Partie I La constitution du patrimoine professionnel

Transcription

Partie I La constitution du patrimoine professionnel
Partie I
La constitution
du patrimoine professionnel
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La question de la constitution d’un patrimoine professionnel suppose que
le dirigeant, au sens large, ou le chef d’entreprise ait besoin d’un ensemble
de biens et de crédits spécifiques, distincts de ceux dont il dispose pour sa
vie privée (logement, voiture, compte bancaire…), afin de développer son
activité professionnelle, de laquelle vont dépendre ses ressources.
En droit français, le choix de la localisation de ces biens professionnels
était, il y a encore peu, relativement simple : soit le dirigeant logeait les
biens destinés à son activité professionnelle dans son patrimoine global
en les agrégeant à ses autres biens (logement, voiture…), soit le dirigeant
constituait une personne morale (généralement une société) afin d’y apporter
les biens nécessaires à son activité professionnelle (la création de l’entreprise
unipersonnelle à responsabilité limitée ou EURL, en 1985, répondait à cette
problématique).
Ce système a vécu : si cette alternative demeure pertinente, aujourd’hui, il
convient aussi de faire mention de la faculté pour une personne physique de
dissocier ou de distinguer, au sein de son patrimoine unique, deux masses
de biens : les biens professionnels et les autres.
Sous ces remarques, il convient à présent d’examiner d’abord les règles
applicables à la constitution du patrimoine professionnel au sein d’un patri­
moine global (Chapitre 1), puis de présenter les règles propres à la constitution
de personnes morales pouvant accueillir les biens professionnels d’un
entrepreneur (Chapitre 2).
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La localisation
du patrimoine
professionnel au sein
du patrimoine global
1.1 La création d’une entreprise
individuelle
L’entrepreneur, la personne qui décide de créer une entreprise et, partant,
de développer un patrimoine professionnel, peut d’abord faire le choix
de l’entreprise individuelle. Ce choix est, en réalité, un non-choix : c’est à
défaut d’en faire un autre que le statut de l’entreprise individuelle trouvera à
s’appliquer. C’est, cependant, la forme retenue par près des trois quarts des
créateurs d’entreprises.
Dans cette hypothèse, l’entreprise et les divers éléments qui la composent
(clientèle commerciale ou civile, matériels, stocks, achalandage, nom
commercial, brevet, savoir-faire…) intègrent, en tant que tels, le patrimoine
unique de la personne physique qui va développer son activité profes­
sionnelle, qu’elle soit de nature commerciale, artisanale, industrielle, libérale
ou encore agricole.
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Le patrimoine du dirigeant
Le chef d’entreprise est la personne juridique qui, selon les diverses
prérogatives réelles (pleine propriété, usufruit, nue-propriété, jouissance),
détient l’ensemble des éléments nécessaires à l’exploitation de l’activité
écono­mique. L’entreprise n’est alors que l’un des éléments composant le
patrimoine du chef d’entreprise.
 Le cadre général
L’adoption du statut d’entrepreneur individuel peut relever de multiples
considérations :
► L’entrepreneur est seul à gérer l’activité, il n’a pas de compte à rendre à des
associés, ni de consensus à aller rechercher en termes de prise de décision.
► La simplicité de la formule, puisque l’entreprise individuelle se caractérise
par sa simplicité de constitution, il n’y a pas de statuts à rédiger, car l’entre­
preneur déclare son entreprise auprès de la Chambre de commerce ou
d’industrie ou de la Chambre de métiers et de l’artisanat (selon que son
activité est commerciale ou artisanale) ou effectue une déclaration à
l’URSSAF lorsque l’activité envisagée est libérale. Relevons que les entre­
preneurs individuels placés sous le régime fiscal de la micro-entreprise et
qui bénéficient du régime micro-social, peuvent être dispensés d’immatri­
culation au Registre du commerce et des sociétés ou au Répertoire des
métiers, sauf s’ils exercent une activité artisanale à titre principal néces­
sitant une inscription obligatoire au Registre des métiers. La décla­
ration d’activité en qualité d’auto-entrepreneur peut être réalisée à partir
du site internet www.lautoentrepreneur.fr. Concrètement, aujourd’hui,
l’entrepreneur déclarant s’adresse à un interlocuteur unique : le Centre de
formalités des entreprises (CFE) qui se charge de répercuter la demande
d’immatriculation auprès des administrations compétentes (par exemple,
le répertoire SIRENE, tenu par l’INSEE, qui délivre un numéro unique d’iden­
tification et un code d’activité APE). Le site www.guichet-entreprises.fr a
été mis en service le 1er janvier 2010 pour faciliter, au maximum, la création
d’entreprise en rendant aisément accessibles, à chacun, l’infor­mation
et l’accomplissement des formalités. Il permet d’identifier leur centre
de formalités des entreprises, de déposer, par internet, votre demande
d’immatriculation, ainsi que de suivre l’état d’avancement de votre dossier.
Il reste qu’un certain nombre de formalités ne sont pas prises en charge
par le CFE : stage à la préparation à l’installation en matière artisanale,
demande d’autorisation d’exercer son activité à son domicile, vérification du
nom de l’entreprise auprès de l’Institut national de la propriété industrielle,
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La localisation du patrimoine professionnel au sein du patrimoine global
assurances, adhésion à une caisse de retraite de salariés même si vous
n’embauchez aucun salarié.
► Il n’y a pas de capital social à avancer et à bloquer dans le bilan de
l’entreprise, l’engagement financier étant seulement fonction des investis­
sements et du besoin en fonds de roulement prévisionnel (BFR).
► La gestion est simplifiée, l’entrepreneur n’ayant pas à rendre compte
de sa gestion, ni à publier ses comptes annuels. De surcroît, les biens
nécessaires à son activité professionnelle sont inscrits, ou non, à l’actif du
bilan et peuvent faire des allers-retours avec le patrimoine privé (même si
cela n’est pas recommandé, notamment, en termes de computation des
délais pour bénéficier des abattements et des exonérations en matière
de plus-values professionnelles).
► Enfin, le choix de l’entreprise individuelle peut encore être retenu pour la
simplicité de son régime fiscal et social, lorsque l’entreprise est éligible
aux régimes prévus pour les micro-entreprises. Ainsi, dès lors que le
chiffre d’affaires (CA) de l’entreprise ne dépasse pas 81 500 € HT pour
les entreprises de vente de biens, fourniture de logement et métiers de
bouche et 32 600 € HT pour les entreprises de fournitures de services,
l’entrepreneur a la possibilité d’opter pour le régime prévu à l’article 50 du
CGI et L. 136-6-8 du CSS, qui permet de déterminer aisément le résultat
imposable et les charges sociales à acquitter. L’impôt correspond à 29 %
du CA HT pour les activités de la première catégorie (l’administration
applique un abattement forfaitaire de 71 % sur le CA), de 50 % pour
les activités de la seconde catégorie (abattement de 50 %) et de 66 %
pour les activités libérales (abattement de 34 %). Quant aux cotisations
sociales, le régime du micro-social en fixe le taux à 12 % du CA pour
les métiers de vente de marchandises, de fourniture de logement et des
métiers de bouche, à 21,3 % pour les activités de prestations de services
et à 18,3 % pour les activités libérales. Ce régime est à privilégier lorsque
le montant réel des charges supportées par l’entreprise est inférieur à
l’abattement pratiqué par l’administration fiscale : la différence constitue
un gain pour l’entrepreneur. Il lui faut donc déterminer précisément ces
charges.
Au-delà des seuils de 80 300 € HT ou de 32 100 € HT, le régime dit du
« micro » n’est plus applicable. Un régime dit classique (régime du réel pour
les activités relevant des bénéfices industriels et commerciaux ou BIC et
régime de la déclaration contrôlée pour les bénéfices non commerciaux ou
BNC) trouve à s’appliquer.
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Le patrimoine du dirigeant
Autrement dit, l’imposition et les cotisations sociales sont alors calculées sur
la base des bénéfices réellement réalisés (recettes moins les charges) et non
plus de manière forfaitaire comme dans le régime du « micro », déterminé par
l’entrepreneur individuel au vu de sa comptabilité (sauf option pour l’impôt sur
les sociétés par un entrepreneur individuel à responsabilité limitée).
Il convient de noter que, dans les deux cas susmentionnés (entreprise
individuelle classique ou éligible au régime du « micro »), les cotisations
sociales doivent être versées à titre provisionnel, et font l’objet d’une régula­
risation l’année suivante, une fois le revenu professionnel connu. Aussi, en
début d’activité, ces cotisations provisionnelles sont-elles calculées sur une
base forfaitaire, faute d’encaissement.
Face à ces nombreux avantages qui séduisent les créateurs d’entreprises,
il y a lieu de mentionner aussi quelques inconvénients :
►►
L’entrepreneur est indéfiniment responsable des dettes professionnelles
sur l’ensemble de son patrimoine personnel (sous réserve de ce qui sera
dit infra, Partie II).
► Les bénéfices de l’entreprise sont imposés à l’impôt sur le revenu, qu’ils
soient ou non distribués (pas moyen de capitaliser les bénéfices en fran­
chise d’impôt) : ce qui limite la capacité d’autofinancement et inclut le prélè­
vement de l’exploitant qui n’est donc pas déductible du résultat imposable.
Il reste que, le choix de l’entreprise individuelle pourra s’imposer au stade
du démarrage de l’activité économique. En effet, le statut de l’entreprise
individuelle apparaît-il plus intéressant que celui d’une structure sociétaire
soumise à l’impôt sur les sociétés, car il permet d’imputer, sur l’ensemble
des autres revenus composant le résultat fiscal du contribuable, les pertes
générées par le lancement ou la reprise de l’activité (par exemple, un prêt
pour racheter un fonds de commerce ou des parts sociales d’une société
de personne soumise à l’impôt sur le revenu dans laquelle l’entrepreneur
exercera son activité).
Cette dernière remarque mérite, cependant, d’être contrebalancée par deux
dispositions :
► La première tient à la faculté que les personnes physiques ont, aujour­
d’hui, de bénéficier, sous certaines conditions (acquérir au moins 50 %
des droits de vote, exercer une fonction de direction et conserver les
titres acquis pendant au moins cinq ans), d’une réduction d’impôt égale
à 25 % des intérêts des emprunts souscrits pour acquérir les titres d’une
société non cotée dans la limite de 10 000 € (20 000 € pour un couple,
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soit une réduction maximale de 5 000 €). Cette mesure introduite en
2003 a été revue par la loi de modernisation de l’économie (LME) du
4 août 2008 qui a, d’une part, porté le plafond de 10 000 € à 40 000 €
(ce qui permet de rechercher une économie d’impôt de 5 000 € pour
un célibataire) et d’autre part, assouplie la condition de détention des
droits de vote en la ramenant à 25 % et en permettant que ce seuil soit
atteint par les membres d’un même groupe familial (conjoint, ascendants
et descendants) ou par les plusieurs salariés de la même entreprise
(CGI, art. 199 terdecies 0 B). L’acquéreur doit prendre l’engagement de
conserver les titres de la société reprise jusqu’au 31 décembre de la
cinquième année suivant celle de l’acquisition.
► La seconde est une nouveauté très intéressante introduite par la loi dite
LME du 4 août 2008 et qui permet aux sociétés anonymes, aux sociétés
par actions simplifiées (y compris unipersonnelle) et aux sociétés à
responsabilité limitée (y compris unipersonnelle), dont les titres ne sont
pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers, dont
le capital et les droits de vote sont détenus à hauteur de 50 % au moins
par une ou des personnes physiques et à hauteur de 34 % au moins par
une ou plusieurs personnes ayant, au sein desdites sociétés, la qualité
de président, directeur général, président du conseil de surveillance,
membre du directoire ou gérant, ainsi que par les membres de leur foyer
fiscal au sens de l’article 6, d’opter pour le régime fiscal des sociétés de
personnes mentionné à l’article 8 (CGI, art. 239 bis AB). Cette option est
subordonnée au respect de certaines conditions :
▼▼
La société exerce, à titre principal, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion de la gestion de son
propre patrimoine mobilier ou immobilier.
▼▼
Elle emploie moins de cinquante salariés et a réalisé un chiffre d’affaires annuel ou a un total de bilan inférieur à 10 millions d’euros au
cours de l’exercice.
▼▼
Elle est créée depuis moins de cinq ans, étant précisé que ces premières conditions s’apprécient de manière continue au cours des
exercices couverts par l’option.
L’option ne peut être exercée qu’avec l’accord de tous les associés. Elle doit
être notifiée au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration
de résultats dans les trois premiers mois du premier exercice au titre duquel
elle s’applique. L’option est valable pour une période de cinq exercices, sauf
renonciation notifiée dans les trois premiers mois de la date d’ouverture de
l’exercice à compter duquel la renonciation s’applique.
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Le patrimoine du dirigeant
En cas de sortie anticipée du régime fiscal des sociétés de personnes, quel
qu’en soit le motif, la société ne peut plus opter, à nouveau, pour ce régime
en application du présent article.
1.2 L’auto-entrepreneur
Le régime d’« auto-entrepreneur » n’est pas véritablement un nouveau statut
juridique. Introduit par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 (dite LME), le statut
d’auto-entrepreneur vise un entrepreneur individuel qui va opter pour un
régime administratif, fiscal et social simplifié. Ce régime se traduit ainsi par :
► Une déclaration et un paiement simplifié des cotisations et des contri­
butions sociales (le régime « micro-social » simplifié).
► Une déclaration et un paiement simplifié de l’impôt sur le revenu (versement
libératoire de l’impôt sur le revenu), sur option et sous certaines conditions.
► Une exonération de la cotisation foncière des entreprises l’année de la
création et les deux années suivantes.
► Pour les créateurs d’entreprise (artisans et commerçants), la dispense
d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) et dans
certains cas au répertoire des métiers (RM), s’ils le souhaitent. Toutefois,
pour exercer une activité artisanale à titre principal, l’immatriculation au
répertoire des métiers (RM) est obligatoire et, le cas échéant, l’autoentrepreneur doit également attester d’une qualification professionnelle.
Pour pouvoir prétendre à ce régime, l’entreprise individuelle doit relever du
régime fiscal de la micro-entreprise, c’est-à-dire réaliser un chiffre d’affaires
qui ne doit pas dépasser, pour une année civile complète en 2011, 81 500 €
pour une activité de vente de marchandises, d’objets, de fournitures, de
denrées à emporter ou à consommer sur place ou pour une activité de
fourniture de logement et 32 600 € pour les prestations de services relevant
de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des
bénéfices non commerciaux (BNC). Pour l’appréciation de ces seuils, le
chiffre d’affaires est « proratisé » en fonction de la durée d’activité.
Pour aller plus loin
Par exemple, pour une activité de prestations de services commencée au
1er mars 2011, le montant maximum du chiffre d’affaires à ne pas dépasser
est de : (32 600 x 306)/365, soit 27 330 €.
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