Accord de Jokkmokk En répondant aux aspirations des Peuples

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Accord de Jokkmokk En répondant aux aspirations des Peuples
Accord de Jokkmokk
En répondant aux aspirations des Peuples Indigènes et des communautés du
monde, désireux de se rencontrer, de s’écouter et d’échanger des idées afin de
protéger nos systèmes alimentaires locaux et durables, ainsi que la souveraineté
alimentaire, en concordance avec nos pratiques culturelles, nos valeurs spirituelles
et notre responsabilité sacrée de maintenir le Monde Naturel sain et pérenne;
En soulignant les conditions et les principes énumérés par les Nations Unies lors de
l’Assemblée générale de 2007 dans la Déclaration des Droits des Peuples Indigènes
(UNDRIP) qui reconnaît les droits à la subsistence, à l’auto-détermination, à des
terres et des ressources, au consentement préalable, libre et informé, au lien spirituel
avec la terre et les ressources, à la protection et la transmission de savoirs
traditionnels, et qui reconnaît également le besoin de s’intéresser aux différents
impacts de la colonisation et des injustices de l’Histoire envers les Peuples
Indigènes ;
En acceptant la philosophie de Terra Madre selon laquelle revient à chacun le
droit fondamental au plaisir d’une nourriture qui soit bonne, propre et juste, et
par conséquent la responsabilité de protéger les héritages culinaires,
traditionnels et culturels qui rendent ce plaisir possible.
Nous, Peuples Indigènes d’Afrique, des Amériques, de Russie, d’Arctique, d’Asie,
d’Océanie et d’Europe,
Réunis à Jokkmokk, Sapmi, Suède, du 17 au 19 juin 2011, lors du premier sommet
Indigenous Terra Madre,
Nous accordons à l’unanimité par la présente sur les propositions d’actions
suivantes :
1. Nous encourageons nos Peuples, communautés, producteurs locaux et autres
détenteurs de savoirs traditionnels y compris les femmes indigènes, à échanger,
utiliser, soutenir et transmettre le savoir traditionnel, les innovations et pratiques
holistiques, à l’intérieur de leurs communautés et entre elles, selon le principe du
consentement préalable, libre et informé. Cela inclut l’utilisation de la terre, des eaux
et des glaces, l’agriculture traditionnelle, la gestion des forêts, les cérémonies liées à
la nourriture et les pratiques spirituelles, les semences ancestrales, la protection de
la biodiversité (plantes agricoles, animaux, graines et remèdes), le pastoralisme ainsi
que les différentes réponses aux changements climatiques, à la contamination de
l’environnement et autres menaces. Ainsi, nous continuerons de restaurer, de
protéger et de renforcer notre souveraineté alimentaire traditionnelle tout en assurant
à notre jeune population, et par là aux futures générations, la transmission de savoirs
essentiels.
2. Nous encourageons l’établissement de « Zones de souveraineté alimentaire »
définies, dirigées et contrôlées par les Peuples Indigènes et les communautés
suivant les lois d’usage et exemptes de toute industrie d’extraction, de déforestation,
de brevetage de toute forme de vie, de systèmes agricoles encourageant la
monoculture, de méthodes de production alimentaire basées sur des produits
chimiques (pesticides ou engrais chimiques, produits toxiques contaminants,
biocarburants et organismes génétiquement modifiés).
3. Nous soutenons et encourageons la reconnaissance, la démarcation et la
protection des terres et des ressources des Peuples Indigènes (y compris les forêts,
les pâturages, les semences, l’eau et les remèdes), qui sont essentielles à la
production et à la maintenance de la production alimentaire locale, à la gestion
traditionnelle de la terre et aux systèmes d’usufruit de la terre.
4. Nous condamnons l’accaparement des terres (ou land grabbing) et leur
parcellisation, la gestion non pérenne des ressources, la biopiraterie, la privatisation,
le brevetage des plantes et semences alimentaires, et autres politiques qui
entraînent une diminution de l’accès aux terres, aux eaux, et autres ressources liées
à l’alimentation pour les Peuples Indigènes. En outre, nous exprimons notre
solidarité envers les Peuples et communautés les plus vulnérables. Nous lançons un
appel pour ceux qui luttent contre toutes ces politiques et activités destructrices, et
qui travaillent à la restitution des terres et des ressources confisquées à ces peuples
sans leur consentement préalable, libre et informé.
5. Nous reconnaissons les multiples et sérieux impacts du changement climatique,
ses causes, ses effets, et ses « solutions » non pérennes, y compris la production de
biocarburants, sur les Peuples Indigènes, leurs écosystèmes, leur production
alimentaire locale et leur souveraineté alimentaire de par le monde. Nous soutenons
l’implication active des Peuples Indigènes dans la prévention des causes du
changement climatique et dans la recherche de solutions et de réponses adaptées à
tous les niveaux et selon leurs savoirs traditionnels, leurs pratiques et leurs modes
de vie.
6. Nous demandons l’implémentation pour les Communautés Indigènes de
programmes et d’activités d’apprentissage, d’organes et d’agences de gouvernance
du niveau local au niveau international, et d’ONG visant à déclencher des prises de
conscience quant à la souveraineté alimentaire et les droits du même ordre pour les
Peuples Indigènes. Nous demandons également le respect et la reconnaissance, à
tous les niveaux, des pratiques et de l’usage traditionnel des systèmes alimentaires
locaux des Peuples Indigènes.
7. Nous appelons l’Instance Permanente sur les Questions Autochtones des Nations
Unies (UNPFII) lors de sa 11e session, demi-journée de discussion sur le droit des
Peuples Indigènes à la nourriture et à la souveraineté alimentaire, à considérer
également des recommandations pour maintenir et renforcer la pérennité et la
résilience des systèmes alimentaires indigènes dans le monde, y compris ceux des
peuples ruraux et nomades. Dans cette perspective, nous soutenons aussi la
décision de l’UNPFII de conduire une étude sur les impacts du changement de
l’usage des terres ainsi que du changement climatique sur le mode de vie des
gardiens de rennes indigènes, et de la présenter lors de la 11e session de l’UNPFII
en 2012.
8. Nous encourageons la Conférence Internationale des Nations Unies sur les
Peuples Indigènes, prévue pour 2014, ainsi que Rio + 20, à étudier les instruments
internationaux existants, les déclarations, les conventions, les normes et procédures,
afin de s’assurer qu’ils soutiennent entièrement la participation et les droits des
Peuples Indigènes. Nous appelons ces Conférences Internationales à traiter, en
particulier, la question de la Souveraineté Alimentaire des Peuples Indigènes, y
compris la protection des savoirs traditionnels et le droit à leur application, ainsi que
le droit aux terres et aux ressources naturelles, afin de formuler des
recommandations pour des améliorations efficaces dans cette visée.
9. Nous encourageons toutes les agences de Nations Unies, et toute agence
multilatérale, y compris l’IFAD, la FAO, l’UNDP, l’IUCN et l’ILO, ainsi que les
agences et organes de gouvernement à tous les niveaux, à promouvoir activement et
à implémenter les droits des Peuples Indigènes, prenant en compte leur participation
totale et effective dans la prise de décisions, conformément à l’Article 42 de
l’UNDRIP.
10. Nous encourageons Terra Madre et les Peuples Indigènes à continuer leur
coopération, leurs échanges d’informations et l’agrandissement de leurs réseaux
dans le but d’implémenter cet Accord, et à considérer également la création d’un
Groupe de Travail de Peuples Indigènes au sein de Terra Madre.
11. Nous répandrons les principes de cet Accord dans nos propres communautés, et
préparerons puis partagerons des rapports et des nouvelles de son implémentation,
y compris des succès pratiques, des opportunités, et des exemples qui peuvent être
reproduits dans d’autres régions et communautés ;
12. Nous nous engageons à prolonger la consolidation et le renforcement du réseau
des Peuples Indigènes et de nos alliés, formé à l’occasion de la 1e Conférence de
Indigenous Terra Madre, par des communications suivies ainsi que par des
collaborations et rassemblements additionnels.
Enfin, nous exprimons notre gratitude et notre solidarité aux Peuples Sami ; nous les
remercions, ainsi que la municipalité de Jokkmokk, de nous avoir accueillis sur leurs
terres traditionnelles (Sapmi) avec tant de chaleur et d’hospitalité. Nous exprimons
également notre reconnaissance envers Slow Food, le Parlement Sami, l’IFAD, le
Partenariat Indigène pour l’Agro-Biodiversité et la Souveraineté Alimentaire, le
Christensen Fund et le gouvernement suédois, pour leur soutien au développement
de Indigenous Terra Madre.
Pour nos terres, nos peuples, et nos générations futures, nous approuvons cet
Accord à l’unanimité le 19 juin 2011, à Jokkmokk, Suède.

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