La nouvelle loi sur l`égalité entre hommes et femmes*

Transcription

La nouvelle loi sur l`égalité entre hommes et femmes*
Transposer une série de directives européennes
en droit interne
La nouvelle loi sur l'égalité
entre hommes et femmes*
par Nathalie Wuiame**
La nouvelle loi tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes (1) a été promulguée ce 10 mai 2007. Celle-ci s'inscrit dans un «paquet» de trois
projets de lois relatives aux discriminations (2):
À l'origine de cette proposition de loi relative à l'égalité des femmes et des hommes, on
trouve la nécessité de transposer en droit interne, une série de directives européennes
relatives à la non discrimination (3). Ainsi, dans le seul domaine de l'égalité entre
hommes et femmes, la Belgique est en retard (4) de transposition de la directive 2002/73
qui amende la directive 76/2007 relative à l'égalité des femmes et des hommes dans
l'accès à l'emploi et les conditions de travail et est face à une échéance proche, le 21
décembre 2007, pour la transposition de la directive (5) «biens et service». Signalons,
pour être complète, qu'une toute nouvelle directive «refonte» 2006/54 vient d'être
adoptée en 2006, mais que celle-ci ne pose pas de problème particulier de transposition en Belgique puisqu'elle ne fait que consolider le droit existant de l'égalité entre
hommes et femmes.
Face à ces impératifs européens, le législateur fédéral a voulu réaliser une
harmonisation du droit belge de la non
discrimination dans ses domaines de
compétence, dans un souci louable
d'améliorer l'efficacité des dispositifs fédéraux de lutte contre la discrimination.
Pour ce faire, deux voies s'offraient au
Ministre fédéral en charge de l'égalité :
- un code général relatif à la non-discrimination, c'est-à-dire une loi générale couvrant tous les types de discriminations;
- la préparation de lois distinctes portant chacune sur un ou plusieurs
type(s) de non discrimination.
Ces options ont été largement discutées
et l'approche de la codification «générale» a été particulièrement combattue
par les personnes et organes actifs dans
la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes (6). En effet, une codification aurait nié la spécificité des discriminations entre hommes et femmes
et des politiques de promotion de l'égalité mises en place depuis de nombreuses années. On discrimine les femmes
non pas en tant que minorité - elles constituent la moitié de la population - les
discriminations qui persistent sont ba4
sées sur le genre plutôt que sur le sexe
proprement dit. Le genre représente
donc une division transversale à tous les
groupes humains, alors que les autres
critères de discrimination déterminent
tous un rapport de majorité à minorité.
Enfin, le droit communautaire n'accorde
pas le même régime à toutes les formes
de discriminations. L'adoption d'un code
unique pour tous les types de discrimination aurait présenté le risque d'une
mise en œuvre partielle des directives
communautaires pour certains types de
discrimination.
Le ministre a dès lors opté pour la préparation de trois législations distinctes
qui ont été présentées au Parlement en
octobre 2006.
Néanmoins, la volonté du législateur
belge de réaliser une harmonisation entre les diverses législations relatives aux
discriminations, qui se marque à plusieurs niveaux - concepts utilisés, structure des lois, champ d'application, dispositifs procéduraux - va engendrer divers problèmes en termes de lisibilité
mais aussi de transposition du droit européen en Belgique.
*
**
NDLR : cet article sera publié dans Chroniques Féministes fin de cette année.
Directrice de la scrl Centre for European Socio Economic Policies, experte des politiques européennes sociales
et d’égalité.
(1)
Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination des femmes et des hommes, Moniteur belge du 30
mai 2007, 2ième édition, page 29031.
La loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie et une autre loi générale tendant à lutter contre certaines formes de discrimination comme par exemple les
discriminations sur base de l'âge, de l'orientation sexuelle, du handicap, etc.
Transposition incorrecte des directives 2000/43 et 2000/78 relatives à la non discrimination sur base de la race
et de l'origine ethnique, la religion, les convictions, le handicap, l'âge et l'orientation sexuelle, notamment à la
suite de l'arrêt 157/2004 de la Cour d'arbitrage qui annule toutes une série de dispositions de la loi adoptée en
2003 en vue de cette transposition.
Transposition au plus tard le 5 octobre 2005. Notons que la transposition des directives est également nécessaire au niveau des instances fédérées dans leurs domaines de compétence.
Directive 2004/113 du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les
femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, JOCE, 21décembre 2004.
Voir l'avis du Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes n°113 du 7 juillet 2006.
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
JDJ n°267 - septembre 2007
Des «distinctions» de traitement directes ou indirectes
et des «discriminations» directes ou indirectes
Cet article couvre certains aspects des
conditions de travail et présente les avancées, mais aussi quelques problématiques soulevées par l'adoption de cette
nouvelle législation.
L'objet de la loi
La loi donne un cadre général pour lutter contre les discriminations entre les
femmes et les hommes (article 3) et assure la transposition de sept directives
européennes en matière d'égalité entre
hommes et femmes (article 2) (7). Une
grande absente de cet effort de consolidation est la directive 92/85 du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre
de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la santé et de la sécurité des
travailleuses enceintes, accouchées ou
allaitantes au travail. Cet «oubli» n'est
sans doute pas surprenant puisque le
droit communautaire lui-même n'a pas
inclu cette directive dans son exercice
de «refonte» malgré la nécessité de clarifier les liens entre la protection de la
maternité et l'interdiction de discrimination.
Le champ
d'application
de la loi
Le champ d'application est très large et
couvre tous les domaines de la vie en
société à l'exception des matières qui se
situent intégralement en dehors des compétences de l'État fédéral, comme
l'orientation et la formation professionnelles, le placement et l'éducation. Sont
notamment couverts par cette loi, l'accès aux biens et services et la fourniture
de biens et services à la disposition du
public, la protection sociale, en ce compris la sécurité sociale et les soins de
santé, les régimes complémentaires de
sécurité sociale, les relations de travail,
c'est-à-dire notamment l'accès à l'emploi (8), les conditions de travail et la rémunération; l'affiliation à et l'engagement dans une organisation de travailleurs ou d'employeurs ou toute autre
organisation dont les membres exercent
une profession donnée ou encore l'accès, la participation et l'exercice d'une
activité économique, sociale, culturelle
ou politique.
Il en découle logiquement que le champ
d'application personnel sera variable en
fonction de l'objet visé par la loi. Ainsi
dans le domaine de la rémunération, on
visera exclusivement les travailleurs salariés alors que dans le domaine de la
fourniture de biens et services, on touche l'ensemble de la population.
Concepts et définitions
Dans son souci d'harmonisation du droit
de la non-discrimination, le législateur
introduit un nouveau concept, à savoir
celui de la distinction. Comme le concept de discrimination, le concept de
distinction se décline en distinction directe et indirecte. La distinction directe
est définie comme: «la situation qui se
produit lorsque sur la base du sexe, une
personne est traitée de manière moins
favorable qu'une autre personne ne l'est,
ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable». Quant à la distinction
indirecte, il s'agit de la «situation qui se
produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner, par rapport à d'autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes d'un
sexe déterminé». Pour tout(e) lecteur/
lectrice avisé/e, ces définitions correspondent aux concepts de discriminations
directe et indirecte utilisés jusqu'à présent tant dans notre droit national qu'au
niveau européen.
De quoi s'agit-il ? La loi établit une scission entre ce qui relève des «distinctions» de traitement directes ou indirectes et des «discriminations» directes ou
indirectes.
Pour le législateur belge, une distinction
de traitement directe ou indirecte n'est
pas nécessairement une discrimination.
Le terme de discrimination désigne ce
qui ne peut être licite alors que le terme
de distinction a une connotation neutre
en terme de licéité ou d'illicéité.
Le droit européen de l'égalité entre femmes et hommes ne permet aucune discrimination directe ou indirecte entre les
femmes et les hommes et dans le cas où
une telle discrimination est constatée,
elle sera automatiquement condamnée,
sauf dans le cas des seules discriminations indirectes, si elles peuvent être justifiées (9). En d'autres termes, le concept
de distinction est introduit en droit belge
pour permettre la licéité de distinctions
sur la base du sexe dans les matières qui
n'entrent pas dans le champ du droit
européen. Dans le domaine de l'égalité
entre femmes et hommes, ces domaines
sont très limités. Il s'agit par exemple
de la mention dans une pièce officielle
ou dans un procès verbal d'une référence
au sexe de la personne. On peut dès lors
se poser la question de l'utilité de ce concept. Celle-ci s'explique uniquement par
le souci du législateur d'harmoniser les
concepts utilisés dans les différentes lois
«discriminations». Cet argument semble faible au regard de la confusion
créée. De plus, elle crée une brèche qui
pourra être utilisée par les plaideurs pour
tenter de justifier des discriminations
directes, en totale contradiction avec le
droit européen.
Le harcèlement sexuel
Comme déjà prévu dans la loi du 7 mai
1999 (10), le harcèlement sexuel sur les
lieux de travail est présumé être une discrimination sur base du sexe. Conformément au droit européen, le législateur
ajoute la notion de harcèlement à connotation sexuelle (11). Malheureusement,
(7)
Il faut souligner à cet égard que la directive «consolidée» européenne 2006/54 ne couvre qu'une partie de ces
directives communautaires. La législation belge va donc plus loin dans son effort de consolidation du droit de
l'égalité.
(8) Privé comme public, sous contrat ou sous statut. Cependant, une incertitude profonde concerne la fonction
publique des Communautés et des Régions : la loi du 10 mai 2007 s'y applique-t-elle ou chaque gouvernement
doit-il assurer pour son compte la transposition du droit européen à l'égard de ses agents statutaires ?
(9) La discrimination indirecte ne peut être acceptée qu'à des conditions strictes : poursuivre un but légitime et que
les moyens pour y parvenir soient appropriés et nécessaires.
(10) Loi du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de
travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes
complémentaires de sécurité sociale, Moniteur Belge, 19 juin 1999.
(11) Harcèlement sexuel : comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement
ou non verbalement et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité de la personne et de créer un
environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Article 5 point 10°.
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5
Les actions positives ne sont pas
constitutives de discrimination
sont exclus du bénéfice de la protection
offerte par cette nouvelle loi, les victimes de harcèlement qui bénéficie de la
protection de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs, c'està-dire les travailleurs salariés. Cette exclusion des travailleurs salariés de la
protection offerte par la nouvelle loi est
problématique au regard du droit européen car elle les prive du droit à un montant minimal de dommages et intérêts
(voir infra), lequel n'existe pas dans la
loi du 4 août 1996, qui vient pourtant
d'être amendée par celle du 10 janvier
2007 (12).
Le changement de
sexe
La Cour de Justice des Communautés
européennes a jugé que le principe d'égalité de traitement des femmes et des
hommes ne peut être limité par la considération qu'une personne appartiendrait
à un sexe déterminé une fois pour toutes. En raison de ses objectifs et de la
nature des droits qu'il veille à sauvegarder, le droit de l'égalité doit aussi s'appliquer aux discriminations sur la base
du changement de sexe. La nouvelle loi
de l'égalité consacre ce principe en Belgique. Par contre les discriminations relatives à l'orientation sexuelle sont traitées par la loi générale relative aux autres
formes de discriminations (13) . Cela implique que des acteurs institutionnels différents sont compétents pour ces deux
matières: l'Institut pour l'égalité entre les
femmes et les hommes pour les transsexuels et le Centre pour l'égalité des
chances pour les homosexuels. Comme
ces situations peuvent en pratique être
liées, cfr. l'affaire Richards (14) où une
personne homosexuelle devient un/une
transsexuel(le), une concertation entre
ces acteurs sera indispensable afin d'éviter des problèmes pratiques dans la défense des droits des personnes victimes
de ce type de discriminations.
Les exceptions au
principe d'égalité
Comme par le passé, ne sont pas constitutifs de discrimination les emplois réservés à un sexe en raison de la nature
6
spécifique de l'activité professionnelle
visée, la protection de la maternité et les
actions positives qui visent à redresser
les inégalités existantes entre hommes
et femmes.
Il ne peut être question d'une exigence
professionnelle essentielle et déterminante que lorsqu'une caractéristique déterminée liée au sexe est essentielle et
déterminante en raison de la nature spécifique de l'activité professionnelle concernée ou du contexte de son exécution.
Pour l'interprétation de cette disposition
il faudra se référer à l'interprétation
stricte de ce critère donnée par la Cour
de Justice et aux dispositions de l'arrêté
royal du 8 février 1979 qui fixe les cas
dans lesquels il peut être fait mention
du sexe dans les conditions d'accès à un
emploi ou à une activité professionnelle
(comme acteur, actrice, chanteur, chanteuse, danseur, danseuse, mannequin,
modèle pour les peintres, sculpteurs,
photographes, instituts de beauté) ou de
l'arrêté royal du 10 octobre 2000 (15) relatif aux conditions d'accès à certains
emplois dans les services extérieurs de
la Direction générale des établissements
pénitentiaires du ministère de la justice
qui permet que 60 % au moins du total
des emplois impliquant une fonction de
surveillance, soient réservés à des personnes du même sexe que celui des détenus dont elles assurent la surveillance.
Adoptés sous les législations antérieures, ces arrêtés d'exécution restent en
vigueur sous la nouvelle législation.
La directive 2002/73 prévoit que les
États membres peuvent maintenir ou
adopter des mesures au sens de l'article
141 §4 du traité de Rome coordonné
pour assurer concrètement une pleine
égalité entre hommes et femmes. Pour
rappel, l'article 141, concerne des mesures spécifiques (actions positives) destinées à faciliter l'exercice d'une activité
professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des
désavantages dans la carrière professionnelle. Par ailleurs la déclaration n°28
annexée au traité dispose que les actions
positives doivent viser avant tout à améliorer la situation des femmes.
La nouvelle loi confirme que les actions
positives ne sont pas constitutives de
discrimination et reprend la jurisprudence de la Cour de Justice. Les actions
positives doivent dès lors remplir les
conditions suivantes :
- il doit exister une inégalité manifeste;
- la disparition de cette inégalité doit
être désignée comme un objectif à promouvoir;
- la mesure d'action positive doit être
de nature temporaire;
- elle ne doit pas restreindre inutilement
les droits d'autrui.
Ici aussi, les arrêtés royaux adoptés précédemment restent en vigueur (16) .
Conformément au droit communautaire,
l'article 4 de la loi prévoit qu'une distinction directe fondée sur la grossesse,
l'accouchement et la maternité est assimilée à une discrimination directe fondée sur le sexe. Néanmoins, la loi ne
reprend pas les dispositions spécifiques
relative à la protection de la maternité
et de la paternité (17) que contient la directive 2002/73. Celle-ci vise d'une part
la protection renforcée des femmes après
leur congé de maternité (elles doivent
(12) Moniteur belge du 6 juin 2007.
(13) Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discriminations, Moniteur Belge, 30 mai 2007,
2ième édition, page 29031.
(14) Arrêt du 27 avril 2006, affaire C-423/04, S.M. Richards c/ Secretary of State for Work and Pensions, http://
www.curia.eu. La Cour rappelle que le droit de ne pas être discriminé en raison de son sexe constitue l'un des
droits fondamentaux de la personne humaine dont la Cour est tenue d'assurer le respect. Dès lors le champ
d'application de la directive –ici 79/7- ne saurait être réduit aux seules discriminations découlant de l'appartenance à l'un ou l'autre sexe. Compte tenu de son objet et de la nature des droits qu'elle vise à protéger, cette
directive a également vocation à s'appliquer aux discriminations qui trouvent leur origine dans le changement
de sexe de l'intéressée.
(15) Moniteur belge du 13 octobre 2000, page 34705.
(16) AR du 14 juillet 1987 pour le secteur privé et l'AR du 27 février 1990 pour le secteur public.
(17) Ni celles contenues dans la directive 92/85 du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant
à promouvoir l'amélioration de la santé et de la sécurité des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes
au travail.
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Les associations ont
la possibilité d'ester en justice
retrouver le même emploi ou un emploi
équivalent qui ne peut être moins favorable) et d'autre part la protection des
pères contre le licenciement en cas d'utilisation du congé de paternité et d'adoption. Signalons, que le droit interne
belge, ne protège contre le licenciement
que les pères adoptifs qui utilisent le
congé de paternité puisqu'aucune protection contre le licenciement n'est prévue dans l'article 30ter de la loi du 3
juillet 1978, qui accorde 10 jours aux
pères salariés occupés sous contrat de
travail.
Aspects
procéduraux
Une des grandes avancées de cette loi
relative à l'égalité entre les femmes et
les hommes consiste en l'adoption de
dispositifs de protection renforcés pour
les victimes de discriminations. L'objectif à atteindre par ce nouveau dispositif est d'assurer aux victimes l'accès à
des sanctions effectives, proportionnées
et dissuasives. Ce prescrit du droit européen n'avait pas été correctement transposé en droit belge jusqu'à présent.
Conformément aux directives communautaires, la loi consacre le renversement de la charge de la preuve ou plus
exactement de partage de la charge de
la preuve (18). Il appartient au plaignant
de produire des faits ou tout autre élément de preuve susceptibles de faire
naître une présomption de discrimination. Il appartiendra alors au défendeur
de renverser cette présomption. Ce partage de la charge de la preuve a vocation à s'appliquer à toute procédure juridictionnelle visant la mise en œuvre
de la loi – en ce compris les procédures
ordinaires menées devant les juridictions civiles et les procédures devant le
Conseil d'État – à l'exception des procédures pénales; néanmoins, le droit
national peut se montrer plus généreux
en transférant toute la charge de la
preuve à la partie défenderesse.
Un autre dispositif de protection concerne les représailles dans les relations
de travail et hors de celles-ci. Une personne qui introduit une action en discrimination contre son employeur sera
protégée contre toutes représailles de sa
part. Ainsi, en cas de licenciement en
représailles, la charge de la preuve appartient exclusivement à l'employeur.
Ce dispositif de protection contre les représailles est imposé par le droit communautaire et s'applique aussi après la
cessation de la relation de travail. Le
système prévoit l'octroi d'une indemnisation - éventuellement forfaitaire - de
la victime. La protection ainsi offerte
s'étend également aux personnes qui interviennent en qualité de témoins des
faits dénoncés.
Enfin, une dernière nouveauté importante introduite pas cette nouvelle loi,
concerne l'octroi d'une indemnité forfaitaire minimum aux victimes de discrimination.
Le droit européen impose que le préjudice subi par une personne lésée soit effectivement réparé ou indemnisé et que
la sanction soit dissuasive et proportionnée par rapport au dommage subi. La
compensation ou réparation ne peut être
a priori limitée par un plafond maximal
sauf dans les cas où l'employeur peut
prouver que le seul dommage subi est
le refus de prendre en considération sa
demande d'emploi par exemple. Néanmoins, pour la victime la preuve d'un
dommage n'est pas toujours synonyme
de l'octroi de dommages et intérêts importants. C'est pourquoi le législateur
introduit la possibilité pour la victime
d'opter pour une indemnisation forfaitaire. Dans certaines circonstances déterminées, par exemple dans le cadre
d'un refus discriminatoire d'embauche,
la victime a la possibilité de demander
à titre d'alternative à une indemnisation
de droit commun, une indemnisation
forfaitaire. Cette indemnité est fixée à
un montant de 650 à 1300 euros (si le
contrevenant ne peut prouver que le traitement défavorable aurait été adopté en
l'absence de discriminations. En cas de
discrimination dans le cadre des relations de travail, l'indemnisation forfaitaire pour le dommage matériel et moral équivaut à six mois de rémunération
brute et à trois mois si l'employeur démontre que le traitement défavorable
aurait également été adopté en l'absence
de discrimination.
La victime est toujours libre de poursuivre la réparation du préjudice subi
en application du droit commun de la
responsabilité contractuelle ou extracontractuelle et non en application des
forfaits proposés. Ceux-ci ne sont en
aucune manière impératifs pour la victime. Par ailleurs, l'indemnisation forfaitaire n'est ouverte qu'au bénéfice des
seules victimes et non des groupements
d'intérêts ou des acteurs institutionnels
(tel que l'Institut) habilités à agir aux
fins de dénoncer un manquement à la
loi.
Enfin signalons que conformément au
droit communautaire, la loi belge donne
aux associations qui, en vertu de leurs
statuts, ont pour missions de lutter contre les discriminations la possibilité d'ester en justice. Cette nouvelle disposition permettra aux associations de femmes d'introduire une action au nom
d'une femme victime de discrimination,
moyennant l'accord préalable de celleci.
Conclusions
Globalement cette nouvelle loi apporte
des éléments importants à la protection
des victimes de discriminations en Belgique, en tout les cas dans les domaines de compétences au niveau fédéral.
Néanmoins, dans le cadre de la transposition des directives européennes, et
en particulier la 2002/73, on peut penser que la Belgique pourrait faire face à
une procédure en manquement introduite par la Commission européenne
devant la Cour de Justice pour la non
prise en compte de l'ensemble des dispositions relatives à la protection de la
maternité et paternité, pour l'exclusion
du bénéfice de la loi et de ses mécanismes imposée aux travailleuses victimes
de harcèlement sexuel ou sexué, et surtout en raison de la confusion qu'elle
crée quant à la notion de distinction directe et indirecte.
(18) Directive 97/80 du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discriminations fondées
sur le sexe, J.O.C.E., 20 janvier 1998.
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