Une nouvelle filière belge de production

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Une nouvelle filière belge de production
Une nouvelle filière belge de production et de valorisation
de produits bio pas comme les autres...
Une nouvelle structure qui démarre ses activités, en Wallonie, par la culture du quinoa et de la
caméline, avouons que cela ne manque pas d'originalité. Contrairement à ce qui s'est fait
jusqu'à maintenant, c'est-à-dire importer, il s’agit de produire ces graines chez nous et selon le
mode de l’agriculture biologique. Une fois produites, elles seront écoulées, par les soins de la
nouvelle filière également, en privilégiant le circuit court. Mais, vous allez le découvrir : il
s'agit de bien plus que de simples graines...
Texte d'Eddy Montignies
Land, Farm & Men est le nom d'une nouvelle société qui met en réseau trois savoirs et trois
expériences complémentaires pour développer différentes facettes de l’agriculture biologique
et proposer des services complets à ceux qui le souhaitent : agriculteurs et/ou propriétaires.
Graines de Curieux, quant à elle, est une marque sous laquelle Land, Farm & Men valorisera
diverses productions locales. Comme il s’agira souvent de graines, et qu’elles ne seront pas
toujours très connues, Graines de Curieux allait de soi ! Mais quelle est la philosophie de
notre projet ?
Amorcer un changement…
La philosophie de la nouvelle structure peut être résumée très simplement : changer de
paradigme agricole, tout en souplesse - certains parleront de transition -, et avancer avec ceux
qui le désirent. Loin de vouloir produire plus ou plus vite, il s'agit surtout de produire mieux.
Le mode d’agriculture est biologique, évidemment. Mais, au-delà du cahier des charges sur
lequel elle repose, il s'git de pousser plus loin cette forme d’agriculture qui doit améliorer nos
sols et notre environnement, autant de patrimoines vitaux que nous devons entretenir et
améliorer.
L’humain est au centre de la réflexion menée par la nouvelle structure qui, au travers de ses
activités, cherche avant tout à nourrir les hommes ; toutes les cultures sont donc valorisées de
cette manière. Mais ce concept englobe plus large encore car l'intention est de mettre les gens
en lumière tout au long de la filière : ceux qui auront cultivé la graine et ceux qui l’auront
façonnée par le biais de leurs outils et de leurs savoirs. Nous voulons que ces gens soient
rémunérés à la hauteur de leur travail, sans pour autant gonfler l’addition des consommateurs.
C’est donc bien de commerce équitable et local qu'il s'agit : du bio-proxy-équitable ! Aucune
forme de spéculation dans ce cas. Au-delà du prix, il y a bien plus précieux aux yeux des
promoteurs de la nouvelle structure : les campagnes qui regorgent de lieux devenus muets et
de traditions du geste qui n’attendent que de nouveaux projets pour s’exprimer à nouveau, en
parfaite harmonie avec leur temps. Ces lieux ne peuvent pas s’exprimer correctement s’ils
deviennent des musées ; ils ne peuvent le faire qu’en étant utilisés à nouveau. C’est alors tout
un patrimoine qui renaîtra avec de réelles perspectives de durabilité et d’emplois locaux.
Graines de Curieux s'inscrira donc le plus souvent possible, telle est du moins la volonté
clairement affichée, dans ce type de collaborations pour les diverses transformations que
demanderont ses productions.
Le circuit de vente
Il ne s'agit donc pas de nourrir la planète entière mais juste de nourrir, sainement et
correctement, ses concitoyens ! Chaque produit aura ainsi sa propre histoire, ses propres
visages, et il portera la trace des mains qui l’auront façonné. La traçabilité pourra se résumer à
un beau livre de fables et d’images - du sol à votre assiette - tout en respectant - et cela va
évidemment de soi - les règlementations en vigueur. Graines de Curieux veut afficher une
image moderne et dynamique de l’agriculture, en produisant et en valorisant des graines d’une
curieuse façon : en bio ! Quant à la société des consommateurs - qui, elle aussi, a décidément
bien changé -, il s'agira de répondre à ses attentes, via des canaux de distributions qui
s’échelonneront de la ferme aux magasins bio. Les nouveaux produits, ainsi labellisés, seront
donc disponibles, dès le 1er novembre 2014, chez des petits commerçants locaux, magasins
bio, etc. Autant de gens qui partagent une bonne partie des valeurs défendues par la nouvelle
structure et qui la soutiennent dans sa démarche. Une telle échelle lui permettra donc de
garder une taille humaine à l'ensemble des échanges et une indépendance réelle face aux
enjeux agro-industriels mondiaux.
Le cas épineux du quinoa
Le goût immodéré - et assez nouveau - des Occidentaux pour le quinoa a totalement
bouleversé l'organisation de sa production en Bolivie notamment où les cultures se sont
déplacées des montagnes vers les plaines afin de permettre leur mécanisation, chassant lamas
et ovins de leurs pâturages habituels et occasionnant l'apparition de nouveaux prédateurs et
parasites... L'impact social de cette nouvelle demande occidentale n'est pas néligeable non
plus car ce qui était traditionnellement une denrée d'alimentation courante du paysan bolivien
se mue brusquement en produit d'importation. Lorsque le "riche" consommateur belge,
allemand ou européen se tourne massivement vers le quinoa, le "pauvre" paysan bolivien doit
donc se rabattre... sur des pâtes au blé qui sont évidemment exportées vers son pays par ceuxlà mêmes qui modifient tout à coup leurs habitudes ! Or la valeur nutritive des pâtes au blé est
inférieure à celle du quinoa, particulièrement réputé pour sa valeur nutritionnelle mais aussi
pour son adaptation exceptionnelle au sol pauvre et aride de son aire d'origine : l'Altiplano
andin, une des plus hautes régions habitées au monde...
L'impact écologique et social de nos nouveaux "caprices alimentaires" ne fait donc que
renforcer la pertinence d'une production wallonne. Car, après tout, si nous aimons cela,
examinons d'abord la possibilité d'une culture locale plutôt que de bousculer sans la moindre
honte une agriculture de l'autre bout du monde, plutôt que de spolier de son aliment
traditionnel une paysannerie dont, pour la plupart d'entre nous, nous ne savons rien ou
presque... Or, apparemment, cela marche ! C'est du moins ce que démontrent les premières
expériences de Graines de Curieux...
Les différentes productions testées
- la caméline
Camelina sativa provient probablement de Russie et d'Ukraine qui pourraient en être le centre
d'origine ; des données archéologiques indiquent que sa culture aurait débuté au Néolithique
dans le sud-est de l'Europe. L'espèce faisait déjà l'objet d'une culture importante à l'Âge du fer
dans la majeure partie de l'Europe. La culture de l'espèce a connu un déclin au Moyen Âge
mais elle est signalée jusqu'au milieu du XXe siècle.
Cette plante à graines, de la même famille que le colza, permet la confection d’une huile
alimentaire très intéressante d’un point de vue nutritionnel. D’un point de vue agronomique,
elle offre de nombreux avantages : peu gourmande, concurrentielle par rapport aux
adventices, résistante aux maladies et peu convoitée par les prédateurs, elle permet d’inscrire
une culture de plus en fin de rotation - le cycle des cultures qui se suivent dans le temps sur
une même parcelle - sans difficultés majeures. D’un point de vue gastronomique, signalons
simplement que les Anglais l’appellent Gold of Pleasure !
Cette crucifère forme une belle rosette qui tapisse le sol et empêche le développement de bon
nombre d’adventices ; il est donc très intéressant de la cultiver en association avec des plantes
peu concurrentielles face à ces adventices comme, par exemple, le pois protéagineux de
printemps, la lentille, l'orge de printemps. L’huile des graines de caméline peut être utilisée
pour l’alimentation humaine ou comme huile technique. Son rendement en graines est
toutefois assez modeste.
- le quinoa
Bien plus connue que la caméline, car très trendy, cette culture est donc toute nouvelle chez
nous. D’un point de vue diététique, le quinoa offre de nombreux avantages : il est sans gluten,
riche en protéines et comprend tous les acides aminés essentiels. Agronomiquement, il
constitue une très bonne tête de rotation car il est assez exigeant en fertilisants.
Les variétés cultivées en Belgique sont évidemment adaptées à nos climats ; elles ont été
sélectionnées par l’université de Wageningen et par Abbotagra. Cette culture se sème au
printemps, le plus tôt possible, dès que la terre est "amoureuse". La gestion des adventices se
fait préventivement par des faux-semis mais également par binages successifs, jusqu’au
moment où la culture "couvre sa terre". Après la maturation des graines, de fin août à début
septembre, elles sont récoltées à la moissonneuse batteuse pour être ensuite séchées, triées et
conditionnées...
Cette "pseudo-céréale" pose un problème important dans ses zones d'origine où une demande
massive a bouleversé l'organisation des productions locales. La "soutenabilité" de cette
production n'a, semble-t-il, guère préoccupé le consommateur occidental et la pertinence
d'une production wallonne à destination d'un public wallon n'en est donc, répétons-le, que
plus évidente …
Des perspectives particulièrement intéressantes
Ces deux premières cultures vont donc être commercialisées cet hiver et d'autres sont
appelées à leur emboîter le pas. Nature & Progrès salue évidemment cette nouvelle initiative
qui permet à la Wallonie de relocaliser - ou de "localiser", tout simplement ? - la production
de denrées de grande qualité correspondant à une demande locale. Ces cultures à forte valeur
ajoutée seront également, à n'en pas douter, une excellente opportunité de diversification pour
nos fermes.
Quant aux paysans du sud, la meilleure façon de leur venir en aide est certainement de les
laisser retourner, de la manière qu'eux-mêmes souhaitent, à leurs propres cultures vivrières,
plutôt que de les contraindre à travailler sur des produits d'importation... dont les marchés
décident, à leur place, du prix qui leur est payé. Nous devons absolument travailler dans ce
sens...