CASCADE DE L`ANABAPTISTE.

Transcription

CASCADE DE L`ANABAPTISTE.
C A S C A D E D E L'ANABAPTISTE.
ON
peut se lasser de décrire; mais on ne se lasse pas de regarder. Plus près de Roche, une nouvelle cascade attire l'attention.
...
De prts est admirée et de loin entendue,
Cette eau toujours tombante et toujours suspendue :
Varide, imposante
elle anime B 1s fois
Les rochers et 1s terre, et les eaux et les bois.
,
DE
LILLE.
.
Quelle magnificence dans le désordre de ce morceau de la Birsel Je la vois houilIomer, blanchir, écumer;. . . j e l'entends retentir, renforcer son fiacas et
se multiplier par los échos des montagnes et des forets ;. . . j e la sens me pénétrer de frdcheur et do surprise, en captivant de concert mes yeux et mes areilles.
Tout joue son rôle sur cet humide e t , mobile thdhtre ,, . ces rocs arrondis e t penchans ces arbres touffus et entrelacés ces groupes ah les arbres et les rocs se
&fondent pour ne faire qu'un m&me massif, ces troncs déracinés que le torrent soul&ve et balance,. . . tout jusqu98 ces plantes de rivage dont la tige s'incline
mollement vers les eaux qui semblent l'attirer pour la désaItérer. Ici l'éclatante blancheur de la rivitre contraste avec les couleurs foncées des objets environnans , e t
fait d'autant mieux ressortir la teinte bronzée des rocaiIIes et la sombre verdure des sapins. Tel qu'une draperie flottante, le EeuiUage rembruni de la foret qui tapisse
les collines supérieures couvre tout Ee paysage d'une ombre dégradde et fugitiye. Aussi cette chute d'eau mérite d'avoir un nom particulier. Je l'appellerai la Cascade
de l'Anabaptiste, et l'on trouvera comme m o i qu'un trait d e Lienfaisance, qui se lie par le souvenir 9, une belle schne de la nature, l'embellit encore davantage et
en tire un charme réciproque. Asseyez-vous donc, voyageurs , et écoutez le récit qui m'a &té fait sur ce m&me rivage. Au commencement du dernier sikcle se
xeposoit ici sur un vieux tronc, au bord de la Birse, un Anabaptiste de ln vallde de Moutier, en barbe blanche, en habit de toile et en chapeau sans bouton.
Il voit venir un' inconnu dans le plus grand désordre (c'étoit un marchand ambulant), et il s'aperçoit qu'il verse des larmes. Voici le court dialogue qu'ils eurent
ensemble. - Qu'as-tu pour pleurer ainsi ?
Je suis ruiné ; des brigand; m'ont tout pris ; il ne me reste rien. - Ta-t- on aussi p i s le bon Dieu ?
Non -
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Eh bien 1 ne dis donc pas on m'a tout pris. Tiens, ajoute l'Anabaptiste, en Jui inettant sa bourse dans la main, tiens, Irére l voillt ce que le bon aieu me
dit de te donner de sa port " .. . , et, sans attendre de remercimens , il continue sa route, et il s'dloigne h grands pas. - Cette anecdote m'invite 9, donner quel-
ques détails sur les ~ n a b a ~ t i a t e s dcette
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contrée, qui nc seront pas ddpourvus d'intdrkt pour Ics ames honnbtes et sensibles.
Sur toute cette lisiére du mont Jura, vivent une centaine de familles attachées i cette secte; elles sont établies non dans les villages dont elles évitent soigneusement le séjour, mais dans divers vallons reculés et solitaires, principalement dans le val de Chaluat sur Ia frontitre du canton de Soleure. Seurs ancktres quitt4rent,
il y a environ un si&cIe et ,udemi , le territoire de Berne, parce que le gouvernement exigeoit d'eux un serment de iïddlité , et vouloit qu'au besoin ils portassent
les armes pour la défense de la ~ a t r i e . PIutbt que de se soumettre h des lois contraires b leur systtme religieux, ces liornrnes de ~ a i xvendirent leurs terres, abandonnèrent le-:jim de leur naissance, et se retirérent d q s le @ays de Moutier o h ils reçurent un accueil favorable. LA, iIs prirent It bail des métairies isolées, que
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mal b personne et faisant du bien tous,
ioiauk dans leurs -marchds , ne faisant
leurs descendanr habitent encore. Bons %gric~lteurs, habiles
fidkles au oui et nu non dvnngéliqiies, ces xespectables bergers, plus ressemblans en divers oints aux premiers Chrdtiens qu'on'ne le croit communément, se concilient
et ~ ~ f f e c t i ode
n tous ceux qui les fréquentent ou qui les visitent: les paysans meme des environs ne parlent qu'avec une sorte de vénération de la
bonne foi, de ]a bienfaisance et de la sdgularité de vie qui les caractérisent. C'est *ainsi que cette secte si turbulente h sa naissance, et qui souilla son berceau
et la plus endurante de toutes : aussi a- t - elle obtenu enfin la tolérmee
par le adlire le plus fanatique , ést devenue peu B peu la plus douce , Io plus
qui lui fur long-tems refus& .. l e u r culte est extrhrnement simple, et presque sans'cérémonie. Leur. confession de foi n'admet aucun article qui ne soit litteralement
au texte de ~ B v r n ~:i ~
leur
e conduite est scrupuleusement réglde sur cb grand principe , ' de ne faire 8. autrui que ce qu'ils voudraient qui leur fiit fait*
chez eux les vieillards sont aut'mt de. pontifes exerqans le sacerdoce de la nature, qui surveillent avec l'attention la plus soutenue les mœurs, les travaum+et
l'instructien d e toute In famille. Au milieu d'un peuple qui parle français, ils ont conservé la langue allemande; ce qui ne contribue pas peu h isoler leur colonie: leUr
est marquée au coin de ce style andque et énergique qui distique les écrits de Moyse , de David , de Salomon, dont ils font une étude journdihre.
11s s'assemblent tour h tour les uns chez les autres, sans éclat, mais sans mystére, pour lire les livres sacrés, pour s'exhorter 9. tout ce qui est honn&te et loui;ble, '
et pour invocpier -tt leur muniére le pkre céleste, qui regarde moins nux opinions qii73ux actions de ses enfans, et A qui les sentimens d'un cœur pur et droit sont
plus agréables que toutes les doctrines*des espnts les plus raffinbs; car c'est le dogme qui fait le Catholique ou le Protestant: mais c'est la pratique de la morale
évangél;que,- et l'imihti.on dé çelui qui nous a. apporté des cieux une religion d'amour et de p i x , qui fait le Chrétien. Ces habaptistes sont trks-reconnaissrrbles
leurs barbes, h la modestie de leUis v&temens sans art , et 8 leur phYiionornie sereine et patrinrchale. Les ninisons qu'ils habitent, tournées ordinairement au soleil
levant, sont de Ia plus grdde proprpté: ,leurs fils sont silencieux, dociles et calmes ; Ieurs filles douces, uaïves et fratches ; toute la famille méne une vie sédentaire
et laborieuse, qui n'exclut point cette ïndtdrable gaîté que. donne une bonne conscience. JUS ont fondé une bourse destide 9' secourir 'les pauvres de leur cornmunautd: si l'un d'eux est dans Ie besoin ( c e qui est rare, parce qu'ils travaillent t o u s ) , ils l'entretiennent, sans qu'il soit obligé de recourir h aucune assistance
dtrangere , e t , 61-a mal fait ses affaires , ils lui fournissent les moyens de se relever et de satisfaire ses créanciers. En . entrant saus les toits rustiques de ces
braves gens; en coiversant farnilikremmt' avec eux, en les suivant sur 1, ligne de franchise et de probité dont ils ne s'écartent jamais, quand on n'y croirait
pas, on apprendrait #croire
i
C la vertu et b l'embrasser comme éuz. L'obscurité de leur vie, le calmc de leur existence, le charme de leurs occupations pastu#
raies , lt&6n touchante qui regne dans leurs familles et ,dans leur société ; cette simplesse vendrable fondde sur l'ignorance des vices du grand monde, cet abandon
'si entier de leur &tre B la protection suprkme, qui les fait marcher en &surance, quoique incapables dkprprés leurs principes de se mettre en défense contre aucun
agresseur,' attache'-l'ami de la natGe par un attrait si touchant, qu'il est tenté de rester avec eux, pour penser et vivre comme eux.
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