Petite histoire des bois communaux

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Petite histoire des bois communaux
Petite histoire des bois communaux
Jany Grassiot, passionné d'histoire à Blameré, connaît bien l'histoire des bois attribués au village de Blameré et
qui concernent deux parcelles
Il nous en livre l'essentiel, mais qui est déjà riche, car il est difficile de tronquer l'histoire tout en y restant fidèle.
Les Bois sont situés dans le grand massif de la forêt de Benon, dans la partie dite "Les Bois de Benon" aux
lieux-dits "Mille-Ecus" (plus exactement Bois l'Epaud) et "Le Fraigneau".
C'est une très vieille histoire qui trouve ses origines avant le Moyen-Age.
La forêt de Benon
Autrefois, la forêt de Benon était beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui puisqu'elle occupait, originairement, un
territoire allant jusqu'aux communes actuelles de St-Jean-de-Liversay, Nuaillé, le Gué-d'Alleré, Saint-Christophe,
Aigrefeuille, Le Thou, Landrais, Marencennes, Vandré, Puyrolland, etc. et qui s'étendait jusqu'au cours de la Boutonne.
Cette forêt, soudée sans lacune à celles qui portent les noms de Chizé, d'Aulnay, de Tusson, et d'autres encore
formaient l'énorme massif forestier qui s'appelait la forêt d'Argenson, au 14ème siècle. Les Pictons et Saintons avaient,
suivant l'usage des peuplade primitives, laissé croître ces bois pour servir de marches et de limites entre leurs
territoires.
Historique des droits d'usage
L'origine des droits d'usage se perd dans la nuit des temps. Il est probable que, lors de l'invasion des barbares
dans les Gaules, les populations rurales jouissaient de la faculté de prendre certains produits des forêts. Ceux-ci étaient
alors sans grande valeur. Ce droit a été conservé bien au delà du Moyen Age. A certaines époques, des seigneurs,
maîtres de vastes territoires suite à des conquêtes, ou dons, ou dots, ou autrement, ont concédé des droits d'usage aux
populations riveraines de leurs bois en échange de servitudes.
Ils consistaient, selon les régions, en ramassage de bois mort, en coupes de bois vif pour constructions, charpentes,
haies, tonneaux, outils, en pacage, en glanage, en cueillette, et en chasse jusqu"au XIV° S
Pour le château de Benon, on retrouve confirmation des droits d'usage tout au long des siècles, soit par les
ducs d'Aquitaine, au 12ème siècle, soit par le roi Philippe Le Bel, au 14ème siècle, soit par les propriétaires successifs
de la forêt de Benon, au 18ème siècle.
Dans une transaction de 1413, il est fait mention que les villages ayant aidé à la garde du château de Benon jouissent
pleinement de leurs droits d'usage, en compensation d'aides contre des pillages et des incendies que les Anglais
avaient provoqués en ces lieux.
Plus tard, la duchesse de Trémoille déclarait que les habitants de plusieurs paroisses étaient en possession des droits
d'usage dans toute la forêt.
Au cours des siècles, des villages, dont le nôtre, ont toujours su conserver leurs droits d'usage, en particulier, fin XIX
siècle, en s'opposant, lors de nombreux procès, à M. de Bertin, M. Laurence, Mme Du Cayla et la Princesse de Craon
qui les contestaient et voulaient supprimer cette coutume, forts du fait qu'il n'existait aucun écrit officiel en possession
des propriétaire et des bénéficiaires, mais seulement des allégations issues de textes très anciens.
Perte des droits d'usage remplacé par des cantonnements
Et accession à la pleine propriété
M. Laurence, propriétaire à l'Abbaye de la Grâce de Dieu, et la Comtesse Du Cayla, propriétaire du château de
Benon, les principaux propriétaires de la forêt prétendaient donc abolir les droits d'usage que possédaient plusieurs
communes et villages riverains de la-dite forêt. Ce fut le début d'une grande procédure judiciaire qui a commencé en
1841 et qui devait durer 40 ans puisqu'elle s'est terminée par un jugement de la Cour d'Appel en 1882.
M. Laurence, assez tôt, a proposé un cantonnement qui devait mettre une limite géographique aux droits que
les usagers avaient sur sa propriété. Par contre, la comtesse Du Cayla et son héritière, la princesse de Beauvau-Craon
étaient bien déterminées à poursuivre le procès.
M Laurence a donc octroyé et "cantonné" le droit d'usage sur une partie de ses biens à tous ceux qui pouvaient
jouir de ces droits, soient les communes de Benon, du Gué-d'Alleré et le village de Blameré (commune à l'époque).
Ce fut la 1ère acquisition officielle du droit d'usage, concernant la forêt de "Mille-Ecus", faite en 1856. Les usagers se
sont partagés leur lot en 1873, proportionnellement au nombre d'habitants. Notre village, pouvait user d'une surface de
3 ha 46 a et 23 ca. à "Mille-Ecus
La 2ème acquisition officielle du droit d'usage, située au bois du "Fraigneau" a été faite suite à deux cantonnements,
sur injonction de la Cour d'Appel de Poitiers en 1882.
Le premier cantonnement a été réalisé entre les époux Petit-Sauquet de La Grenouillère, les époux Audry-Petit de
Vouhé, d'une part, et les usagers de diverses communes et villages, dont Blameré, d'autre part.
Le second cantonnement a été réalisé entre M. Castillon du Perron (propriétaire de la plus grande partie de la forêt),
d'une part et les différents usagers de sa propriété, d'autre part, dont Blameré également.
Blameré pouvait ainsi user de ce droit d'usage au fief , le "Fraigneau", sur une partie des propriétés de ces deux
familles.
Cette conclusion de la Cour d'Appel de Poitiers reconnaissait donc enfin officiellement les droits d'usage en
limitant leur aire géographique mais ne donnait pas satisfaction aux parties quant aux modalités d'application de ces
droits d'usage, de "panage",(nombre de bêtes admises à paître), rythme de révolution forestière), et surtout
dédommagements d'impôts par les communes réclamés par les propriétaires.
Les batailles juridiques ont donc continué
Fatiguées de ces litiges et de ces procès, les deux parties décident, d'un commun accord, à La Laigne, le 28
octobre 1900, de nommer deux experts chargés de faire "l'état des lieux de la forêt".
Le 16 octobre 1901, une cession définitive en toute propriété des cantons est proposée aux deux camps et acceptée.
Une surface de 456 ha, environ, sera attribuée aux communes et sections usagères.
Début 1907, tous les anciens usagers décident de partager leurs attributions en sections, proportionnellement
au nombre d'usagers de chaque commune. (1 883 personnes en tout). Deux parcelles de bois échoient à notre village :
- une de 31 ha 70 a, au Fraigneau et
- une de 03 ha 64 a 09 ca, au Bois l'Epaud (Mille Ecus)
Eugène Murzeau, pour la section de Blameré, et Edmond Boucard, président du syndicat des communes
usagères signent l'acte.
Blameré devient officiellement propriétaire des deux bois cités précédemment.
Et depuis ?
Nos bois, sur les deux sites, couvrent 35,34 hectares.
Quand Blameré a été rattaché à la commune de Puyravault, le village a conservé son exclusivité dans l'utilisation de
ses bois, bien que la gestion en échoie à la commune.
Le Maire de Puyravault et son Conseil Municipal deviennent de par la loi les seuls décisionnaires reconnus sur
un bien appartenant au village de Blameré.
Par souci d'équité, il fut alors convenu que les affouagistes du village devraient fournir du bois de chauffage à l'école
communale et des fagots au boulanger, bois qu'ils feraient en plus de leur part.
De souvenir de quelques anciens, un chêne de taille respectable a été abattu pour refaire le tablier de la bascule de
Puyravault. C'était en ……?
En 1956, des résineux (pins laricio et pins sylvestres) ont été plantés à Mille Ecus et se sont soldés par un relatif échec,
les lapins détruisant les jeunes plants qu'il a fallu remplacer. Certains arbres sont maintenant dignes d'être exploités
mais n'intéressent aucune entreprise, leur nombre étant trop faible par rapport aux frais qu'il faudrait engager.
En 1976, au cours de l'été particulièrement sec, un incendie important provenant de terrains agricoles riverains a détruit
près de 2 ha de peuplement au Fraigneau.
Le récent atlas des risques de feux de forêts réalisé en 1997 classe le massif de Benon au niveau de risque moyen,
justifiant une vigilance certaine.
Et aujourd’hui ?
Sur ces deux bois, tous les habitants du village ont des droits : on ne parle plus certes d'usage ou de panage, mais de
coupes de bois, et de chasse.
La promenade et la cueillette ne sont bien sûr pas le privilège des "Blamériens", on y trouve à la saison pas mal de
mycologues ou de promeneurs en quête de champignons ou de tranquillité mais qui doivent toutefois faire attention aux
vipères nombreuses et aux amanites phalloïdes toujours très belles !
Une voie rurale publique traverse le bois du Fraigneau. L'usage de véhicules motorisés n'y est pas souhaitée, mais bien
difficile à empêcher.
Coupes de bois
La Municipalité a créé une Commission Municipale des Bois , commission de gestion du patrimoine, chargée de
s'enquérir des désirs des villageois, d'étudier les projets et de les présenter au Conseil Municipal qui pourra les
entériner.
Longtemps une association de fait du village a fait part au Maire via cette commission des désirs des villageois et a
encaissé une partie des revenus générés par des coupes de bois et une location de territoire de chasse.
Les habitants du village ont créé en 2006 une association : l’Amicale villageoise de Blameré.
Son but, entre autres, est de prendre les décisions quant à ces bois et d'en gérer les rapports qu’ ils peuvent produire
(coupes de bois et éventuellement location)
Les décisions de coupes sont prises démocratiquement lors de l'Assemblée Générale. Il est à noter que tout résidant a
droit à une coupe, même s'il n'est pas adhérent de l'Amicale. Il devra néanmoins obéir aux consignes qu'elle définit
Elle propose alors à la Municipalité, par le biais de la Commission, d'effectuer une coupe concernant des volontaires qui
devront s'inscrire en mairie et s'engager par écrit, à respecter les lots, les consignes, les quantités allouées, les dates et
le prix proposés par l'Amicale Villageoise, arrêtés par la Municipalité.
.
Lorsque le Conseil Municipal a adopté cette proposition, les garants distribuent les lots dans le bois et veillent au
respect des consignes édictées par l'O.N.F, l'Amicale, et qu'ils ont acceptées en signant leur inscription.
Après la coupe, la commune établit un rôle que le Percepteur recouvre auprès de chaque affouagiste.
Conformément à la tradition du don à l'école, un tiers des revenus de la coupe est versé à la Caisse des Ecoles, et le
reste est versé à l'Amicale Villageoise sous forme de subvention.
Les exploitations de bois se font selon un plan établi depuis 1966 par l'Office National des Forêts, sous l'autorité du
Maire et la responsabilité des trois garants.
En 1998, l'O.N.F a proposé une révision d'aménagement forestier pour la période 1999-2013.
Sur ce, la tempête de 1999 est survenue, modifiant quelque peu l'ordre des objectifs définis sans en changer la finalité.
Le Garde Forestier responsable du massif départemental est venu par deux fois nous expliquer les orientations de la
politique forestière et nous montrer, in situ, les méthodes d'exploitation et les essences rares à protéger.
Ces interventions nous ont sensibilisés aux problèmes sylvicoles et permis de comprendre le pourquoi de cette politique
forestière.
Bien que nous restions les maîtres de nos actions, il est évident que le désir de préserver la ressource nous amène à
suivre les conseils avisés du Garde Forestier.
Un nouveau texte est parvenu en Mairie en fin d'année 2013.
Nous en transcrirons ici la teneur.
Chasse
L'Amicale des Chasseurs est une utilisatrice privilégiée des bois.
La chasse y est réglementée comme partout par l'Office National de la Chasse, avec une surveillance par des Gardes
Fédéraux.
Cette association a son règlement intérieur qui définit les jours de chasse, les ayants-droits, les prélèvements de petits
gibiers, …..
Voilà à ce jour, l'aboutissement d'une longue histoire que tous souhaitent encore très longue.
De nos anciens, nous avons hérité de ces bois dont nous pouvons jouir à notre tour, grâce à leur sagesse.
Sachons nous montrer dignes d'eux et responsables pour léguer à nos enfants un patrimoine prometteur !
Sources:
Archives communales et départementales; archives du syndicat des usagers;
Renseignements donnés par Pierre-Jacques Gorioux et Marcel Bonneau de La Rochelle (aujourd'hui décédé).
Historique complet fourni par Jany Grassiot et "allégé" avec son accord.
Document de l'ONF intitulé "Révision d'aménagement forestier 1999-2013" établi par René Pelloquin, technicien
forestier le 2 novembre 1998.
Propos sur la partie récente de Jean Rambeau, secrétaire de l'Amicale Villageoise.

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