cytosol et aboutit par ailleurs à la formation de proton et de NADH. Le flux glycolytique est contrôlé par trois enzymes clés dont l’intervention est 33 unidirectionnelle : l’Hexokinase (HK), la Phosphofructokinase (PFK) et la Pyruvate Kinase (PK). La production de pyruvate et donc de lactate est augmentée en cas de dette énergétique et d’alcalose (métabolique ou respiratoire), inhibée en cas d’acidose et de réplétion énergétique. Soulignons qu’en terme de production énergétique la glycolyse anaérobie est peu efficace et n’aboutit qu’a une faible production d’ATP : deux molécules de phosphate de haute énergie formées par molécule de glucose brûlée. -La décarboxylation oxydative (figure 1) est la réaction mitochondriale qui transforme le pyruvate en acétyl-coA, en présence d’oxygène ; cette réaction est catalysée par la Pyruvate Déshydrogénase (PDH). L’acétyl-coA est le point de convergence entre le métabolisme des glucides et celui des lipides (par l’intermédiaire de la B oxydation). L’activité de la PDH est régulée par la concentration en acétyl-coA, de sorte que l’oxydation des acides gras inhibe celle des glucides ; elle est également étroitement liée au potentiel d’oxydoréduction, un potentiel réduit favorisant la transformation du pyruvate en lactate au dépend de l’acétyl-coA. Cette voie a l’avantage de fournir une quantité beaucoup plus importante de phosphate de haute énergie que la seule glycolyse anaérobie : soit trente huit ATP par molécule de glucose brûlée. -La néoglucogenèse : (Figure 1) le pyruvate peut également servir de substrat à la néoglucogenèse dont la première étape est intramitochondriale ; elle nécessite la présence d’oxygène et conduit à la formation d’oxaloacétate. Les enzymes impliquées dans cette voie métabolique catalysent les réactions dans un seul sens. La pyruvate carboxylase est ubiquitaire, alors que la phosphoénolpyruvate catalysant la transformation intracytosolique de l’oxaloacétate en phosphoénolpyruvate est caractéristique des tissus néoglucogéniques (foie et rein). Ces deux réactions nécessitent la présence d’ATP. 2) Le rapport NADH/NAD+ (Figure 1) : Il reflète le potentiel REDOX intracytosolique. Il contrôle étroitement la concentration cellulaire du pyruvate en régulant à la fois la glycolyse et l’oxydation du pyruvate en acétylCoA via la Pyruvate Déshydrogénase ou sa réduction en lactate via la lacticodéshydrogénase. 34 3) La concentration en ions H+ Figure 2. [55] Le système de transport membranaire du lactate. Une élévation de la concentration en ions H+ devrait entraîner une élévation du taux de lactates intracytosoliques si l’on s’en réfère à l’équation sus citée, en se plaçant dans l’hypothèse d’une concentration en pyruvate et d’un potentiel REDOX stables. Ainsi théoriquement, il existe une relation entre lactate et acidose. En revanche, cette relation n’est absolument pas obligatoire, car il existe des hyperlactatémies sans acidose ou mieux encore avec alcalose. Plusieurs éléments expliquent cette donnée [27]. Sur le plan biochimique, la production de lactate à partir du glucose n’aboutit ni à une production, ni à une consommation d’ions H+, car ceux-ci proviennent en fait de façon équimolaire de l’hydrolyse de l’ATP en ADP. En effet, la glycolyse peut être schématisée selon les voies métaboliques suivantes : Glucose + 2ATP 2 D-glycéraldéhyde-3P + 4ADP + 2Pi + 2H+ (1) D-glycéraldéhyde-3P + 4ADP + 2Pi + 2H+ 2 lactate + 4ATP (2) Au total (1) + (2) : Glucose + 2ADP + 2Pi 2ATP 2 lactates + 2ATP 2ADP + 2Pi + 2H+ + énergie Si l’apport d’oxygène est insuffisant, les métabolites de l’ATP sont recyclés dans la mitochondrie et les ions H+ sont tamponnés par les bicarbonates issus de la métabolisation du 35 lactate, de sorte que la lactatémie cytosolique augmente sans développement d’une acidose. En situation d’hypoxie, la réaction devient : Glucose 2 lactates + 2H+ + énergie Le deuxième point est l’action fortement inhibitrice de l’acidose sur la PFK limitant ainsi le flux de la glycolyse et donc la synthèse de lactate. Ainsi, l’acidémie favorise la transformation du pyruvate en lactate, mais elle diminue la production de pyruvate en inhibant l’activité de phosphofructokinase (PFK) qui freine la voie glycolytique. Retenons que 85% du lactate formé provient du pyruvate issu de la glycolyse, les 15% restants proviennent de la protéolyse. 4) Le turnover du lactate. La production globale de lactate qui représente 1300 à 1500 mmol.j-1, provient d’organes dits producteurs et correspond à un travail anaérobie [12, 24]. Parmi les plus importants, on trouve les érythrocytes, l’intestin, le cerveau, la peau et les muscles (surtout au cours d’un exercice physique). Dans les conditions normales, cette production est totalement compensée par une métabolisation par des organes dits métaboliseurs, que sont le foie, les reins et le cœur. a)Le foie. Le foie joue un rôle majeur, puisqu’il peut épurer jusqu'à 70% du lactate produit. La baisse du débit hépatique n’altère ces fonctions d’épurations qu’en deçà d’une valeur de 20 à 25% du débit de base, valeur seuil au-dessous de laquelle le foie devient un organe de production de lactate. L’altération des capacités d’épuration hépatique (comme la cirrhose) peut aussi diminuer clairance hépatique du lactate, conduisant à une augmentation de sa demi-vie. A l’inverse, le seuil de saturation du système enzymatique hépatique de métabolisation du lactate est extrêmement élevé, puisque la vitesse d’élimination du lactate atteint un plateau (Vmax) à partir d’une concentration supérieur à 5 mmol.L-1. b) Le rein 36 Le rein joue un rôle accessoire puisque l’élimination du lactate est quasi nulle, le lactate étant totalement réabsorbé au niveau tubulaire jusqu'à des lactatémies de 10 mmol.L-1. Les cellules tubulaires proximales du cortex rénal épurent le lactate via la néoglucogenèse, alors que celles de la médullaire fonctionnent physiologiquement en anaérobiose conduisant à une production de lactate. Dans certaines conditions, le rein peut éliminer jusqu'à 30% du lactate, mais dans les états de choc, le rein devient alors producteur de lactate du fait de la redistribution du flux sanguin vers la médullaire aux dépens du cortex. c) D’autres organes, Le muscle squelettique et le cerveau, semblent jouer un rôle beaucoup plus complexe dans le turn-over du lactate. Habituellement considérés comme des organes producteurs de lactate, les muscles squelettiques et le cerveau peuvent devenir des organes utilisateurs de lactate [55]. En effet, le rôle de la musculature squelettique dans la captation du lactate est controversé, mais il semble que les cellules musculaires puissent participer au métabolisme du lactate dans certaines conditions d’hyperproduction lactique. Certaines études ont montré qu’à la suite de perfusions de différentes doses de charge de lactate, le muscle squelettique était capable de participer à l’élimination du lactate dans une proportion constante de 25% sans phénomène de saturation. Durant l’exercice musculaire intense, il y a une production massive de lactate dans les muscles actifs. Une grande partie du lactate produit est alors métabolisée par les muscles eux-mêmes lors de la phase de récupération. L’utilisation du lactate comme substrat dans le muscle peut s’effectuer selon les différentes voies déjà énumérées, la néoglucogenèse avec synthèse de glycogène, l’oxydation en CO2 et H2O. D’autres voies mineures peuvent être empruntées, il s’agit de la transamination en alanine ou la synthèse de protéines. La relative importance de ces diverses voies métaboliques du lactate à la suite d’un effort musculaire demeure controversée [27]. Ainsi quelle que soit la proportion de chacune des voies participant au métabolisme du lactate à la suite d’un exercice musculaire, il se dégage que deux des principales issues sont l’oxydation et la néoglucogenèse se déroulant principalement dans le muscle. 5) L’hyperlactatémie : marqueur d’hypoxie et de métabolisme anaérobie [27] 37 Figure 3 [27]. Conséquences de l'hypoxie sur le métabolisme du pyruvate et du lactate. La fonction cellulaire nécessite une consommation permanente d’énergie indispensable aux différentes synthèses [27]. Ainsi l’organisme a besoin d’avoir des structures de stockage et de transport d’énergie, faciles à utiliser et disponible en permanence. L’énergie cellulaire est stockée sous forme d’un composé essentiel qu’est l’adénosine triphosphate (ATP). Son hydrolyse conduit à la production d’énergie la réaction : ATP ADP + Pi + H+ + énergie L’ATP est principalement régénéré dans la mitochondrie par le biais de l’oxydation phosphorylante, ce qui permet la combustion complète du CO2 et H2O en présence d’oxygène. Le métabolisme anaérobie permet aussi une production d’ATP par le biais de la glycolyse. 38 Physiologiquement chez l’homme, le métabolisme énergétique repose dans 90% sur la production aérobie d’ATP, le métabolisme anaérobie ne représente que 10% de synthèse d’ATP. Dans les conditions anaérobies, la resynthèse d’ATP n’est possible que par deux voies métaboliques [54]. La voie de la créatine-kinase utilise la phosphocréatine. Cette voie joue un rôle limité dans le métabolisme énergétique musculaire, en raison des faibles stocks de phosphocréatine. De ce fait, pour produire de l’ATP en absence d’oxygène, la seule voie possible est celle de la glycolyse qui consomme du glucose et produit du lactate (Figure 3). Pour ces raisons, l’hyperlactatémie : marqueur de déficit énergétique est largement ancré dans les mentalités depuis de nombreuses années. Son importance serait proportionnelle à la sévérité de l’altération du déficit oxydatif [27]. Mais ces mécanismes de surproduction de lactate en période d’hypoxie sont plus complexes. Ainsi, sur le plan théorique, la situation d’hypoxie bloque l’oxydation phosphorylante mitochondriale, de sorte que la synthèse d’ATP et la réoxydation du NADH sont inhibées, ce qui provoque une baisse du rapport ATP/ADP et une élévation du rapport NADH/NAD+ avec déplacement du potentiel redox cellulaire. La baisse du rapport ATP/ADP entraîne (figure 3) : a) une accumulation de la production de pyruvate en accélérant la voie glycolytique par stimulation de la PFK. b) et une diminution de l’utilisation du pyruvate en inhibant la Pyruvate Carboxylase, qui convertit le pyruvate en oxaloacétate. Ainsi, l’accumulation de pyruvate est secondaire à la fois à une augmentation de sa production et une diminution de l’élimination. Quant à l’élévation du rapport NADH/NAD+, elle contribue également à l’accumulation du pyruvate en inhibant la pyruvate déshydrogénase et donc la conversion du pyruvate en acétylCoA. Dans ces conditions de métabolisme anaérobie, l’accumulation de lactate résulte de l’accumulation de pyruvate, mais aussi et surtout d’une majoration de conversion du pyruvate en lactate secondaire au potentiel redox. Cette conversion est une nécessité car elle représente la seule voie de la régénération du NAD+, permettant la poursuite nécessaire de la glycolyse pour la production d’ATP anaérobie et évitant l’accumulation d’équivalents réduits qui ne peuvent pas être oxydés dans la mitochondrie. 39 Ainsi, le métabolisme énergétique anaérobie se caractérise certes par une hyperlactatémie, mais associée à une accumulation accrue de glucose, en absence de respiration cellulaire et un déficit oxydatif traduit par l’élévation du rapport NADH/NAD+. 6) Les étiologies de l’hyperlactatémie Type A : Hyperlactatémies par hypoxie tissulaire Diminution de DO2 · baisse du débit cardiaque : choc septique, hypovolémique, cardiogénique · baisse de CaO2 : anémie sévère, anomalies de l'hémoglobine, hypoxémies sévères, asphyxie Altération de l'ExO2 ou de l'utilisation d'O2 · sepsis grave, défaillance polyviscérale, intoxication au cyanure Type B1 : Hyperlactatémies et maladies systémiques · insuffisance hépatique · diabète sucré · maladies néoplasiques · alcalose · sepsis Type B2 : Hyperlactatémies et intoxications · biguanides, fructose · éthanol, méthanol, éthylène glycol · salicylates, cyanure, paracétamol Type B3 : Hyperlactatémies et augmentation des besoins en O2 · état de mal convulsif, convulsions généralisées · exercice physique violent Tableau 1 : Classification des hyperlactatémies. [27] L’hyperlactatémie se définit comme une élévation sanguine de la concentration du lactate supérieure à 2 mmol.L-1. L’acidose lactique se définit comme une acidose métabolique avec 40 un pH< 7, 35 associée à une hyperlactatémie supérieure à 5mmol.L-1. La majorité des acidoses lactiques sont acquises, les formes congénitales rares étant engendrées par des anomalies génétiques métaboliques de la néoglucogenèse, de l’activité de la PDH, du cycle des acides tricarboxyliques ou enfin de la chaîne respiratoire. Initialement décrites en 1961 par Huckabee, puis reprises par Cohen et Woods [15], les acidoses lactiques acquises sont divisées en deux grandes classes selon l’existence ou non d’une hypoxie tissulaire. Le type A correspond aux acidoses lactiques dues à un défaut d’oxygénation tissulaire avec surproduction de lactate, alors que le type B est dû à un défaut de métabolisation (Tableau 1). La classification varie selon les auteurs, pour certains les convulsions généralisées sont classés dans le type A, représentant une demande d’oxygène accrue [56], pour d’autres [27] ces dernières correspondent à une hyperlactatémie du sous-groupe B3. L’état de choc, qu’il soit lié à une hypovolémie, un état septique ou une défaillance aiguë de la fonction ventriculaire, entraîne une acidose lactique qui traduit un déséquilibre entre une production insuffisante d’ATP et des besoins tissulaires maintenus. Dans un état de choc, l’insuffisance de perfusion entraîne une insuffisance d’apport des substances nécessaires au métabolisme de la cellule, notamment l’oxygène. Lorsque les réserves de la cellule sont épuisées, la production d’énergie doit obligatoirement emprunter des voies métaboliques anaérobies, en particulier celle du lactate qui permet la régénération du NAD+ et évite le blocage de la glycolyse. L’augmentation de la production de lactate est donc le corollaire obligatoire de toute insuffisance circulatoire [69]. Pour ce qui est du choc septique, plus qu’une hypoxie ou une modification du métabolisme énergétique cellulaire, l’hétérogénéité de la distribution du débit sanguin au niveau de la microcirculation semble être le phénomène responsable d’une altération de l’extraction de l’oxygène. En réanimation, l’hyperlactatémie est utilisée comme marqueur pronostic : ainsi de nombreux travaux ont largement montré la relation entre la sévérité de l’hyperlactatémie et la morbimortalité des patients en état de choc septique [3], en état de choc hémorragique [47] ou de patients traumatiques. Ainsi, le lactate libéré étant épuré par le foie et le rein, la valeur de la lactatémie est une valeur d’équilibre entre la production et le pouvoir d’épuration. Elle ne peut donc pas être interprétée comme une mesure simple de la dette en oxygène. Par contre, l’évolution dans le temps de la lactatémie peut être considérée comme un bon indice pronostique. 41 En outre, l’exercice musculaire est un bon exemple d’hyperlactatémie par augmentation de la production : l’élévation du débit cardiaque et l’augmentation de la perfusion des muscles au travail ne suffisent pas à satisfaire une demande accrue en oxygène. Ainsi lors d’un exercice maximal, la concentration de lactate sanguine s’élève de façon considérable. On l’explique d’une part, par la participation des fibres musculaires de type II en raison de leur équipement enzymatique particulier produisant du lactate et d’autre part il a été montré que la clairance hépatique du lactate au cours d’un exercice pouvait atteindre un plateau ou même diminuer, en rapport avec une baisse du débit hépatique et/ou l’acidose qui accompagne l’hyperlactatémie. Néanmoins, la clairance hépatique du lactate n’est pas altérée tant que le débit hépatique ne chute pas en dessous de 25% de sa valeur initiale. L’épuration hépatique du lactate au cours de l’exercice musculaire correspond approximativement à 50% du lactate produit. Mais d’autres organes peuvent participer à cette épuration, particulièrement lors de la phase de repos après l’exercice où la lactacidémie et le pH se normalisent progressivement. En clinique, les crises convulsives correspondent à des situations métaboliques voisines de l’exercice musculaire, à la différence que l’apnée et peut-être aussi une inadéquation plus marquée du débit cardiaque, viennent limiter le transport d’oxygène[56]. L’hyperlactatémie de la crise convulsive peut être sévère et des concentrations de lactate supérieures à 12 mmol.L-1 sont loin d’être exceptionnelles [69]. Ces variations du taux de lactates après une crise convulsive ont fait l’objet de peu d’études et ce bien que l’accumulation de lactates dans les muscles après une crise convulsive généralisée ait été rapportée vers 1902 [59]. La notion de troubles épileptiques à l’origine de perturbations de l’équilibre acido-basiques n’apparaît véritablement qu’a la fin des années 70 [14]. Et peu d’auteurs se sont penchés sur la valeur prévisionnelle de la lactacidémie dans le diagnostic des crises convulsives généralisées, notamment aux urgences [66, 72, 73]. 42 MATERIEL ET METHODES 43 I) MATERIEL ET METHODE Il s’agit d’une étude prospective, monocentrique de type physiopathologique sans bénéfice individuel direct, réalisée au Service d’Accueil des Urgences (SAU) du groupe HospitaloUniversitaire H. Mondor (94), sur une période de six mois allant 15 août 2003 au 15 février 2004 dont le but est d’évaluer l’intérêt de la lactatémie dans la démarche diagnostique des crise convulsives généralisées des patients consultant dans les services d’urgences pour malaises avec perte de connaissance. A) Les critères d’inclusion. Sont inclus dans l’étude tout adulte homme ou femme ayant présenté un malaise avec perte de connaissance avec ou sans témoin remontant à moins de deux heures avant son recours au SAU. Le consentement éclairé du patient pour sa participation à l’étude était exigé [annexe III], cette dernière ayant reçu l’avis favorable du Comité Consultatif de Protection des Personnes participant à une Recherche Biomédicale (CCPPRB). Les critères retenus aux urgences pour envisager le diagnostic de malaise avec perte de connaissance étaient : -un épisode de malaise définit comme aigu, régressif caractérisé par un trouble de conscience et/ ou de vigilance avec retour à l’état antérieur rapide ou progressif, spontanément, -associé à la perte de la perception auditive, visuelle et somesthésie, non provoquée par un traumatisme crânien récent (<6 heures), -et ce décrit par le patient et/ou des témoins. B) Les critères d’exclusion. Nous avons exclu du protocole : -les patients mineurs ; -les patients ayant refusé le consentement éclairé ; -ainsi que toutes les situations susceptibles d’augmenter le taux de lactates : 44 a) Les patients présentant un malaise associé aux pathologies suivantes (qui provoquent une hyperlactatémie) : 1. Etats de choc cardiogénique, hypovolémique ou septique. 2. Déficit enzymatique connu : fructose 1.6 diphosphatase, pyruvate carboxylase, pyruvate déshydrogénase. 3. Maladie du cytochrome. 4. Anémie sévère. 5. Effort musculaire intense. 6. Décompensation diabétique. 7. Insuffisance hépatique sévère. 8. Maladies néoplasiques et leucémies. 9. Intoxication au monoxyde de carbone b) Les patients ayant pris des médicaments pouvant entraîner une augmentation du taux des lactates : A savoir, les salicylés, le paracétamol, les biguanides, la papavérine, la streptomycine, l’acide nalidixique, l’isoniazide, le nipride, et l’éthanol. C) Méthodes 1) Méthode de recueil des données Les informations sont recueillies auprès du patient à partir d’un questionnaire standardisé [annexes I et II]. Le questionnaire est exclusivement rempli par un médecin. Afin de faciliter la collecte des informations et les rendre analysables le plus objectivement possible. Chaque question correspond à des items bien précis. Cette fiche de recueil des données présente deux parties détachables : 1. Une fiche de recueil n° I [annexe I] consultée par les experts qui regroupe les variables cliniques, anamnestiques, et l’ensemble des examens complémentaires réalisés excepté le taux de lactates. Sur cette fiche, apparaissent ainsi les antécédents du patient, ses traitements, la description du malaise, son examen clinique à l’arrivée, les données de l’électrocardiogramme, les résultats du ionogramme sanguin, du bilan 45 hépatique, de la myoglobine, de la calcémie, de la troponine, des CPK, des gaz du sang et les résultats de la ponction lombaire et du scanner cérébral si réalisés 2. Une fiche de recueil n° II [annexe II] où sont notés le diagnostic de l’urgentiste en charge du patient, les résultats de la lactatémie pour chaque inclusion, ainsi que le diagnostic final retenu après avis des experts (ces derniers n’ayant pas pris connaissance des informations recueillies dans la fiche n°II) et le devenir du patient. 2) Méthode de prélèvement de la lactatémie. De manière concomitante aux autres prélèvements biologiques habituels, un prélèvement sanguin veineux de 2 ml sur une seringue à gazométrie est réalisé et adressé après identification précise de chaque prélèvement (au laboratoire de Biochimie) pour dosage de la lactatémie, et ce pour l’ensemble des patients inclus. A noter que dans la littérature [50, 77], la lactatémie veineuse est comparable à la lactatémie artérielle. 3) Méthode d’analyse des résultats : a) Les variables étudiées : Dans un premier temps, on détermine les variables étudiées : 1. Une variable dépendante qui repose sur le diagnostic de crise convulsive généralisée, basé sur l’avis de deux experts constitués d’un neurologue et d’un cardiologue, sans concertation entre les experts. 2. Une variable indépendante principale qui correspond au résultat du dosage de lactatémie recueilli pour chaque patient inclus. 3. Et des variables indépendantes secondaires recueillies par l’urgentiste (correspondant à la fiche de recueil sus citée n° II) au lit du patient: tels que les antécédents, les traitements reçus, la description clinique et anamnestique, les résultats complémentaires biologique (notamment, dosage ASAT, ALAT, CPK, myoglobine, ionogramme sanguin…) radiologique et électroencéphalographique (si réalisés). 46 b) Le nombre de patients nécessaires Pour une puissance de 90% avec un risque alpha à 5% et pour des effectifs équilibrés, le nombre de patients nécessaires est estimé à 40 en référence à l’étude d’E. Hazourd et al. [25]. Par sécurité, au moins 15 patients supplémentaires seront inclus compte tenu du faible nombre de bibliographies disponibles. c) Les groupes d’analyses Dans une deuxième partie, on constitue des groupes d’analyses (Figure 4): La constitution de groupes des patients inclus dans l’étude s’effectue par le groupe d’experts, à partir des données de la fiche de recueil n° I, en aveugle du résultat du dosage de la lactatémie et du jugement de l’urgentiste (fiche recueil n° II), en 2 catégories de probabilité de crise convulsive généralisée (CCG). Lorsque le jugement des deux experts divergeait sur le diagnostic de crise convulsive, le patient était exclu de l’étude. De même lorsque l’avis des experts ne correspondait pas au diagnostic retenu par l’urgentiste, les patients étaient également exclus de l’étude. Les deux groupes formés sont : 1. D’une part, un groupe incluant les patients présentant une CCG certaine ou probable. 2. Et d’autre part, les patients dont le diagnostic de CCG parait improbable voire, le diagnostic retenu est l’absence de crise convulsive généralisée (CCG). A partir de ces données, un tableau de contingence est réalisé en fonction de la présence ou non de témoin au cours de la perte de connaissance d’une part et de l’autre de la classification des pertes de connaissance par le groupe d’experts. De ce fait, on obtient quatre groupes : • Groupes sans témoin : Gp 1: CCG certaine ou probable. Gp 2: CCG incertaine ou absence de CCG. 47 • Groupes avec témoins : Gp 3: CCG certaine ou probable. Gp 4: CCG incertaine ou pas de CCG. Pour rappel, la constitution de groupes des patients inclus dans l’étude s’effectue par le groupe d’experts, en aveugle du résultat du dosage de la lactatémie. d) L’analyse statistique des résultats. Ainsi, l’analyse statistique des résultats (Schéma récapitulatif de l’étude : figure 4) est rendue possible et se déroule en deux étapes : Ière PHASE : Elle consiste à comparer la lactatémie entre les patients qui ont convulsé (Gp 3) et ceux qui n’ont pas convulsé (Gp 4), dans le groupe avec présence de témoins, afin d’en déduire la valeur seuil discriminante de la lactatémie entre les deux groupes et de déterminer avec quelles sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et valeur prédictive négative, cette valeur seuil de lactatémie est discriminante dans le diagnostic de crise convulsive généralisée. IIème PHASE: Lors de cette étape, on réalise un test diagnostique, en comparant cette valeur seuil discriminante de la lactatémie (déterminée en première phase) aux taux de lactates retrouvés dans les groupes sans témoin (Groupe 1 et 2), afin de déterminer le nombre de patients bien classés dans ce groupe. 48 RESULTATS 49 A) Caractéristiques de la population Durant une période de six mois à compter du 15 août 2003, 58 patients majeurs ayant présenté une perte de connaissance remontant à moins de 2 heures ont été inclus dans l’étude. Ce groupe est composé de 44 hommes (entre 20 et 80 ans) et de 14 femmes (entre 23 et 86 ans). L’age moyen du groupe est de 43,6 ans +/- 22 ans. (Tableau 1) Sexe Hommes Femmes Nombre 44 14 Age moyen (années) 45,7 ± 23 42,5 ± 20 Tableau 2 : Caractéristiques de la population. Sur l’ensemble de ces patients inclus, deux groupes ont été individualisés (Tableau 3): un groupe correspondant aux 35 patients ayant fait un malaise avec perte de connaissance en présence de témoins (GT+). et un autre groupe de 23 patients ayant également fait un malaise avec perte de connaissance mais en absence de témoins (GT-). A noter que la prédominance masculine ainsi que l’âge moyen sont comparables entre le groupe avec présence de témoins (GT+) et le groupe sans témoins (GT-), il n’est pas mis en évidence de différence significative (p > 0,01). Le délai moyen entre la perte de connaissance et la réalisation du dosage de la lactatémie chez les patients inclus est de l’ordre de 77 ± 7, 8 min, soit en moyenne un délai de 1 heure 17. Avec une différence non significative dans les deux groupes de l’ordre de 75 ± 7,70 minutes pour le groupe avec présence de témoins (GT+) et moyenne de 80, 60 ± 8,47 minutes pour le groupe sans témoins (GT-). 50 Groupe Groupes avec Témoins Groupe sans Témoin (GT-) (GT+) Nombre 35 23 Age moyen 44,70 ± 16,28 43,04 ± 12,92 Sexe ratio (H/F) 3 3,1 Délai de prise en charge 75,11 ± 7,70 80,60 ± 8,47 (min) Tableau 3 : Caractéristiques des groupes avec (GT+) et sans témoins (GT-). 1) Groupe avec témoins (GT+) Au sein des 35 patients du groupe avec présence de témoins (GT+), après recueil de l’anamnèse, des données de l’examen clinique et des examens complémentaires usuels réalisés aux urgences, et à l’issue de l’avis des experts, le diagnostic de CCG est retenu pour 24 d’entre eux (représentant le groupe 3), avec une perte de connaissance moyenne de 7 minutes. a) Groupe 3 (GT+ CCG+) Les caractéristiques cliniques retrouvées (Tableau 4) dans ce sous groupe 3 en faveur d’une CCG sont : dans 85% (21 /24) des cas des mouvements tonico-cloniques, une perte d’urine dans 16% (4 /24) des cas, une morsure latérale de langue dans 58% (14/24) des cas, une confusion post-critique dans 79% (19/24) des cas et/ou une amnésie de l’épisode dans 91% (22/24). Les diagnostics étiologiques (Tableau 4) les plus probables retenus à l’origine de la CCG sont : un sevrage alcoolique dans 37% (9/24) des cas, avec la présence d’un pré delirium tremens chez 5 de ces patients soit 20% (5/24) du groupe, une dette de sommeil est retrouvée dans 37% (9/24) des cas, un sevrage en benzodiazépines dans 12% (3/24) des cas, une rupture du traitement antiépileptique dans 4% (1/24) des cas, une hypoglycémie dans 16% (4/24) des cas, et une tumeur cérébrale dans 4% (1/24) des cas. 51 b) Groupe 4 (GT+ CCG-) Sur l’ensemble des 35 patients ayant fait un malaise avec perte de connaissance en présence de témoins, le diagnostic de CCG n’est pas retenu pour 11 d’entre eux, avec une moyenne de la perte de connaissance de 3 minutes et 78 secondes. (Tableau 4) Les données de l’interrogatoire et de l’examen clinque sont peu en faveur d’une crise convulsive généralisée dans ce groupe 4 (Gp 4). En effet, les données cliniques et anamnestiques ne retrouvent pas de mouvements anormaux, pas de perte d’urines, pas de morsure de langue, pas de confusion post critique, mais la présence de vertiges dans 45% (5/11) des cas, de sueurs dans les mêmes proportions, d’amnésie de l’épisode dans 27% des cas et de céphalées sans chute dans 18% des cas. Paramètres GT+ Nombre Crises tonico-cloniques Perte d’urines Morsure de langue Confusion post-critique Amnésie de l’épisode Sueurs Céphalées Vertiges Chute Sevrage alcoolique Pré Delirium tremens Dette de sommeil Sevrage aux benzodiazépines Rupture du traitement antiépileptique Tumeur cérébrale Hypoglycémie Malaise vagal Syncope Hypotension orthostatique Groupe 3 Groupe 4 24 21 4 14 19 22 4 3 3 4 9 5 9 3 1 11 0 0 0 0 3 5 2 5 3 0 0 4 0 0 1 4 0 0 0 0 0 9 1 1 Tableau 4: Paramètres cliniques et diagnostics étiologiques des groupes 3 et 4. Les principaux diagnostics retenus par l’urgentiste et confirmés par les experts pour ces patients (Gp 4) sont des malaises vagaux avec prodromes pour 81% (9/11) d’entre eux, une syncope soit 9% (1/11) ayant nécessité une hospitalisation en unité de soins intensifs cardiologiques et un diagnostic d’hypotension orthostatique objectivée aux urgences. 52 2) Groupe sans témoin (GT-) En absence d’anamnèse sur les circonstances exactes du malaise, le diagnostic de crises convulsives généralisées retenu pour 14 de ces 23 patients, est principalement basé sur l’examen minutieux de ces derniers. a) Groupe 1 (GT- CCG+) L’examen clinique (Tableau 5) dans ce groupe 1 (Gp1) retrouve une perte d’urines dans 14% des cas (2/14), une morsure de langue dans les mêmes proportions, une confusion post critique dans 7% des cas (1/14), une amnésie de l’épisode dans 100% des cas, et une chute dans 57% des cas. Les principales étiologies retenues (Tableau 5) à l’origine de ces probables CCG sont : le sevrage alcoolique dans 50% des cas (7/14), avec un pré delirium tremens dans 21% des cas, une dette de sommeil dans 50% des cas (7/14), un sevrage aux benzodiazépines dans 7% (1/14) des cas ainsi qu’une rupture du traitement antiépileptique dans 21% des cas (3/14), et une tumeur cérébrale dans 14% des cas ( 2/14). La constitution de ce groupe est évidement soumise à validation par le groupe d’experts qui conclut donc au diagnostic de CCG probable. b) Groupe 2 GT- CCG- Dans ce groupe constitué des 9 patients restants, le diagnostic de CCG n’est pas retenu. Ainsi l’examen clinique (Tableau 5) ne retrouve donc pas signes cliniques en faveur du diagnostic de crise convulsive généralisée: avec absence de perte d’urines, de morsure de langue, de confusion post-critique. Des signes accompagnant le malaise sont mis en évidence dans ce groupe à savoir des sueurs 33% (3/9), des nausées 55% (5/9), des palpitations 22% des cas (2/9), des vertiges chez 44% des patients (4/9). Les principales étiologies (Tableau 5) retenues sont des malaises vagaux dans 44% (soit 4/9) des cas, des syncopes dans 33% des cas, et le diagnostic d’hypotension orthostatique dans 22% (2/9) des cas. 53 Paramètres GTNombre Crises tonico-cloniques Perte d’urines Morsure de langues Confusion post-critique Amnésie de l’épisode Sueurs Céphalées Vertiges Chute Sevrage alcoolique Pré Delirium tremens Dette de sommeil Sevrage benzodiazépines Rupture du traitement antiépileptique Tumeur cérébrale Malaise vagal Syncope Hypotension orthostatique Groupe 1 Groupe 2 14 2 2 1 14 0 0 0 8 7 3 7 1 9 0 0 0 2 3 0 4 3 0 0 3 0 3 2 0 0 0 0 0 4 3 2 Tableau 5 : Paramètres cliniques et diagnostics étiologiques des groupes 1 et 2. A partir de ces données, un tableau de contingence (Tableau 6) est réalisé en fonction de la présence ou non de témoin au cours de la perte de connaissance d’une part et de l’autre de la classification des pertes de connaissance par le groupe d’experts. Figure 4 : SCHEMA RECAPITULATIF DE L’ETUDE. 54 Malaise avec PC* N=58 Groupe avec témoin (GT+) n= 35 Gp 3 (CCG+) Crise Convulsive N = 24 Gp 4 (CCG-) Pas de crise convulsive N = 11 Groupe sans témoin (GT-) n=23 Gp 1 (CCG+) Crise Convulsive N = 14 Gp 2 (CCG-) Pas de crise Convulsive N = 9 Iére PHASE : Ces deux groupes Gp IIème PHASE : Ces deux groupes I et III la II sont utilisés pour valider et donner détermination de la valeur seuil de les caractéristiques de cette valeur la seuil de lactatémie optimale (test et IV lactatémie permettent optimal pour le diagnostic de CCG à partir d’une diagnostique). courbe ROC. (* PC : Perte de connaissance) Tableau de Groupe avec Groupe sans contingence témoins témoins CCG certaine ou GP 3 n = 24 CG 1 n = 14 Total n = 38 55 probable CCG incertaine ou GP 4 n = 11 CG 2 n = 9 n = 20 n = 35 n = 23 n = 58 improbable Total Tableau 6 : Tableau de Contingence B) Les résultats biologiques. 1) Présentations des résultats. Pour l’ensemble de ces patients ayant fait un malaise avec perte de connaissance en présence de témoins (GT+), de manière concomitante aux autres prélèvements biologiques habituels, notamment les Gaz du sang, les CPK et la myoglobine, un prélèvement de la lactatémie sur une seringue à gaz du sang est prélevé. (Tableau 7) Eléments biologiques Groupe 3 de comparaison GT+ 75,20 ± 7,44 Délai (min) Groupe 4 Significativité 74,09 ± 5,49 NS Lactates (mmol/l) 4, 54 ± 0,68 1,31 ± 0,18 p = 0,0036 pH 7,408 ± 0,06 7,46 ± 0,04 p = 0,1402 Bicarbonates(mmol/l) 27,66 ± 0,82 27,78 ± 0,72 p = 0,9340 CPK (UI/l) 319 ± 62,06 103 ± 13,82 p = 0,0796 Myoglobine*(ng/ml) 226,44 ±… 19 ± … /* *Les données concernant la myoglobine ne sont pas exploitables étant donné le très faible nombre de prélèvements effectués. (Notamment pour le Gp4 une seule valeur de la myoglobine répertoriée) NS= Non significatif Tableau 7 : Résultats des examens biologiques chez les patients ayant convulsé (Groupe 3) et les patients n’ayant pas convulsé (Groupe 4) en présence de témoins. Comme pour le groupe avec présence de témoins (GT+), les résultats des différents examens biologiques sont répertoriés pour le groupe sans témoin dans le tableau 8. Eléments biologiques de comparaison GT- Groupe 1 Groupe 2 Significativité 56 Délai (min) 79,92 ± 8,35 81,66 ± 6,45 NS Lactates (mmol/l) 3,43 ± 0,32 1,00 ± 0, 09 p < 0,0001 pH 7,412 ± 0,04 7,425 ± 0,05 p = 0,8973 Bicarbonates (mmol/l) 26,6 ± 0,61 29,45 ± 0,74 p = 0,3758 CPK (UI/l) 227,46 ± 52,56 165,75 ± 25,59 p = 0,3305 Myoglobine *(ng/ml) 440,88 ± … 36 ± … /* *Les données concernant la myoglobine ne sont pas exploitables étant donné le très faible nombre de prélèvements effectués. NS= Non significatif Tableau 8 : Résultats des examens biologiques chez les patients ayant convulsé (Groupe 1) et les patients n’ayant pas convulsé (Groupe 2) en absence de témoin. La comparaison des paramètres biologiques (des tableaux 7 et 8) repose sur des tests non paramétriques de Mann-Whitney et de Krusskall-Wallis, étant donné la distribution non normale des variables. La significativité est retenue pour un p < 0,01. La lactatémie est significativement plus élevée dans les groupes de patients ayant eu des convulsions : pour le G3 : 4,54 ± 0,68 versus pour le G4 :1,31 ± 0,18 dans le groupe GT+, soit p = 0,0036. On retrouve des valeurs toutes aussi significatives dans le groupe sans témoin GT- : pour le G1 : 3, 43 ± 0,32 versus pour le G2 : 1,00 ± 0,09, soit un p < 0,0001. Pour ce qui est ce qui est des autres marqueurs biologiques étudiés (le pH, les bicarbonates et les CPK), il n’est pas mis en évidence de différences pour ces trois paramètres entre les patients ayant convulsé et ceux n’ayant pas convulsé dans les deux heures suivant le malaise. A noter que les résultats de la myoglobine ne sont pas exploitables dans notre étude étant donnée le faible nombre de prélèvements effectués au sein de notre population. A partir des résultats de la lactatémie du groupe avec témoin GT+, une détermination du seuil de la lactatémie optimal pour le diagnostic de crise convulsive généralisée est obtenue à partir d’une courbe ROC. 2) Analyse de la courbe ROC. L’analyse de la courbe ROC (Graphe I) pour les 35 patients du groupe GT+ montre que la lactatémie supérieure à 2,3 mmol/l permettrait le diagnostic de crise convulsive généralisée 57 devant une perte de connaissance datant de moins de deux heures avec une sensibilité de 79%, une spécificité de 100 %, une valeur prédictive positive (VPP) de 100 % et une VPN de 71 %. COURBE ROC de la lactatémie GRAPHE I 1.2 1 1mmol/l 2mmol/l Se (sensibilité) 0.8 2,3mmol/l 2,7mmol/l 0.6 3mmol/l 0.4 4mmol/l 0.2 0 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 1-Sp (Spécificité) 3) Test diagnostique. Cette valeur seuil de la lactatémie de 2,3 mmol/l déterminée dans le groupe témoin est ensuite utilisée comme test diagnostique dans le groupe contrôle, c'est-à-dire le groupe sans témoin. Les résultats sont reportés sur les deux graphiques (Graphes II et III) suivants. 58 Graphe II : Lactatémies des patients du groupe 2 CCG-, en fonction de la valeur seuil Valeur seuil de lactatémie : 2.3 mmol/l 3 Lactatémies 2,5 2 1,5 1 0,5 0 0 10 20 30 40 50 60 70 N° d'inclusion Graphe III : Lactatémies des patients du groupe 1 CCG+ en fonction de la valeur seuil Valeur seuil de lactatémie : 2,3 mmol/l 7 6 Lactatémies 5 4 3 2 1 0 0 10 20 30 N° d'inclusion 40 50 60 59 Dans le groupe 2 qui représente les patients n’ayant pas convulsé (graphe II), l’ensemble des patients (soit 100% d’entres eux) ont des taux de lactates inférieurs à la valeur seuil, et sont donc correctement classés. Alors que chez les patients du groupe 1 (ayant convulsé), 2 (patients aux numéros d’inclusion 18 et 50 sur le graphe III) des 14 patients inclus ont un taux de lactate inférieur à cette valeur seuil, soit 85,7 % des patients sont bien classés dans ce groupe. L’analyse de cette valeur seuil de lactatémie sur ce groupe de validation sans témoin (graphe II et III) a permis d’en déduire que 91, 3 % des patients sont correctement classés dans ce groupe. 60 DISCUSSION 61 Le diagnostic de crises convulsives généralisées devant une perte de connaissance admise au Service d’Accueil des Urgences, est posé la plupart du temps rétrospectivement et se fonde en priorité sur l’anamnèse et la description de l’épisode. Ainsi en absence de témoin et de signe clinique évocateur, il n’existe actuellement aucun test diagnostique simple permettant d’affirmer avec certitude une crise convulsive généralisée, ce qui conduit à rechercher des stigmates biologiques spécifiques [25,66]. Notre population de patients ayant fait un malaise avec perte de connaissance est comparable aux études publiées [25, 18, 43], avec une proportion de patients ayant convulsé supérieure à la moyenne, liée à un biais de sélection (détaillé plus loin). Nous retrouvions parmi les patients ayant convulsé un éthylisme chronique chez 30% d’entre eux [25]. La prévalence masculine et l’âge moyen étaient comparables aux données de la littérature [18, 25, 43]. De même, la répartition des signes rétrospectifs ayant orienté vers le diagnostic de comitialité est proche de celle rencontrée dans la littérature [6, 48, 65]. En pratique, les examens biologiques recommandés à ce jour, prélevés au décours d’une crise convulsive généralisée, sont utiles dans le diagnostic étiologique d’une crise cliniquement évidente : tels que la glycémie, le ionogramme sanguin, la calcémie, un bilan infectieux si fièvre, la recherche de prise de toxiques ou de médicaments, ou à contrario un manque d’observance de traitement chez un épileptique connu. Des études ont été menées à la recherche de marqueurs biologiques simples, facilement accessibles, rapides, sensibles, voire spécifiques pour étayer un diagnostic cliniquement non évident. Les marqueurs fréquemment étudiés sont le dosage des CPK, la recherche d’une acidose, les dosages de la prolactine ou du cortisol dans le sang ou le LCR, la leucocytose. Mais, peu d’auteurs ont cherché à démontrer l’intérêt du dosage de la lactatémie. Certes les causes les plus fréquentes d’acidose lactique sont les états de chocs, les sepsis sévères, les hypoxémies sévères, les atteintes hépatiques et les intoxications, mais l’élévation des lactates a été décrite dans la crise convulsive généralisée tonico-clonique. En effet, l’acidose lactique après une crise convulsive a été comparée à un exercice musculaire intense de courte durée. Chez un athlète entraîné après un exercice, Turrel a rapporté que le pH s’abaissait [74]. L’exercice musculaire entraînant une élévation de la lactatémie [53], Orringer a émis l’hypothèse que le mécanisme responsable de l’acidose lactique après effort musculaire est applicable à la crise convulsive généralisée tonico-clonique [52]. Cette dernière quelqu’en soit la cause, est caractérisée par des mouvements musculaires vigoureux (un tétanos parfait lors de la phase tonique et tétanos imparfait lors de la phase clonique). Cette activité 62 s’accompagne d’une augmentation considérable du métabolisme et d’une anoxie. L’hypoxie qui en résulte accélère le processus anaérobie de la glycolyse et donc l’élévation de l’acide pyruvique. La formation d’acide lactique à partir d’acide pyruvique est favorisée. De son accumulation résulte la lactatémie [38]. Ces hypothèses bien décrites dans notre première partie, sont les plus fréquemment répandues. Mais des travaux plus récents montrent qu’en plus des contractions musculaires intenses libérant des lactates, principalement sur le mode anaérobie, cette élévation de la lactatémie lors d’une crise convulsive généralisée résulterait de plusieurs autres facteurs. Dans le liquide céphalorachidien des patients ayant fait une crise convulsive généralisée, l’hyperlactacidorachie serait le reflet d’une nécrose neuronale [75]. Elle ne paraît pas avoir de valeur pronostic dans la crise convulsive généralisée [24]. L’élévation des lactates sanguins dans les crises convulsives est classée dans les acidoses lactiques par inadéquation de la demande et de l’offre en oxygène de type A [24, 27 ,61]. Une élévation des catécholamines plasmatiques au décours et vraisemblablement au cours d’une crise comitiale simple est également rapportée, avec des taux d’adrénaline 40 fois supérieurs à la normale [64]. Cette élévation de l’adrénaline entraînerait une augmentation de la glycémie qui pourrait être à l’origine d’une élévation des lactates [1]. De plus une vasoconstriction systémique est présente en per-critique chez l’animal, entraînant une augmentation des pressions vasculaires pulmonaires, responsable d’un œdème pulmonaire post-critique et donc d’une hypoxémie [64]. Pendant la crise convulsive généralisée, il existe une dysfonction du diaphragme et donc une apnée, celle-ci pourrait concourir à l’hyperlactatémie par hypoxémie [75]. Notre série confirme bien cette hyperlactatémie post critique avec une moyenne du taux de lactates dans les deux heures suivant la crise de 4,14 ± 0,81 mmol/l versus 1,17 ± 0,14 mmol/l pour les patients qui n’ont pas convulsé. La lactatémie est significativement plus élevée dans les groupes de patients ayant eu des convulsions : pour le G3 : 4,54 ± 0,68 versus pour le G4 :1,31 ± 0,18 dans le groupe GT+, soit un p = 0,0036. On retrouve des valeurs toutes aussi significatives dans le groupe sans témoins GT- : pour le G1 : 3, 43 ± 0,32 versus pour le G2 : 1,00 ± 0,09, soit un p < 0,0001. A partir de ces résultats, une valeur seuil de 2,3 mmol/l de lactatémie est déduite d’une courbe ROC. La spécificité et la sensibilité optimales calculées à partir de la courbe ROC ont été obtenues à partir de cette valeur seuil, soient respectivement 100 % et 79 %. On peut donc en déduire qu’une lactatémie supérieure à 2,3 mmol/l permettrait le diagnostic de crise convulsive généralisée devant une perte de connaissance datant de moins de deux heures avec une sensibilité et une spécificité élevées. 63 Cette valeur seuil utilisée comme test diagnostique dans le groupe de validation sans témoin nous a permis d’en déduire que 91% des patients étaient correctement classés dans ce groupe. Il nous semble donc que, face à une perte de connaissance d’origine indéterminée, le dosage précoce des lactates peut contribuer au difficile diagnostic de crise convulsive généralisée. Cette valeur seuil de la lactatémie possède d’ailleurs dans notre étude une meilleure valeur discriminante par rapport aux autres paramètres biologiques étudiés dans les deux heures suivant la crise : notamment les CPK, le pH et les bicarbonates. Ces derniers ont fait l’objet de travaux en post critique, rapportés dans la littérature. Ainsi, après une crise convulsive généralisée, il existe une élévation du taux de CPK. Une étude menée en 1991 [43] a permis de démontrer que ce taux ne devient significatif qu’après un délai de 4 heures après le début de la crise. Ces mêmes auteurs ont montré sur une population de 96 patients admis pour perte de connaissance au Service d’Accueil des Urgences, une augmentation significative des CPK pour les patients ayant convulsé : 231,1 ± 34,8 UI/l versus 70,5 ± 5,6 UI/l pour ceux n’ayant pas convulsé. Ces auteurs attribuaient une spécificité (Sp) de 98% à l’élévation des CPK à l’admission des patients, mais une sensibilité (Se) de 43%. En revanche, si le délai est supérieur à 3 heures, il existe une nette amélioration de la pertinence du dosage des CPK avec une sensibilité (Se) qui passe donc de 43% (à l’admission) à 94% [43]. Dans une autre étude plus récente [25] présentée en 1997, incluant 78 patients adultes admis aux urgences pour perte de connaissance, trois groupes ont été définis : crises convulsives généralisées (CCG), n = 22 cas ; perte de connaissance sans convulsion (PCNC), n = 34 cas et malaises non explicites pour des patients épileptiques connus (MEC), n = 22 cas. Dans cette série, les valeurs des CPK prélevées dans un délai de 2 heures sont voisines : 146 UI/l si CCG, 105 UI/l si PCNC et 70 UI/l si MEC. Il n’est pas mis en évidence de différence significative entre les groupes. Dans notre étude de 58 patients, les taux de CPK prélevés avec un délai de 2 heures sont en moyenne de: 319 UI/l pour les patients du groupe 3 (GT+ ; CCG+), 103 UI/l pour le groupe 4 (GT+ ; CCG-), 227 UI/l pour le groupe 1 (GT- ; CCG+) et de 166 UI/l pour le groupe 2 (GT- ; CCG). Il n’est pas mis en évidence de différences significatives entre les groupes, dans les deux heures suivant le malaise, soit un p = 0,0796 pour le groupe avec témoins (GT+) et p = 0,3305 pour le groupe sans témoin (GT-). En plus de l’élévation des CPK, les crises convulsives généralisées peuvent être responsables d’une acidose très sévère [52, 64]. Dans la première heure, il s’agit d’une acidose respiratoire avec hypercapnie [52]. L’acidose métabolique n’est que secondaire. L’acidose est connue 64 dans l’état de mal épileptique et les crises convulsives généralisées [52,64]; ainsi Aminoff et al. [2], dans leur série de 70 patients en état de mal épileptique, ont retrouvé un pH moyen inférieur à 7,30 pour 53 patients et pour 23 d’entre eux le pH était inférieur à 7,00. Un autre auteur [70] s’est intéressé à la cinétique de correction des gaz du sang après une crise convulsive généralisée survenant aux urgences; 53 patients ont été inclus pour lesquels il a été réalisé un gaz du sang immédiatement après une CCG survenant aux urgences (T0) et un second prélèvement 60 minutes (T60) environ après la crise. Les valeurs retrouvées de pH sont à (T0) : pH = 7,18 ± 0,1 et à (T60) : pH=7,41 ± 0,07 avec mise en évidence d’une différence significative : p = 0,0001. Il en conclut donc que la correction des gaz du sang dans la crise convulsive généralisée simple est spontanément rapide. Dans notre série de patients, sur l’ensemble des gaz du sang réalisés dans les 2 heures suivant le malaise, la valeur du pH n’a pas montré de différence significative entre les patients qui ont convulsé et ceux qui n’ont pas convulsé avec un p > 0,01: ainsi on retrouve pour le groupe 3 : pH = 7,408 ± 0,06, pour le groupe 4 : pH = 7,460 ± 0,04, pour le groupe 1 : pH = 7,412 ± 0,04 et pour le groupe 2 : pH = 7,425 ± 0,05. Sur ces mêmes gaz du sang, l’analyse des bicarbonates retrouvent des valeurs similaires dans les 4 groupes, notamment dans le groupe avec présence de témoins : les moyennes des bicarbonates sont de 27,66 ± 0,82 pour le groupe ayant convulsé versus 27,78 ± 0,72 pour le groupe n’ayant pas convulsé, soit un p = 0,9340. Comme pour le pH, la cinétique de correction des bicarbonates est très rapide, les valeurs retrouvées dans la littérature sont en moyenne de 16 ± 4,2 mmol/l immédiatement après la crise versus 23,4 ± 3,6 mmol/l en moyenne une heure après la crise, avec un p = 0,0001 [70]. Dans les deux heures suivant le malaise, les bicarbonates ne représentent donc pas un élément biologique discriminant dans le diagnostic de crise convulsive. Powers et al. concluaient de façon similaire sur l’intérêt des bicarbonates dans leur article publié en 1980, qui décrit 19 patients avec des bicarbonates sanguins inférieurs à 20 mmol/l sur 111 crises convulsives généralisées admises au Service d’Accueil des Urgences [57]. En plus de ces examens biologiques de réalisation aisée aux urgences, certains ont proposé le dosage de la prolactine dans le sang ou le liquide céphalorachidien. Les mécanismes de cette élévation de la prolactine en post critique ont été décrits dans la littérature [4, 42]. Deux facteurs principaux, au cours de la crise convulsive généralisée, participeraient à l’élévation de la prolactine : l’activité musculaire et le stress. Mais les dernières études sembleraient montrer que la production de prolactine serait secondaire à un dysfonctionnement hormonal. Les mécanismes exacts de ces changements hormonaux dans l’activité hypotalamohypophysaire après une crise convulsive généralisée sont encore spéculatifs [16]. Les données 65 de la littérature retrouvent une augmentation significative de la prolactine plasmatique après une CCG [40, 58]. Cependant l’interprétation de l’élévation de la prolactine plasmatique après une CCG varie selon les auteurs [76]. Certains d’entre eux utilisent un taux de prolactine 2 fois supérieur au taux de base comme test positif. D’autres étudient les variations de la prolactine par une méthode statistique (T test). Ils donnent leurs résultats en différence significative. De ce fait, les valeurs prédictives positives peuvent varier d’une étude à l’autre. En plus des limites dans l’interprétation des taux de prolactine, ce dosage n’est pas disponible en pratique courante aux urgences, à l’heure actuelle. Contrairement à la prolactine, le dosage de la lactatémie est en général facilement accessible en urgence mais son intérêt dans les crises convulsives généralisées est peu rapporté dans la littérature. En effet, rares sont les auteurs qui ont cherché à évaluer l’apport des lactates dans le diagnostic rétrospectif de crises convulsives généralisées. Dans une étude menée en 1992 par Tardy et al. [73], une série de 42 patients ayant eu une perte de connaissance, admis au plus tard dans les deux heures qui suivent, ont été inclus. Le diagnostic de comitialité, basé sur l’électroencéphalogramme ou sur la présence d’au moins deux critères cliniques évocateurs de comitialité, a été porté pour 24 des 42 patients (soit 57%), ce qui est comparable aux résultats dans notre série : soit 38 patients sur 58 inclusions (soit 65%). Toujours dans cette même étude [73], les valeurs de lactatémie sont significativement plus élevées pour les patients ayant convulsé avec en moyenne un taux de 4,25 ± 0,57 versus 1,73 ± 0,14 pour les patients n’ayant pas convulsé, soit un p=0,00054 et ce après un même délai de deux heures. Les taux artériels de cette série sont équivalents aux taux veineux périphériques de notre série de 58 patients. Les auteurs attribuaient à l’hyperlactatémie artérielle un intérêt dans le diagnostic rétrospectif des crises convulsives mais, contrairement à notre étude, aucune valeur seuil de lactatémie discriminante n’est déterminée, de plus il n’existe pas de groupe contrôle. Le dosage veineux de la lactatémie dans notre série possède comme caractéristique d’être moins invasif pour le patient que la ponction artérielle. Sa validité et son équivalence par rapport aux taux artériels sont bien démontrées [50, 77]. Staikowsky et al. [70] rapportent l’évolution de l’acidose lactique après une crise convulsive survenue aux urgences. Leur série constituée de 53 patients ayant convulsé, montre une lactatémie à 13,1 mmol/l immédiatement après la crise et une décroissance du taux sur une heure avec une valeur 4,8 mmol/ l à la première heure. Ces taux à une heure sont très proches de ceux de notre étude pour les patients ayant convulsé en présence de témoins : 4,54 mmol/l pour un délai moyen de 75, 20 minutes [70]. La normalité des lactates se manifeste après 4 66 heures dans les données de la littérature [72]. Les hypothèses expliquant une telle décroissance du taux de lactate restent floues, certains auteurs ont cherché à établir les causes d’un tel phénomène mais sans grand succès. Le rôle du système respiratoire dans la compensation de l’acidose a été examiné par une série de gaz du sang avec une étude de la PC02. La moyenne des valeurs était normale, il n’y avait pas de différence significative [52]. L’auteur en conclut que le facteur respiratoire joue un rôle non consistant dans la compensation du désordre. L’excrétion rénale des lactates ne rend pas compte non plus de la correction du désordre. Une étude a souligné que l’excrétion urinaire des lactates est négligeable et que l’absence d’un rein n’a pas une influence importante sur les taux de ces derniers [27]. A la vue de la réponse respiratoire variable et de l’élimination limitée des ions hydrogènes par le rein, Orringer concluait que la majeure partie de la correction de la lactatémie se faisait par l’utilisation du métabolisme aérobie [52]. Peu après la fin de la crise convulsive généralisée, l’oxygénation des tissus est rétablie, favorisant le métabolisme aérobie, et conduisant ainsi à la décroissance de la production de lactates. Dans l’étude de Staikowsky, les auteurs en ont déduit que la lactatémie permet avec une haute probabilité d’aider au diagnostic de crise convulsive et ce malgré l’absence de groupe contrôle. Si ce test parait sensible, sa spécificité n’a pas été définie dans cette étude. Dans une étude plus récente, menée par Hazouard et al. incluant 78 patients adultes admis aux urgences pour perte de connaissance, trois groupes ont été définis: crises convulsives généralisées (CCG), n = 22 cas; perte de connaissance non convulsivante (PCNC), n = 34 cas et malaises non explicites pour des patients épileptiques connus (MEC), n = 22 cas. La proportion de patients ayant convulsé est nettement supérieure dans notre série: soit 65,5 % des patients inclus versus 28,2 % pour l’étude d’Hazouard [25]. Cette différence est principalement due, dans notre étude, au biais de sélection à l’admission des patients: En effet, les patients dont le motif de consultation était la crise convulsive généralisée, sont des patients susceptible de s’aggraver, et ont donc été pris en charge rapidement, notamment pour une surveillance plus rapprochée. Alors que pour les patients admis pour malaise avec perte de connaissance, lorsque l’heure d’enregistrement à l’accueil s’est faite en zone frontière du délai d’inclusion, à savoir les deux heures suivant la perte de connaissance, un certain nombre d’entre eux ayant dépassé ces délais ont été exclus. Toujours dans cette même étude d’Hazouard, parmi les 22 patients ayant convulsé, 10 était en sevrage alcoolique. Dans notre étude, il existe également une présence importante de patients 67 alcooliques chroniques chez les patients ayant convulsé. En effet, les patients en sevrage alcoolique sont retrouvés dans le groupe 3 (CCG+, GT+) à hauteur de 37,5 % et dans le groupe 1 (CCG+, GT-) à hauteur de 50 %. Mais il est important de souligner que selon les données de la littérature, ces patients n’ont pas plus fréquemment d’acidose lactique après une comitialité que les patients non alcooliques [75]. Par ailleurs, en ce qui concerne les patients ayant convulsé dans l’étude d’Hazouard, leur lactatémie est en moyenne supérieure à celle des patients n’ayant pas convulsé : soit une moyenne pour le groupe CCG de 4,3 ± 0,5 contre PCNC 1,64 ± 0,08 et MEC 2,2 ± 1, 39 mmol/l. L’analyse de ces données met en évidence une différence significative entre les CCG et les PCNC, avec un p = 0,0001. A partir de ces résultats, une valeur seuil de 2,5 mmol/l de lactatémie est déduite à partir d’une courbe ROC. La spécificité et la sensibilité optimales calculées à partir de la courbe ROC ont été obtenues à partir de cette valeur seuil de lactatémie de 2,5 mmol/l, soient respectivement 97 % et 73 %. La valeur seuil de la lactatémie de notre étude également déterminée par une courbe ROC est de 2,3 mmol/l, avec une spécificité de 100 %, une sensibilité de 79 %, une VPP de 100 % et une VPN de 71 %.Cette étude menée par Hazouard et al. a ainsi déterminé la valeur seuil optimale pour le diagnostic de crise convulsive généralisées mais n’a pas utilisé cette valeur comme test diagnostique. Dans notre étude, l’analyse de cette valeur seuil de 2,3 mmol/l de lactatémie sur le groupe de validation sans témoin a permis d’en déduire que 91% des patients étaient correctement classés dans ce groupe. Ces résultats montrent que la lactatémie dosée précocement, moins de deux heures après une perte de connaissance, apparaît être un paramètre biologique discriminant dans la démarche diagnostique étiologique des pertes de connaissance sans témoin. L’apport des résultats dans les cinq minutes suivant l’admission par un analyseur à gaz du sang, pouvant être disponible dans les services d’urgences, semble représenté un gain de temps, en terme de rapidité de prise en charge et de temps de présence des patients sur le site. En comparaison, l’électroencéphalogramme (EEG) a vu ces champs d’indications, en urgence, restreints ces dernières années [17], notamment en raison de son manque d’accessibilité : en effet, de nombreux hôpitaux ne disposent pas d’EEG la nuit, c’est le cas du CHU H. Mondor. Ainsi, la lactatémie, marqueur biologique simple et rapide, semble répondre à la demande des urgentistes : à savoir, obtenir des examens paracliniques facilement accessible 24h sur 24, afin d’étayer des diagnostics cliniquement non évidents. Il est certain que les éléments cliniques sont primordiaux dans le diagnostic de crises convulsives généralisées. Le dosage de la 68 lactatémie ne peut se substituer à l’interrogatoire et à l’examen clinique ni être considéré comme un examen systématique à réaliser devant toutes pertes de connaissance [71]. Dans certains cas pourtant les éléments en faveur d’une crise convulsive sont faibles, particulièrement lorsqu’il n’existe pas de témoin de l’épisode ou que l’interrogatoire n’apporte pas d’élément en faveur d’une histoire typique. Obtenir un diagnostic étiologique de malaise comporte des intérêts sur le plan thérapeutique, pronostique et économique. Le diagnostic de crise convulsive généralisée est fondamental dans la prise en charge globale du patient ayant fait un malaise avec perte de connaissance. La conduite à tenir est évidemment différente s’il s’agit d’une crise convulsive généralisée ou d’un simple malaise vagal. Le dosage de la lactatémie précoce permettrait d’étayer un diagnostic de crise convulsive généralisée cliniquement non évidente, avec une spécificité et sensibilité élevées. Un tel diagnostic peut entraîner l’instauration d’une thérapeutique médicamenteuse et d’un suivi régulier, notamment en cas de récidive (au stade d’épilepsie proprement dite), et implique une éducation du patient et de son entourage : la pratique de sport est le plus souvent possible mais les sports potentiellement dangereux doivent être évités, l’aptitude à certains emplois doit être discutée voire interdite, notamment chez les patients occupant des postes à responsabilité comprenant un risque vital en cas de crise (pilote, travail en hauteur…), les crises convulsives généralisées sont en principe des contre-indications formelles à la conduite de tout véhicule. Cette éducation et cette prise en charge médicosociale du patient présentant des CCG soulignent la nécessité de ne pas méconnaître ce diagnostic, souvent sous estimé selon les données de la littérature [29, 45, 66], dans les malaises avec perte de connaissance. L’absence de diagnostic de CCG peut avoir de graves conséquences notamment en cas de récidive. L’exercice souvent difficile dans le Service d’Accueil des Urgences offre au médecin une situation inégalée pour résoudre le défi diagnostique que constituent les malaises avec les conséquences de santé publique qui en découlent. Rappelons que le malaise est un véritable problème de santé publique, les rares études [28, 41] concernant le retentissement économique des malaises estiment le coût de chaque malaise à 1500 €, notamment en raison du coût de l’hospitalisation et des examens complémentaires. La prise en charge ultérieure des patients ayant fait un malaise dépend essentiellement du diagnostic étiologique initial [30, 32]. Dans leur étude, Day et al. précisent que la décision d’hospitalisation est étroitement corrélée au diagnostic évoqué après la prise en charge aux urgences [18]. Le taux d’hospitalisation s’échelonne dans leur étude de la façon suivante : 100% si une cause 69 cardiaque est évoquée, 60% si c’est une cause neurologique, 35% quand la cause n’est pas retrouvée, 12% si une cause métabolique est suspectée et enfin 9% des malaises vaso-vagales. L’aide qu’apporterait en pratique la lactatémie dans le diagnostic de crises convulsives généralisées permettrait : d’une part, de diminuer une partie des patients hospitalisés pour étiologie indéterminée. Ce d’autant que, selon les dernières recommandations, l’hospitalisation n’est pas toujours nécessaire lors d’une première crise convulsive généralisée isolée occasionnelle chez les patients âgés de moins de 60 ans, parfaitement réveillés, dont l’examen clinique est normal, sous réserve d’un entourage familial présent, informé du risque de récidive et muni des recommandations jusqu'à la prochaine consultation [65]. et d’autre part, elle pourrait concourir, dans le cadre des crises convulsives généralisées non compliquées, à diminuer la demande d’examens complémentaires réalisés en urgence. Il est bien démontré que la multiplicité des examens allonge les temps de passage aux urgences et risque parfois d’être faussement rassurante ou trompeuse. Ces derniers peuvent être coûteux et surtout, leur rentabilité à titre systématique peut être très faible, voire inférieurs à 10% pour la plupart des auteurs [48]. La lactatémie semble donc avoir un intérêt économique, pour un moindre coût (soit en moyenne 7,5 € pour le dosage de lactate) comparé aux autres examens complémentaires (soit en moyenne 50 € pour un EEG et 150 € pour un TDM cérébral). Ces valeurs sont données à titre indicatif, il est bien évident que la lactatémie ne peut se substituer à l’EEG ou au TDM cérébral, dont les indications en urgence sont actuellement bien établies. En effet, l’EEG demeure actuellement irremplaçable dans l’évaluation de la maturation cérébrale, dans l’appréciation des niveaux de vigilance physiologique (éveil et sommeil) et pathologique (comas) et en épileptologie [20, 26]. Certes, cet examen n’a pas sa place en urgence dans le diagnostic des malaises avec perte de connaissance sans étiologie évidente, sa rentabilité diagnostique restant faible dans tous les cas, de l’ordre de 0 à 5%. La dernière réunion d’experts [17] confirme l’utilité de l’EEG en urgence dans des situations cliniques comme la prise en charge des états de mal épileptique ou les crises épileptiques récidivantes. Ainsi, pour les crises convulsives généralisées tonico-cloniques simples sans complication, l’EEG n’est donc plus recommandé en urgence, mais reste indiqué dans les 24 heures qui suivent. 70 Le scanner cérébral, quant à lui, présente un intérêt dans le diagnostic étiologique de certaines crises convulsives devant un interrogatoire ou un examen clinique contributif, mais il ne constitue en rien un examen diagnostique d’une crise convulsive. Ses indications en urgences en cas de première crise convulsive ont fait l’objet de recommandations précises. En effet, une méta-analyse menée par Greenberg MK [23], concernant 11 études regroupant 1935 patients ayant bénéficié d’un scanner cérébral aux urgences, a conclu à la présence d’anomalies au scanner dans 17,7% des cas, ces constations ont permis d’affiner les recommandations du scanner cérébral dans le bilan des CCG. Ainsi la demande du scanner cérébral en urgence dans le cadre de CCG est indiquée en présence de signes focaux, de troubles de la conscience persistants, de fièvre, de notion de traumatisme récent, de céphalées persistantes, de notion de cancer, de traitement anticoagulant, ou de suspicion de SIDA; un scanner pourra être programmé devant l’évolution favorable d’une CCG simple non compliquée et l’absence de cause documentée (hypoglycémie, hyponatrémie, intoxication aux tricycliques). Il est à noter l’absence d’indication chez les patients avec crise convulsive identique aux crises antérieures. De ce fait, même si la lactatémie semble être une aide discriminante au diagnostic rétrospectif souvent difficile des crises convulsives généralisées en urgence, elle ne se substitue en rien aux indications clairement établies de l’EEG et du TDM cérébral. En plus de son intérêt en santé publique, la lactatémie peut se révéler être un outil pronostique à travers l’aide diagnostique qu’elle apporte. Car la perte de connaissance seule n’a pas de valeur pronostique, elle permet tout au plus d’identifier le diagnostic de malaise. Le pronostic est essentiellement constitué par l’étiologie. Ainsi les lactates veineux même dosés deux heures après la perte de connaissance apparaissent comme un paramètre discriminant pour étayer un diagnostic de crise convulsive généralisée cliniquement non évident. Au terme de l’analyse de l’ensemble des marqueurs biologiques prélevés dans notre étude et comparés aux données de la littérature, il apparaît clairement que la cinétique de correction de chaque examen est différente. De ce fait, chaque dosage trouve sa significativité en fonction du délai écoulé entre l’épisode de crise convulsive généralisée (CCG) et la réalisation du prélèvement. Ainsi, dans la première heure faisant suite à la CCG, les valeurs de pH et les bicarbonates s’abaissent immédiatement mais se corrigent spontanément très rapidement, ce qui limite l’utilisation en pratique, étant donné les délais minimaux nécessaires pour ce rendre à 71 l’hôpital. Toujours dans cette première heure, la lactatémie veineuse ou artérielle s’élève de manière significative mais contrairement aux résultats des gaz du sang, ces taux de lactates persistent aidant ainsi au diagnostic rétrospectif des CCG. Dans la deuxième heure qui suit la CCG, le seul marqueur discriminant reste la lactatémie, la pertinence du dosage des CPK n’apparaissant qu’a partir de la quatrième heure [43]. Cette dernière, rappelons le, correspond à l’heure à laquelle se manifeste la normalité du taux des lactates dans le sang [72]. A l’issue de l’analyse de la cinétique de ces différents paramètres biologiques, un arbre décisionnel, séquentiel dans le temps, pourrait être proposé à l’avenir en médecine d’urgence, comme aide diagnostique rétrospective des CCG, regroupant les dosages à réaliser, adaptés au délai de prise en charge du patient. Cet arbre décisionnel dont le principal facteur discriminant dans les deux heures suivant le malaise serait la lactatémie, pourrait faire l’objet d’une étude afin d’en valider la pertinence en pratique courant, sur une plus grande cohorte de malades. 72 CONCLUSION 73 Les crises convulsives généralisées se caractérisent par une acidose respiratoire et une acidose métabolique. L’acidose lactique serait consécutive à l’hypoxémie, à l’élévation per critique des catécholamines et au métabolisme aéro- et anaérobie musculaire pendant la phase tonicocloniques. Devant une perte de connaissance sans témoin, une lactatémie supérieure à 2,3 mmol/l, même dosée après deux heures, parait être un paramètre utile pour le diagnostic souvent difficile de crise convulsive généralisée. Il est certain que les éléments cliniques sont primordiaux dans le diagnostic de comitialité. Ainsi, malgré sa simplicité de réalisation, son accessibilité dans les services d’urgences, le dosage de la lactatémie ne peut se substituer à l’interrogatoire et à l’examen clinique, ni être considéré comme un examen biologique à réaliser systématiquement devant toutes pertes de connaissance. Dans certaines situations pourtant, malgré un examen clinique très consciencieux, l’urgentiste retrouve peu d’éléments en faveur d’une crise convulsive généralisée, notamment en absence de témoin et donc d’anamnèse précise sur l’épisode. Cette absence de diagnostic étiologique au malaise entraîne la réalisation d’examens complémentaires multiples, souvent peu rentables, coûteux, avec toutes les conséquences qu’elle implique sur la plan de la santé publique. Dans notre étude, impliquant 58 patients consultant pour malaise avec perte de connaissance, la lactatémie est significativement plus élevée chez les patients ayant convulsé comparée aux patients n’ayant pas convulsé, soit un p = 0,0036 dans le groupe avec présence de témoins. Une taux de lactate veineux supérieure à 2,3 mmol/l, permettrait le diagnostic de crise convulsive généralisée devant une perte de connaissance avec une sensibilité de 79 % et une spécificité de 100 %, une VPP de 100 % et une VPN de 71 %. Et l’utilisation de cette valeur seuil de lactatémie dans notre étude comme test diagnostique dans le groupe sans témoin a permis d’en déduire que 91 % des patients sont correctement classées. Ainsi, il nous semble, si les résultats de notre étude se confirment en pratique sur une plus grande cohorte de patients, que face à une perte de connaissance d’origine indéterminée, le dosage précoce des lactates peut contribuer au difficile diagnostic de crise convulsive généralisée. L’aide qu’apporterait en pratique la lactatémie dans le diagnostic de crises convulsives généralisées possède plusieurs intérêts : 1- Sur le plan thérapeutique, la conduite à tenir diffère en fonction du diagnostic établi : - le diagnostic de CCG peut entraîner l’instauration d’un traitement antiépileptique et d’un suivi régulier, notamment en cas de récidive. L’absence de diagnostic peut entraîner un retard de prise en charge, avec toutes les conséquences que cela implique. 74 - la prise en charge globale du patient présentant une CCG implique également une éducation de ce dernier, dans les activités de la vie quotidienne (sport, conduite automobile, activité professionnelle), notamment en cas de récidive, ce qui souligne la nécessité d’établir un diagnostic. 2- Sur le plan de la santé publique, faire un diagnostic précoce de CCG (souvent sous estimé) permet : -de diminuer une partie des patients hopitalisés pour malaise avec perte de connaissance d’étiologie indéterminée. -de réduire la multiplication des examens complémentaires à réaliser en urgence et ainsi améliorer la qualité de prise en charge, en limitant le temps de passage au SAU. - et ce pour un moindre coût. 3- Sur le plan du pronostic : - le pronostic est essentiellement lié au diagnostic, car la perte de connaissance seule n’a pas de valeur pronostic. De tels résultats concernant les lactates se retrouvent dans le deux heures suivant le malaise. Le rappel de ce facteur temps est une notion importante, car l’analyse de notre étude comparée aux données de la littérature, nous a permis : de mettre en évidence que la cinétique de correction de chaque paramètre biologique (notamment les lactates, le pH, les bicarbonates, et les CPK) est différente ; et de proposer ainsi en médecine d’urgence, un arbre décisionnel, séquentiel dans le temps, comme aide rétrospective au diagnostic des crises convulsives généralisées. Ce dernier regrouperait les dosages à réaliser, en fonction du délai de prise en charge de chaque patient, avec comme principal facteur discriminant dans les deux heures suivant le malaise: la lactatémie. Cet arbre décisionnel comme aide diagnostique pourrait faire l’objet d’une prochaine étude afin d’en valider la pertinence, sur une plus grande cohorte de malades. 75 BIBLIOGRAPHIE 76 1- Aduen J, Bernestein WK, Kastgir T et al. The use and clinical importance of a substratespecific electrode for rapid determination of blood lactate concentrations. JAMA, 1994, 272, 1678- 85. 2- Aminoff MU, Simon RP. Status epilepticus: Causes, clinical features and consequences in 98 patients. Am. J. Med, 1980, 69, 657-66. 3- Bakker J, Coffernils M, Leon M, Gris P, Vincent J. Blood lactate levels are superior to oxygen derived variables in predicting outcome in human septic shock. Chest, 1991; 99: 95662. 4- Baron D, Touze MD, Potel G. Utilité des examens de laboratoire dans le service d’urgence en présence d’une crise convulsive de l’adulte. Réan. Urg., 1992, 1, 359-366. 5- Bernardin G, Pradier C, Tiger F, Deloffre P, Mattei M. 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Consentement : oui non Antécédents : Epilepsie oui non Malaise identique Trouble du rythme cardiaque Valvulopathie oui non oui non oui non oui non oui non oui non Malaises vagaux AVC TC grave Traitements : Diabétique Cardiologique Epileptique Insuline oui non Sulfamides hypo. oui non Biguanides oui non Autres: Description du malaise : Y a t’il eu un témoin du malaise oui non (quelque soit l’endroit : SAU, lieu de travail, voie publique…) Si oui, description : Mouvements anormaux Confusion critique Perte d’urine oui non post- oui non oui non Morsure de langue PC type Stokes Adam- oui non Respiration stertoreuse Prodromes oui non Si oui, lesquels : Sueurs oui non Nausées oui non toux/miction oui non Vomissements oui non Autres : Facteurs favorisant d’une crise convulsive : oui non Céphalées « Palpitations » Post-prandial Douleur thoracique oui non oui oui oui oui non non non non 84 Dette de sommeil oui non Sevrage alcoolique oui non Sevrage benzodiazépinique Hypoglycémie oui non oui non Rupture traitement oui anticonvulsivant Grossesse à terme …… SA oui Infection SNC oui Tumeur cérébrale oui non non non non Durée de la PC : ……min. Inconnue Durée des mouvements anormaux : ……… Examen du patient àl’arrivée : GSC : … Y … V … M … TAS (mmHg) TAD (mmHg) Pouls (BPM) T° (°C) SaO2 (%) HGT (mmol/l) Signe de localisation neurologique : oui non Si oui description : Amnésie de l’épisode oui Syndrome confusionnel oui Détresse circulatoire oui Détresse respiratoire oui Trace de chute (plaie, fracture…) Signes d’intoxication éthylique chronique ou aiguë Epreuve d’hypotension orthostatique positive oui Pré-DT oui Examens complémentaires: Natrémie Kaliémie ASAT ALAT CPK Myoglobine non non non non oui non oui non non non (*Si dosées) Calcémie Troponine* PO2* PCO2* pH* CO2T* Ponction lombaire* Protéinorachie Glycorachie Nb d’éléments Hématies Formule ECG : Nl Si non, anomalies : PR :…… QTth :…… QTmes :…… Axe :…… QRS :…… Un EEG a t’il été réalisé ? oui non si oui, est-il normal ? oui non Date de réalisation :…/…/… Si non, anomalies : Un scanner cérébral a t il été réalisé ? oui non Si oui, est-il normal ? oui non Si non, anomalies : ANNEXE II Injecté : oui non 85 ANNEXE II LACTACIDEMIE DES PATIENTS VICTIMES DE MALAISE AVEC PERTE DE CONNAISSANCE / FICHE DE RECUEIL II Inclusion N°……… Délai écoulé entre la PC et les dosages biologiques : Min. Résultats des lactates : Diagnostic final : Devenir du patient : Crise convulsive Oui Réanimation Neurologie UHCD Transfert vers une autre structure ……………………….. Sortie Non 86 ANNEXE III : CONSENTEMENT Intérêt du dosage des lactates dans la prise en charge aux urgences des malaises avec perte de connaissance Consentement de participation de Mme ou Mlle ou M. Demeurant : Le docteur , exerçant au Service d’accueil et d’urgence de l’Hôpital Henri Mondor, 51 av. du Maréchal De Lattre de Tassigny à Créteil, (01 49 81 49 52 / 01 49 81 24 87), m’a proposé de participer à une recherche biomédicale sur l’ « Intérêt du dosage des lactates dans la prise en charge aux urgences des malaises avec perte de connaissance ». Le médecin m’a précisé que je suis libre d’accepter ou de refuser de participer à cette recherche. Afin d’éclairer ma décision, j’ai bien compris les informations suivantes qui m’ont été données par écrit et oralement. Le but de cette recherche est d’évaluer l’aide que pourrait apporter le dosage des lactates sanguins dans la démarche diagnostique des crises d’épilepsie généralisées des patients consultant aux urgences pour malaise avec perte de connaissance. La participation à la recherche consiste en - un dosage de cette molécule aux urgences, Cette recherche a reçu l’avis favorable du comité consultatif de protection des personnes participant à une recherche biomédicale de CréteilHenri Mondor, le 22/04/2003. Cette recherche ne présente pas en soi de bénéfice individuel direct de santé pour les personnes qui s’y prêtent et de ce fait j’accepte d’être inscrite 87 sur le fichier national des personnes qui se prêtent à des recherches sans bénéfice individuel direct. Je ne pourrai pas participer à une autre recherche sans bénéfice individuel, direct pendant une durée de 24 heures. J’ai bien noté que pour participer à cette recherche, un examen médical dont les résultats me seront communiqués est indispensable. Je dois aussi être affiliée à, ou bénéficier d’un régime de sécurité sociale. Je confirme que c’est bien le cas. Le promoteur de cette recherche, l’Association pour la recherche en médecine d’urgence (ARMUR), a contracté une assurance (Contrat n° 01/8086606, Société BIOMEDICINSURE), conformément à la loi du 20 décembre 1988 modifiée (livre II bis du Code de la Santé Publique). J’accepte que les données nominatives me concernant recueillies à l’occasion de cette recherche puissent faire l’objet d’un traitement automatisé par les organisateurs de la recherche dans un fichier informatisé, déclaré à la CNIL (commission nationale informatique et liberté). Le droit d’accès et de rectification prévu par la loi « informatique et liberté » (loi du 6 janvier 1978 modifiée le 1er juillet 1994-article 40-4) s’exerce à tout moment auprès des responsables de ma recherche. Conformément à la loi du 4 mars 2002, j’aurai accès à toutes les informations de nature médicale, direct ou bien par l’intermédiaire d’un médecin de mon choix. Les données recueillies demeureront strictement confidentielles. Je n’autorise leur consultation que par l’équipe médicale, les personnes dûment mandatées par le promoteur de la recherche et éventuellement par les représentants des autorités administratives de santé, tous soumis au secret professionnel (article 40-3 même loi). Je pourrai à tout moment demander toute information complémentaire au Dr du service d’accueil et d’urgence de l’hôpital Henri Mondor, Créteil. 88 J’ACCEPTE LIBREMENT ET VOLONTAIREMENT DE PARTICIPER A CETTE RECHERCHE DANS LES CONDITIONS DECRITES CI-DESSUS. Mon consentement ne décharge en rien l’investigateur et le promoteur de l’ensemble de leurs responsabilités et je conserve tous mes droits garantis par la loi. Je suis consciente que je peux retirer mon consentement à tout moment, quelles que soient mes raisons. Le fait de ne plus participer à cette recherche ne portera pas atteinte à mes relations avec le médecin investigateur et ne me privera pas de mes droits. Je garde un exemplaire de la feuille d’information que m’a remis le Dr et du présent consentement. Fait à Créteil, le Nom Prénom Signature Je soussigné Dr , que M , a donné ce jour son consentement informé, libre et révocable à la recherche nommée ci-dessus. Signature certifie Intérêt du dosage des lactates dans la prise en charge aux urgences des malaises avec perte de connaissance Lettre d’information au patient Madame, Monsieur, Vous venez d’être victime d’un malaise avec perte de connaissance. Ce malaise nécessite une prise en charge aux urgences afin de trouver la cause de ce malaise, de la perte de connaissance et ainsi d’en éviter éventuellement la récidive par un traitement adapté. De nombreuses maladies peuvent être responsables de malaise avec perte de connaissance, mais aucun marqueur spécifique ne permet d’en faire précisément le diagnostic. La perte de connaissance peut ou non s’accompagner de symptômes (tels que des mouvements anormaux des membres) qui, sans la présence d’un témoin sur place, ne seront pas décrit aux médecins des urgences. La crise d’épilepsie est une des causes des malaises avec perte de connaissance et son diagnostic est parfois difficile en l’absence de témoin. Il a été mis en évidence que les lactates sanguins, produits de dégradation du glucose, normalement présents en très faible quantité dans le sang, augmentent rapidement au cours des malaises avec perte de connaissance et convulsions généralisées. En effet, pendant les convulsions généralisées, les lactates sanguins augmentent brièvement. L’étude, à laquelle nous vous proposons de participer, tente de démontrer l’intérêt du dosage des lactates sanguins pour les patients ayant fait un malaise avec perte de connaissance. Si son intérêt dans la démarche diagnostique de ces 90 malaises était mis en évidence grâce à cette étude, cela pourrait s’avérer très utile dans la prise en charge des futurs cas de malaise avec perte de connaissance, en particulier concernant la décision d’hospitalisation (pour la poursuite des examens), la mise en route d’un traitement spécifique et donc préventif. L’inclusion dans l’étude implique - le prélèvement d’un tube de 2 ml de sang supplémentaire au cours de votre séjour aux urgences. La participation à cette étude sera de 24 heures. La participation ou le refus de participation à cette étude ne modifiera en rien votre prise en charge médicale et votre suivi. De même, vous pourrez à tout moment décider de vous retirer de cette étude, sans que cela modifie votre prise en charge médicale et votre suivi. Nous vous remercions pour votre participation. Vous pourrez poser toutes les questions que vous jugerez utiles sur le protocole ou votre traitement en appelant au Service d’Accueil et d’Urgence de l’hôpital Henri Mondor, le Dr HERVE (Tél. : 01 49 81 24 87) ou le Dr RENAUD (tél. : 01 49 81 49 52) ou l’un des urgentistes (Tél. : 01 49 81 21 11, bip 680). Créteil, le Nom et prénom du patient et signature Créteil le Nom et prénom du médecin et signature 91 ANNEE: 2005 NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR: KHALID Mohamed. DIRECTEUR DE LA THESE : HERVE Jérôme. TITRE DE LA THESE : Intérêt de la lactatémie dans la démarche diagnostique des crises convulsives généralisées (CCG) des patients consultant au Service d’Accueil des Urgences (SAU) pour malaise avec perte de connaissance (PC). RESUME : Les objectifs sont d’évaluer l’apport de la lactatémie veineuse dans le difficile diagnostic rétrospectif des CCG. Situations métaboliques voisines de l’exercice musculaire, elles entraînent une acidose lactique consécutive à une hypoxémie, à une élévation des catécholamines per-critique et au métabolisme aérobie et anaérobie. Pendant 6 mois, 58 patients adultes ont été inclus, admis dans les deux heures suivant un malaise avec PC. Pour chaque inclusion, une lactatémie veineuse est réalisée. Après avis de 2 experts (cardiologue et neurologue), en aveugle des résultats de lactatémie et du jugement de l’urgentiste, quatre groupes sont définis : CCG avec témoins : n = 24, absence de CCG avec témoins n = 11, CCG sans témoin n = 14, absence de CCG sans témoin n = 9. En présence de témoins, la lactatémie est significativement plus élevée chez les patients ayant convulsé : 4,54 ± 0,68 mmol/l versus 1,31 ± 0,18 mmol/l pour les patients n’ayant pas convulsé (soit un p=0,0036). Des résultats aussi significatifs sont retrouvés dans le groupe sans témoin : soit 3,43 ± 0,32 mmol/l pour ceux ayant convulsé versus 1,00 ± 0,09 mmol/l pour ceux n’ayant pas convulsé (soit un p<0,0001). La valeur seuil de lactatémie, déterminée à partir d’une courbe ROC est de 2,3 mmol/l, elle permet le diagnostic de CCG devant une PC avec une sensibilité de 79%, une spécificité de 100 %, une VPP de 100 % et une VPN de 71%. Et l’utilisation de cette valeur comme test diagnostique dans le groupe sans témoin a permis d’en déduire que 91% des patients sont correctement classés. La lactatémie précoce, d’obtention aisée au SAU, apparaît donc être un paramètre discriminant pour étayer un diagnostic de crise convulsive généralisée cliniquement non évident. Mots-clés : - Lactates. - Crises épileptiques généralisées. - Urgences. - Perte de conscience. Adresse de l’U.F.R. : Faculté de Médecine de Créteil- Paris XII 8 Rue du Général SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX 92