Hida plan - Eluard et Leger
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Hida plan - Eluard et Leger
Photo prise par Izis (1911-1980) Brève biographie de l’auteur : Eugène Grindel, dit Paul Eluard est né en 1895, c’était un poète et écrivain d’art français. Il fit partie du groupe des surréalistes jusqu’en 1936 et plusieurs de ses ouvrages furent publiés avec les illustrations de ses amis peintres, Max Ernst, Man Ray, Picasso, Masson, Chagall, Fernand Léger, ... Ses écrits sur l’art ont été réunis après sa mort, survenue en 1952. Paul Éluard a choisi d’adhérer au parti communiste français en 1927 avec Louis Aragon, André Breton, Benjamin Péret et Pierre Unik. Ensemble, ils écrivirent « Au Grand Jour », un tract collectif dans lequel ils expliquent leur prise de position. Poète très engagé dans la Résistance – il s’était déjà violemment insurgé contre le soulèvement franquiste (son poème « Victoire de Guernica » en témoigne) –, Paul Éluard publia, en 1943, L’ «Honneur des poètes» avec des auteurs résistants comme Pierre Seghers et Jean Lescure. L’année précédente, en 1942, avait paru «Poésie et Vérité», un recueil de poèmes de lutte qui tentaient d’atteindre les combattants en soutenant leur cause, en maintenant leur espoir en une possible victoire. Le poème « Liberté » est à ce titre un texte emblématique de la Seconde Guerre mondiale, de l’engagement des hommes et de la lutte pour un idéal. Photo datée de 1936 prise par Carl Van Vechten (1880-1964) Brève biographie de Fernand Léger (1881-1955) Fernand Léger était un peintre français né en 1881 à Argentan. Après avoir travaillé dans l’architecture, il décida de monter à Paris en 1900, en compagnie de son ami, André Mare avec lequel il partagea un atelier. Là, il se lia avec les artistes du groupe cubiste dont il subit l’influence. Puis il entreprit une œuvre très personnelle dont les préoccupations majeures étaient la recherche d’un rythme moderne par l’opposition des formes et le contraste des tons. Ce qui aboutit dès 1913 à des toiles abstraites, ce fut la gloire : il présenta au Salon «La Noce» 1911 et «La femme en bleu» 1912. Il entama une série de «Contrastes de formes», en effet Léger maîtrisait ce vocabulaire entre les formes et les couleurs mais sous l’influence de son séjour au front durant la guerre de 1914-1918, il revint peu à peu à la figuration avec une conception particulière où il exploita des éléments mécaniques. C’est en août 1914, qu’il partit pour trois ans au front, dans la forêt de l'Argonne et à Verdun, où il servit comme brancardier. Cette expérience lui inspira deux chefs-d'œuvre, exécutés en permission et en convalescence : «le Soldat à la pipe» (1916) et «la Partie de cartes» (1917). Ensuite, il s’intéressa au cinéma et réalisa un moyen métrage, «Ballet mécanique» en 1924. Dès cette époque ses peintures étaient constituées d’aplats de couleurs délimités d’une manière très précise et son trait était uniforme. Revenu à la figuration sans modifier son style il mit en rapport dans ses toiles des images très schématiques de la vie culturelle ou rêvée et de la vie réelle, comme dans la «Joconde aux clés», 1930, Musée Fernand Léger, Biot. De 1940 à 1945, il fit un séjour aux états-Unis qui confirma son intérêt vis-à-vis de la vie moderne et qui était de plus en plus visible dans ses œuvres qui illustraient la vie même de l’homme contemporain. C’est en 1952 que Paul Éluard et Fernand Léger se sont rencontrés après la Seconde Guerre mondiale. Plus encore que leur engagement politique – ils étaient tous les deux membres du parti communiste – ils avaient en commun l'aspiration à la sincérité. Leur amitié se manifestait également sur le plan artistique: Léger peignit en 1947 un portrait d'Éluard. Ce dernier écrivit à son tour pour Léger les poèmes «Les constructeurs» et «A Fernand Léger». A la suite de quoi Léger illustra, en 1953, l'édition en accordéon du poème d'Éluard «Liberté, j'écris ton nom». En 1954, il acheva «La grande parade» fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence qui était la synthèse de son art. Il exécuta aussi des décors de théâtre, des vitraux, des décorations murales , des cartons de tapisseries, des sculptures polychromes en céramique, ... Ce fut un peintre de son temps, de la machine, de la modernité, de la civilisation industrielle et urbaine. Son langage était à la fois rigoureux et libre. Analyse de l’œuvre -Formes : La nature des ces illustrations est une impression en couleur sur support papier. Le long poème «Liberté, j'écris ton nom» portait le titre : «Liberté». Et il s'agissait du premier poème du recueil «Poésie et vérité» 1942. Paul Éluard l'avait écrit au cours de l'été 1941 et l'avait qualifié de «poème de circonstance», car il exprime le sentiment d'espoir qui régnait à l'époque au sein du mouvement de lutte pour la libération. Le poème a été très populaire. Le mot «liberté» et le vers «j'écris ton nom» qui y reviennent sans cesse provoquaient l’espoir et le renouveau. Le genre auquel pourrait s’apparenter cette œuvre est Le format est de et il se présente sous la forme d’un dépliant et il fut distribué sous la forme d’un livre accordéon constitué de six bandes de papier qui se replient les unes sur les autres. Le style est un mélange entre cubisme et surréalisme. Dans ces illustrations, il reprend les couleurs qu’il utilisait à l’époque dans des scènes rappelant le monde du cirque. Dans «Liberté, j'écris ton nom», elles semblent glorifier un événement. Le livre en accordéon ressemble quelque peu à un dépliant. Ce «poème-objet» a été imprimé en utilisant la technique du pochoir. On reconnaît sur l'endroit le visage de Paul Éluard , un portrait que Léger avait peint en 1947. Les différentes bandes Sur la première bande le nom de l’auteur est écrit à la hauteur du titre. Les caractères typographiques utilisés sont des latines en majuscules. Le corps des lettres est de couleur jaune, seule, la lettre A est de couleur noire. Le nom du poète par un effet d’optique semble s’avancer sur un fond animé de formes de couleurs vives. La deuxième bande reprend le même principe pictural : la composition de formes colorées sur un fond neutre. Cependant, ici un dessin prend place sur ces formes de couleur. Le graphisme utilisé est un trait épais et continu sans modulation dans son épaisseur. Il représente le portrait de Paul Éluard dans une attitude pensive : son visage au regard rêveur repose au creux de ses mains. Ce portrait au trait est encadré par le titre du poème. Des caractères manuscrits se mélangent à des caractères très réguliers, on remarque l’emplacement judicieux du pronom personnel et du verbe écrire sur la main de l’écrivain. Les troisième et quatrième bandes sont consacrées à l’impression du poème. Des formes de couleur s’adaptent parfaitement et pénètrent le corps du texte. Grâce au principe de la répétition, elles rythment la surface et sans doute la lecture. Enfin, les cinquième et sixième bandes reprennent le titre du poème accompagné cette fois du nom de l’artiste peintre. La ligne ondulatoire et décorative de la fin du mot liberté mêle ses entrelacs aux lettres du nom de Fernand Léger. Les couleurs utilisées appartiennent à une gamme chromatique réduite, celle des couleurs primaires et des couleurs secondaires. Ce choix est à l’origine d’un fort chaos visuel où les couleurs complémentaires(orange/bleu...) attirent le regard et forment de forts contrastes de complémentaires. Libérée de toute forme figurative, la couleur telle une tache semble jouer avec le texte. La technique du pochoir initialement utilisée par Fernand Léger permettait la création de formes simples qu’il est aisé de peindre à l’aide d’un aplat de couleur homogène. Il articule les jeux entre les pleins et les vides, il s’intéresse aux images et au rythme, au texte et à son rythme, la couleur glisse au dehors du dessin, elle est par endroit délivrée du contour. Vers 1944 il avait déclaré : «J’ai libéré la couleur de la forme en la disposant par larges zones, sans l’obliger à épouser les contours de l’objet : elle garde ainsi toute sa force, et le dessin aussi». Il mit aussi au point le système de la « couleur en dehors », inspiré de la publicité lumineuse des villes américaines, où des bandes colorées séparées du motif renforcent les pouvoirs expressifs et dynamiques des teintes vives. Le contexte lié à l’écriture du poème : Au départ, ce poème était un poème d’amour, dont le titre était «Une seule pensée», pensée qui correspondait à celle de la femme qu’il aimait. Progressivement, Paul Éluard se rendit compte que son poème pouvait s’adresser à tous. Ce poème était un hymne à la liberté face à l'occupation de la France par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. -Significations : Fernand Léger a choisi de s’exprimer librement sur le plan artistique et ainsi il fait directement écho au titre du poème de Paul Eluard. Le dessin et la couleur sont dissociés l’un de l’autre et la ligne est libre, elle ne cerne plus la couleur. La manière de travailler de Fernand Léger est celle qui correspond bien à son style qu’il met en avant dans cette illustration. De plus il a eu recours à la technique du pochoir ce qui permet une meilleure lisibilité. Ce poème prend tout son sens et il est alors proche du slogan politique. Et ce n’est pas un hasard, en effet, il faut rappeler qu’il est important pour Fernand Léger que ses œuvres soient comprises et accessibles au plus grand nombre. Mais plus particulièrement aux ouvriers, Fernand Léger lui-même étai le fils d’un marchand de bétail et il a toujours voulu rester compréhensible sans oublier son appartenance au parti communiste qui a un sens très important : habituellement les ouvriers n’avaient pas accès au monde de l’art. Mais une grande partie des œuvres de Léger réalisées autour de la Seconde Guerre mondiale témoignent d'ailleurs d'un véritable engagement social et également d'un esprit solidaire. Elles ressemblent aux affiches à tendance politique : couleurs vives, aplats et liens établies entre textes et images. De la même manière, le lexique est accessible à tous, et plus particulièrement il était destiné aux soldats (« armes des guerriers ») dans un premier temps, afin de leur redonner espoir. Cet aspect est souligné également par la simplicité syntaxique retenue : « J’écris ton nom » (sujet-verbe-complément). Ainsi Fernand Léger cherchait à trouver cette équivalence par les couleurs et les lignes. Usages : Le poète voulait être compris, redonner à la fois l’espoir et la force. C’est un poème de la résistance. D’ailleurs, la RAF – l'armée de l'air britannique – en avait diffusé plusieurs milliers d'exemplaires dans toute la France. Et ce poème a pu atteindre une plus grande popularité. Conclusion : C’est un poème qui s’adresse à tous. Il est important de rappeler que ce poème était destiné à être chanté. Nombreux sont les résistants qui le connaissaient et le connaissent encore par cœur. Sa mémorisation facile, l’utilisation de la première personne du singulier « Je » favorise l’appropriation du poème par chacun. La liberté est intimement liée au domaine personnel. Ce texte est une prise de position pour la Liberté, la liberté qui a été enlevée aux individus. Cette liberté peut être retrouvée, l’espoir n’est pas totalement perdu. Et, les illustrations de Fernand Léger viennent renforcer le sens des mots et elles permettent de transmettre par les couleurs, les formes, les lignes, les contrastes cette force des émotions. Une rencontre déterminante que celle de l’artiste et du poète : le poète qui se voulut un militant, un agitateur politique, a trouvé en Fernand Léger un camarade puisqu’il était membre du parti communiste auquel il avait adhéré en 1945, ces dernières œuvres montrent bien l’engagement du peintre, et un artiste libre, qui a une liberté d’expression, il est indépendant : textes, images et couleurs sont libérés des contraintes traditionnelles.