La ville représentée et les procédés de représentation interne dans

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La ville représentée et les procédés de représentation interne dans
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La ville représentée et les procédés de représentation interne
dans un logiciel-auteur multimédia
Comment représenter un sujet grâce aux possibilités offertes par un logiciel-auteur
multimédia, donc comment utiliser au mieux les combinaisons offertes par les langages de
script pour donner l’idée la plus riche possible du thème traité ? Cette adéquation de
l’instrument et de l’expression suppose que le support informatique et le contenu s’adaptent
mutuellement et qu’ils sont conçus ensemble par le même groupe de personnes.
Le présent exposé s’appuie sur l’expérience d’une réalisation multimédia, le CD-ROM
Georgian Cities / Villes en Grande-Bretagne au XVIIIe siècle , avec le logiciel Director.1 Ce
CD-ROM vise à étudier le thème de la ville de manière à montrer les possibilités de
l’hypermédia pour développer une vision transdisciplinaire d’un sujet :2 il traite de Bath,
Edimbourg, Londres, et il contient des cartes menant à des vues de sites architecturaux, des
sections sur la vie musicale accompagnés d’extraits sonores, des va-et-vient entre des textes et
des illustrations, de telle façon que l’interface (liens, transitions) soit évocatrice du thème
traité, ainsi pour les effets visuels d’animation qui accompagnent les illustrations des extraits
littéraires selon leur rythme.
DEFINITIONS
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Sous la direction de Liliane Gallet-Blanchard, avec Françoise Deconinck-Brossard, Jacques Carré, MarieHéléne Thévenot-Totems (Centre Cultures Anglophones et Technologies de l’Information, Presses de
l’Université de Paris-Sorbonne, http://perso.wanadoo.fr/catiweb).
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Voir Liliane Gallet-Blanchard et Marie-Madeleine Martinet, « The Hyperspace of the Enlightenment: Design
Issues of Structure, Interface and Navigation in the Creation of a Hypermedia CD-ROM on Georgian Cities “,
Proceedings of the Conference Digital Resources in the Humanities 98 (London: Centre for Computing in the
Humanities, 2000), et FDB Dublin.
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Le logiciel-auteur comprend plusieurs types de fenêtres, la principale, dans laquelle se
fait une grande partie du travail, s’appelant score (partition de musique) ; c’est une suite de
colonnes dont chacune représente un écran du CD-ROM tel qu’il sera vu par l’utilisateur, les
diverses cellules superposées dans cette colonne contenant chacune un élément – image,
légende, …, avec pistes spéciales pour le son.
En plus de cette intégration des divers documents, il convient de les relier entre eux
grâce au langage de script nommé Lingo , qui permet soit d’aller d’un écran à un autre, soit
de produire un événement dans un écran (par exemple faire apparaître un nouveau dessin en
surimpression sur un schéma déjà existant, facsimile d’un texte côté de la transcription, ou
miniature d’un bâtiment sur un plan surgissant quand la souris passe sur son nom). Les scripts
Lingo se composent de trois éléments : (1) un début de gestionnaire tel que on
enterFrame3 ou on mouseUp indiquant ce qui doit déclencher l’action souhaitée
(par exemple, dans le deuxième cas, un clic de souris), (2) une instruction a rédiger selon le
code Lingo (par exemple faire apparaître une image, qui se dira : set the visible of
sprite [numéro de piste de cette image] to TRUE ), et (3) une conclusion qui
est le mot end. Il peut y avoir des instructions conditionnelles fixant que l’instruction doit
être exécutée seulement si une condition est remplie ; elle contient deux parties : if…
then…, et une conclusion end if qui doit précéder la conclusion ordinaire end.
Dans les scripts on peut combiner plusieurs composants, les écrans, et à l’intérieur les
éléments comme images etc. Certains des ces éléments ont une caractéristique importante, ce
sont les champs – textes qui sont en plus éditables c’est-à-dire dont le texte peut se
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Les citations de scripts sont indiquées par un changement de police pour éviter les guillemets qui pourraient
créer la confusion ; le lecteur pourrait croire qu’ils ne servent pas à séparer le texte de la citation, mais qu’ils en
font partie et qu’il faut donc les reproduire ; or les guillemets dans un script ont un sens précis qu’il ne faut pas
confondre (ils servent à introduire les repères d’écran ou les noms de cast members, exclusivement, et ne doivent
pas être utilisés dans les exemples qui suivent sur des cas différents).
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modifier, soit sur commande d’un script (contenant l’instruction que si telle condition est
remplie le champ doit afficher tel texte…), soit parce que l’utilisateur écrit au clavier un texte
qui apparaît dans le champ fait pour cela. Les scripts peuvent aussi faire référence aux
propriétés – eg. la couleur d’arrière-plan : si on souhaite que le fond d’un mot se colore pour
qu’il soit surligné selon certaine condition, on crée un script fixant dans quel cas la couleur
d’arrière-plan du mot change ; dans le présent CD-Rom, les diverses sections ont un plan de
site, contenant la table des matières de la section, et chaque fois que l’utilisateur y retourne, le
titre du chapitre d’où il vient se surligne en couleur, lui permettant de se situer. Une autre
propriété est la position verticale ou horizontale : un script peut faire référence à la position
d’un objet (à partir du haut, et de la gauche) et la modifier.
Un autre élément que les scripts peuvent utiliser est les fonctions – partie de code qui
renvoie un nombre eg. the MouseV donnera la position de la souris à partir du haut en
pixels. Dans le cas présent, un écran sur l’architecture montre un bâtiment de Bath avec les
ordres d’architecture superposés, l’utilisateur pouvant cliquer à divers endroits de l’image
pour faire apparaître à côté en gros plan le détail d’architecture sur lequel il clique ; cet effet
est obtenu par un script faisant ainsi référence à la position de la souris sur la vue d’ensemble
au moment du clic pour faire à chaque fois placer de façon correspondante les vues en gros
plan.
Enfin les scripts peuvent utiliser des éléments créés par nous nommés variables4; ce
sont des mots que vous créez, qui ne sont pas préexistants en Lingo et que vous définissez
d’après des mots déjà existants (eg. propriétés); elles représentent une notion qui peut
s’appliquer à divers éléments d’une série, l’élément présent variant selon les cas et les
substitutions d’éléments dans la variable étant commandées pas les scripts qui les modifient
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Variable: A unit of storage that can be modified during program execution, usually by *asssignment or read
operations. Assignment: A fundamental statement of all programming languages… that assigns a new value to a
variable (définitions Oxford Dictionary of Computing).
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selon une action spécifiée (clic de souris, déplacement etc) . Ces variables peuvent renvoyer à
des éléments tels qu’un écran (dans le présent CR-ROM, le bouton Return to Map fonctionne
avec un script dans lequel la référence au plan est une variable qui se modifie suivant le
circuit, renvoyant toujours au plan visité en dernier). Les variables peuvent aussi, comme en
algèbre, renvoyer à des nombres, et les scripts peuvent commander de faire des calculs sur
elles.
On combine ces divers éléments par des scripts : eg. une instruction et une variable
(selon l’instruction, la variable se modifie), ou une fonction (position de souris) déterminant
une propriété (position d’une image), ou une condition de fonction (intersection de deux
éléments mobiles) commandant la modification d’un champ, ainsi dans un écran à propos
d’un personnage de roman qui se promène dans Londres, où selon que l’icône le représentant
est déplacée par l’utilisateur sur diverses zones du plan, la partie correspondante du texte
apparaît dans des champs préparés pour recevoir ces phrases.
QUELQUES MISES EN PRATIQUE DE COMBINAISONS
ou : comment avec des codes et des calculs en coulisse, représenter sur scène toutes les
activités possibles, par exemple l’escalade de la Fontaine de Trevi. On peut transposer des
types de codes à partir d’un modèle, selon les analogies utiles.
Comment se repérer sur la carte d’Afrique ? un exemple donné dans le manuel fait par
l’auteur de Lingo est celui d’une carte d’Afrique, où un nouvel élément apparaît sur la carte
générale quand on y retourne après avoir visité l’un des pays, pour indiquer la position de ce
dernier : en fait cet élément remplit un champ éditable préparé à cette fin.5 C’est le procédé
qui a été adapté pour la carte de site citée plus haut.
5
John Thompson ‘J.T.’ and Sam Gottlieb, Macromedia Director Lingo Workshop: The Complete Resource to
the Lingo Scripting Language (Indianapolis: Hayden, 1995), Chapter 7 « Text Fields », 107 sq.
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Comment escalader la Fontaine de Trevi ? l’exemple est pris dans le cdrom Rome
baroque6 où l’utilisateur peut se situer à divers niveaux de la fontaine . C’est ce qui a été
adapté pour l’écran des ordres d’architecture à Bath cité plus haut (fonction de la position de
la souris et propriété d’objet, c’est-à-dire place verticale du détail) reliées par un calcul :
Dans cette copie de l’écran de travail, on voit au-dessous l’écran tel que le voit l’utilisateur, et
deux fenêtres de travail ouvertes : à droite le score défini plus haut, à gauche le script
définissant l’opération précitée.
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Hervé Loilier, Rome Renaissance et Baroque (Paris : Ecole Polytechnique, 1998).
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Comment construire un pont en pente à Edimbourg ?
C’est ici une combinaison de champs et d’un calcul : dans le champ ’’ level’’
l’utilisateur inscrit un nombre de son choix représentant la dénivellation, puis clique sur le
bouton de calcul, faisant apparaître la distance correspondante à parcourir. On voit trois
fenêtres superposées : le score, au-dessous le bouton de calcul, et encore au-dessous le script
fixant que le nombre inscrit par l’utilisateur dans le champ ‘’level’’ doit être multiplié par 16
et le résultat inscrit dans le champ ‘’slope ‘’.
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Les scripts fonctionnent par lignes de codes encastrées, comme dans cet exemple où le
carrosse peut être traîné par l’utilisateur, ses positions verticales et horizontales successives
apparaissant dans les cadres, ce qui est représenté par les lignes du milieu ; mais l’ensemble
doit être encadré des lignes de code utilisées pour tous les écrans,
on exitFrame
go to the frame
end
(go to the frame étant nécessaire lorsqu’un élément est mobile).
If rollOver (le numéro étant celui du carrosse, signifiant que le script doit être exécuté si
l’utilisateur traîne le carrosse) doit être suivi de then et être rappelé en clôture par end if.
Le script de répétition repeat qui suit le if doit de même être clos par end repeat qui
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précède donc end if. Puis
UpdateStage permet aux chiffres de s’inscrire
immédiatement. Le script de contrainte plus bas oblige l’utilisateur à déplacer le carrosse
uniquement dans la zone du tablier du pont.
A l’intérieur de tout ceci se trouve la partie essentielle : la déclaration de variable set
measure=the locH of sprite 17-62 (signifiant que l’on crée une variable nommée
measure qui prendra toutes les valeurs successives de la position horizontale du carrosse
mobile, moins 62 puisque le carrosse part d’une distance initiale de 62 pixels par rapport à la
marge), puis le script commandant d’inscrire cette valeur dans un champ (après
multiplication par 5/4 pour mettre à l’échelle les pieds par rapport aux pixels), et la valeur
obtenue pour la dénivellation verticale (après multiplication par la pente) dans le deuxième
champ.
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on exitFrame
if rollOver (17) then
repeat while the mouseDown
set measure=the locH of sprite 17- 62
put measure*5/4 into field "BridgeMeasure"
put measure*5/64 into field "BridgeVert"
updateStage
end repeat
end if
set the constraint of sprite 17 to 13
go to the frame
end
Ainsi les analogies épistémologiques apparaissent : des effets visuels peuvent
correspondre à du code s’appliquant à un champ texte, et des scripts imités d’ écrans de
cartographie – la carte d’Afrique – se transposent ici pour une table des matières– le plan de
site ; un modèle évoquant les flottements de la Rome baroque (l’animation de la fontaine de
Trevi) sert de modèle pour un écran sur la grammaire des styles classiques, ces deux cas
faisant appel à la fonction de position de la souris. Des rapports sont ainsi établis entre texte,
image, calcul, l’élément qui les lie étant l’action de l’utilisateur. C’est par l’analogie des
éléments de code Lingo que les modèles peuvent ainsi se transposer, en un échange
triangulaire de l’exemple, du code et de l’imitation, mais des trois le code reste caché à
l’utilisateur quand dans la Fontaine de Trevi se trouve l’inspiration pour l’analyse de Bath .
Marie-Madeleine Martinet