Un manifeste pour la photo - Syndicat National des Journalistes
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Un manifeste pour la photo - Syndicat National des Journalistes
PAGE 3 FIJ ORGANE DU SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES - N0 322 - 3E TRIMESTRE 2016 Un manifeste pour la photo C ’est un phénomène saisonnier : chaque été, à Arles ou à Perpignan, un ministre de la Culture redécouvre la crise du photojournalisme. Et prétend y apporter quelques réponses… toujours décevantes. Cela n’a pas manqué avec la 28e édition de Visa pour l’image (27 août-11 septembre) où le ras-le-bol de la profession a pris la forme d’un manifeste. Intitulé « Cinq ans, trois ministres de la Culture, zéro mesure », il a été signé par la Scam, trois organisations syndicales de journalistes dont le SNJ, la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (Saif) et l’Union des photographes professionnels (UPP). journaux qui commandent des reportages photographiques. Sur tous ces points, les annonces d’Audrey Azoulay sont en deçà des attentes : le décret sur le barème de piges devrait paraître en 2017, mais tout laisse penser qu’il sera indécent. Les groupes de presse qui perçoivent un million d’euros et plus d’aides directes par an s’engageraient, par des conventions-cadres signées avec l’État, à s’approvisionner « de façon privilégiée » auprès des photojournalistes et agences de presse, et à les payer dans les délais, sous peine de voir le montant de leurs aides diminuer. Les organisations de journalistes sont, bien Approvisionnement « privilégié » entendu, tenues à l’écart de ce dispositif qui Ce texte dit l’urgence de mettre en place un demeure très flou. barème minimum de pige pour les reporters Quant au « DR », la ministre veut commander photographes – la parution d’un décret est une énième étude, laquelle attendue depuis juin 2011 – ; rejoindra la pile des rapports À L I R E … il réclame l’encadrement de la qui documentent, depuis mention « DR » (droits réserp 5 : Coupes bientôt dix ans, le déclin de vés) ; il demande la modificasombres à L’Obs la photo de presse et la prétion des critères d’attribution carité accrue des photojourdu numéro de commission p 6-7 : Bondy Blog, nalistes. Les pouvoirs publics paritaire : celui-ci ne devrait nouvelle page restent décidément sourds être délivré qu’aux publicap 10-11 : TPE, aux demandes d’une profestions dont le contenu est réasion qu’ils font mine de votez Solidaires lisé majoritairement par des journalistes professionnels ; il célébrer chaque année à p 16 : Fufu exige qu’une partie des aides Perpignan. n nous a quittés à la presse soit attribuée aux Claude CECILE EDITO Chaîne publique d’info : les moyens manquent Intrusions Management brutal et réductions drastiques des effectifs chez Patrick Drahi (groupe Altice (SFR, Numéricable), propriétaire de Libé, L’Express, et bientôt NextRadioTV (BFM-TV, RMC). Déprogrammation de documentaires dérangeants et véritable purge interne à Canal+, reprise en mains par Vincent Bolloré. Autocensure « assumée » au Parisien, où il n’est pas question d’écrire une ligne sur un documentaire (Merci Patron !) qui dirait du mal de Bernard Arnault (LVMH), propriétaire du titre, et des Echos. Que de coups bas portés au journalisme ces derniers mois ! Mais encore ? Licenciement politique à L’Obs, notre consœur Aude Lancelin, numéro 2 de la rédaction, s’étant fait officieusement reprocher ses prises de position trop à gauche par le trio de milliardaires Bergé-Niel-Pigasse, propriétaires de l’hebdomadaire, mais aussi du groupe Le Monde. Scandale et rétropédalage à France 2, après la vaine tentative de Michel Field de repousser la diffusion d’un reportage mettant en cause Nicolas Sarkozy. Alors que la confiance du public envers l’information ne sera bientôt plus que défiance, que propose le gouvernement ? Une loi dangereuse, qui sous prétexte de bétonner le secret des sources des journalistes, élargit considérablement les cas dans lesquels il pourra être dérogé à ce principe fondateur de la liberté de la presse (crimes et délits passibles de sept ans d’emprisonnement). Une petite loi bâclée, débattue au pas de charge dans le cadre d’une procédure accélérée, qui sous couvert de « renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias », étend les prérogatives du CSA au contrôle déontologique du secteur de l’audiovisuel, à travers des comités d’éthique à l’indépendance contestable, et instaure une déontologie professionnelle à géométrie variable, en imposant autant de chartes que d’entreprises... Pas de consensus parlementaire autour de ce texte, rejeté fin septembre par le Sénat, mais l'Assemblée nationale aura le dernier mot. Alors que les plans de licenciements, synergies et mutualisations jusqu’à l’absurde, sont devenus la norme dans les médias, que propose le gouvernement pour permettre aux rédactions, fragilisées, de lutter collectivement et juridiquement contre les intrusions des actionnaires, des annonceurs, des politiques, dans le champ éditorial ? Rien. Bolloré, Drahi et leurs copains milliardaires peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Vincent LANIER Premier secrétaire général