newsletter23 final

Transcription

newsletter23 final
Association Karya
57, Route de la Plaine
74 300 THYEZ
09.60.44.36.18
http://association.karya.free.fr
[email protected]
Newsletter du 20.11.2008
Namasté,
Le mois dernier, nous vous avions raconté le retour
de quelques enfants dans leurs familles. D’autres
étaient rentrés sur Katmandou, n’ayant pu trouver
d’avion.
Quelques jours après le retour des enfants, nous nous
repenchions sur la possibilité d’emmener les autres.
Après beaucoup de discussions et de réflexions,
nous sommes repartis le 24 Octobre avec 6 enfants,
à pied cette fois, puisque les avions sont toujours
réservés aux touristes.
Ci-après le récit de notre expédition, avec entre
autres l’histoire de Dinesh (nom d’emprunt).
N’hésitez pas à nous contacter pour toute demande
d’information supplémentaire, il est très difficile de
témoigner de telles expériences.
Mille mercis pour tous ceux qui ont rendu ce voyage
possible. Un souvenir gravé à jamais dans la tête des
enfants et de leurs familles. Dans la notre aussi.
Merci.
Pour Karya, Farid.
Retour aux sources
Nous allons partager avec vous l’histoire de
quelques enfants, trafiqués 6 ou 7 ans auparavant.
Il y a quelques mois, nous avions retrouvés leurs
familles, avions pu ramener photos et lettres. Le
bilan de cette première mission avait été clair :
nous devons permettre aux enfants de connaître
leur famille, leur village, si différent de tout.
Nous sommes partis le 24 Octobre, chargés en
bagages –riz, lentilles, couvertures, etc.- et en
pensées. Sensations étranges, de faire le chemin
inverse que ces enfants avaient fait lorsqu’ils
avaient été trafiqués. Nous partons pour Nepalgunj,
à la frontière indienne, pour prendre un deuxième
bus direction le Nord. Après 32 heures de route,
l’aventure commençe.
Nous
remontons les
vallées,
passons
des
cols. Le décor
change petit à
petit. Nous ne
sommes pas
encore dans ce
lieu mystique
qu’est Humla.
Les magasins
sont
encore
présents, nous
sommes sur
une
route
commerciale
où les échanges de riz, sucre, sel, etc. sont
importants. Les gens parlent le népali, il y a des
écoles. Plus les jours avancent, plus nous avançons
dans un monde à part. Huit jours plus tard, nous
arrivons à Kolti, l’aéroport où nous aurions dû
atterrir s’il y avait eu des avions. Les enfants ont
très bien marché, 7 heures par jour.
Chacun se réadapte petit à petit aux conditions de
cette région. Des conditions naturelles. Les enfants
reprennent
des
vieilles
habitudes,
la pêche,
l’échange
avec
la
population
locale, la
vie
simple. En
Réparation d’un pont
route, nous
avons
l’occasion de réparer un pont, ce qui a valu aux
enfants de grands remerciements des villageois et
une certaine fierté de, déjà, rendre service à leur
pays.
digérer l’expérience que nous vivons. Nous nous
asseyons sous un arbre et mangeons un bout.
F : « Tu reconnais ici ? »
D : « Oui, juste après il y a le pont qui fait la
frontière entre les districts d’Humla, Bajura et
Mugu, non brother ? »
F : « et oui, juste après cette petite colline ! »
D : « On ira chez moi aujourd’hui ? »
F : « Dans une heure nous serons chez toi. Ca
va ? »
D : « Je suis content, mais tu crois qu’ils me
reconnaîtront ? »
F : « Peut-être pas tout le monde, tu as beaucoup
changé, tu étais tout petit quand tu es parti. »
D : « Tu crois qu’ils sont en bas mes parents ? »
F : « A mon avis oui, ils sont déjà descendus dans
la vallée, il fait déjà froid dans le village du haut.
Tu n’as qu’à demander au vieux là-bas, peut-être
qu’il sait, on n’est pas loin de ton village ».
Nous repartons de Kolti. Les 7 derniers jours de
marche n’ont fatigué personne, même le plus jeune
des enfants âgés de 8 ans. L’excitation est là, être
au plus vite de retour au village.
Dinesh connait Kolti. C’est de là qu’il avait été
trafiqué 7 ans auparavant.
Dinesh (D) : « Brother, cet arbre était tout petit
avant ! »
Farid (F) : « Il a grandi autant que toi tu vois ! »
D : « quand est-ce qu’on arrivera dans mon
village ? »
F : « dans 2 jours si tout se passe bien. Comment tu
te sens ? »
D : « Je suis heureux », répond t-il avec un grand
sourire.
Nous arrivons à la tombé de la nuit dans un petit
village. Dinesh sait que nous serons dans son
village le lendemain. Les autres enfants savent que
leur tour arrive bientôt. A 5 heures, nous sommes
tous debout. Nous prenons un thé et ne perdons pas
de temps pour repartir. Nous marchons vite, aussi
vite que les locaux. A 1 heure du village de Dinesh,
nous faisons une halte. Nous avons déjà marché
vite, trop vite peut-être, il nous faut du temps pour
Dinesh va discuter avec un homme qui prépare un
abri pour les vaches. Je reste à l’écart. Au cours de
la discussion, le vieux monsieur rigole avec
Dinesh. C’est un ami des parents de Dinesh, il ne
l’avait pas reconnu jusqu’au moment où Dinesh lui
explique qu’il rentrait chez lui. Dinesh a eu la
confirmation, ses parents et les villageois se sont
déjà installés dans la vallée pour l’hiver.
Nous repartons pour la dernière étape.
F : « Tu vois, ton village est derrière la deuxième
colline. »
D : « C’est vrai ? »
F : « Depuis l’arbre là-bas, on devrait voir ton
village. »
Dinesh accélère le pas, nous le suivons. Nous
courons presque.
D : « Ma maison est derrière là-bas ! »
F : « Je te suis ! »
D : « eh brother c’est la maison où je lançais des
pierres quand j’étais petit ! Je sais, mon village est
juste après ! Je me rappelle de plus en plus, non ?
F : « et oui, et tu te souviendras encore beaucoup
plus une fois arrivé au village. Tu n’as pas peur,
pas d’appréhensions ? ».
D : « j’ai peur qu’ils ne me reconnaissent pas,
d’être différent des autres. Mais j’suis heureux ».
F : « Ne te fais pas de souci, sois toi-même et tout
ira bien. Regardes là-bas Dinesh, c’est quoi ?».
D : « C’est mon village ! »
F : « je te laisse passer devant, tu connais le
chemin ! »
Nous arrivons devant sa maison. Personne n’est
dans le village, il est 4 heures de l’après-midi et
tous sont encore aux champs. Nous nous asseyons,
entourés par des dizaines d’enfants. Nous
attendons.
Quelques
temps plus
tard, une
femme
arrive.
C’est
la
tante. Elle
passe
devant
Dinesh, le
regarde et continue son chemin. Elle revient 1
minute plus tard, se jette à ses pieds et fond en
larmes. Dinesh verse sa larme aussi.
F : « Elle est heureuse, c’est pour ça qu’elle pleure.
Comme toi ».
D : « je sais »
Le village de Dinesh
Nous arrivons à l’entrée du village, après 9 jours de
marche.
F : « où est ta maison ? »
D : « celle là, là-bas, avec la porte ouverte »
D : « pourquoi tu rigoles brother ? »
F : « parce que la première fois que j’ai rencontré
ton père, on descendait de la colline pour aller au
village, et quand je lui avais demandé laquelle était
ta maison, il m’avait répondu la même « stupide »
réponse, la maison avec la porte ouverte !
Regardes, il n’y a pas de portes, toutes les portes
sont ouvertes dans ce village ! »
D : « regardes brother, c’est là que ma mère était
quand je suis parti la dernière fois. Elle était restée
là dans ce champ et m’avait regardé partir.
F : …trop d’émotions, rien à répondre. Que doit
penser un enfant qui a quitté son village à 8 ans, et
qui fait aujourd’hui le chemin inverse…
Les enfants sont partis il y a tellement longtemps
qu’ils se sentent toujours un peu perdus les
premières heures. Ils nous cherchent du regard, ne
parlent pas aux autres. Ils ne savent pas quoi dire,
ni que faire. Notre rôle est vraiment de faire la
transition.
Une heure plus tard, ses parents rentrent des
champs. Comme le veut la culture –ne pas montrer
les sentiments-, le père passe devant nous avec les
vaches, la mère rentre dans la maison. Elle appelle
Dinesh. Je reste dehors. J’entends les larmes d’une
mère qui retrouve son enfant devenu ado. Je passe
ma tête par la porte, moments difficiles pour tout le
monde, je croise Dinesh du regard.
F : « ça va ? »
D : « oui » me répond t-il par un signe de tête.
Je les laisse jusqu’au moment du repas. Il y a deux
pièces dans la maison. Une pour cuisiner, une pour
dormir. Je m’assois dans la pièce voisine, la mère
m’apporte le repas. Eux –Dinesh, ses parents et ses
frères- sont assis autour du feu. Des larmes
montent quand j’entends, jusque tard dans la
soirée, des rires de joie. Les rires de cette mère et
Dinesh resteront
gravés pour tout
le monde. Je
m’éclipse
dehors où nous
passerons
la
nuit
avec les autres
enfants.
Dès le petit
matin,
nous
partons en route
pour les villages
des
autres
enfants. Chaque
enfant passera une Une soirée de bonheur…
semaine avec sa famille.
Durant cette semaine, nous avons pu délivrer pas
mal de photos et courriers d’autres enfants sur
Katmandou. Nous avons également pu retracer
l’identité d’un enfant trafiqué 12 ans auparavant.
Toutes les informations –noms, adresses- avaient
été changées par le trafiquant. Zippa était perdu,
disparu. Après plusieurs regroupements, il s’avère
que nous connaissions cet enfant à qui nous avons
pu rapporter des nouvelles de sa famille. Lui
réapprendre son vrai nom, celui de ses parents. Lui
redonner le nom de son village, son district. Etant
trafiqué à un très jeune âge, il avait tout oublié.
Nous avons également pu retrouver le village de
Barkhe, un babu trafiqué à 4 ans, il y a 3 ans. C’est
un des enfants que nous avions trouvé et qui nous
avait poussés à commencer Karya. Reste à
retrouver sa famille lors d’une prochaine mission,
son village étant encore bien plus éloigné.
Une semaine plus tard, je retourne chercher
Dinesh. Il est chez lui à mon arrivé dans le village.
Il me salut d’un grand Namasté. Il a passé sa
semaine à aider ses parents, couper l’herbe,
ramasser le bois pour la cuisine, emmener les
chèvres dans les bois.
F : « tu es prêt à repartir ? »
D : « oui », répond t-il sûr de lui. Quelque chose a
changé dans sa tête, la façon dont il répond est
inhabituelle.
D : « faut que j’aille chercher les chèvres »
Dinesh et ses chèvres
Au petit matin, il reçoit la tikka de sa mère- son
père nous accompagnera jusqu’à Shreenagar où
nous prendrons un hélicoptère-. Nous partons, des
larmes pleins les yeux, en silence, au levé du jour.
Personne n’à rien à dire. On vit simplement ce
moment intense.
La discussion reprend un peu plus tard sur le
chemin.
F : « Comment ça s’est passé ? Pas de problème de
vocabulaire ? (le dialecte local est très différent du
népali)
D : « Non, ça a été.
F : « Tu a pu leur dire tout ce que tu voulais ? »
D : « oui, j’ai parlé du trafic aussi. »
F : « C’est bien, ont-ils compris ? »
D : « avant ils ne comprenaient pas, même après
que vous soyez venu la dernière fois, mais
maintenant c’est bon. Ils me croient. »
Les villageois sont
des gens simples,
qui ne connaissent
pas l’école. Ils sont
souvent abusés, par
les trafiquants entre
autres. Ils se font
manipuler et malgré
tout ce qu’on peut
leur expliquer, il y a
toujours un point
d’interrogation
quant au trafiquant.
Ne les a-t-il pas
aidés finalement
en les emmenant sur
Dinesh parlant des trafics
Katmandu ? Mais lorsque les enfants parlent
d’eux-mêmes de leurs propres expériences, plus
aucun doute n’est permis pour les parents.
Rupa Rilpana
Peu importe les obstacles,
Revenez un jour à la maison.
D : « ils ne feront plus confiance à Dukha, ils
savent qu’il vend des enfants, que beaucoup ont
disparu. Ils savent que si je vais bien ce n’est pas
grâce à lui. »
F : « comment as-tu fait pour leur faire
comprendre ? »
D : « Je leur ai dit que je devais aller mendier, que
j’étais battu, que je n’avais rien à manger. Je leur ai
dit qu’il volait l’argent des familles aussi. »
F : « c’est une super chose que tu as faite, tu peux
être fier de toi ».
Rupa Rilpana
Quand je pense à mes enfants,
Mes yeux se remplissent de larmes.
Sur le chemin, Dinesh, son frère et son père
écoutent une chanson enregistrée la veille du
départ par la tante.
Rupa Rilpana
Si vous êtes tristes,
Regardez-vous dans les yeux.
Rupa Rilpana
Ces deux arbres ont été coupés par des soldats
animaux,
Ils tombent dans la rivière.
Rupa Rilpana
On a enregistré cette chanson
Pour ne pas que vous nous oubliez
Rupa Rilpana
Les gens heureux sont toujours plus heureux,
Pour les gens pauvres, la tristesse s’ajoute toujours.
Rupa Rilpana
Il y a des hauts et des bas, peu importe,
Revenez un jour au village.
Même entouré d’ennemis tu peux être un héro.
Un souvenir du village
En voici un court extrait :
Rupa Rilpana (onomatopée)
A la station de bus, les deux frères se regardent,
Dans le coin du ciel, les nuages s’agitent.
Rupa Rilpana
Ne vous inquiétez pas pour nous,
Même si le malheur arrive.
Rupa Rilpana
Les épines des arbres tombent toujours,
Les tigres tuent les tigresses (expression),
Tout n’est que morceau.
Rupa Rilpana
Vous étiez les enfants de la maison
Vous revenez en étranger.
Arrivé à Shreenagar, nous retrouvons les enfants.
Un d’entre eux, Kasang (K), a eu quelques
difficultés à son arrivée dans le village.
K : « C’est qui ma mère ?»
F : « Elle, derrière ton père ».
K : « Que dois-je faire ? »
F : « Salues-la. T’inquiètes pas, ils savent que tu as
oublié un peu »
Très vite nous sommes entourés d’une vingtaine de
personnes. La nouvelle du retour de Kasang se
disperse dans le village et en quelques heures, tout
le village est là, venu voir Kasang devenu grand.
K : « Je fais quoi là ? » demande t-il quand son
oncle arrive.
F : « Salues le »
K : « Comment on dit, j’ai oublié ! »
F : « Je n’sais pas, demandes à ton ami assis à
côté »
Kasang demande rapidement à son ami de jeunesse
qu’il vient de retrouver. Il salue son oncle. Pas
parfaitement apparemment puisque ça vaut
quelques rires. Chaque personne doit être saluée
différemment, en fonction de la relation et de la
caste. Sa mère qui a bien vu l’embarras de Kasang
qui a oublié, lui montre discrètement à chaque
nouvel arrivant comment le saluer. Un petit regard,
un petit geste, et Kasang enchaîne les salutations. Il
aura lui aussi passé une super semaine, retrouvé ses
amis, sa famille.
Nous repartions avec les 6 enfants en hélicoptère.
Tous ont pu réapprendre leurs traditions, connaître
leur famille. Ils sont rentrés avec une motivation
débordante pour un jour aider ces gens d’Humla
qui sont tellement dans la souffrance, sales, avec 2
mois de vivre pour l’année, pas d’école, pas de
docteur.
Mais ce que les enfants retiennent encore plus,
c’est la solidarité des villageois, tout le monde se
connait, parle entre eux, partage les joies et les
peines. Ils étaient bien dans leur village, et y
seraient bien restés. Mais ils ont fait le choix de
sacrifier une vie en famille, au village, pour un jour
pouvoir aider toute une communauté.
Il est également primordial de parler de ces
histoires, de réveiller l’opinion publique, de
sensibiliser le maximum de personnes au Népal et
en France, pour que petit à petit les choses
changent.
Merci encore pour votre soutien, et n’hésitez pas à
faire circuler nos courriers !
Comment aider ces enfants…
Karya dépend de donateurs et de sponsors
pour mener à bien ses projets.
Voici quelques idées de ce que nous faisons
avec votre argent…
• Nourriture de base pour un enfant
pendant un mois : 20 €
• Scolarité en école privée pour une année
pour un enfant : 120 €
• Entretien complet d’un enfant pendant
une année : 800 €
• Besoin en eau pour 25 enfants pour un
mois : 60 €
• Location de la maison pour un mois : 150
€
Chaque euro prend une très grande valeur
au Népal ! Pour nous aider :
Internet (carte bancaire) : Donner en
toute sécurité via Paypal sur notre site
http://association.karya.free.fr !
Chèque : à envoyer à l’ordre de Karya
Départ en hélicoptère
Merci encore d’avoir permis ces retrouvailles. Il
reste 3 enfants à emmener dans leur village. Nous
essayerons de les accompagner dès que possible.
Il est primordial de garder les liens entre ces
enfants et leurs familles, c’est un droit de l’enfant
que de connaître ses parents, un droit bafoué pour
des millions d’enfants à travers le monde. Nous
apportons une goutte d’eau non négligeable, il n’y
a qu’à demander à Dinesh !
à:
KARYA,
57 Route de La Plaine,
74300 THYEZ, France.
N’hésitez pas à visiter notre site Internet ou à
nous contacter pour obtenir davantage
d’informations sur nos actions.
Merci de votre soutien !!!

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