Commentaire envoi 02- 25 01 15

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Commentaire envoi 02- 25 01 15
Le 25 janvier 2015
Les éléments d’information du jour… Un arrêté sur les différentes formations à la prise en
charge des urgences et à leur attestation… Des jurisprudences portant, pour l’une, sur ce que
peut coûter la mise en danger d’un salarié et, pour l’autre, l’indemnisation de la perte de droits
à la retraite en cas de faute inexcusable de l’employeur… Un long suivi d’une importante
cohorte d’infirmières aux Etats-Unis permet de mettre en évidence une augmentation de la
mortalité de celles travaillant en équipe postée de nuit… Une étude de la Dares sur le pilotage
du travail et les risques psychosociaux analysant les relations entre la présence ou l’absence
d’entretiens d’évaluation et d’objectifs chiffrés et les différentes dimensions des risques
psychosociaux ainsi qu’avec l’état de santé… Une étude publiée dans le Bulletin
épidémiologique hebdomadaire de l’InVS sur les relations entre taux de décès par suicide et
variation des taux de chômage… Un document de la Drees analysant les arrêts maladie en
fonction de la présence d’un délai de carence qui fournit des informations allant à l’encontre
de certaines fausses évidences… Et la présentation d’un ouvrage de Michel Debout sur le "
Traumatisme du chômage ".
Je vous joins, dans les documents annexés à cette lettre, la " Veille juridique n° 4/2014 jurisprudence – textes en médecine du travail et risques psychosociaux " de l'inspection
médicale du travail d'Ile de France qui reprend et synthétise l'actualité de ces derniers mois
dans ces domaines.
Dans cette lettre d’information, je fais le choix de commenter en détail des documents dont je
pense qu’ils présentent un certain intérêt dans le domaine de la santé au travail ou du social en
relation avec elle. Je ne peux pas couvrir toute l’actualité, bien que je veille à ne pas passer à
côté d’informations importantes. Pour une approche plus large de toute l’information, je vous
recommande deux newsletters : celles de santé-travail-paca et de l’Institut santé travail du
nord de la France (Istnf) qui font un remarquable travail d’information hebdomadaire. Vous
pouvez vous inscrire à ces newsletters aux adresses suivantes :
http://sante.travail.paca.free.fr/letrinfo/letinfo.htm et http://istnf.fr/news-0-0.html#menu.
Bonne lecture !
•
TEXTES DE LOI, CIRCULAIRES, ACCORDS ET QUESTIONS PARLEMENTAIRES
Arrêté du 30 décembre 2014 relatif à l'attestation de formation aux gestes et soins
d'urgence
Ces attestations de formation aux soins d’urgence concernent différents publics.
Article 1 : " L'attestation de formation aux gestes et soins d'urgence prévue à l'article D.
6311-19 du code de la santé publique comprend :
- l'attestation de formation aux gestes et soins d'urgence de niveau 1 destinée à
l'ensemble des personnels, non professionnels de santé, exerçant au sein d'un
établissement de santé, d'une structure médico-sociale ou dans un cabinet libéral
auprès d'un professionnel de santé libéral ;
- l'attestation de formation aux gestes et soins d'urgence de niveau 2 destinée aux
professionnels exerçant une des professions de santé mentionnée dans la quatrième
partie du code de la santé publique et aux étudiants inscrits dans une université, une
école ou un institut de formation préparant à l'obtention d'un diplôme en vue de
l'exercice de l'une de ces professions de santé. Cette attestation est également
ouverte aux personnes titulaires du diplôme d'Etat d'aide médico-psychologique
mentionné à l'article R. 451-95 du code de l'action sociale et des familles ;
- l'attestation de formation spécialisée aux gestes et soins d'urgence en situation
sanitaire exceptionnelle destinée aux professionnels de santé et aux personnels ayant
vocation à intervenir en cas de situation sanitaire exceptionnelle dans les
établissements de santé et les établissement médico-sociaux. "
L’article 2 précise que cette attestation est soumise à la validation de chacun des modules
de la formation, et doit confirmer l’acquisition par le stagiaire des connaissances, des
gestes et des comportements adaptés face à une situation d’urgence.
La formation aux gestes d’urgence de niveau 1 a pour objet l’identification d’une situation
d’urgence vitale ou potentielle et la réalisation des gestes d’urgence adaptés à cette
situation (article 3).
Elle est valable pour une durée de 4 ans. Elle peut être prorogée au-delà sous réserve
d’une formation d’une demi-journée d’actualisation des connaissances (article 4).
La formation aux gestes d’urgence de niveau 2 doit permettre l’acquisition de
connaissance permettant d’identifier une situation d’urgence de caractère médical et sa
prise en charge dans l’attente de l’arrivée d’une équipe médicale spécialisée. Sa durée est
de 21 heures et elle est réalisée par groupes de dix à douze personnes (article 5).
La durée de validité de l'attestation de formation aux gestes et soins d'urgence de niveau 2
est de quatre ans. Elle peut être prorogée d’une durée équivalente, sous réserve de suivre
une formation de mise à jour des connaissances de deux demi-journées (article 6).
Enfin, l'attestation de formation spécialisée aux gestes et soins d'urgence en situation
sanitaire exceptionnelle a pour objet l'acquisition de connaissances nécessaires pour
intervenir en cas de situation sanitaire exceptionnelle. Elle est réalisée en trois modules
complémentaires :
un module 1 consacré aux principes d'organisation sanitaire en situation
exceptionnelle de 3 heures ;
un module 2 concernant les moyens de protection individuels et collectifs d’une
durée de 7 heures ;
et un module 3, d’une durée de 7 heures, consacré à la décontamination
hospitalière (article 7).
La validité de cette formation est aussi de 4 ans. Elle peut être prorogée d’une durée
équivalente, sous réserve de suivre une formation d’une demi-journée (article 8).
Les annexes de cet arrêté (voir la pièce jointe) décrivent les modèles d’attestation et le
contenu de chacune de ces formations.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030084493&date
Texte=&categorieLien=id
•
JURISPRUDENCES
L’exposition d’un salarié à un risque pouvant entraîner la mort ou des blessures en
violation d’une obligation de prudence ou de sécurité peut justifier une forte amende
Cet arrêt du 7 janvier 2015 de la chambre criminelle de la Cour de cassation - n° 1286653, publié au Bulletin - a confirmé la condamnation d’une société à une forte amende
pour mise en danger liée à la manipulation d’hydrogène sulfuré du fait que les consignes
de sécurité ne prévoyaient pas l’obligation d’être en binôme.
Les faits - En septembre 2009, un salarié qui venait de laver un flacon ayant contenu de
l’hydrogène sulfuré (H2S) est victime d’un malaise qui justifiera un jour d’arrêt maladie.
Au moment de ce malaise, il était seul dans le laboratoire. Dans ce local le dispositif de
ventilation d’un débit insuffisant n’avait pas permis l’évacuation complète du gaz. Le
tribunal correctionnel est saisi pour mise en danger d’autrui au titre de l’article 223-1 du
Code pénal (" Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de
blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la
violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de
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sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15
000 euros d'amende. ")
L’arrêt de la cour d’appel reposait sur la prise en compte des faits suivants.
Sur la fiche de données de sécurité fournie par la société, il apparaît que l’hydrogène
sulfuré est très toxique par inhalation et qu'il est dangereux pour l'environnement ; que les
premiers secours à donner consistent à amener la victime à l'air libre, lui administrer de
l'oxygène ou une respiration artificielle, l'hospitaliser en urgence et surveiller le risque de
survenue d'effets retardés, qui sont possibles.
Une fiche "réflexe" de l’entreprise indique d’ailleurs la conduite à tenir en cas de
détection de H2S, dont notamment l'utilisation d'un appareil respiratoire individuel. Or, il
résulte des déclarations recueillies lors de l'enquête, que le salarié était resté seul dans le
laboratoire lorsque son collègue en est parti pour se rendre dans la salle de contrôle. Alors
que le poste de travail comportait des risques connus d'inhalation de gaz toxique ou
d'anoxie, il apparaît que les opérateurs travaillaient de manière individuelle et qu'aucune
consigne de sécurité, en particulier l'obligation de rester en binôme, n'avait été édictée. De
plus, si la fiche de données de sécurité établissait des seuils pour les effets létaux et
irréversibles, elle n’en fournissait pas pour les effets réversibles. Ainsi, le salarié, victime
d’un malaise aurait pu tomber et rester exposé à l’inhalation de gaz.
La cour d’appel confirme le jugement de première instance qui a considéré la société
coupable de mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une
obligation réglementaire de sécurité ou de prudence. Elle condamne cette société à la
peine de 15 000 euros d'amende et ordonne, à titre de peine complémentaire, la
publication du dispositif de la décision et, sur l'action civile, la condamne à verser 1 000
euros de dommages-intérêts au syndicat qui s’est porté partie civile.
La société se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel.
La société argue du fait que l’article 223-1 du Code pénal s’applique, outre la violation
d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement,
seulement s’il y a un risque immédiat de mort ou de blessure grave encourue. Pour la
société, il incombait à l’accusation d’établir la réalité de ce risque, alors que la société
produisait une expertise concluant à l’absence de risque pour autrui.
En outre, la société reproche au jugement de la cour d’appel de s’être plus basé sur le fait
que la personne travaillait seule, pour laquelle il n’y a pas de manquement en l’absence
d’obligation réglementaire, que sur le manquement lié à a mise en œuvre d’une ventilation
insuffisante. Elle indique, de plus, que le risque de mort invoqué par l’accusation aurait pu
résulter d’une chute du salarié et que cela ne constitue pas le risque immédiat de mort ou
de blessures évoqué par l’article du Code pénal.
La Cour de cassation ne trouve rien à redire au jugement de la cour d’appel : " Attendu
qu'en se déterminant ainsi, par des motifs qui établissent l'exposition d'autrui à un risque
de mort, de mutilation ou d'infirmité permanente, en relation directe et immédiate avec la
violation, manifestement délibérée et non contestée, des dispositions du code du travail
visées à la prévention, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine,
par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de
preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ".
Le pourvoi est donc rejeté.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURIT
EXT000030078706&fastReqId=1593987703&fastPos=1
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La perte de droits à la retraite ne peut être indemnisée en plus de la réparation de la
faute inexcusable prévue aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la Sécurité
sociale
Un arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 2015 bien particulier puisqu’il s’agit d’une
jurisprudence d’une chambre mixte – n° pourvoi 13-12310, publié au Bulletin – qui avait
à décider si un salarié pouvait prétendre à l’indemnisation spécifique de la perte de droits
à la retraite dans le cadre d’une faute inexcusable.
Les faits - Un salarié, victime en janvier 2006 d’un accident du travail ayant entraîné une
incapacité permanente de 15%, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de
reclassement. L’accident a été considéré, au titre de l’article L. 452-1, imputable à la faute
inexcusable de l’employeur.
Parmi les demandes du salarié relativement à cette faute inexcusable, l’indemnisation de
la perte de droits à la retraite du fait de son licenciement.
La cour d’appel rejette ses demandes et le salarié se pourvoit en cassation. La 2e chambre
civile, qui traite usuellement des affaires de Sécurité sociale, aurait dû se prononcer sur
cette affaire mais elle renvoie le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président
de la Cour de cassation, dans une ordonnance du 18 décembre 2014, indique que cette
chambre mixte sera composée de la 2e chambre civile, de la chambre sociale et de la
chambre criminelle !
L’argumentation du salarié repose sur le fait que l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité
sociale permet une indemnisation complémentaire allant au-delà delà de l’incapacité
permanente en cas de faute inexcusable. Un certain nombre de préjudices peuvent être
réparés : " Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article
précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de
sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales
par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice
résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en
outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à
la date de consolidation. "
Or, le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation, le 10 mai 2010, d’une
question prioritaire de constitutionnalité relative au fait que la victime d’un accident du
travail dû à une faute inexcusable de l’employeur ne pouvait, comme toute victime civile,
demander réparation de l’ensemble de ses préjudices mais était limitée à ceux décrits dans
le Code de la Sécurité sociale. Dans sa décision – QPC 2010-8 du 18 juin 2010 – le
Conseil constitutionnel considérait comme constitutionnels les articles du Code la Sécurité
sociale prévoyant une liste de préjudices pouvant être pris en charge mais il rajoutait
" qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne
sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes
fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions,
puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts
par le livre IV du code de la sécurité sociale ".
La question posée était donc de savoir si les indemnisations prévues dans le Code de la
Sécurité sociale, dans les articles L. 431-1, L. 452-2 et L. 452-3 figurant dans le Livre 4,
couvraient ou non la perte de droits à la retraite due à un licenciement pour inaptitude.
L’argumentation du salarié reposait sur cette décision du Conseil constitutionnel dans la
mesure où " le salarié accidenté du travail peut demander à l'employeur, en cas de faute
inexcusable de celui-ci, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le
Livre IV du code de la sécurité sociale ; que dès lors, en rejetant les demandes présentées
par M. X... au titre de ses pertes de droits à la retraite, chef de préjudice non réparé en
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vertu du Livre IV du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 4311 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1147 du code civil. "
La chambre mixte de la Cour de cassation a répondu négativement à la demande du salarié
avec ces attendus :" Mais attendu que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin
2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une
maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité
sociale, la réparation de chefs de préjudice autres que ceux énumérés par le texte précité,
c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code
de la sécurité sociale ;
Et attendu que la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du
salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui
présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et
l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant au
jour de la consolidation ;
Que la cour d'appel a donc décidé à bon droit que la perte subie par M. X... se trouvait
déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu'elle ne pouvait
donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la
sécurité sociale ".
Le moyen n’est donc pas fondé et le pourvoi rejeté.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURIT
EXT000030079485&fastReqId=1689672914&fastPos=1
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MORTALITE TOTALE ET SPECIFIQUE D’INFIRMIERES TRAVAILLANT EN EQUIPE POSTEE
DE NUIT (ETUDE)
Vous pourrez accéder au texte de cette étude à l’adresse ci-dessous et en document joint.
Elle a été publiée sous le titre de " Total and Cause-Specific Mortality of U.S. Nurses
Working Rotating Night Shifts ", sous la signature de Fangyi. Gu et al., dans la revue
American Journal of Preventive Medicine du 6 janvier 2015.
Introduction
Les auteurs indiquent que le travail posté incluant des horaires de nuit est fréquent chez
les travailleurs des pays occidentaux, pouvant toucher jusque 20% des travailleurs durant
leur carrière.
Des études ont suggéré de façon assez systématique une association entre travail posté,
maladies cardiovasculaires et cancer. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé a
classé en 2007 le travail de nuit comme probable cancérogène. Outre ses liens avec les
maladies cardiovasculaires et le cancer, le travail posté de nuit peut être en relation avec
d’autres effets délétères sur la santé : diabète, hypertension, fatigue chronique, troubles du
sommeil et augmentation du poids. Cependant, le lien entre l’exposition au travail posté
de nuit et la mortalité toutes causes et spécifique a été moins étudiée.
C’est l’objectif que se fixe cette étude.
Matériel et méthode
Cette étude est basée sur un suivi longitudinal de 22 ans d’infirmières participant à la
" Nurses’ Health Study " (NHS). Cette étude a commencé en 1976 avec la prise en compte
de 121 701 infirmières âgées de 35 à 55 ans. Après exclusion de celles qui n’avaient pas
répondu au questionnaire et de celles ayant présenté un antécédent cardiovasculaire ou de
cancer, le suivi a concerné 74 862 infirmières.
L’exposition au travail posté de nuit a été appréciée en 1988 sur le nombre d’années où
l’infirmière a travaillé plus de 3 nuits par mois dans le cadre du travail en équipe postée.
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Les décès ont été classés en utilisant la classification IDC-8 et les décès pour des causes
spécifiques ont été pris en compte dès lors que leur nombre était supérieur à 100.
Les analyses statistiques ont été réalisées en faisant des ajustements sur l’âge, sur le mode
de vie et certains traitements (consommation d’alcool, pratique d’exercice physique, statut
vis-à-vis de la ménopause, utilisation d’un traitement hormonal substitutif, mode
d’alimentation, tabagisme, etc…) en fonction d’une classification de l’exposition à du
travail posté de nuit en quatre catégories : jamais, 1 à 5 ans, 6 à 14 ans et 15 ans et plus.
Des Hazard ratios (HR, représentant un facteur multiplicateur de survenue des évènements
indésirables par rapport à la population non exposée au risque) avec intervalle de
confiance à 95% ont été calculés pour les différentes catégories d’exposition au travail
posté de nuit pour la mortalité toutes causes, la mortalité globale cardiovasculaire et par
cancer et par pathologie spécifique lorsque, pour ces deux causes, elle atteignait 100 cas.
Du fait du rôle du tabagisme et de l’obésité dans la survenue de maladies
cardiovasculaires et de cancers, des analyses ont été pratiquées après ajustement sur le
statut tabagique (absence de tabagisme, ancien tabagisme et tabagisme actuel) et sur
l’indice de masse corporelle (18.5-24.9, 25-29.9 et supérieur ou égal à 30).
Résultats
Les résultats de cette étude portent sur un suivi de 22 ans et de 1.5 million de personnesannées. Lors du suivi, 14 181 décès documentés ont été pris en compte, 3062 en raison de
maladies cardiovasculaires et 5413 cancers.
Relativement au travail posté de nuit, 41% des infirmières n’y ont jamais été exposées, et
41%, 11% et 7% y ont été exposées respectivement de 1 à 5 ans, 6 à 14 ans et 15 ans et
plus.
Les femmes ayant travaillé le plus longtemps en travail posté de nuit, soit 15 ans et plus,
ont une moyenne d’âge un peu plus élevé (66.3 ans) contre de 63.6 à 64.6 pour les autres.
Elles présentent en outre un indice de masse corporelle plus élevé. Leur mari avait un
niveau d’éducation inférieur à celui des maris des infirmières des autres catégories
d’exposition au travail posté de nuit.
Les infirmières exposées plus de 15 ans et celles de 6 à 14 ans sont respectivement :
12% et 10% à présenter un diabète de type 2 contre 7% pour celles jamais
exposées et celles exposées de 1 à 5 ans ;
50% et 47% à être hypertendues contre 44% pour celles jamais exposées et celles
exposées de 1 à 5 ans.
[NDR - Il n’est pas indiqué si ces différences sont significatives.]
On observe 5417 décès parmi les infirmières jamais exposées, 5424 pour celles exposées
de 1 à 5 ans, 1910 pour une exposition de 6 à 14 ans et 1430 pour celles exposées 15 ans
et plus.
Mortalité toutes causes
La mortalité toutes causes est augmentée de façon significative, après ajustement sur
l’âge, pour une exposition à 6 à 14 ans de travail de nuit posté (1.19 [1.13-1.25]) et pour
une exposition de 15 ans et plus (1.24 [1.17-1.32]). Après ajustement sur l’ensemble des
variables prises en compte évoquées ci-dessus (l’âge, la consommation d’alcool, la
pratique d’activité physique, le statut tabagique, l’utilisation d’un traitement hormonal
substitutif, etc…), la mortalité toutes causes demeure significativement augmentée, mais
un peu moins, pour ces deux expositions avec des HR de respectivement 1.11 [1.06-1.17]
et 1.11 [1.05-1.18].
Mortalité cardiovasculaire
Elle est aussi augmentée de façon statistiquement significative pour des expositions de 6 à
14 ans et de 15 ans et plus avec des HR respectifs de 1.30 [1.16-1.45] et 1.45 [1.29-1.63].
Et malgré un ajustement sur l’ensemble des autres variables explicatives de survenue de
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ces pathologies, la mortalité par maladie cardiovasculaire demeure augmentée de façon
significative pour ces deux durées d’exposition avec les HR respectifs suivants : 1.19
[1.07-1.33] et 1.23 [1.09-1.38].
Mortalité par cancer
Là aussi, l’augmentation de la mortalité n’est statistiquement significative qu’à partir de 5
à 14 d’exposition au travail de nuit avec un HR de 1.10 [1.01-1.20] et un HR 1.20 [1.091.32] pour une exposition de 15 ans et plus. Cependant, à la différence de la mortalité
toutes causes et de celle par maladie cardiovasculaire, cette augmentation n’est plus
significative lors des analyses prenant en compte l’ensemble des variables explicatives.
On retrouve des HR respectifs pour une exposition de 6 à 14 ans et de 15 ans et plus de
1.04 [0.95-1.13] et 1.08 {0.98-1.19].
Mortalité liée à d’autres causes de cancers
Lors de l’étude, il a été retrouvé plus de 100 cas spécifiques de décès par cancer du
poumon, du sein, des ovaires, du pancréas, de cancer colorectal et de lymphome non
hodgkinien.
Pour plusieurs de ces cancers on constate une augmentation non significative à compter de
1 à 5 ans d’exposition (cancer du poumon, du sein et du pancréas), qui se confirme pour
des durées d’exposition de 6 à 14 ans pour lesquelles on retrouve, en outre, une
augmentation non significative du cancer colorectal. En fait, les seules augmentations
significatives du risque de cancers spécifiques ont lieu pour une durée d’exposition de 15
ans et plus pour le cancer du poumon avec un HR de 1.44 [1.20-1.73] (augmentation
confirmée après ajustement sur l’ensemble des variables : 1.25 (1.04-1.51]) et pour le
cancer colorectal avec un HR ajusté sur l’âge de 1.42 [1.04-1.94] qui n’est pas
significative lors de l’analyse prenant en compte l’ensemble des variables (1.33 [0.971.83]).
A noter que le cancer du sein n’est augmenté significativement dans aucune des analyses.
Mortalité cardiovasculaire spécifique
Une augmentation significative de la mortalité a été observée pour les maladies
cardiovasculaires ischémiques pour les expositions de 6 à 14 ans et de 15 ans et plus avec
des HR respectifs pour l’ajustement sur l’âge de 1.38 [1.15-1.65] et 1.69 [1.40-2.04] et
après ajustement sur l’ensemble des variables ayant trait au mode de vie avec des HR de
1.23 [1.03-1.47] et 1.34 [1.11-1.61].
Cependant, après ajustement complémentaire sur la présence ou non d’hypertension et de
diabète de type 2, la significativité ne demeure que pour l’exposition de 15 ans et plus
avec un HR de 1.23 [1.02-1.49].
Pour les atteintes cérébrovasculaires, l’association avec le travail posté de nuit n’est
jamais significative. De même que pour les autres atteintes cardiovasculaires.
Conclusion
Cette étude puissante confirme une association significative entre le travail posté de nuit et
une augmentation de la mortalité toutes causes confondues et due à des atteintes
cardiovasculaires. Elle suggère aussi une association du travail de nuit avec différents
types de cancers. Elle apporte des éléments complémentaires à d’autres études montrant le
caractère délétère pour la santé et la longévité du travail posté de nuit.
http://www.ajpmonline.org/article/S0749-3797(14)00623-0/abstract
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PILOTAGE DU TRAVAIL ET RISQUES PSYCHOSOCIAUX (DARES)
Vous pourrez accéder au document Analyses de la Dares publié sous le n° 3, en janvier
2015, dans les pièces jointes et sur le site du ministère du travail à l’adresse ci-dessous.
Cette étude, signée de T. Coutrot (Dares) et N. Sandret (Inspection médicale du travail),
s’intitule " Pilotage du travail et risques psychosociaux ".
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Ce travail est intéressant car il met en relation l’association qui peut exister entre le
pilotage du travail - qui consiste en la réalisation d’entretiens individuels, avec
éventuellement la détermination d’objectifs chiffrés, ou la présence uniquement
d’objectifs chiffrés sans entretien ou l’absence totale de ces éléments - avec certains
facteurs de risques psychosociaux (RPS) et aussi la relation de ces diverses situations avec
l’état de santé.
Les données de cette étude proviennent de l’étude Sumer menée en 2010.
Introduction
Les auteurs qualifient de mode de pilotage du travail le mode de fixation des objectifs et
d’évaluation des salariés par leur hiérarchie.
L’entretien d’évaluation individuelle vise à permettre au salarié et à son supérieur
hiérarchique de faire le point, en général annuellement, sur les résultats du salarié vis-à-vis
des attentes de son employeur.
Les différents outils de pilotage dans les entreprises
Selon l’étude Sumer, en 2010, 56% des salariés ont au moins un entretien individuel
d’évaluation par an. Lorsqu’il existe, dans trois quarts des cas il repose sur des critères
considérés comme "précis et mesurables" par le salarié. Ce type d’entretien sera qualifié
dans ce document de "cadré".
Par ailleurs, 34% des salariés ont des objectifs chiffrés précis à atteindre en termes de
volume de production, de qualité ou de rentabilité. Ces objectifs peuvent être quotidiens,
hebdomadaires, mensuels, trimestriels ou annuels.
Ces deux pratiques sont souvent liées entre elles. Les salariés qui ont un entretien annuel
d’évaluation sont 44% à se voir fixer des objectifs précis et chiffrés, contre 34% de
l’ensemble des salariés.
Lorsque les entretiens individuels sont cadrés, 50% des salariés se voient fixer des
objectifs chiffrés à atteindre.
Cependant, la moitié des salariés ayant un entretien individuel reposant sur des critères
précis et mesurables n’ont pas d’objectifs chiffrés à atteindre. Les objectifs pouvant être
qualitatifs.
Situations types de pilotage
Les auteurs décrivent cinq situations types selon les modalités de pilotage des entreprises.
Absence d’entretien d’évaluation et d’objectifs chiffrés
Cette modalité concerne un tiers des salariés. Il s’agit notamment des salariés des petits
établissements et entreprises : 57% des salariés des entreprises de moins de 10 salariés
n’ont pas d’entretien d’évaluation ni d’objectifs chiffrés.
Ceci concerne plus que la moyenne les professions les moins qualifiées (ouvriers,
employés du commerce ou des services) qui sont à 40% dans cette situation.
Les métiers les plus concernés sont les salariés agricoles, les ouvriers du BTP, les
conducteurs de véhicules, les secrétaires, les employés de comptabilité, les employés et
agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration, les coiffeurs et esthéticiens et les
aides ménagères.
Entretien individuel précis et mesurable sans fixation d’objectifs chiffrés
Cette modalité de pilotage concerne 21% des salariés. Cette modalité se retrouve plus
particulièrement dans l’administration publique, la santé et l’action sociale (36%) ainsi
que dans les établissements de plus de 500 salariés (38%).
Les métiers les plus fréquemment rencontrés dans cette modalité sont les secrétaires de
direction, les employés et ingénieurs de l’informatique, les ouvriers, techniciens et agents
de maîtrise de la maintenance, mais aussi les agents d’entretien ou de gardiennage et de
sécurité.
Entretien d’évaluation sans critères précis et sans objectifs chiffrés
8
Cette situation concerne 10% des salariés. C’est une situation rencontrée un peu plus
fréquemment dans la fonction publique, notamment pour les catégories B et C ainsi que
dans les établissements de 500 salariés ou plus (15%).
Entretien d’évaluation cadré et objectifs chiffrés
Cette modalité de pilotage concerne 22% des salariés. Elle concerne surtout les cadres
(39%) et les professions intermédiaires (29%) ainsi que les salariés des établissements de
500 salariés ou plus (34% des salariés) et les secteurs de la finance et des assurances
(50%). Les métiers en cause sont les employés, techniciens et cadres du secteur bancaire
(pour près des deux tiers des salariés) ainsi que les métiers du commerce (agents de
maîtrise et cadres commerciaux et technico-commerciaux, représentants et vendeurs) et
les ingénieurs et cadres de l’industrie.
Fixation d’objectifs chiffrés en l’absence d’entretien d’évaluation ou d’entretien non cadré
C’est un ensemble de 13% des salariés qui est soumis à la fixation d’objectifs chiffrés
mais qui, en revanche, soit n’a pas d’entretien d’évaluation, soit a un entretien
d’évaluation ne reposant pas sur des critères précis et mesurables.
Cette situation concerne plus que la moyenne des ouvriers non qualifiés (16%),
particulièrement ceux de l’électricité et de l’électronique, du textile et du cuir, des
industries de process et de la métallurgie.
Relations entre pilotage du travail et exposition à des facteurs de risques
psychosociaux
Exigences du travail
Les salariés qui ont des objectifs à atteindre sont beaucoup plus nombreux à déclarer
devoir, " toujours ou souvent se dépêcher pour faire leur travail ", qu’ils aient ou non un
entretien d’évaluation, 50% contre moins d’un tiers pour les autres salariés. Ils sont aussi
44% à indiquer qu’on leur demande d’effectuer une quantité de travail excessive, versus
26% pour ceux qui n’ont ni entretien ni objectifs.
L’intensité du travail est aussi marquée pour les salariés qui ont des entretiens
d’évaluation cadrés mais avec des objectifs : 46% déclarent devoir " toujours ou souvent
se dépêcher pour faire leur travail ", 38% à dire qu’on leur demande d’effectuer une
quantité de travail excessive.
Pour ces deux catégories, les salariés sont, respectivement pour ceux qui ont des objectifs
avec entretien cadré et ceux qui n’ont pas d’entretien cadré, 38% et 36% à déclarer qu’ils
ne disposent pas du temps nécessaire pour exécuter correctement leur travail, ce qui fait
que respectivement 57% et 51% déclarent être soumis à une demande psychologique
élevée.
Toutes choses étant égales par ailleurs, la présence d’objectifs chiffrés est associée à une
exposition à une plus forte intensité du travail. De même, la confrontation à une forte
demande psychologique est accrue d’au moins 80% en présence d’objectifs chiffrés.
Autonomie et marges de manœuvre
Les marges de manœuvre sont aussi moins fortes pour les salariés avec objectifs chiffrés
et entretiens non cadrés. Ils sont 30% à indiquer qu’ils ont très peu de liberté pour la façon
de faire leur travail contre 23% à 25% pour les autres modes de pilotage du travail.
Ces salariés sont aussi plus nombreux à déclarer avoir de moindres possibilités de
développer leurs compétences.
Les auteurs indiquent que ces salariés sont particulièrement exposés au job strain, selon le
modèle de Karasek, car ils sont exposés à une forte demande psychologique avec une
faible latitude décisionnelle. Ainsi, les salariés soumis à des objectifs chiffrés sans
entretien cadré ont un risque augmenté de 63% d’être en situation de job strain par rapport
à ceux qui n’ont ni entretien ni objectifs chiffrés.
9
Cependant, la présence d’objectifs chiffrés, même accompagnés d’entretiens d’évaluation
cadrés, entraîne un risque augmenté de 28% d’être exposé au job strain. La présence
d’entretiens cadrés sans fixation d’objectifs diminue de 10% le risque d’exposition au job
strain.
Exigences émotionnelles
Globalement, 10% des salariés en contact avec le public disent vivre en permanence ou
régulièrement des tensions avec le public et 18% avoir subi une agression de la part de ce
public. Plus de 90% des salariés avec objectifs chiffrés sans entretien cadré et environ
80% de ceux avec objectifs chiffrés et entretien cadré sont soumis à des tensions avec le
public. Ceux soumis à des objectifs chiffrés et entretiens cadrés sont plus nombreux
(environ 85%) à subir des agressions du public que ceux avec des objectifs chiffrés et sans
entretiens cadrés (70%).
Rapports sociaux et relations de travail
Les salariés bénéficiant d’entretiens cadrés sans objectifs chiffrés déclarent moins souvent
manquer du soutien de leurs collègues ou de leur supérieur. Ils sont 17% à déclarer que
leur supérieur ne prête pas attention à ce qu’ils disent contre 25% de ceux qui ont des
objectifs chiffrés en l’absence d’entretien cadré et respectivement 11% à estimer que leurs
collègues ne les aident pas contre 14%.
La présence d’objectifs chiffrés accompagnés d’entretiens cadrés est aussi associée à la
présence pour les salariés concernés d’un soutien social plus important des collègues et
des supérieurs que pour les salariés sans objectifs chiffrés et sans entretien cadré.
En revanche, l’absence d’entretien cadré alors que le salarié a des objectifs chiffrés voit
s’accroître de 30% le manque de soutien du supérieur hiérarchique.
Si 21% des salariés déclarent subir un comportement hostile au travail, c’est le cas de 28%
de ceux qui ont des objectifs chiffrés sans entretien cadré.
De plus, la reconnaissance au travail est aussi en relation avec le pilotage : 12% des
salariés n’ayant ni entretien ni objectifs chiffrés ont le sentiment d’être traités injustement
et d’en être dérangés, contre 18% de ceux qui ont des objectifs chiffrés sans entretien
cadré et 13% de ceux avec objectifs chiffrés et entretiens cadrés.
De la même façon, 21% des salariés sans objectifs chiffrés et sans entretien cadré
déclarent ne pas recevoir l’estime qu’ils méritent et que cela les dérange contre 32% de
ceux avec objectifs chiffrés sans entretien cadré et 30% de ceux avec objectifs chiffrés et
entretien cadré.
Conflits éthiques et insécurité dans l’emploi
Plus de la moitié (51%) des salariés avec objectifs chiffrés sans entretien cadré déclarent
ne pas avoir les moyens de faire leur travail correctement contre de 40% à 45% pour les
salariés exposés aux autres modalités de pilotage du travail. Ils sont aussi les plus
nombreux (25%) à estimer leur sécurité d’emploi menacée contre de 16% à 21% pour les
autres modalités de pilotage.
Relation entre le pilotage de l’activité et la santé
En moyenne, 17% des salariés déclarent une santé perçue altérée, à la question " Quel est
votre état de santé ", ils répondent qu’elle est moyenne, mauvaise ou très mauvaise. Ce
pourcentage est de 23% pour les salariés avec objectifs chiffrés et sans entretien cadré qui
sont aussi plus nombreux (10%) à indiquer des limitations d’activité que les premiers
(6%).
L’absentéisme de plus de cinq jours est augmenté, de manière très proche, pour les
salariés soumis à des objectifs chiffrés, qu’ils aient ou non des entretiens cadrés.
La santé mentale peut aussi être impactée par le mode de pilotage de l’activité.
Les salariés qui n’ont pas d’objectifs chiffrés à atteindre sont 19% à présenter des
symptômes d’anxiété ou de dépression alors que, pour ceux qui ont des objectifs chiffrés,
10
c’est le cas de 22% de ceux qui bénéficient d’entretien cadré et de 25% de ceux qui n’en
bénéficient pas.
En revanche, la présence d’entretien cadré sans objectifs chiffrés est protectrice vis-à-vis
de la présence de symptômes anxieux et dépressifs.
Conclusion
" Les entretiens individuels d’évaluation « avec critères précis et mesurables »
apparaissent donc comme protecteurs vis-à-vis de l’exposition à plusieurs facteurs
psychosociaux de risque, alors qu’au contraire les objectifs chiffrés sont associés à un
surcroît d’exposition. De façon cohérente, une corrélation négative existe entre objectifs
chiffrés et santé mentale, mais les entretiens menés rigoureusement jouent un rôle
modérateur : par rapport à une situation sans objectifs chiffrés ni entretien, le risque de
symptôme anxieux ou dépressif est accru de 50% lorsque des objectifs chiffrés sont
fixés sans être associés à un entretien « cadré », mais de 20 % lorsqu’ils le sont. La
situation où le salarié bénéficie d’un tel entretien mais n’a pas d’objectifs chiffrés est la
plus favorable, puisque le risque de symptôme d’anxiété ou de dépression est réduit de
12%. "
http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiques-de,76/etudes-etrecherches,77/publications-dares,98/dares-analyses-dares-indicateurs,102/2015-003pilotage-du-travail-et,18381.html
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ASSOCIATION ENTRE VARIATION DU TAUX DE CHOMAGE ET TAUX DE SUICIDE (BEH)
Vous pourrez accéder en pièce jointe et sur le site de l’InVS à cet article du BEH n° 1-2
du 6 janvier 2015 intitulé " Association entre taux de chômage et suicide, par sexe
et classe d’âge, en France métropolitaine, 2000-2010 " et signé de M. Laanani et al.
Introduction
La France connait, comme nombre d’autres pays, une crise économique qui a commencé
en 2008 avec ralentissement de l’activité et forte hausse du taux de chômage. Les médias
ont relayé des suicides consécutifs à une perte d’emploi mais aussi des suicides liés à la
crainte de la perte d’emploi ou à des évolutions dans les conditions d’emploi (comme dans
certaines grandes entreprises).
Les pouvoirs publics ont considéré que la prévention des suicides devait être améliorée et
ont mis en place un Observatoire national du suicide en 2013. [NDR - Le premier rapport
de l’Observatoire national du suicide a été publié fin 2014 et est commenté dans la lettre
d’information du 14 décembre 2014.]
Le lien entre chômage et suicide a déjà fait l’objet de nombreuses études. En France, une
étude récente a établi un risque relatif de suicide (RR) significativement augmenté de 2.2
avec intervalle de confiance à 95% de 1.75-2.77 pour les chômeurs par rapport aux
personnes en emploi.
Les auteurs relèvent que la crise économique peut aussi jouer et être à l’origine de craintes
de perte d’emploi entraînant des crises psychiques à l’origine de suicides.
Objectifs de l’étude
Le but de cette étude est d’estimer l’association temporelle entre les taux de suicides et le
chômage en France entre 2000 et 2010 et de mettre en évidence les groupes de population,
en termes de sexe et de classes d’âge, les plus sensibles aux variations du taux de chômage
sur le suicide.
Matériel et méthode
Les auteurs de l’étude ont utilisé la base de données CépicDc-Inserm pour recueillir
l’ensemble des suicides recensés durant les années 2000 à 2010. Les effectifs de décès par
suicide ont été associés aux effectifs de la population correspondante pendant l’année et
11
au taux de chômage correspondant pour le trimestre et la région à partir des données de
l’Insee.
Les analyses statistiques visaient à mettre en relation le taux de suicide, la variable à
expliquer, par la variation du taux de chômage, la variable explicative. Un ajustement a
été réalisé sur l’âge, le sexe, la région du domicile, le trimestre de décès et une tendance
linéaire temporelle. En outre, l’association entre suicide et taux de chômage a été étudiée
en fonction du sexe et de quatre classes d’âge (15-24 ans, 25-49 ans, 50-64 ans et 65 ans
et plus).
Un effet retard du taux de chômage a aussi été recherché avec des analyses 3 mois, 6 mois
et 12 mois après la variation du taux de chômage.
Une estimation, basée sur l’hypothèse d’une relation causale entre taux de suicide et
chômage, du nombre de cas de suicides attribuables au chômage entre 2008 et 2010 a été
réalisée en comparant le nombre de décès par suicide avant 2007 et le nombre de décès
par suicide si le chômage était resté stable entre 2008 et 2010.
Résultats
Le taux standardisé de mortalité par suicide chez les hommes a baissé entre 2000 et 2007
en France. Ce taux est passé de 26.3 à 22.8 décès par suicide pour 100 000 habitants. Il a
ensuite augmenté, atteignant 23.2 en 2008 et 23.5 en 2009. Il a ensuite diminué pour
revenir à 22.8 en 2010. Chez les femmes, le taux de suicide a varié entre 8.2 et 8.6 pour
100 000 femmes entre 2000 et 2005 pour ensuite baisser en atteignant un plateau de 7.5
pour 100 000 entre 2007 et 2010.
Parallèlement à ces taux de mortalité par suicide, les taux de chômage, après une baisse
entre 2000 et 2001, ont augmenté jusqu’en 2004 pour atteindre un plateau à 9.5%,
diminué ensuite en 2008 à 7.8% puis de nouveau augmenté pour atteindre 9.5% et 9.7%
respectivement en 2009 et 2010.
La modélisation met en évidence une augmentation de 1.5% du taux de mortalité par
suicide, tous sexes et âges confondus, pour une augmentation de 10% du taux de
chômage.
Pour une augmentation de 10% du taux de chômage, le taux de mortalité par suicide est
statistiquement augmenté de façon significative pour l’ensemble de la population d’un
facteur 1.5 [0.7-2.3] avec p <0.001. Chez les femmes le taux de suicide n’est pas
augmenté (0.8 [-0.6-2.2]) mais, en revanche, il l’est de façon statistiquement significative
chez les hommes avec une augmentation du taux de 1.8 [0.9-2.7] avec un p inférieur à
0.001. Si l’on prend en compte les classes d’âge, seule celle des 25-49 ans chez les
hommes présente une association statistiquement significative de l’augmentation du taux
de suicides de 2.6 [1.3-3.9] avec une augmentation de 10% du taux de chômage.
On observe une diminution de l’amplitude et de la significativité de l’association lorsque
le délai entre la variation du taux de chômage et le taux de décès par suicide augmente.
Cette étude a permis d’estimer à 584 [234-886] le nombre de suicides en excès
attribuables aux variations du taux de chômage pendant la période 2008-2010 par rapport
au nombre de suicides attendus si le taux du chômage était resté stable par rapport au
dernier trimestre 2007.
Discussion
Il apparaît important d’indiquer que les auteurs précisent qu’il n’est pas possible, avec les
résultats de cette étude, de déterminer si les personnes au chômage se suicident plus que
celles en emploi. Elle permet uniquement de mettre en évidence une association entre
l’augmentation du taux de décès par suicide et celle du taux de chômage.
On peut adopter comme conclusion ces propos des auteurs : " on peut retenir qu’il existe
une association significative entre le taux de chômage et le taux de suicide en France
entre 2000 et 2010. Cette association concerne tout particulièrement les hommes en âge
12
de travailler : les démarches de prévention du suicide à destination de la population
active doivent ainsi préférentiellement cibler cette population. Cette démarche s’inscrit
par exemple dans l’actuel plan national de prévention des risques psychosociaux, en
cours de mise en place dans les trois fonctions publiques. L’appariement de bases de
données nationales est nécessaire pour étudier précisément la mortalité par suicide,
notamment en étudiant l’impact du passage au statut de chômeur ou en déterminant plus
précisément le rôle des facteurs psychiatriques et sociodémographiques. À l’heure
actuelle, la seule base représentative de la population française et permettant de chaîner
le statut de chômeur ou la profession à l’échelle individuelle avec les causes de décès est
l’Échantillon démographique permanent (EDP) de l’Insee, mais sa taille est insuffisante
pour analyser la survenue du suicide. Des bases de données plus volumineuses doivent
être constituées pour améliorer la connaissance dans ce domaine. "
http://www.invs.sante.fr/beh/2015/1-2/index.html
Pour compléter cet article, et l’éclairer, vous trouverez, en document joint une interview
du Pr Michel Debout et un article sur la sortie de son livre consacré au chômage et au
risque de suicide qui l’accompagne " Le traumatisme du chômage ". Il y plaide, de façon
très pertinente sur l’importance du suivi médical des chômeurs qu’il souhaiterait voir
réaliser par le médecin du travail ou le médecin traitant afin de prévenir une détérioration
de l’état de santé. Michel Debout a été parmi ceux qui ont œuvré pour la création de
l’Observatoire national du suicide dont il est membre. J’ai commenté le 1er rapport de
l’Observatoire du suicide dans la lettre d’information du 14 décembre 2014.
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DELAI DE CARENCE ET RECOURS AUX ARRETS MALADIE (DREES)
Vous accéderez à ce document en pièce jointe et sur le site de la Drees, à l’adresse en fin
de commentaire. Ce document, n° 58 des Dossiers Solidarité et Santé de la Drees, publié
en janvier 2015, est intitulé " L’effet du délai de carence sur le recours aux arrêts maladie
des salariés du secteur privé " et il est signé de Mme C. Pollak.
L’étude menée a pour but d’évaluer l’effet incitatif du délai de carence sur le recours aux
arrêts maladie des salariés du secteur privé.
Le délai de carence comme instrument de régulation des arrêts maladie
Un délai de carence d’une journée a été instauré dans la fonction publique en 2012 et
supprimé en 2014. Il a mis à l’ordre du jour le débat sur l’effet de l’instauration d’un délai
de carence [NDR – Selon les motifs de suppression de ce délai de carence dans le projet
de loi des finances pour 2014 (article 67, page 187), " Les données disponibles relatives
au délai de carence dans la fonction publique entre 2011 et 2012 n’ont pas montré de
recul significatif généralisé des arrêts de courte durée sur cette période. Selon l’enquête
emploi 2011-2012 de l’Insee, la proportion d'agents en arrêt de courte durée est passée
de 1,2% à 1% dans la fonction publique de l’État, de 0,8% à 0,7% dans la fonction
publique hospitalière. Elle est restée stable dans la fonction publique territoriale, à
1,1%. "].
La question qui se pose au législateur, au sujet du délai de carence, concerne le point de
protéger contre le risque de perte de salaire d’un salarié malade tout en maîtrisant l’aléa
moral qui consiste, pour certains, en une utilisation à mauvais escient de cette protection
sociale.
Dans le secteur privé, la prise en charge d’un arrêt maladie se joue à trois niveaux : les
indemnités journalières de base de la Sécurité sociale versées à compter du 4e jour d’arrêt
maladie, la couverture complémentaire prévue par la loi [article L. 1226-1 du Code du
travail] et une éventuelle couverture complémentaire d’entreprise.
Les deux tiers des salariés du privé bénéficient d’une couverture partielle ou totale des 3
jours de carence instaurée par la Sécurité sociale.
13
L’instauration de délai de carence a pour objectif d’agir, à travers les effets monétaires,
sur ce que l’auteure qualifie de "petits risques" (les arrêts courts), l’action sur les arrêts
longs étant plutôt du ressort du contrôle.
Justification théorique des incitations financières
Les principaux modèles théoriques prédisent une réduction du taux d’absence lorsque
l’indemnisation baisse, ce qui peut justifier l’introduction d’incitations monétaires par le
biais de l’instauration d’un délai de carence pour la prise en charge des arrêts maladie.
Cependant, cette réduction de l’indemnisation peut risquer de favoriser le présentéisme
qui peut aussi représenter une source de coûts pour l’entreprise (dégradation de l’état de
santé pouvant entraîner des arrêts maladie de plus longue durée, manque de productivité,
risque de contagion...). Les résultats des études menées sur les effets des incitations
financières pour réduire l’absentéisme de courte durée sont mitigés.
Des études menées dans plusieurs pays européens ont montré que la baisse de
l’indemnisation peut faire diminuer les arrêts maladies. Il en est ainsi en Allemagne où
une diminution de l’indemnisation de 100 à 80% a fait réduire le recours aux arrêts
maladie et leur durée moyenne. Cependant, une autre étude menée dans ce pays a montré
que la baisse de l’indemnisation faisait diminuer les arrêts courts mais augmenter les
arrêts longs. Un phénomène identique s’est produit en Italie pour les fonctionnaires, après
réduction de l’indemnisation et augmentation des contrôles. En Suède, l’introduction d’un
jour de carence a fait diminuer les arrêts courts mais augmenter les arrêts longs des
salariés de la Poste.
Des études micro-économiques ont estimé les effets de la perte de salaire sur les absences.
Elles suggèrent que les comportements des individus sont sensibles à la perte de revenus
impliquée par les arrêts maladie.
Matériel et méthode
Cette étude a utilisé les données de l’enquête Protection sociale d’entreprise (PSCE 2009)
qui s’intéresse à la santé et à la prévoyance sociale d’entreprise.
Un nombre de 1782 établissements, répartis dans toutes les régions, représentatifs (en
termes de secteur d’activité, de taille) de l’ensemble du territoire métropolitaine a été
concerné par l’enquête dont 1387 ont renseigné la présence ou l’absence d’un délai de
carence. Les salariés de ces entreprises ayant plus de cinq ans d’ancienneté ont été 1381 à
être pris en compte (les cinq ans d’ancienneté sont dus au fait que les entreprises sont
interrogées, dans l’enquête, sur la couverture assurée pour les salariés ayant au moins cette
ancienneté). Ils sont aussi représentatifs. Les salariés ont été interrogés sur les recours aux
soins, leur appréciation de leur état de santé, leurs conditions de travail et la
complémentaire santé d’entreprise.
Parmi les établissements retenus, 61% prennent en charge l’indemnisation des salariés
durant la période de carence de la Sécurité sociale, ce qui correspondrait donc à une prise
en charge d’environ deux tiers des salariés en France. Lorsqu’il y a indemnisation, elle est
en grande majorité complète à 100%. Seules 2% des entreprises indemnisent
partiellement, entre 50 et 99% du salaire.
Le niveau de prise en charge par les entreprises a été associé aux caractéristiques
sociodémographiques des salariés et à leurs conditions de travail et à leur appréciation de
leur état de santé.
Les arrêts maladie sont appréciés par les questions suivantes posées aux salariés : " Au
cours des douze derniers mois, combien de jours d’arrêt de travail vous ont été prescrits
par un médecin ? Parmi ces jours prescrits, combien en avez-vous réellement pris ? Le
choix a été de retenir le nombre de jours d’arrêt maladie réellement pris.
Il est à noter que les réponses permettent de renseigner sur la durée totale des arrêts
maladie, sans qu’il soit possible de distinguer la durée de chaque arrêt maladie, s’il y en a
14
eu plusieurs, ni leur nombre. Pour information, l’auteure indique qu’en 2009, pour le
Régime général, le nombre d’arrêts maladie indemnisés par bénéficiaire indemnisé au
moins une fois dans l’année était en moyenne de 1.44. La durée médiane des arrêts
maladie a été de 6 jours cette même année.
Résultats
Parmi les salariés de l’étude, 30% déclarent avoir pris au moins un arrêt de travail dans
l’année. Dans 50% des cas, il est d’une durée inférieure à 8 jours.
Les résultats sont les suivants vis-à-vis de la couverture du délai de carence :
globalement, 29% des salariés ont eu au moins un arrêt maladie, 28.7% pour ceux
non couverts et 29.2% pour ceux couverts ;
la durée cumulée des arrêts maladie par salarié ayant eu au moins un arrêt a été de
21.3 jours pour les salariés non couverts et 14.5 jours pour ceux couverts pour une
durée moyenne de 16.9 jours pour l’ensemble ;
la durée cumulée des arrêts maladie pour l’ensemble des salariés a été de 4.9 jours,
6.1 jours pour les salariés non couverts et 4.2 jours pour ceux couverts.
Facteurs explicatifs de la durée plus longue des arrêts en cas de délai de carence
L’auteure constate que le niveau de sinistralité est plus élevé parmi les salariés moins bien
couverts.
Deux facteurs pourraient l’expliquer :
d’une part des caractéristiques différentes des salariés. Il est envisageable que des
personnes en meilleure santé puissent accéder à des emplois dans des entreprises
qui offrent une meilleure protection sociale.
En fait, il apparaît que les salariés dont les entreprises prennent en charge le délai
de carence appartiennent à des catégories plus favorisées et ont aussi de
meilleures conditions de travail que les salariés non couverts. Cependant,
l’appartenance à des catégories plus favorisées pourrait être compensée par le fait
que ces salariés mieux couverts sont plus âgés et donc plus exposés à des maladies
chroniques ;
d’autre part, le fait que les salariés non couverts ont des arrêts maladie plus longs
pourrait provenir du fait d’une détérioration de leur état de santé due à du
présentéisme ou d’une tendance à "rentabiliser" leurs arrêts maladie en les
prolongeant puisqu’ils sont mieux couverts ensuite.
Prise en charge en fonction des caractéristiques des entreprises
Les données statistiques indiquent que la prise en charge du délai de carence est plus
élevée parmi les grandes entreprises et les petits établissements appartenant à ces mêmes
grandes entreprises.
Si l’on prend en compte le secteur d’activité, les entreprises des secteurs du commerce et
de la construction sont moins susceptibles de couvrir le délai de carence de leurs salariés
que celles de l’industrie et des autres activités de services.
La prise en charge réduit la durée totale des arrêts, sans influence des conditions de
travail et de santé
Les résultats de l’étude font donc apparaître, d’une part, que la prise en charge n’a pas
d’effet significatif sur la probabilité d’avoir un arrêt dans l’année et, d’autre part, à
conditions de travail et de santé comparables, que les salariés ayant un délai de carence
ont, de façon statistiquement significative, des arrêts de travail plus longs et/ou plus
fréquents que ceux dont la prise en charge des arrêts maladie se pratique sans délai de
carence.
La prise en charge du délai de carence fait baisser en moyenne de 2.8 jours la durée des
arrêts maladie, avec un intervalle de confiance de 0.3 à 5.3 jours. Ce résultat est
statistiquement significatif.
15
Rôle des conditions de travail sur le recours aux arrêts maladie
Un certain nombre de facteurs psychosociaux influent sur la probabilité d’arrêt maladie.
Ainsi, la perception d’un salaire insuffisant, le sentiment de manque de reconnaissance et
le manque d’autonomie sont des facteurs d’arrêt pour raison de santé, au même titre que
des pénibilités physiques présentes qui augmentent de façon significative la durée des
arrêts maladie. Des études ont d’ailleurs montré qu’un déséquilibre efforts/récompense et
l’injustice procédurale sont des facteurs de troubles psychosociaux pouvant se manifester
par un recours accru aux absences pour raison de santé.
En revanche, une exposition à du travail sous pression, touchant principalement les "cols
blancs", selon l’auteure, semble au contraire, réduire la durée des arrêts maladie, ce qui
pourrait correspondre à une incitation au présentéisme pour ces salariés et au fait que cette
pression pourrait être vécue comme stimulante.
Effet des caractéristiques démographiques sur les arrêts maladie
Les résultats retrouvés dans cette étude confirment ceux retrouvés habituellement dans la
littérature. Cette étude montre un absentéisme plus élevé chez les femmes que chez les
hommes, sans que la situation de famille influe sur cette différence de façon significative.
Par exemple, les salariées ayant des charges familiales ne prennent pas plus d’arrêts
maladie que les femmes célibataires ou celles en couple.
D’autres études ont montré que les salariés plus âgés, significativement au-delà de 60 ans,
étaient plus susceptibles d’avoir des arrêts longs. Les résultats de la présente étude
montrent que toutes les catégories d’âge au-delà de 30 ans, y compris les seniors, sont
moins susceptibles d’avoir un arrêt maladie que leurs collègues plus jeunes. En revanche,
la durée des arrêts maladie augmente avec l’âge mais de façon non significative.
Conclusion
On peut reprendre en guise de conclusion les éléments suivants tirés de celle de l’auteure.
" Les résultats montrent que l’indemnisation au cours du délai de carence n’a pas
d’effet significatif sur la probabilité d’avoir au moins un arrêt dans l’année, mais a un
effet négatif et significatif sur la durée totale des arrêts. Ces résultats suggèrent que le
délai de carence ne réduit pas l’alea moral sur le recours aux arrêts de travail pour
raisons de santé. 61% des établissements enquêtés déclarent prendre en charge le délai
de carence, correspondant a deux tiers des salariés couverts.
Ainsi, le choix de ces employeurs du secteur prive de couvrir leurs salariés au-delà de
leurs obligations légales semble bien relever d’une décision rationnelle : la souscription
d’une assurance de prévoyance complémentaire du délai de carence permet de limiter les
coûts liés au présentéisme, sans pour autant accroitre leur niveau de risque, même
lorsque cette prise en charge atteint 100% du salaire. "
Et pour les pouvoirs publics, il pourrait être utile de prendre en compte ce qui suit : " Pour
le législateur, le délai de carence ne semble pas constituer en soi un outil de régulation
des arrêts maladie. En effet, alors que le délai de carence vise à réguler les arrêts courts
et peut contribuer à réduire la probabilité de survenue des arrêts, cette étude montre qu’il
contribue à en accroître la durée. En moyenne, le délai de carence de 3 jours conduit à
accroître d’autant la durée totale des arrêts des salariés non couverts parmi les salariés
ayant plus de 5 ans d’ancienneté.
Deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène. La première est
celle d’un « effet de présentéisme » du fait d’une incitation pour les salariés malades non
couverts à ne pas s’absenter dans un premier temps mais conduisant in fine les arrêts
maladie à être plus longs suite à une dégradation de leur état de santé. La seconde
hypothèse est celle d’un « effet d’aléa moral ex post » dans la mesure où les salariés non
couverts peuvent avoir une préférence pour des arrêts longs partiellement indemnisés à
des arrêts courts non indemnises (les salariés cherchant en quelque sorte à
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« rentabiliser » leurs arrêts courts en s’absentant plus longtemps). L’hypothèse de
présentéisme devrait a priori se manifester par des arrêts moins fréquents mais plus
longs. Même si la prise en charge n’a pas d’effet significatif sur la probabilité d’avoir au
moins un arrêt dans l’année, les données ne permettent pas de distinguer les arrêts
maladie selon leur fréquence (or l’incitation pourrait se révéler sur des arrêts récurrents).
Les résultats ne permettent donc pas d’écarter l’une ou l’autre de ces hypothèses. "
Pour dépasser cette problématique du délai de carence et agir sur des facteurs de réduction
de l’absentéisme maladie, l’auteure indique qu’il " existe cependant des marges de
manœuvre importantes de réduction des arrêts maladie par les conditions de travail.
Ces leviers passent en premier lieu, et de façon assez évidente, par des efforts pour
réduire et compenser les pénibilités physiques. De plus, une piste de réduction des arrêts
pour raison de santé réside dans la promotion de la réciprocité et de la justice dans la
gestion de la main d’œuvre. Une juste rétribution du travail, en termes de salaire, mais
également en termes de récompenses intrinsèques (telles que la reconnaissance), semble
pouvoir substantiellement réduire les absences pour raison de santé des salariés. "
http://www.drees.sante.gouv.fr/l-effet-du-delai-de-carence-sur-le-recours-auxarrets,11390.html
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BIBLIOGRAPHIE
Voici la présentation de l’ouvrage de Michel Debout.
" Chaque année en France près de 900 personnes au chômage se suicident faute d'un
accompagnement médical adéquat. Pour Michel Debout, pionnier de la prévention du
suicide, ce drame silencieux peut et doit cesser. Ecrit par un médecin spécialiste reconnu
de la prévention du suicide, ce livre met en évidence une carence dramatique du système
de soins en France. Alors qu'une médecine du travail est en place pour les salariés, il
n'existe pas de médecine du chômage. Près de cinq millions de personnes touchées
psychologiquement et physiquement par la privation d'un travail ne bénéficient d'aucun
suivi médical spécifique. Or ce facteur pèse parfois de façon dramatique lorsque des
hommes et des femmes en viennent à mettre fin à leur jour... Cet ouvrage établit d'abord
un diagnostic très précis des souffrances psychiques et physiologiques générées par la
situation de chômage. Il pose ensuite les fondements d'un accompagnement médical
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spécifique des chômeurs. Au lieu de laisser de côté ceux qui sont exclus du marché du
travail, l'approche préventive des risques de santé au chômage aurait pour but de relier
les différents temps de la vie (travail, chômage, retraite). Conjointement avec la bataille
pour le droit au travail, la mise en place d'une réelle action de prévention des risques que
fait courir le chômage aux personnes privées d'emploi est urgente et indispensable au
mieux vivre ensemble de la société française. "
A bientôt…
Jacques Darmon
Si vous souhaitez ne plus figurer sur cette liste de diffusion, vous pouvez m'en faire part à
l'adresse suivante : [email protected]
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