Chez les Dromesko, mariage et enterrement pour tous
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Chez les Dromesko, mariage et enterrement pour tous
Date : 23 JAN 16 Page de l'article : p.14-15 Journaliste : Fabienne Darge Pays : France Périodicité : Quotidien OJD : 273111 Page 1/1 CULTURE Chez les Dromesko, mariage et enterrement pour tous Au Monfort Théâtre puis au 104, les acteurs-danseurs-acrobates de la troupe orchestrent un ballet de vie et de mort inspire, où l'on croise des animaux et des pantins THÉÂTRE O n n'est pas toujours à la fête, ces temps-ci, et la perspective du grand soir semble s'éloigner vers un horizon lointain. Alors on est bien content de pousser la porte de la baraque des Dromesko, plantée devant le Monfort Théâtre à Paris - avant d'aller s'installer sous l'immense nef du 104-, et de se laisser aller au charme entêtant de leur nouvelle création, Le four du grandeur. Ici au moins, il y a de la poésie, de la chaleur humaine et même animale, et une belle manière de ne pas s'en laisser compter sur la médiocrité ambiante. Avec cet « impromptu nuptial et turlututu funèbre», les Dromesko, autrement dit Lily, Igor et toute leur bande, mettent en scène une noria sans fin de mariages et d'enterrements pour tous. Leur petite entreprise de noces et banquets tourne à plein régime, avec le meilleur de ce qu'ils savent faire: des images surréalistes et magnifiques, qui semblent toujours sorties de tableaux de James Ensor ou de Félicien Rops, des animaux à la présence fracassante, des saynètes volées à la vie et des tas de petits riens qui s'attrapent au vol comme des cadeaux. Tout commence pourtant de manière - relativement - réaliste, dans le petit espace ménagé entre les deux rangées de spectateurs Tous droits réservés à l'éditeur qui se font face. Un édile ceint de son écharpe tricolore y va de son discours sur la vie dè sa commune, se félicitant de l'inauguration d'un nouveau rond-point qu'on hésite encore à baptiser du nom de Marion Maréchal-Lé Pen ou de celui d'Olivier Py (directeur du Festival dAvignon qui a pris position contre le Front national), ou se réjouissant que la petite ville accueille «les premières rencontres de vidéo-surveillance amateur». C'est le comédien et auteur Guillaume Durieux qui est à la manœuvre dans ces scènes-là, et il a vraiment du talent pour la satire joyeuse mais néanmoins caustique. La fête recommence La suite est moins réaliste et plus onirique, dans ce ballet sans fin, de la vie, de l'amour et de la mort qu'orchestrent les Dromesko. Il y a cette scène où les acteurs-danseurs-acrobates de la troupe dansent avec des pantins, avec une frénésie dont on ne sait si elle est pleine de vie ou déjà gagnée par la mort. Il y a cette image inoubliable, totalement saisissante, d'Igor et de Lily s'enroulant l'un dans l'autre, Lily s'enroulant ellemême dans son marabout, Charles, oiseau d'une envergure impressionnante, très beau et légèrement inquiétant dans un espace aussi étroit, comme une charge de sauvagerie et de liberté toujours possibles. Il y a de ces repas, de couple ou de famille, où l'on s'engueule et où on n'a rien à se dire, et puis il y a des trucs comme ça, Caria la truie qui déroule le tapis rouge, par exemple. Et ce défilé sans fin de mariées, des mariées-hommes, des mariées naines, vélasquéziennes, des mariées moches, des mariées-putains, des mariées de plus en plus décaties, traînant le long de leurs longues traînes des poupons en Celluloïd. Et enfin il y a ce banquet de la mort, avec deux jeunes mariés allongés sur une longue table, pour leur premier et leur dernier repas. La fête est finie. Mais à peine est-elle finie qu'elle recommence. Et c'est autour de cette grande table que toute la troupe convie les spectateurs à manger les gougères encore tièdes et à partager le verre de vin rouge qui n'est pas chaud, ce coup-ci. C'est un bien beau soir que ce Jour du grand jour, rn FABIENNE DARGE Le four du grand jour (impromptu nuptial et turlututu funèbre), parle Théâtre Dromesko. Monfort Théâtre, 106, rue Brandon, Paris ise. Tél : 01-56-08-33-88. www.kmonfort.fr. Du mardi au samedi à 20 h%o, jusquau 30 janvier. De 10 à 28 euros. Durée : i h^o. A partir de 12 ans. Puis au 104, à Paris ige, du g au 20 février, et en tournée. MONFORT 7265276400524