Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de

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Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de
SOMMAIRE
Modérateurs :
A. SA CUNHA (Bordeaux)
M. ADHAM (Lyon)
Tumeurs kystiques et canalaires du pancréas : histoire naturelle et anatomiepathologique
J.-Y. SCOAZEC (Lyon)
Rôle de l’imagerie devant une tumeur kystique du pancréas de découverte
fortuite
M.-P. VULLIERME (Clichy)
Quand demander des explorations endoscopiques et écho-endoscopiques ?
M. BARTHET (Marseille)
Traitement chirurgical
A. SAUVANET (Clichy)
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
TUMEURS KYSTIQUES ET CANALAIRES DU PANCREAS: HISTOIRE NATURELLE
ET ANATOMIE PATHOLOGIQUE
J.-Y. SCOAZEC
Hospices Civils de Lyon, Hôpital Edouard Herriot,
Anatomie Pathologique et Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon,
INSERM U1052/CNRS UMR5286,
69437 Lyon cedex 03
Les tumeurs kystiques du pancréas correspondent à une grande variété de lésions : certaines sont des formes
kystiques de tumeurs habituellement solides mais la plupart représentent des entités anatomocliniques bien
individualisées. Longtemps considérées comme rares ou inhabituelles, les tumeurs kystiques du pancréas sont
aujourd’hui fréquentes dans le recrutement des centres spécialisés en pathologie pancréatique. Leur
connaissance a beaucoup progressé au cours des dernières années. Les critères diagnostiques de ces entités
sont bien définis et leurs caractéristiques cliniques et évolutives sont relativement bien connues, ce qui permet
de proposer aujourd’hui des stratégies thérapeutiques et des modalités de surveillance mieux adaptées et plus
pertinentes. Les mécanismes moléculaires de certaines de ces entités commencent à être mieux compris, ce
qui permet d’envisager l’identification de biomarqueurs diagnostiques et pronostiques, voire la mise en
évidence de cibles thérapeutiques spécifiques. Dans cette mise au point, après avoir rappelé les
caractéristiques et les critères diagnostiques des principales entités anatomocliniques, et notamment celles qui
sont utiles à connaître pour le clinicien et le chirurgien, nous verrons comment et avec quels outils le
pathologiste contribue à leur diagnostic et à leur prise en charge.
Les principales entités anatomocliniques, leurs critères diagnostiques et leurs caractères anatomocliniques :
ce qu’il faut savoir en pratique
Il est difficile de donner des indications épidémiologiques précises, compte tenu des biais qui affectent toutes
les séries publiées. Cependant, on s’accorde pour reconnaître que, par ordre de fréquence (approximatif), les
principales tumeurs kystiques du pancréas sont : (a) les tumeurs intraductales papillaires et mucineuses du
pancréas (TIPMP), (b) les tumeurs kystiques mucineuses (mucinous cystic neoplasms ou MCN), (c) les tumeurs
kystiques séreuses, (d) les tumeurs pseudopapillaires et solides (TPPS) [1-3]. Viennent ensuite des entités plus
rares, dont certaines sont connues des cliniciens mais dont la plupart ne sont réellement familières qu’aux
pathologistes spécialisés (nous en citerons quelques exemples). Il faut enfin ajouter les formes kystiques de
tumeurs habituellement solides, dont la fréquence ne semble pas exceptionnelles. Les données disponibles
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
dérivant habituellement de séries de tumeurs opérées, la fréquence de certaines lésions, comme les tumeurs
séreuses, est donc sous-estimée, puisque la plupart ne sont plus opérées aujourd’hui.
Ce qui importe au clinicien est de savoir quelles tumeurs sont bénignes, lesquelles sont à malignité incertaine
avec un risque faible de transformation maligne, et lesquelles sont potentiellement malignes. La distinction
fondamentale se fera donc entre les tumeurs à risque faible ou nul de transformation maligne (tumeurs
séreuses, TPPS) et tumeurs à risque élevé de transformation maligne (TIPM et MCN).
Les tumeurs intraductales papillaires et mucineuses (TIPMP)
Les TIPMP sont définies par le remplacement de l’épithélium normal des canaux excréteurs du pancréas par un
épithélium néoplasique, d’architecture le plus souvent papillaire, habituellement mucosécrétant, susceptible
de donner naissance, après une phase de développement in situ, à une tumeur invasive dont les
caractéristiques rappellent celle des adénocarcinomes du pancréas, de type classique ou de type colloïde [4-6].
Les TIPMP sont donc des lésions « précancéreuses » qui doivent être traitées et prises en charge en
conséquence : néanmoins, le risque de malignité des TIPM est très variable et les critères prédictifs de
transformation maligne commencent aujourd’hui à être mieux connus.
Les TIPMP peuvent être diagnostiquées à tout âge (entre 25 et 95 ans), avec un pic d’incidence entre 60 et 65
ans ; il existe une légère prépondérance masculine.
Typiquement, le remplacement de l’épithélium normal par un épithélium néoplasique mucosécrétant entraîne
la dilatation, voire l’ectasie et la kystisation des segments canalaires atteints, dont la lumière se remplit de
mucus ; celui-ci peut être suffisamment abondant pour sortir spontanément par l’orifice papillaire lorsque
l’atteinte est proximale. A l’examen radiologique et macroscopique, les TIPMP typiques se présentent donc
comme des lésions kystiques habituellement multiloculaires, parfois uniloculaires, remplies de mucus et en
communication avec les canaux excréteurs adjacents. Cette présentation typique n’est cependant associée
qu’à des formes évoluées : elle est souvent moins caricaturale dans les formes de diagnostic fortuit !
La topographie des lésions est variable. La plupart des TIPMP atteignent le canal pancréatique principal, sur
une longueur variable (main duct type); il est rare, mais possible, que des intervalles d’épithélium
apparemment sain séparent des zones pathologiques : ces formes multifocales sont particulièrement difficiles
à prendre en charge. Environ 30% des cas sont localisées exclusivement dans un canal secondaire (branch duct
type). Enfin, il existe des formes mixtes (combined type) où l’atteinte du canal principal s’associe à l’atteinte
d’un ou plusieurs canaux secondaires par contiguïté.
Quatre types histologiques de TIPM sont aujourd’hui reconnus [5]; leur diagnostic est morphologique et peut
éventuellement s’aider de marqueurs immunohistochimiques ; leur existence mérite d’être connue car chacun
d’entre eux s’associe à des caractéristiques cliniques et à un potentiel évolutif distincts. Par ordre de
fréquence, ces quatre types sont :
•
le type intestinal : il est caractérisé par une prolifération de cellules épithéliales mucosécrétantes
ressemblant aux cellules épithéliales intestinales normales, de type caliciforme et exprimant le même
profil de cytokératines (CK7-, CK20+) ; leur profil d’expression des mucines est MUC1+, MUC2+,
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MUC5AC+ ; l’architecture est typiquement papillaire ; les papilles, souvent épaisses, peuvent former
des massifs volumineux faisant saillie dans la lumière des canaux kystisés ; c’est le type le plus
fréquent ; il est associé à un risque de transformation maligne significatif (environ 35% des cas) ; cette
transformation est un processus séquentiel, passant par des stades successifs histologiquement
reconnaissables (dysplasie de bas grade, dysplasie de haut grade, carcinome in situ, carcinome
invasif); le type de carcinome le plus fréquemment observé en cas de transformation maligne est le
carcinome colloïde, dont l’évolution est relativement indolente ;
•
le type biliopancréatique : il est caractérisé par une prolifération de cellules ressemblant aux cellules
epithéliales de revêtement des canaux biliaires et pancréatiques normaux; elles expriment la
cytokératine CK7 et sont typiquement CK20- ; leur profil d’expression des mucines est MUC1+/-,
MUC2-, MUC5AC+ ; l’architecture est typiquement papillaire, avec des papilles relativement délicates
et souvent anastomosées ; il existe un risque élevé de transformation maligne ; les carcinomes invasifs
observés sont habituellement de type canalaire conventionnel, et donc agressifs ;
•
le type gastrique : il est caractérisé par une prolifération de cellules ressemblant aux cellules
épithéliales mucosécrétantes de la muqueuse gastrique ; leur profil d’expression des mucines est
MUC1-, MUC2-, MUC5AC+ ; ce type est pratiquement toujours associé à des atteintes localisées aux
canaux secondaires ; les papilles sont courtes, voire absentes ; les dilatations canalaires sont peu
importantes; le risque de transformation maligne est très faible; une simple surveillance est donc
souvent actuellement considérée comme suffisante;
•
le type oncocytaire : il est caractérisé par une prolifération de cellules à cytoplasme abondant et
éosinophile ; l’architecture est complexe, associant des papilles épaisses et anastomosées et des zones
solides, les atypies sont importante : l’aspect est habituellement celui d’une dysplasie de haut grade
ou d’un carcinome in situ
Il existe des formes de passage entre les trois premiers types histologiques, qui peuvent se combiner dans une
même lésion. Les mécanismes moléculaires semblent comparables dans les trois types : il existe des mutations
précoces de Ki-ras et des mutations tardives de p53 ; contrairement à ce qui est observé dans les
adénocarcinomes canalaires, la voie DPC4 ne semble pas impliquée ; en revanche, des mutations du gène GNAS
sont fréquemment retrouvées, uniquement dans les TIPMP et les adénocarcinomes qui en dérivent [7]. Il est
vraisemblable que le « type oncocytaire » corresponde à une entité indépendante, différente des autres
TIPMP; ses mécanismes moléculaires sont apparemment différents, puisque les mutations de Ki-ras sont
habituellement absentes.
Les lésions de TIPMP doivent être distinguées :
•
des lésions mucineuses kystiques (cystadénomes et cystadénocarcinomes mucineux), lorsqu’elles sont
associées à des dilatations kystiques ; classiquement, ces lésions sont uniloculaires, sans
communication avec les canaux excréteurs ; histologiquement, l’épithélium de revêtement est de type
intestinal, d’architecture papillaire, et repose sur un stroma caractéristique, de type ovarien ;
•
des lésions de néoplasie intra-épithéliale pancréatique (PanIN), notamment lorsque la dilatation
canalaire est absente ou limitée [8]; la classique distinction entre adénocarcinome associé à des
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lésions de PanIN et adénocarcinome développé sur TIPMP est académique ... le pronostic est
évidemment celui de l’adénocarcinome et il est indépendant des circonstances de survenue ;
•
les rares formes intra-ductales d’adénocarcinome pancréatique ;
•
des formes de pancréatite chronique associées à des ectasies canalaires.
Les tumeurs mucineuses kystiques (MCN)
Comme les TIPMP, les tumeurs mucineuses kystiques (MCN) sont des lésions « prénéoplasiques » susceptibles
de donner naissance à des adénocarcinomes invasifs dans environ 30% des cas [4]. Ces tumeurs ont un profil
épidémiologique très particulier, puisqu’elles s’observent dans 95% des cas chez la femme, habituellement
d’âge moyen [9]. Elles se présentent comme des lésions uniloculaires de grande taille, dont la lumière est
emplie de mucus, et dépourvues de communication avec les canaux excréteurs adjacents. L’examen
macroscopique (et radiologique) est donc fondamental pour le diagnostic différentiel entre TIPMP et MCN.
L’examen histologique de la paroi montre que l’épithélium de revêtement est de type intestinal et forme des
papilles de taille variable, parfois volumineuses et rassemblées en massifs faisant saillie dans la lumière du
kyste. De façon caractéristique, l’épithélium repose sur un stroma très particulier, de type ovarien, à cellularité
élevée. Selon l’importance des atypies architecturales et cytonucléaires de l’épithélium de revêtement, il est
possible de distinguer des lésions de grade croissant : dysplasie de bas grade, dysplasie de haut grade,
carcinome in situ, susceptibles d’évoluer vers le développement de foyers invasifs. Comme dans les
adénocarcinomes canalaires, les altérations moléculaires décrites dans les MCN associent des mutations de Kras, p53 et SMAD4.
Le diagnostic différentiel se pose non seulement avec les TIPMP, mais aussi avec les pseudokystes et les kystes
rétentionnels. Le contexte de survenue est évocateur : le sexe masculin, et des antécédents de pancréatite
aiguë sont en faveur d’un pseudokyste. Les MCN de grande taille, où l’épithélium de surface caractéristique des
MCN est souvent largement abrasé, peuvent poser des problèmes : il faut savoir rechercher les zones
diagnostiques résiduelles par un large échantillonnage de la lésion.
Les tumeurs séreuses
Contrairement aux TIPMP et aux MCN, les tumeurs séreuses sont des tumeurs bénignes, dont le risque de
transformation maligne peut être considéré comme pratiquement nul (même si d’exceptionnels cas
métastatiques ont été rapportés). Dans leur forme typique, les cystadénomes séreux se présentent comme des
lésions multiloculaires microkystiques, formées par la juxtaposition de multiples kystes de petite taille, bordées
par un épithélium formé de cellules épithéliales à cytoplasme clair, riches en glycogène (donc PAS+),
étroitement intriquées avec des capillaires sanguins [1]. Il existe des formes atypiques par leur aspect
macroscopique (et radiologique), qui peuvent être responsables de difficultés diagnostiques: (a) les formes
macrokystiques, ressemblant aux MCN en raison de leur caractère uniloculaire et de leur grande taille; (b) les
formes «solides» ou «oligokystiques», associant des zones comportant des formations kystiques de très petite
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taille et des zones entièrement solides. Le diagnostic histologique reste cependant habituellement facile, en
raison de l’aspect caractéristique des cellules tumorales. Les mécanismes moléculaires sont mal connus, mais
les cystadénomes séreux appartiennent au spectre des lésions pancréatiques du syndrome VHL.
Les tumeurs pseudopapillaires et solides (TPPS)
Comme les MCN, les TPPS ont un profil épidémiologique particulier : il s’agit le plus souvent de tumeurs de la
femme jeune [10]. Contrairement aux MCN, leur risque de malignité est faible : les formes malignes, invasives
et métastatiques, s’observent principalement chez la femme âgée et dans des contextes cliniques inhabituels
(hommes, sites extra-pancréatiques). Les TPPS sont également particulières par le contraste entre la grande
taille habituelle de la tumeur et sa bonne tolérance clinique (absence de signes cliniques et de retentissement
sur l’état général) et radiologique (absence de signes de compression du canal de Wirsung, absence
d’adénopathies satellites). L’aspect macroscopique des TPPS est caractérisé par l’alternance de zones solides,
de consistance friable, et de zones kystisées, souvent en raison de phénomènes post-nécrotiques. A l’examen
histologique, la prolifération tumorale présente un aspect caractéristique, avec des cellules à noyaux incisés et
à cytoplasme abondant, contenant fréquemment des inclusions hyalines. Il est cependant facile, pour un
pathologiste non spécialisé, de confondre ces lésions avec des tumeurs endocrines.
Le profil
immunohistochimique, très particulier, des TPPS peut aider au diagnostic différentiel [11]; parmi les nombreux
marqueurs décrits, les plus utiles sont l’absence d’expression des cytokératines, l’expression de la vimentine et
de la glutamine-synthétase, la localisation nucléaire de la beta-caténine. Les TPPS sont associées, de manière
quasiment constante, à des mutations dans l’exon 3 du gène CTNNB1, codant pour la beta-caténine [12]: ce
diagnostic moléculaire peut être utile dans des cas de présentation, clinique ou histologique, inhabituelle.
Les formes rares de tumeurs kystiques du pancréas
Toutes les tumeurs habituellement solides du pancréas peuvent se présenter sous une forme kystique :
adénocarcinomes canalaires, carcinomes à cellules acineuses, lymphomes, tumeurs mésenchymateuses
(léiomyomes et léiomyosarcomes, schwannomes, GIST) ... Les rares cas de tératomes pancréatiques primitifs
sont également habituellement kystiques. Les tumeurs neuroendocrines kystiques nécessitent une mention
particulière [13-15]; elles représentent environ 5% des tumeurs neuroendocrines du pancréas, mais elles sont
beaucoup plus fréquentes dans le syndrome NEM1, où elles peuvent représenter de 10 à 20 % des lésions
pancréatiques selon les séries. Elles se présentent sous deux formes, également trompeuses en dehors d’un
contexte clinique évocateur : (a) les formes macrokystiques sont caractérisées par la présence d’un kyste
uniloculaire ou pauciloculaire de grande taille, comportant des îlots neuroendocrines dans l’épaisseur de sa
paroi ; elles sont habituellement diagnostiquées comme MCN ; (b) les formes microkystiques sont caractérisées
par la juxtaposition de nombreuses cavités de petite taille, directement creusées au sein de la masse tumorale
et directement bordées par des cellules tumorales : elles sont habituellement confondues avec des
cystadénomes séreux. Le diagnostic pré-opératoire est difficile, car, même si ces tumeurs synthétisent
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habituellement du glucagon, elles ne sont pas fonctionnelles [15]. Le pronostic des tumeurs neuroendocrines
kystiques du pancréas est considéré comme meilleur que celui des formes solides [13, 14].
Certaines tumeurs kystiques, spécifiques au pancréas, sont tout à fait exceptionnelles. Citons le cystadénome à
cellules acineuses et la transformation kystique des acini, caractérisés par la présence de kystes, uniques dans
le premier cas, multiples dans le second, directement bordés par des cellules à différenciation acineuse. Enfin,
certaines lésions kystiques correspondent à des lésions congénitales ou hamartomateuses, comme le kyste
lymphoépithélial ou l’hamartome kystique. Il s’agit de lésions rares ou exceptionnelles, dont le diagnostic est
encore souvent fait sur la pièce de résection.
Les contributions du pathologiste au diagnostic et à la prise en charge
Elles sont indispensables mais diffèrent en fonction du stade du processus diagnostique. Elles sont facilitées par
un abord multidisciplinaire : le pathologiste spécialisé doit tenir compte du contexte clinique et des données de
l’imagerie. Devant une tumeur macrokystique chez une femme, il pensera d’abord à une MCN ou à une TPPS;
chez un homme, il pensera plutôt à une TIPMP qu’à une MCN ; chez un patient MEN1, il évoquera une tumeur
neuroendocrine kystique et chez un patient VHL, un cystadénome séreux ; en cas d’antécédents de pancréatite
aiguë, il se méfiera d’un pseudokyste. Les données de l’imagerie sont importantes pour le pathologiste, pour
affiner ses hypothèses diagnostiques, mais aussi pour guider son examen en cas de résection chirurgicale.
Diagnostic pré-opératoire
Le principal défi posé par les tumeurs kystiques du pancréas est de savoir reconnaître celles qui doivent être
impérativement et rapidement opérées, celles qui ne doivent pas être opérées et celles qui doivent être
surveillées avant de décider d’une intervention éventuelle. En pratique, la question posée au pathologiste est
habituellement la suivante : tumeur mucineuse (à opérer rapidement, en raison de son risque élevé de
transformation maligne) ou tumeur non mucineuse (a priori avec un risque faible ou très faible de
transformation maligne) ? Le pathologiste dispose de plusieurs types d’outils :
•
examen cytologique du liquide prélevé dans la lumière du kyste, peu performant, mais susceptible de
confirmer la présence de mucus ou d’identifier des cellules désquamées,
•
examen cytologique d’une ponction à l’aiguille fine de la paroi du kyste ou de zones suspectes
(végétations, nodules muraux): une méta-analyse récente [16] montre que l’examen cytologique des
ponctions à l’aiguille fine sous échoendoscopie a une bonne spécificité mais une faible sensibilité pour
différencier les tumeurs kystiques mucineuses des tumeurs non mucineuses,
•
analyse histologique de prélèvements biopsiques ou microbiopsiques obtenus sous échoendoscopie
ou après cathétérisme endocanalaire : les prélèvements permettent d’identifier la nature de la lésion,
mais ne permettent évidemment pas, compte tenu de leur exiguïté, d’évaluer de façon fiable le grade
de la lésion.
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Diagnostic per-opératoire
Il n’était pas inhabituel, il y a quelques années, avant les progrès du diagnostic pré-opératoire, que le chirurgien
sollicite le pathologiste pour effectuer un examen macroscopique per-opératoire afin de confirmer la nature
d’une lésion kystique réséquée et décider éventuellement de la poursuite du geste chirurgical. Aujourd’hui,
c’est essentiellement dans le cas des TIPMP que le pathologiste peut encore être sollicité en per-opératoire.
Les indications de l’examen extemporané dans les TIMP restent en effet nombreuses et son résultat peut être
essentiel pour guider le geste chirurgical:
•
En cas de doute lors de l’exploration chirurgicale, vérifier l’absence de lésion invasive ou métastatique,
•
Dans les lésions du canal principal, vérifier l’état des limites de résection chirurgicale afin d’assurer la
résection complète en un temps des lésions et éviter des reprises pour récidive (dans ce cas précis, les
rares formes multifocales représentent un piège non évitable par le pathologiste),
•
Dans les lésions des canaux secondaires, guider l’extension de la résection chirurgicale afin de trouver
le meilleur compromis entre la volonté d’économiser le tissu pancréatique et la nécessité d’une
intervention satisfaisante du point de vue oncologique.
Diagnostic post-opératoire
Qu’attendre de l’examen anatomopathologique post-opératoire ? D’abord l’identification précise de la lésion
(et donc la justification –ou non- de l’intervention !), mais aussi, comme dans toute tumeur, l’évaluation de
critères histopronostiques et de la qualité de la résection. Quelques éléments sont particuliers au cas des
tumeurs kystiques du pancréas.
Rappelons d’abord l’importance de l’examen macroscopique : c’est tout particulièrement le cas dans les
tumeurs mucineuses, où l’examen macroscopique est essentiel pour rechercher une communication avec les
canaux excréteurs, signe distinctif entre TIPMP et MCN, et pour rechercher des zones suspectes (végétations,
nodules muraux, foyers d’aspect invasif) à échantillonner en totalité pour diagnostiquer un contingent
carcinomateux.
En cas de tumeur mucineuse, l’échantillonnage pour examen histologique doit être le plus étendu possible afin
de pouvoir évaluer correctement le grade de la lésion : il est de bonne règle d’inclure en totalité, d’emblée ou
en deux temps, les MCN et les TIPMP comportant un contingent en dysplasie de haut grade. Dans le cas des
TIPMP, cet échantillonnage large permet également une évaluation fine de l’extension topographique des
lésions : démontrer l’existence d’une atteinte focale du canal principal devant une atteinte prédominante des
canaux excréteurs est important pour le pronostic.
Enfin, l’examen histologique doit se méfier des pièges de diagnostic différentiel que nous avons cités au fur et à
mesure et doit pouvoir s’aider, si nécessaire, d’examens immunohistochimiques, voire moléculaires.
Conclusion
Les tumeurs kystiques du pancréas correspondent à une très grande diversité de lésions, de potentiel évolutif
très variable, et dont la connaissance a beaucoup progressé ces dernières années. Leur prise en charge
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
optimale nécessite le recours à un pathologiste bien au fait évolutions récentes du sujet, des pièges
diagnostiques posés par ces lésions et disposant des outils nécessaires pour parvenir à un diagnostic précis et
fiable.
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ROLE DE L’IMAGERIE DEVANT UNE TUMEUR KYSTIQUE DU PANCREAS DE
DECOUVERTE FORTUITE
M.-P. VULLIERME
Service de Radiologie
Hôpital Beaujon, Clichy
Tél : 01 40 87 53 55
Email : [email protected]
1) Introduction
Les incidentalomes pancréatiques représentent environ 6% des indications de duodéno-pancréatectomie
céphalique (14). Parmi ces lésions de découverte fortuite les kystes représentent environ un tiers des
incidentalomes. Les TIPMP, les cystadénomes séreux ou mucineux, les kystes simples sont les causes
principales. Parmi ces lésions la majorité d'entre elles ne nécessite pas une résection chirurgicale.
La découverte fortuite d'une lésion kystique est réalisée le plus souvent lors d'une échographie abdominale, ou
une TDM (6, 8, 12).
L'orientation diagnostique est différente si cette lésion est unique, ou accompagnée d'autres lésions kystiques.
C'est une IRM avec CPIRM qui permet de montrer avec le plus de sensibilité le caractère multiple des lésions
kystiques (11,13). Cet examen est donc indispensable. L’échoendoscopie est indiquée surtout pour les lésions
polylobées (TIPMP : bourgeon, parois ), et les lésions rondes à parois épaisses si le pseudokyste est douteux
(8). Les lésions à contenu tissulaire doivent toujours être opérées.
.
2) Les lésions multiples
La TIPMP est la cause la plus fréquente de lésions kystiques multiples du pancréas. On peut affirmer ce
diagnostic devant l'existence d'une communication canalaire avec le canal principal, particulièrement bien mise
en évidence sur les séquences de CPIRM (11). La CPIRM montre la dilatation kystique des canaux secondaires
devant une image ronde ou allongée branchée sur le canal principal. La localisation la plus fréquente (environ
50 % des TIPMP des canaux secondaires) est une dilatation kystique des canaux secondaires dans le crochet
pancréatique. Les autres localisations sont réparties dans la tête le corps et la queue du pancréas en proportion
équivalente.
L'affirmation du diagnostic de TIPMP conduit à organiser une surveillance des patients par l'imagerie afin de
dépister le plus précocement possible une éventuelle dégénérescence. Cette dégénérescence est beaucoup
plus fréquente lorsqu'il y a une atteinte du canal principal. Cette dernière atteinte est affirmée devant une
dilatation de plus de 6 mm, et la dégénérescence est suspectée si la dilatation dépasse 10 mm.
Les indications chirurgicales de la TIPMP concernent l'atteinte du canal principal de plus de 10 mm, la présence
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de bourgeon endocanalaire, la présence de masses tissulaires infiltrant le parenchyme pancréatique. Les
poussées de pancréatite aiguë à répétition peuvent conduire à réséquer des canaux secondaires dilatés.
En présence d’une TIPMP sans critères d’intervention, une surveillance morphologique est nécessaire. Elle
repose sur l’alternance Echoendoscopie, TDM et IRM, tous les ans ou tous les deux ans selon la taille des kystes
(< 1cm, > 3cm), leur aspect, et l’association de facteurs de risque tels que : 1/ Antécédent de cancer du
er
ème
pancréas chez un apparenté du 1 degré ou 2 apparentés du 2
degré ET âge > 65 ans ; 2/ Nodule mural
intrakystique de toute taille (L’indication d’une résection chirurgicale doit être discutée à chaque examen) ; 3/
Canal de wirsung > 6 mm (discussion d’une exérèse chirurgicale car fait partie des critères de résection) ; 4/
Patient aux antécédents de TIPMP opérée avec présence de dysplasie de haut grade sur la pièce ; 5/ Taille ≥ 30
mm de la plus grande lésion de TIPMP
Les autres diagnostics responsables de lésions multilples (transformation kystiques des acini, polykystose, VHL)
sont exceptionnels
3) Les lésions uniques
SI LA LESION EST UNIQUE L'ETUDE DE LA FORME EXTERIEURE DU KYSTE PERMET D'ORIENTER LE
DIAGNOSTIC.
3.1) Une lésion de CONTOURS EXTERIEURS UNILOCULAIRES, REGULIERS, NON LOBULES doit être explorée en
fonction de l'aspect de sa paroi
Kyste : Echo, TDM, IRM + Wirsung, (écho-endoscopie, ponction)
IRM ++
unique
rond
paroi
Fine, sans prise de contraste
Taille
<1 cm
>1 cm
echoendoscopie
ponction ?
Rien
Surveillance ?
Chirurgie=0
Surveillance?
séreux
macrokystique
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
Si la paroi est fine, sans prise de contraste, le diagnostic est orienté selon la taille.
Si la taille est inférieure à un centimètre de diamètre, il s'agit le plus souvent d'un kyste séreux bénin, ou kyste
solitaire, ou kyste simple, atteignant en moyenne 20 % des patients ayant des séquences IRM en coupes fines
pondérées T2, et dont la fréquence augmente avec l’age avec un seuil à 30 ans, une moyenne à 55 ans, et un
pic > 70 ans (16). La taille de ces kystes séreux augmente avec l’âge (> 2cm), de même que le caractère
multiple, plus fréquents aussi au delà de 70 ans. Ainsi une lésion kystique explorée de façon satisfaisante par
IRM et CPIRM qui est ronde ou ovalaire à paroi fine sans prise de contraste et sans canal de communication
avec le canal de Wirsung, infracentimétrique ou mesurant au maximum 1 cm peut être considérée comme un
kyste séreux simple et ne nécessitera pas de surveillance, surtout si elle est dépistée au-delà de 70 ans. Une
IRM réalisée un an après la découverte peut être souhaitable afin de confirmer l'absence d'évolutivité, et le
caractère simple et non communicant de la lésion.
Des explorations supplémentaires peuvent être nécessaires si la lésion est dépistée chez un sujet jeune, et /ou
si elle siège à la jonction corps queue du pancréas et la partie postérieure car il peut alors s’agir d’un
cystadénome mucineux (voir infra).
Un kyste unique, rond, à paroi fine, et à lumière liquidienne peut éventuellement être un cystadénome séreux
macrokystique uniloculaire. Sa paroi ne prend pas le contraste. D’autres critères différentiel avec les kystes
ronds uniques (le cystadénome mucineux et le pseudo-kyste) sont: en faveur du cystadénome séreux : 1) la
localisation dans la tête du pancréas ; 2) l'existence d'une lobulation de la paroi, cette lobulation évoquant les
microkystes du cystadénome séreux typique. (2) ; 3) une paroi fine ; 4) qui ne prend pas le contraste. Si parmi
ces quatre critères trois d'entre eux sont présents le diagnostic de cystadénome séreux est certain à 100 % si 2
d'entre eux sont présents la spécificité est 82% versus le cystadénome mucineux.
Une lésion kystique plus volumineuse, et/ou à paroi épaisse supérieure à 2 mm et/ou dont la paroi prend le
contraste, sans bourgeon tissulaire dans la lumière en TDM ou en IRM doit bénéficier d'explorations plus
poussées, le but étant d'écarter le diagnostic de cystadénome mucineux
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
Kyste : Echo, TDM, IRM + Wirsung, (écho-endoscopie, ponction)
IRM ++
unique
rond
paroi
Épaisse, prise de contraste
Fine, sans prise de
contraste
contenu
Taille
Homogène ou hétérogène, sans bourgeon
<1 cm
>1 cm
ponction
séreux
macrokystique
-
pseudokyste
- cystadénome mucineux
- t. endocrine kystique
L'aspect typique du cystadénome mucineux (3, 15) est celui d'une lésion uniloculaire, ronde, à paroi régulière,
sa paroi mesurant au maximum 5 mm d'épaisseur, sans épaississement pariétal localisé, sans bourgeon
endoluminal, avec une prise de contraste de la paroi. Le contenu du cystadénome mucineux bénin est
purement liquidien, sans nodule, sans bourgeon. Il peut exister des septa fins.
Le cystadénome mucineux est symptomatique dans la moitié des cas, et associé à une autre pathologie
pancréatique dans 13 % des cas.
C'est surtout la localisation du cystadénome mucineux qui est typique, développé à la jonction corps queue du
pancréas, à la partie postérieure du parenchyme, débordant le parenchyme vers l'arrière (99% des cas).
Le principal diagnostic différentiel est le pseudo-kyste dont le contour extérieur est le plus souvent rond, avec
des parois épaisses qui peuvent éventuellement prendre le contraste. Un antécédent de pancréatite, aigue et
ou chronique est le plus souvent présent. Les arguments morphologiques pour le pseudo-kyste sont: la
présence d'un contenu hétérogène, ne prenant pas le contraste, correspondant à la nécrose de la pancréatite
avec en IRM une sensibilité de 39% , une Spécificité de 74 % , une VPN de 54.% et une VPP de 61 % (10) . Son
contenu peut-être hémorragique avec un aspect spontanément hyperdense, et/ou un aspect hyperintense en
T1.
La recherche à l'imagerie de signes de pancréatite chronique comprend la mise en évidence de calcifications
sur un scanner sans injection de contraste, les dilatations irrégulières du canal de Wirsung et ou des canaux
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
secondaires qui seront mieux mises en évidence sur une IRM avec CPIRM. Le sexe masculin (le cystadénome
mucineux est observé presque exclusivement chez les femmes) et l'argument évolutif sont aussi très
informatifs. Ainsi l'analyse des documents antérieurs à la recherche d'une poussée de pancréatite en particulier
si la nécrose est au même endroit que l'image kystique actuelle, mais aussi l’existence d'une image kystique
ayant évolué, permet souvent de pouvoir affirmer le diagnostic de pseudo-kyste.
La tumeur endocrine kystique (environ 10% des tumeurs endocrines) est formée elle aussi d'une paroi épaisse
dont la particularité est de prendre le contraste à la phase artérielle le plus souvent. La lésion est de petite
taille, mesurant quelques centimètres, et sa lumière est liquidienne, mais irrégulière.
Lorsque le doute diagnostique persiste entre les lésions macrokystiques uniloculaires, la ponction du liquide
(en règle sous echoendoscopie) et son analyse biochimique permettent d'orienter le diagnostic en particulier
devant un taux d’ACE bas < 4 ng/ml le cystadénome mucineux est écarté, alors que ce diagnostic est probable
à 99% versus le pseudokyste si le taux est supérieur à 400 ng/ml (5).
Parmi les lésions kystiques à parois épaisses, les lésions ayant un contenu tissulaire sous forme de bourgeon
± volumineux ont une gamme diagnostique différente:
Kyste : Echo, TDM, IRM + Wirsung, (écho-endoscopie, ponction)
IRM ++
unique
rond
paroi
Épaisse, prise de
contraste
Fine, sans prise de
contraste
contenu
Taille
<1 cm
>1 cm
ponction
Homogène ou
hétérogène
Bourgeon solide
- cystadénoK
- t. solide et papillaire
- pseudokyste
séreux
macrokystique
-c. mucineux
-T endocrine kystisée
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
Le cystadénocarcinome mucineux est plus fréquemment symptomatique (50%). Les arguments d'imagerie sont
une taille de plus de 3 cm, la présence de bourgeon de plus de 1 centimètre (100%) et ou un épaississement
pariétal. Dix-sept à 30% des cystadénomes mucineux dégénerent (9, 15).
La tumeur solide et papillaire peut avoir une composante kystique prédominante, sa paroi est toujours très
épaisse mesurant plus de1 cm, avec une prise de contraste le plus souvent tardive. En effet cette paroi
correspond à une capsule fibreuse bien décrite et différenciée en anatomopathologie. Le terrain classique de la
femme jeune permet le plus souvent d'orienter le diagnostic.
3.2) Le deuxième grande groupe diagnostique de lésions kystiques est composé de lésions dont les CONTOURS
EXTERIEURS SONT POLYLOBES, cet aspect étant du à la coalescence de plusieurs kystes. Deux diagnostics
dominent très nettement, les cystadénomes séreux, et la TIPMP des canaux secondaires.
Kyste : Echo, TDM, IRM + Wirsung, (écho-endoscopie, ponction)
IRM ++ : unique
unique
polylobé
rond
paroi
Fine, sans prise de
contraste
Épaisse, prise de
contraste
- cystadénome séreux
- TIPMP canal secondaire
contenu
Taille
Bourgeon solide
<1 cm
>1 cm
ponction
séreux
macrokystique
Homogène ou hétérogène
- pseudokyste
- c. mucineux,
- t.endocrine kystique
- cystadénoK
- t. solide et papillaire
La TIPMP des canaux secondaires (cf supra) est rarement localisée à un seul groupe de canaux. Lorsque
l’aspect est celui d'un bouquet de canaux secondaires uniloculaire sans autre atteinte des canaux secondaires
et sans atteinte du canal principal, le diagnostic différentiel avec les cystadénomes séreux peut être difficile. La
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
recherche de la communication d'une des structures kystiques avec le canal de Wirsung est importante au plan
diagnostique : si une des formations kystiques est canalaire, c’est un argument fort pour la TIPMP (7).
Le cystadénome séreux dans sa forme macrokystique multiloculaire est formé de plus de 6 kystes mesurant
plus de deux centimètres par définition. La paroi des kystes est fine et prend le contraste à la phase artérielle et
ou veineuse favorisant la mise en évidence des microkystes (« rayons de miel ») dans les portions pseudo
solides. L'écho-endoscopie est l'examen le plus sensible pour dépister ces microkystes (1).
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FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
CONDUITE A TENIR DEVANT UNE TUMEUR KYSTIQUE DU PANCREAS
DE DECOUVERTE FORTUITE
M. BARTHET, J.-M. GONZALEZ
Hôpital Nord, Marseille
Service de Gastroentérologie
Hôpital Nord, Chemin des Bourrely,
13915 Marseille cedex 20
Tel : 04 91 96 87 37
Fax : 04 91 96 13 11
e-mail : [email protected]
Introduction
Les lésions pancréatiques kystiques sont découvertes de plus en plus fréquemment sur un mode fortuit en
raison d’une part de l’amélioration des performances de l’imagerie pancréatique (échographie, scanner
multibarette, IRM) et de l’amélioration des connaissances sur les caractéristiques de ces lésions. Globalement
la prévalence dans la population générale a été estimée à 1% (1,2). Une série Japonaise a identifié une tumeur
kystique potentiellement maligne toutes les 5000 échographies (1). D’autres séries récentes ont montré une
prévalence en IRM de 2,4 % et au scanner de 14% (3,4). Les tumeurs kystiques pancréatiques sont découvertes
de façon fortuite dans plus de 10 % des cas de même que les TIPMP (tumeur intrapancréatique mucineuse et
papillaire) (5). La fréquence des TIPMP au sein des tumeurs kystiques pancréatiques est désormais proche de la
moitié des cas (2,6). Les tumeurs kystiques malignes sont plus souvent symptomatiques et donc la probabilité
de bénignité pour une tumeur kystique de découverte fortuite est importante (5,7). La fréquence de
découverte fortuite de ces tumeurs kystiques augmente en France et aux USA avec un taux de 8,8% dans les
années 80 et de 11,9% dans les années 90 (7).
Diagnostic
L’approche diagnostique doit d’abord confirmer le diagnostic positif de tumeur kystique, évaluer le caractère
malin ou potentiellement malin de ces lésions, et enfin définir le diagnostic histologique probable quand cela
est possible. Le clinicien dispose de 3 examens complémentaires clefs, en plus de l’échographie : le scanner
multidétecteur, la pancréato-IRM et l’échoendoscopie avec ou sans ponction (cytologie, marqueurs). La
combinaison de ces trois techniques, avec l’évaluation clinique du patient, est indispensable pour toute
approche diagnostique de tumeur kystique pancréatique (2,6-9). Le risque de dégénérescence immédiate ou
potentielle des lésions kystiques pancréatiques justifie l’importance de ce bilan complet et systématique
même s’il n’y a généralement aucune urgence à le réaliser (2).
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
Les paramètres à évaluer systématiquement sont : la taille de la lésion, sa localisation, son caractère unique ou
multiple, l’existence de cloisons, la taille des kystes quand ils sont multiples (plus petit et plus gros kyste),
l’existence de calcification centrale ou périphérique, l’existence de végétations endokystiques, l’état du
parenchyme pancréatique avoisinant et dans le reste de la glande, l’état du canal pancréatique (dilaté ou non,
communiquant ou non avec le kyste) (2,6,8). Tous ces éléments concourent au diagnostic positif de tumeur
kystique, au diagnostic différentiel et au diagnostic de malignité. L’échographie permet le plus souvent
d’apprécier la taille et la localisation précise de la lésion, son caractère unique ou non , l’état du parenchyme
avoisinant et la taille du wirsung . Elle apprécie également au mieux sa nature liquidienne par la nature
hypoéchogène et le renforcement postérieur de la transmission des ultrasons. Le scanner multidétecteur
permet de bien définir la localisation anatomique de la lésion, ses rapports anatomiques, l’existence d’un
rehaussement vasculaire. Ainsi, une étude Française récente a montré une spécificité de 100 % quand trois
critères radiologiques (lobulation, localisation céphalique, absence de rehaussement vasculaire) étaient
présents pour le diagnostic de cystadénome séreux (10). La pancréato-IRM permet, le plus souvent, de définir
les rapports canalaires (communication ou non) et la diffusion des lésions kystiques dans la glande
pancréatique et revêt donc un intérêt tout particulier dans le diagnostic des TIPMP (2,3,6). L’échoendoscopie
permet de définir au mieux l’état du parenchyme avoisinant, la présence de microkystes, l’état des parois du
kyste ainsi que la présence de végétations endokystiques (2,6,11). Elle permet de plus, la réalisation de
ponction pour obtenir une cytologie et le dosage de marqueurs. (ACE, CA19-9, amylase ou lipase, voire de
marqueurs génétiques)
Le diagnostic positif de tumeur kystique n’est pas toujours aisé. Le premier diagnostic différentiel est celui de
pseudokyste pancréatique (12). Il est donc essentiel de connaître le contexte clinique (alcool, antécédent de
pancréatite, traumatisme abdominal) et de vérifier la normalité du parenchyme pancréatique périlésionnel. Ce
paramètre est obtenu au mieux par l’échoendoscopie. De nombreux faux positifs de cystadénocarcinome
pancréatique ou de TIPMP dégénérée ont été portés sur des pseudokystes nécrotiques mais ce diagnostic
erroné semble diminuer au cours de ces dernières années (7,12). Le diagnostic différentiel entre kyste par
rétention sur pancréatite chronique et cystadénome mucineux uniloculaire ne va souvent reposer que sur
l’existence ou non de modifications diffuses du parenchyme pancréatique adjacent. L’autre diagnostic
différentiel est celui de tumeur endocrine kystique pancréatique qui représente environ 2% des tumeurs
kystiques pancréatiques (2,9,12). Il s’agit souvent de lésions de plus petite taille avec une paroi plus ou moins
épaisse ou un contingent solide. Ces tumeurs ne sont pas sécrétantes plus d’une fois sur deux et le diagnostic
peut être délicat. Le rehaussement périphérique intense au temps artériel est un élément évocateur.
La malignité d’une lésion kystique du pancréas est d’abord recherchée par le caractère invasif de la lésion
kystique dans le parenchyme pancréatique avoisinant, particulièrement en cas de contingent solide associé.
L’existence de parois épaisses et irrégulières, de végétations intrakystiques, de calcifications arciformes
périphériques sont des paramètres prédictifs de malignité (2,8,9,12-14). L’examen qui permet la meilleure
évaluation de la malignité est sans conteste l’échoendoscopie avec essentiellement des critères
morphologiques que sont l’épaississement de parois ou l’existence de nodules muraux (2,6,13-16). La ponction
sous échoendoscopie permet : le dosage de marqueurs tumoraux et un prélevement cytologique en
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
« grattant » la paroi avec le bout de l’aiguille ou en prélevant une végétation (2,8,11). Cet examen cytologique
est souvent difficile à interpréter et requiert un anatomopathologiste expérimenté. Le prélevement obtenu
doit être conditionné en technique conventionnelle sur lames et en milieu liquide selon la technique
d’étalement monocouche. Dans une analyse de 12 séries de dosage de marqueurs tumoraux intrakystiques, le
seuil de 250 UI/L semblait séparer les cystadénomes séreux et cystadénomes mucineux des
cysadénocarcinomes et TIPMP dégénérées avec une bonne fiabilité diagnostique (17).
Classification
Les données d’imagerie recueillies permettent de classer les lésions en fonction de leur caractère
communiquant (TIPMP), de leur caractère micro et/ou macrokystique (des kystes <= 2 mm sont évocateurs de
cystadénome séreux), cloisonné (cystadénome mucineux). Les lésions sont aussi classées selon le risque de
malignité (2) :
-TIPMP atteignant le canal principal : Le risque rapporté de malignité est élevé, fluctuant entre 57 et
92% (2,6). Il justifie donc une résection chirurgicale systématique. Il existe plusieurs types histologiques avec
un risque de dysplasie différent, par ordre croissant : gastrique, intestinal, pancreato-biliaire, oncocytique (2,6).
La séquence adénome –carcinome est bien établie avec tous les stades possibles depuis la dysplasie au
carcinome invasif en passant par le carcinome in situ. Le mode de métaplasie prévalent est la métaplasie
intestinale, ceci expliquant le risque élevé de dégénérescence mais les trois autres types sont possibles (6). Le
cancer invasif peut être de type tubulaire ou colloïde muqueux (2,6). Les facteurs de risque de dégénéréscence
établis sont l’existence d’un amaigrissement, d’un ictère, de nodules intramuraux d’une dilatation progressive
du canal pancréatique (2,6). Toutefois, l’ictère et l’amaigrisssement ne sont pas toujours synonymes de cancer,
l’un pouvant être secondaire à la viscosité du mucus sécrété, l’autre à une insuffisance pancréatique exocrine.
Le diagnostic de TIPMP du canal pancréatique est établi devant un tableau de pancréatite aiguë récurrente ou
par découverte fortuite dans plus de la moitié des cas. Les lésions dégénérées sont plus souvent
symptomatiques (18). Le sex ratio est pratiquement identique. Il y a trois types de lésions : atteinte isolée du
canal pancréatique principal, atteinte isolée de canal secondaire et le type mixte. Le type mixte et l’atteinte
isolée du canal principal partage le même risque de dégénérescence. Sur le plan de l’imagerie, la combinaison
des 3 techniques est essentielle à la phase du diagnostic initial : le scanner multibarette injecté (très précis pour
l’imagerie du parenchyme), l’IRM (en particulier l’IRM de diffusion), et l’échoendoscopie. L’IRM apporte un
élément fondamental avec la mise en évidence d’une communication canalaire pour l’atteinte des branches
secondaires ou l’établissement d’une cartographie canalaire précise. La communication canalaire ou l’atteinte
du canal principal sont effet caractéristiques d’une TIMP (2,4,6). L’échoendoscopie est l’examen qui est le plus
sensible pour rechercher un épaississement de paroi ou l’existence de nodules muraux de plus de 4 mm qui
doivent faire envisager un carcinome invasif et guider vers une résection chirurgicale rapide (2,6,8,14). En cas
de ponction, la cellularité est faible mais l’analyse biochimique montre une amylase élevée (>5000UI/l) et un
ACE >192 ng/L, évocateur d’une lésion mucineuse (2,8).
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
Le problème en cas de diagnostic d’une TIPMP du canal principal est d’évaluer son extension le long des canaux
pancréatiques afin de déterminer l’étendue de la résection pancréatique. L’endoscopie intracanalaire avec
biopsies ou l’échographie par minisonde intracanalaire pourraient préciser au mieix cette étendue mais leur
évaluation est encore incomplète et ils supposent un geste endoscopique intrapancréatique, qui n’est pas sans
risque (2). L’examen extemporaée de la tranche de section reste indispensable.
-TIPMP atteignant exclusivement des canaux secondaires : Elle est associée à un risque moyen
proche de 10-15 %, en tout cas < à 20 % justifiant une discussion médico-chirurgicale (2,6). Le caractère
communiquant d’une lésion kystique pancréatique signe son appartenance à une TIPMP, soulignant le rôle
essentiel de l’IRM (4). Le problème sera alors de vérifier l’absence de signes prédictifs de malignité (taille> 3
cm, végétations, irrégularités de paroi de plus de 5mm) et d’atteinte du canal pancréatique principal (2,13). Le
rôle de la taille de la formation kystique a été récemment discuté, certains estimant que celle-ci n’intervient
que dans l’indication d’un programme de surveillance plus étroit (2). Pour le diagnostic de malignité, un ACE
supérieur à 200 UI/l a une sensibilité de 90 % mais une valeur prédictive positive de 50 % seulement (19).
L’existence d’un de ces signes doit conduire à une chirurgie de résection selon la conférence internationale de
consensus de Sendai mais l’étendue est parfois difficile à définir en cas de TIPMP diffuse (20). Le rôle et
l’efficacité du suivi est discuté plus loin.
-Cystadénome mucineux : le risque de cancer est élevé > 20 % justifiant une résection chirurgicale de
principe, en fonction du contexte clinique (2, 21). Néammoins, une série récente a retrouvé un risque plus
faible, évalué à 17,5% (dont 5,5% de carcinome in situ) (22). Cette constation pourrait remettre en question le
dogme de la résection chirurgicale et proposer à l’avenir une surveillance pour les petites lésions de moins de 2
cm ; cette attitude n’est cependant pas validée. Le cystadénome mucineux est plus souvent retrouvé chez la
femme (sex ratio = 20/1), avec un âge moyen entre 40 et 50 ans et dans la région corporéocaudale (>75%) (21).
Il peut être unique ou multicloisonné, macrokystique dans 80 % ou multiloculaire dans 20 % des cas mais
comporte de façon très évocatrice un rehaussement vasculaire des parois que n’a pas le cystadénome séreux
(2,8-10). Lorsqu’il est uniloculaire, il est très difficile de le différencier d’un cystadénome séreux et le recours à
la ponction est justifié (2,8,11). L’échoendoscopie est performante pour le diagnostic en mettant en évidence
des septas ou cloisons périphériques caractéristiques (2,11). La combinaison de la cytologie et d’un ACE>192
ng/ml est en faveur d’une origine mucineuse de la lésion. La présence d’une calcification pariétale sur le
scanner ou d’épaississement de paroi ou de végétation au cours de l’échoendoscopie sont associés à un risque
de dégénérescence (8,9, 21) .
-Tumeur pseudo-papillaire et solide : la malignité est limitée mais le risque local +/- métastatique
justifie une résection chirurgicale. La tumeur pseudo-papillaire et solide est une tumeur rare (<5%) pouvant
prendre les caractéristiques d’une tumeur endocrine quand elle est de petite taille ou un aspect mixte de
tumeur solide et kystique avec au maximum un aspect un rayon de miel (2). Elle peut être affectée par des
remaniements nécrotiques et hémorragiques quand elle est volumineuse. Elle effecte la jeune femme
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
essentiellement dans 90 % des cas et présente une malignité « limite » (2,13). Le diagnostic différentiel est la
tumeur endocrine pancréatique qui prend une forme pseudokystique dans 10 % des cas (2).
-Cystadénome séreux : il ne présente pas de risque de dégénérescence (association exceptionnelle à
un cystadénocarcinome) et donc ne justifie pas une résection (2,12). Le seul risque évolutif est l’apparition
d’une compression d’un organe de voisinage quand il est volumineux. Le cystadénome séreux est typique
quand il comprend de nombreux microkystes <= 2 mm réalisant parfois un aspect dit feuilleté en
échoendoscopie (10,11). Ces petits kystes s’associent souvent à des macrokystes de taille variable. Leur paroi
est fine sans rehaussement vasculaire au scanner. Il existe dans moins de 30% des cas une calcification centrale
qui est pathognomonique (9). Le diagnostic différentiel avce le cystadénome mucineux est difficile en cas de
macrokyste unique qui représente environ 10 % des cystadénomes séreux. La ponction peut alors être utile. La
cellularité des cystadénome séreux est souvent faible (25%), meilleure dans les cystadénomes mucineux (3075%) (7). Une amylase normale, un ACE et un CA19-9 bas sont caractéristiques d’un cystadénome séreux
(2,11). L’élévation du CA 19.9 peut se rencontrer dans un cystadénome séreux ou dans un pseudokyste
pancréatique. Toutefois, une élévation à un seuil > 50 000 UI/ml est évocatrice de cystadénome mucineux
(7,11). Finalement le meilleur marqueur est le taux d’ACE < 5 UI/L (17). Le clinicien ne doit pas perdre de vue
que la morbidité de la ponction de lésion kystique du pancréas n’est pas nulle (1-4%), principalement
infectieuse, justifiant une antibioprophylaxie systématique (7,11). Le CA 72-4 n’a pas d’intérêt réel en raison de
zones de chevauchement trop importantes.
Prise en charge après diagnostic
Le cystadénome séreux ne nécessite pas de surveillance particulière si le diagnostic initial est certain. Une
échographie de surveillance ou un scanner sont conseillés à un an car ces lésions peuvent augmenter de taille
et devenir compressives sur un organe de voisinage (2,13), en particulier les cystadénomes séreux de plus de 4
cm (2).
Le cystadénome mucineux comme la tumeur pseudo-papillaire et solide constituent une indication de résection
pancréatique de principe (2,7,12).
L’attitude devant une TIPMP reste controversée. Une atteinte du canal pancréatique principal se traduisant par
une tumeur endocanalaire ou une dilatation > 7 mm doit conduire à proposer une résection pancréatique
(2,13,14). L’étendue de la résection est alors évaluée par le bilan pré-opératoire impliquant une éventuelle
pancréatoscopie ou une minisonde intracanalaire et surtout par l’étude de la tranche de section en peropératoire (2,7,14). L’atteinte isolée d’une ou plusieurs branches secondaires peut être surveillée par imagerie
chez un patient asymptomatique à condition que la lésion principale mesure moins de 30 mm et qu’il n’y ait
pas de végétations internes (14,15,20). Dans tous les cas, le risque de la résection pancréatique, compte tenu
de l’âge et de son étendue doivent être comparés au risque d’évolution spontané de la TIPMP. Une résection
segmentaire ou une énucléation peuvent être envisagées en cas d’atteinte localisée. En cas de surveillance les
modalités et la fréquence commencent à être mieux établies dans la littérature (23-25). La surveillance d’une
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
TIPMP des canaux secondaires sans critère suspect est possible avec un taux de modification conduisant à une
chirurgie d’exérèse de 5,6 % à 8 % avec une surveillance moyenne de 30 mois (24,25). Parmi les patients ayant
présenté des modifications canalaires et opérés, aucun stade avancé de carcinome ou d’histologie de mauvais
pronostic n’a été mis en évidence. L’examen le plus précis étant l’échoendoscopie, celle-ci peut être proposée
tous les ans chez un sujet jeune et chez un sujet plus âgé, une échographie ou un scanner peuvent suffire. On
peut aussi proposer d’alterner à 6 mois d’intervalle une échoendoscopie annuelle et un scanner, la première
année puis d’élargir l’intervalle de surveillance à tous les deux ans en l’absence d’évolution significative. La
solution la plus simple serait sans doute de réaliser une échoendoscopie et une IRM en alternance chaque
année. Une étude Japonaise a remis récemment en question ces schémas de surveillance (25). Ces auteurs ont
surveillé 197 patients pendant 3,8 ans en moyenne (80 TIPMP et 117 non TIPMP). 7 patients ont présenté un
cancer survenu dans cette période : 5 adénocarcinomes infiltrants (dont 3 au contact de lésions dites PanIn,
c'est-à-dire de métaplasie canalaire à des stades variées de dysplasie) et 2 TIPMP microinvasives. La
proposition des auteurs était radicale : la résection de toute lésion kystique pancréatique…Cette étude est bien
sûr contestable mais elle prouve qu’il est nécessaire de bien identifier le type de tumeur kystique au stade
initial et d’avoir une politique de surveillance rigoureuse.
Conclusion
La découverte fortuite de tumeurs kystiques est de plus en plus fréquente compte tenu des progrès de
l’imagerie. La seule préoccupation du clinicien doit être de classer ces lésions en lésion à potentiel malin ou
sans potentiel malin. Parmi les lésions à potentiel malin, un risque de dénérescence > 20 % justifie une
résection chirurgicale d’emblée (TIPMP canal principal, cystadénome mucineux, tumeur pseudo-papillaire et
solide). Dans les autres cas (TIPMP de canal secondaire), la décision est prise en fonction des critères
internationaux établis en 2006, même si les modalités de la surveillance en cas d’abstention ne sont pas
parfaitement définies.
Références
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FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
TRAITEMENT CHIRURGICAL DES TUMEURS KYSTIQUES PANCREATIQUES DE
DECOUVERTE FORTUITE
A. SAUVANET
Service de Chirurgie Hépatique et Pancréatique
Hôpital Beaujon
100 BLD DU GENERAL LECLERC
92118 Clichy cedex
Tél: 01 40 87 52 64
Email: [email protected]
1) Introduction
La chirurgie des tumeurs kystiques de découverte fortuite a pour but de traiter, le plus souvent
préventivement, le risque de dégénérescence. S‘adressant à des patients asymptomatiques, elle doit réunir des
indications fiables, un risque immédiat minimal – idéalement nul – et un faible risque de séquelles
fonctionnelles ou pariétales.
La chirurgie ne doit être indiquée qu’après une concertation médico-chirurgicale s’appuyant sur des
explorations complètes et fiables. Le recours à l’échoendoscopie et à la ponction à visée cytologique et pour
analyse biochimique du liquide intra-kystique doit être large (1,2). En effet, la place de la chirurgie à visée
diagnostique doit être réduite au minimum en raison de la morbi-mortalité de la chirurgie pancréatique, de la
nécessité de réaliser une exérèse radicale (et non limitée ou conservatrice) pour les lésions devenues déjà
malignes, et du caractère parfois difficile de l’examen histologique extemporanée dont la fiabilité pour
caractériser la lésion est encore mal établie.
2) Indications
Le cystadénome séreux de découverte fortuite n’est pas une indication en raison de sa bénignité et de son
caractère faiblement évolutif (3). Le cystadénome séreux uniloculaire (macrokystique) constitue un piège
diagnostique à éviter.
Le cystadénome mucineux (4), les tumeurs endocrines kystiques (5), les tumeurs pseudopapillaires et solides
(TPPS) (6) et les TIPMP intéressant le canal pancréatique principal (7) constituent des indications opératoires
systématiques, sauf sur un terrain défavorable.
L’indication est plus nuancée en cas de TIPMP limitée aux canaux secondaires : elle dépend du risque de
dégénérescence (lui-même fonction de la taille de la ou des lésions kystiques et de la présence de nodules
pariétaux > 3 ou 5 mm selon les auteurs), de l’étendue des lésions au sein de la glande pancréatique
(l’indication est plus difficile à porter en cas de forme diffuse), et du terrain (8).
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
3) Le type d’exérèse est fonction du diagnostic supposé
En cas de forme maligne surtout si elle est potentiellement invasive, une pancréatectomie « réglée »
(duodénopancréatectomie céphalique ou pancréatectomie gauche) est indiquée afin d’obtenir une résection
R0 et une lymphadénectomie suffisante.
•
Pour les TIPMP avec atteinte du canal principal, un examen histologique extemporané doit aider à
réséquer les zones tumorales mais aussi préserver les zones non tumorales siège d’une dilatation
« passive » qui peuvent siéger en amont mais aussi en aval de la zone tumorale (9).
•
Pour les TIPMP C2 avec suspicion de dégénérescence, il est possible de « tolérer » la présence de
dysplasie légère sur la tranche pancréatique.
•
Ces « seuils histologiques » devant faire poursuivre l’exérèse en cas de tranche pancréatique
pathologique (présence de dysplasie légère sur le canal principal ou de dysplasie modérée sur les
canaux secondaires) doivent être pondérés par l’espérance de vie du patient (on peut être plus
tolérant chez un patient âgé), le terrain (une éventuelle réintervention est-elle possible), la coexistence d’une forme invasive (de plus mauvais pronostic) sur la portion de pancréas déjà réséquée,
et très rarement le souhait du patient (s’il a exprimé un désaccord avec la possibilité d’une
pancréatectomie totale). Ainsi, chez un patient jeune opéré d’une forme non invasive, l’obtention
d’une tranche pancréatique saine diminuer le risque de récidive sur le pancréas restant (8,10)
•
Les cystadénomes mucineux avec un bourgeon solide intra-kystique (4), et les TPPS (6) sont
potentiellement des tumeurs invasives (risque d’invasion de la capsule ou d’extension ganglionnaire)
et justifient donc une pancréatectomie réglée.
•
Les tumeurs endocrines associées à des adénopathies en imagerie ou dont le diamètre tumoral est > 2
cm de diamètre (alors associé à un risque de carcinome N+ de plus de 10%) (5,11) justifient en théorie
une pancréatectomie réglée.
•
En cas de localisation sur le pancréas gauche, une pancréatectomie gauche avec curage est possible en
conservant la rate mais en réséquant les vaisseaux spléniques , ce qui assure une lymphadénectomie
de la chaine splénique ; dans ce cas , la rate est perfusée par les vaisseaux courts gastro-spléniques,
l’arcade gastro-épiploïque le long de la grande courbure et les vaisseaux du hile de la rate. Cependant,
une localisation tumorale caudale peut obliger à réséquer la rate afin d’effectuer un curage du hile
splénique (12). La PG ou la SPG peuvent être effectuées sous coelioscopie, afin de diminuer la durée
de séjour et la morbidité pariétale ; en revanche, la morbidité abdominale (en particulier le risque de
fistule pancréatique) n’est pas diminuée par l’abord coelioscopique, qui pourrait même augmenter le
risque de réadmissions (13).
Une pancréatectomie limitée (énucléation, ou pancréatectomie médiane en cas de lésion médio-pancréatique)
est indiquée en cas de lésion bénigne.
•
Il peut s’agir d’un cystadénome mucineux sans bourgeon endokystique (4), d’une tumeur endocrine
de moins de 2 cm et sans suspicion d’adénopathie métastatique (11, rim=14), ou d’une TIPMP de type
C2 mais dont les caractéristiques restent rassurantes (par exemple, taille proche de 3 cm mais absence
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
d’anomalie murale) (15). Idéalement, il faut pouvoir disposer d’un examen extemporané qui confirme
la nature bénigne de la lésion.
•
Rarement, une TIPMP C1 est accessible à une pancréatectomie médiane sous couvert d’un examen
histologique extemporané des 2 tranches de section (15).
Une lésion bénigne non énucléable (car au contact du canal de Wirsung) peut justifier une pancréatectomie
réglée, uniquement pour des raisons techniques. Dans ce cas, pour une localisation caudale, une exérèse
limitée à la queue du pancréas diminue probablement le risque de diabète à distance, cependant au prix d’une
augmentation du risque de fistule.
Pour les lésions plus rares, l’exérèse à proposer ne peut être codifiée que si le diagnostic de sa nature est fait
en préopératoire.
4) Résultats de la chirurgie
A l’exception de quelques séries nord-américaines (16), la mortalité de la DPC ne « descend » pas en dessous
de 2%. Même si les DPC pour tumeur kystique ont une mortalité inférieure à celle de la DPC pour
adénocarcinome, il faut plutôt retenir une mortalité de l’ordre de 2 à 4% (17). La DPC reste associée à une
morbidité importante, de l’ordre de 50%, principalement faite de gastroplégie et de fistules pancréatique et de
ses complications (collection, hémorragie) (17).
La pancréatectomie gauche est associée à une mortalité plus faible comprise entre 1% (18) et 3% (19) avec une
morbidité globale de l’ordre de 30 à 40%.
Les pancréatectomies limitées, malgré la faible quantité de parenchyme pancréatique et de viscères réséqués
sont associées à une mortalité plus faible mais non nulle (14). Quelque soit l’intervention, une mortalité de
l’ordre de 1% est réaliste et doit être intégrée à la discussion (20,21). La morbidité de ces interventions limitées
est également marquée par un taux important de fistule pancréatique, en particulier après pancréatectomie
médiane (qui crée 2 tranches et donc 2 sources de fistule pancréatique) (22) ou après énucléation surtout
lorsque la lésion est à proximité du canal de Wirsung (23).
Les différences entre les interventions deviennent plus nettes concernant les résultats fonctionnels à distance.
La DPC entraîne un diabète de novo dans 5 à 10% des cas, contre 10 à 15% après PG, 4% après
pancréatectomie médiane et 2% après énucléation (24). Il est probable que les taux réels de diabète après DPC
et PG sont majorés lorsque le recul après l’intervention s’allonge car il atteint 20% après les 2 interventions
lorsqu’elles sont faites pour lésion bénigne (25).
Enfin, les prévalences de l’insuffisance exocrine et des troubles digestifs (diarrhée motrice) est respectivement
de 50% (24) et 10% après DPC (26) alors qu’elles peuvent être considérées comme négligeables après les autres
types d’exérèse.
FCC 17 - Conduite à tenir devant une tumeur kystique du pancréas de découverte fortuite
Ces résultats fonctionnels à distance doivent être mis en balance avec la survie observée après exérèse de ces
lésions :
La survie spécifique à 10 ans est de 100 % après exérèse de tumeurs endocrines bénignes (27) et de
cystadénomes mucineux bénins (4). Elle est d’environ 90% à 10 ans après exérèse de TIPMP bénignes (7, 8,10),
de tumeurs endocrines de pronostic incertain (27), de tumeurs solides et pseudopapillaires (6).
Les TIPMP malignes sont de bon pronostic lorsqu’elles sont N- (environ 70% de survie à 5 ans) mais leur
pronostic rejoint globalement celui des adénocarcinomes classiques dans les formes plus évoluées (7,8).
5) Conclusions
La chirurgie des tumeurs pancréatiques kystiques de diagnostic fortuit nécessite un diagnostic préalable précis
(pour éviter une intervention inutile et proposer une pancréatectomie limitée quand elle est possible).
La chirurgie n’est pas indiquée en cas de TIPMP C2 asymptomatique et ayant des caractéristiques
morphologiques rassurantes. Les modalités de la surveillance sont encore imparfaitement définies
Quelque soit l’intervention, il existe un risque de morbi-mortalité non négligeable. La valeur carcinologique et
le résultat fonctionnel de l’intervention sont fonction de son étendue, ce qui souligne l’intérêt de n’opérer
qu’après un bilan complet et précis ayant caractérisé la lésion.
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