Evariste Zafimehy centre ophtalmologique
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Evariste Zafimehy centre ophtalmologique
spécial page 1 Anjou-Madagascar • Nº 16 • Septembre 2014 Mission médicale au centre ophtalmologique d’Antsirabe Ezco (Evariste Zafimehy centre ophtalmologique) Dépistage et soins à Manandona, via l’association Anjou-Madagascar est au cours de leurs études C’ d’ophtalmologie au CHU de Tours, dans les années 70, que mon mari, le docteur Francis Debiès, alors jeune médecin poitevin, et le docteur Evariste Zafimehy, lui-même jeune médecin malgache, se rencontrent et sympathisent. En janvier 2014, après 40 années consacrées à l’ophtalmologie, le docteur Debiès prend sa retraite et décide de mettre, au service d’une œuvre humanitaire, son temps et ses compétences. C’est en examinant sur un site d’ophtalmologie les différentes associations liées à sa spécialité opérant en Afrique ou en Asie qu’il découvre l’existence, à Madagascar, du centre Ezco. Il apprend que le Docteur Zafimehy est, malheureusement, décédé mais que sa femme, Albine, a courageusement repris le flambeau et mené à bien leur projet commun, la création, à Antsirabe, d’un Centre d’ophtalmologie médical et chirurgical, fonctionnant avec un ophtalmologiste malgache à mi-temps et des chirurgiens français bénévoles, accueillis pour des missions de 2 ou 3 semaines. Après avoir donné au Centre Ezco son matériel médical qui sera acheminé quelques mois plus tard jusqu’à Antsirabe, le docteur Debiès s’engage pour une mission de 3 semaines, avec pour tâches essentielles, outre les consultations médicales, la remise en service du bloc opératoire et, surtout, la formation d’une jeune femme médecin malgache, le docteur Lanto, susceptible de succéder au Professeur Zakotomanjara, encore en poste, malgré ses 89 ans ! Après quelques formalités inattendues, comme la remise, au Conseil de l’Ordre malgache, de la photocopie des diplômes originaux de médecine, qui dormaient dans les archives du CHU de Tours depuis 1976, nous partons, pour Tananarive, le 25 mars et arrivons à Antsirabe le 26. Ce trajet de 160 km, parcouru en 4 ou 5 heures, dans la Peugeot 505 d’« Angelo » qui affiche plus de 500 000 km au compteur, est déjà, à lui seul, une découverte de Madagascar : c’est la Nationale 7 où les taxis-brousse oscillent de droite à gauche et de gauche à droite au gré des « baignoires à autruches » creusées dans le bitume, où se croisent les troupeaux de zébus, les pousse-pousse, les charrettes surchargées tirées par des hommes, les cyclistes cachés sous les volumineux sacs de riz qu’ils acheminent, et ces enfants aux pieds nus qui marchent et marchent sur la route… À l’arrivée au centre Ezco, Madame Zafimehy rassemble tout son monde pour nous souhaiter la bienvenue. L’accueil est très chaleureux et, après les quartiers que nous venons de traverser, le centre, à l’architecture harmonieuse déployée autour du buste du Docteur Evariste Zafimehy, nous offre une vision de paix, de confort et de sérénité. La colonne vertébrale du centre Ezco, c’est Madame Albine Zafimehy. Qu’elle me pardonne ce portrait qu’elle jugera « hagiographique » mais qui est fidèle à la réalité : Madame Zafimehy est une Sage parmi les Sages, une « Souveraine » dont l’autorité, toujours bienveillante, n’a d’égal que l’intelligente bon- Les patients attendent devant la salle des fêtes de Manandona té, et je tiens, ici, à lui rendre hommage. L’arrivée d’un « docteur vazaha », au centre Ezco, fait vite le tour d’Antsirabe et les patients affluent, dès notre arrivée. Nous alternons, alors, les dépistages, dans les villages alentour – effectués, parfois, par Madame Zafimehy et moi-même – et les consultations, sur place, assurées par les docteurs Debiès et Lanto. C’est le mardi 8 avril et l’équipe au grand complet que nous nous rendons à Manandona. Nous visitons, d’abord, un premier village accessible par un chemin étroit au milieu des rizières ; Madame Zafimehy, le docteur Debiès, le docteur Lanto et moi-même, en file indienne, les bras chargés de sacs de lunettes classées par puissance, nous traversons un marché coloré et bruyant, où s’échangent des poulets, des poissons séchés, des plantes médicinales, des paniers et des chapeaux, dans un brouhaha qui mêlent les sollicitations des vendeurs, les caquètements des gallinacées et la sono à fond des marchands de musique. Nous examinons, dans la salle de la mairie, les personnes (suite page spéciale 2) spécial page 2 Anjou-Madagascar • Nº 16 • Septembre 2014 Philibert et Albine (suite de la page spéciale 1) âgées, certaines déjà malvoyantes car n’ayant jamais consulté, malgré la progression de leur handicap, tandis que d’autres repartent, la vie changée, avec leurs lunettes. Puis nous filons au cœur du village de Manandona, où Madame Vola, la cuisinière du gîte utilisé par l’association Anjou-Madagascar, nous a improvisé un déjeuner reconstituant et bienvenu quand on découvre, devant la salle des fêtes où nous devons intervenir, la foule des patients de tous âges qui nous attendent, leur carnet de santé à la main, avec l’espoir d’une consultation. Difficile d’organiser des examens sérieux dans cet espace bruyant et peu adapté. Le maire, Monsieur Philibert Randrianaivo, toujours très attentionné à l’égard de ses administrés, nous propose de migrer dans des locaux de la mairie. Nous y installons 2 salles, l’une pour un premier dépistage, l’autre pour les consultations approfondies. Nous verrons plus de 60 personnes, cet après-midi-là, sélectionnées sur le critère de l’âge, à savoir les plus de 50 ans, atteints, pour la plupart, de presbytie, pour certains de cataracte, d’ulcères herpétiques et autres pathologies, nécessitant une nouvelle visite, le lendemain, au centre Ezco. Nous n’oublierons jamais la joie de ceux qui sont repartis avec, bien souvent, leurs premières lunettes qu’ils chausseront, de retour chez eux, pour lire la Bible – leur priorité. Avant de repartir pour Antsirabe, Madame Vola nous invite à partager l’excellent dîner qu’elle a préparé, avec Bruno, un bénévole venu reconstruire l’école de Mahasoa. Ce soir-là, sur le trajet qu’il parcourt en moto entre son chantier et la salle à manger de Madame Vola, il a été surpris par une nuée de criquets qui s’abattront, le lendemain, sur Antsirabe. Ce sont les surprises que réserve Madagascar… Notre mission s’est achevée le 16 avril, sur le sentiment d’avoir accompli une tâche intense, indispensable, au regard des besoins et du désert médical que nous avons trouvés. C’est aussi un sentiment d’inachèvement, d’abandon, devant le travail qui reste à faire. Heureusement, Madagascar est un aimant qui ne lâche pas ceux qui ont eu la chance de rencontrer le peuple malgache, toujours souriant, malgré le dénuement, toujours respectueux et reconnaissant, la chance d’avoir échanger avec des personnalités hors du commun qu’on ne peut envisager de ne plus revoir. Nous reviendrons sûrement à Madagascar. Marie-Hélène Debiès Transport des sacs de lunettes à travers les rizières. Crédit photos : Marie-Hélène Debiès Crédit illustration : http://www.artshare.ru