Entre Haikus et Cancans

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Entre Haikus et Cancans
Entre Haïkus et Cancans
Jean Sarocchi
2012
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Entre Haïkus et Cancans
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Table des matières
Entre Haïkus et Cancans.............................................................................................................3
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Entre Haïkus et Cancans
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Entre Haïkus et Cancans
Blutée la farine de six fois environ trente jours - premier semestre 2011 - reste cette chapelure
....qui intéressera qui ?
Premier janvier
Jour de l’an un trognon de citron tombé le long du trottoir
Métaphore de l’homme blanc :
De quelle neige est-il la soupe,
Ce pénitent ? Jadis un poulpe
Suceur de tous les continents
Quelles ventouses maintenant ?
Il pleure il geint il bat sa coulpe,
Il vogue avec le Diable en poupe
Vers le Kamchatka du Néant
Le banc tout seul
Moi tout seul
Nous sommes faits pour ne pas nous attendre
Dimanche 2 janvier
Les mots dans leur état second
Songes d’une ombre alors ce sont
Quand ils abordent l’autre rive
Avant que mourir ne les clive
Un cèdre las (c’est rare) de tenir ses bras dressés à l’horizontale
Et il n’y a pas d’Aaron pour les soutenir
Quelques mots en accroche-cœur
Sonnent la diane de l’amour
Lundi 3 janvier
Le mot enthymème me sourit ce matin dès l’œil déclos, aussi banal que pain ou vin. Est-ce
parce qu’il rime avec même, et que je préfère moi-même à mon prochain ?
Clarisses en Egypte. Elles s’installent au désert, mais on ne tarde pas à leur infliger une
mosquée avec une intolérable sono.
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A France-Culture, on commente l’attentat d’Alexandrie par ses suites prometteuses :
musulmans et chrétiens sont contre, « main dans la main ». L’islam n’est donc pas en cause,
pas même dans la persécution susdite des Clarisses.
Devise de d’Annunzio : « Memento audere semper »
Un musulman pleurniche auprès de Max Gallo : pourquoi y a-t-il en France plus d’églises
que de mosquées ?
…Et gloria ejus in te videbitur …Ejus, anagramme de Jésu(s)
Mardi 4 janvier
A Radio Notre-Dame un politologue interrogé sur le peu d’empressement des musulmans en
France à manifester en faveur des Coptes répond qu’ils ont peur des réseaux islamistes.
Le succès damné du succédané religieux
L’après-midi d’un Faune, un exercice poétique de haut viol qui se continue saintement par
la viole, cela va de soi, irait même, chez Mallarmé, de soie
Mercredi 5 janvier
Noire et blanche à la fois ? Ce n’est pas de jeu, madame la pie.
Blanche, noire, noire et blanche …Pie, comment te jouer ?
Le caquet triples croches noires et blanches de Dame la Pie
Utopie ? Garder le ut, garder la pie, jeter le o.
« L’homme tue par peur » (Miller). Ainsi le terroriste terré, atterré derrière son mur de
sourates.
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Jeudi 6 janvier
L’Opinion, cette crépine qui enveloppe le cerveau, l’immunise contre la réalité.
Tu dis qu’ils sont en décadence
Mais le remède de le dire
N’est qu’un vulgaire placebo
On ne guérit pas ce bobo
Qu’ils crèvent donc dans leur délire
Les mots ne soignent pas les maux
Rarissime est l’homme qui pense
Le Diable chaudronnier cornu de notre Moyen Age est plus près du réel des détraquements de
l’âme que l’actuelle affectation de ne les imputer qu’à un désordre hormonal ou à des
désordres sociaux.
Vendredi 7 janvier
Sarkozy : « L’islam n’a évidemment rien à voir avec la face hideuse de ces fous de Dieu ». Il
faut opérer cette phrase calamiteuse de l’adverbe « évidemment », de l’hyperbole « rien à
voir » et de la locution « fous de Dieu » qui désigne une élite spirituelle, les happy few de la
mystique, non les fanatiques Mehras.
L’agenda, le faut-y-faire
Dimanche 9 janvier
Parmi les emmerdements recensés par James Beresford et visités par Giono ne figure pas
celui-ci : à la caisse d’un « super-marché » où l’on s’est pourvu de seulement un citron être
précédé par une matrone dont le caddy est chargé ras-bord et qui n’en finit pas d’en
transborder le contenu dans des sacs en plastique puis de fouiller dans son propre sac pour en
extraire un chèque et mettre à le remplir, aidée par la caissière phlegmatique, le maximum de
temps possible.
« Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil ». Ce vers des Petites Vieilles me remémore la
rue de Saint-Rémy où quatre jeunes Maghrébins /supprimer Maghrébins/ sont aux trousses
d’un vieux monsieur et se dandinent en taquinant ses basques de mains « inciviles ». Ce fut
pour moi le premier signe indubitable de l’occupation de la France par l’Algérie. /Censurer/.
Heureux qui est inscrit au catalogue des caciques. Heureux qui ne peut l’être mais s’en moque
et chérit avec humour son humble singularité d’abonné absent sur l’annuaire des grands
noms.
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« Figaro Magazine » d’hier : en couverture une bonne bouille de bébé et dans une bulle
« vivra-t-il cent trente ans » ? Mais non, nigauds, ce sera un interrompu volontaire.
L’âge négatif. Si - 273 degrés représente un indice idéal de température négative, on peut dire
que – 273 jours représente l’âge négatif idéal du bébé en voie de développement. A mesure
qu’il se développe il passe du froid sidéral de l’état embryonnaire, où le mieux serait de
l’exterminer (le législateur y a pourvu), au zéro de la naissance qui selon l’époque de l’année
où il vient au monde correspond ou non au zéro centigrade du thermomètre Celsius.
Définition égyptienne de l’église : bâtiment qu’entourent quatre mosquées.
Maffesoli : « L’air du temps me paraît être à la viscosité : on aime coller à l’autre ».
In te, Domine, speravi, non confundar in aeternum ». ( Clausule du Te Deum).
Pays en voie de croupissement. Lesquels ?
Aller à l’église, sous un régime islamique, c’est courir péril de mort, dit Marc Fromager.
Jean-Michel Bissonnet scandalise (« cynisme absolu », peut-on lire) parce qu’au lendemain
des obsèques de sa femme il va au cinéma voir Bienvenue chez les ch’tis.
Ne connaît-on donc pas L’Etranger ?
Mardi 11 janvier
Nous sommes des borderlines de la vie éternelle.
Rave : transport (extatique) en commun.
« Qu’allons-nous devenir sans Barbares ? Ces gens-là, c’était une espèce de solution ». Mais
la solution est là, ils sont là, bien en vue ! Ce sont les barbes à fatwas et les fatmas à niqab.
Banlieues …Tant de lieux où ne pas habiter est un luxe.
Tourabi or not Tourabi. Tourabisme ou tourisme.
Mercredi 12 janvier Auzat
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O, c’est moine ; Ka, c’est vieux. Kao, c’est le peintre anonyme du plus beau moineau qui
soit.
Quel chien de garde de la pensée enchaînée interpelle Régis Debray, sur « France Culture »,
du sobriquet cordial de « vieille taupe », craignant qu’il ne se fourvoie, avec son Eloge de la
frontière, du côté de la « réaction » ? Cet énergumène énervé tente de persévérer dans le nonêtre d’une subversion consensuelle, ne se doutant pas que sa voix aigrelette, acidulée,
mentholée trahit un ridicule blanc-bec, un conformiste du jeunisme routinier.
L’eau qui grelotte
seule une main de glace
Etre comme adoubé
la réchauffera
par un regard de vache
La tête du balai avec lequel le Japonais, si l’on en croit Un barbare en Asie, époussèterait le
ciel, ce pourrait être, sublimi vertice, la lyre d’Horace caressant les astres.
Dimanche 16 janvier
Aston
Flèche d’un aigle dans le ciel
Un oiseau qui fend l’air
Sur le seuil près du seau
Le plus cinglant des aphorismes
Quelle phrase mieux faite ?
une femme en vrac
sèche au bec
Ce pelage d’adret n’est plus qu’un morne de brandons. Lieu pourtant dit l’Enfreychade,
fleurant bon langue liliale.
Rechampir le ciel ? Oh ! il ne lui va pas mal
ce badigeon bleu.
Psaume 4 : « Beaucoup demandent : « qui nous fera voir le bonheur ? » Sur nous, Seigneur,
que s’illumine Ton visage ». Ce n’est pas le bonheur que demande le fidèle, mais
l’illumination, une lux qui peut être crux.
Orlu Des flammes droites d’abord, mobiles immobiles, comme à la parade, enrégimentées,
puis, rangs rompus, disloquées, un peu à la débandade, bientôt brandons.
Cet âne, bête comme une guêpe derrière une vitre, qui ne cessait d’aller venir le long de la
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porteille qui le tenait captif.
Lundi 17 janvier Orlu
Prière après votre passage
De refermer l’huis de l’espoir
Laissez les petits hommes noirs
Se noyer dans le marécage
Dans le ciel tout métope une frise de cirrhus ébouriffés
Vendredi 21 janvier
Un « Dieu » d’Umma est une Idole. On ne peut dire Dieu que d’abord dans le secret d’une
conscience. La seule Umma digne de foi, digne en sa foi, c’est une Eglise où l’on ne soit pas
chrétien parce que périgourdin mais où déliés et reliés on se rassemble non par coercition
mais par grâce.
Zizek : « le christianisme, en raison de la Trinité, est le seul véritable monothéisme » (cela
écrit dans La Marionnette et le Nain, Die Puppe und der Zwerg).
Le même : « La leçon de la Trinité est que Dieu coïncide pleinement avec l’écart entre Dieu
et l’homme, que Dieu est cet écart – tel est le Christ, non pas le Dieu de l’au-delà séparé de
l’homme par un écart, mais l’écart comme tel, l’écart qui simultanément sépare Dieu de Dieu
et l’homme de l’homme » - cela vs « l’identité ennuyeuse, monotone, de l’Altérité ellemême ».
Hyvégée, si proche d’Hyménée. De ces deux divinités le culte de l’une éteint peu à peu le
culte de l’autre.
Ludwig Wittgenstein n’a pas eu de chance. Huitième et dernier enfant de la famille.
Aujourd’hui naître lui aurait été épargné. Mais il y aurait eu un astre de moins au ciel des
étoiles fixes de la pensée, le Léonard du vingtième siècle n’aurait pas eu lieu.
La discourtoisie dans une époque de muflerie généralisée est un emploi comme un autre, qui
mérite salaire et subventions.
Ne peut-on dire du courage ce que dit Stendhal du véritable amour : c’est quand « l’âme
enveloppe le corps » ? Celui-ci alors, si fragile soit-il, se moque de sa vulnérabilité, et
blessed sont les blessures.
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Zizek : « L’univers des athées radicaux, privé de référence religieuse, est le monde gris de la
terreur et de la tyrannie égalitaire ».
Se tenir au-dessus de son étiage (médiocrité léthargique), accéder, par la prière, au bel étage
de la pensée.
Il ne faut pas marchander à l’immigré le droit de ne pas emmerder l’autochtone.
Le monde en proie à la maladie d’Huntington.
La Providence est-elle, comme le pense Zizek, « un équilibre fondamental entre les vertus et
le bonheur garanti par Dieu » ?
Chesterton : « le christianisme est le seul cadre possible pour la vie païenne » ; Zizek : « le
paganisme est le rêve suprême des chrétiens ».
La démocratie, pour G. Bataille, « un monde de vieillards aux dents qui tombent et
d’apparences ».
23 janvier
Paré de brodequins de plumes
ce pigeon
a l’air
d’un gandin
L’allègre volée anarchique des cloches
Me suffit d’un merle pour imaginer le rire de la prairie
Cet envol de pigeons c’est la paraphrase céleste de Ah !
« Il y a »
carillon interminable
Forme-t-il un concept, ce chat ?
La peau hésite
d’étonnements
Peut-être celui de sa noirceur
la poésie pas
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Lundi 24 janvier Toulouse
Ah ! que Dieu prenne en nous comme prend un vaccin.
(« Je vous vaccine avec la folie » : Nietzsche se doute-t-il que cette formule apparemment si
subversive, c’est du saint Paul tout craché ?).
La superstition de ne pas croire au miracle s’étaie de poutres de raison rongées par le termite.
L’orangé auroral de la première oraison sur le mur de briques du Collège de Foix.
Achille et Thersite empoussiérés dans l’épopée se valent : même nullité. L’un brave, dit-on,
l’autre lâche : vaines paroles, bale au vent.
Leopardi : la mort, « dell’età reinà », mais l’homme « renitente al fato », insoumis au destin.
« Quel que soit mon âge, il faut que je meure enfant ».
Démosthène : « il ne faut jamais pactiser avec les Barbares ».
Mardi 25 janvier Toulouse
Une feuille rien qu’une
arrhes d’avril
Accroche-cœur de l’éphémère
Le lagerstroemia nu
Une guirlande de haïku
fourche d’éclair écorché
Cité par Sainte-Beuve, ce mot de Fènelon au duc de Chevreuse : « Je crains toujours
beaucoup votre pente excessive à raisonner ; elle est un obstacle à ce recueillement et à ce
silence où Dieu se communique ».
« Que celui qui est sans péché lui jette /…/ » Et Jésus reçoit une pierre. « Maman ! je t’avais
dit de rester à la maison ! »
Fontenelle : « Celui qui veut être heureux /…/ change peu de place, et en tient peu ».
Voici que je me prends à adopter le psittacisme sénile de madame Zévaco : lambeaux de
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phrases répétées, comme une glissade itérative sur le toboggan buccal, ou comme les
tsitsikades de la cigale. (Les dizaines du rosaire, n’est-ce pas ça un peu ?).
Vendredi 28 janvier
Un monsieur Godelier, fâché du « refoulement chrétien de la sexualité » (tiens ! une idée
neuve !), se prononce sur « France-Culture » (qu’on dit en imminence de devenir « FranceCul »), pour la légalisation du mariage homosexuel, son argument décisif étant que nos
cousins, les chimpanzés et bonobos, indemnes, eux, du refoulement chrétien, s’entrebaisottent, mâles, le vit, femelles, la vulve.
Le mystique est la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf et qui, s’éclatant, y
parvient.
Ce cygne, on croirait qu’il a lu le poème de Sully-Prudhomme. Recevra-t-il un prix Nobel du
col flexible et du plumage blanc ?
Jeanne d’Arc : « Si je n’y suis pas, que Dieu m’y mette, si j’y suis que Dieu m’y tienne ».
Samedi 29 janvier
Que la pluie pose ses toutes petites pattes sur le rebord de ma fenêtre, et voici que frétillent
dans ma secrète vasque les ablettes de l’alleluia
Voltaire : « ce fanatisme » de « ceux qui croient qu’on ne peut plaire à Dieu que dans leur
secte. On peut donner des préférences, mais pourquoi des exclusions ? »
« Toujours un pied dans le cercueil, de l’autre faisant des gambades ».
Dimanche 30 janvier
A quoi bon jeter quelques sous de regret dans la tirelire du temps perdu ?
Quel laxatif pour faire sauter le bouchon coranique ? Quel mucilage pour déconstiper des
sourates ? Qui nous évacuera ce faeculum ? C’est Toi, Seigneur, vrai Dieu vrai homme.
Dans la rue déserte
Deux ou trois pigeons
Ramassent les miettes
D’un amphitrion
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Lundi 31 janvier
Ne pas courir deux, mais dix livres à la fois, se régaler de ce sive …sive.
L’agitation que je puis produire dans ma petite mare n’est guère plus attractive que celle d’un
batracien. Aussi, le sachant, ne commettrai-je point la fabuleuse erreur de la grenouille.
3 février Pibeste
Rouge-gorge surgi au détour d’un Ave
c’est le ciel
Onfray : Celse de sacristie.
Ce chien tire sa langue En façon de cravate
A l’octave de la mort
Rose rose si rose !
la chanson de la fauvette
4 février
Ah n’est pas une syllabe c’est l’âme de la jubilation.
Proust (I, 549) : « /…/ du caviar. J’étais ignorant de ce qu’il fallait en faire ». Caviarder, mon
bon !
(Exemple : le film-télé sur La Recherche : Bloch y insulte les gradés de l’armée, mais l’on
cache qu’il se planqua).
5 février Soulor
Leopardi : « Cet obscur grain de sable que terre on nomme ». Ne se rend-il pas compte que
son dédain ici est spécieux ? La nommant « grain » ou « terre » on jouit de ce pouvoir de la
nomination et par là même on la crédite, « grain » ou « terre », de porter des on capables de
tels frivoles traits d’esprit.
Ces branches
si fines soient-elles
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plus fin le tranchant de l’esprit.
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Les mots qui forment le berceau vocal de l’enfance, ceux-là seuls sont l’osier de poésie.
Oh ! cette cloche que huche une haleine de petit favonius
Paysage crêté de quelques cris de coq
Un cri de coq
il n’en faut pas plus
Sur la rambarde des « Marmottes »
Cernant le lac de Soum gelé
pour nous soleiller
deux pattes une crête
un coq
un anneau de voix rumoreuses
« Vous transformez en sucre le sel de l’Evangile », disait Monseigneur Saliège à un prêtre
caramel.
Dimanche 6 février Couraduque
Le halo du bonheur me suit. Il frange l’ambulante oraison.
Inscris-toi dans l’orbe de ce jour. Il est le plus beau des jours.
Pas de Babylone ici
quelques arpents seulement
pour le soc
Lundi 7 février
«France Culture » infectée par le verbiage démocratique. Mes petits carnets sont eux-mêmes
infectés par la répulsion dite et redite à ce verbiage.
Aux « Mille et une nuits » opposer le Milet un jour.
Mais pour qui ce haïku ? Pour un petit vent scythique ?
Ce vieux pommier envahi de lierre
a tout l’air
d’un gueux déguenillé.
Au dix-septième siècle, note Jünger, des sabliers étaient suspendus à la chaire de l’église
Sainte-Marthe à Nüremberg pour alerter le prédicateur.
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La caresse duvetée d’un plan d’herbe déclive
Les évangiles sont la cendre de ce volcan qui fut Jésus-Christ.
Toujours chercher le mot amont qui donnerait l’évidence ultime ….Quel leurre ! Il n’est
Gavarnie situable pour notre gave de Pau, et le mieux qui nous puisse advenir c’est de
mâchonner comme Bernadette à Massabielle un peu d’herbe, que suinte la source.
Mardi 8 février
La langue céleste de Bethléem est langée dans la langue commune.
Le doute est le don que fait l’Esprit à ceux que leur mauvais esprit ferait des fanatiques de la
croyance.
Ça me ferait belle jambe d’être coincé dans le Larousse entre l’italienne Sarno et le sarod
hindou !
Notre mess tend à substituer à l’antique pax vobiscum de la liturgie catholique le pacs
vobisculs du dévergondage légalisé, l’acronyme barbare au latin d’église.
Mercredi 9 février résidence Hippocrate
La langue grecque fut pour la philosophie ce que fut le piano pour Liszt ou Scriabine.
« On ne s’en sortira pas », c’est l’implicite, implacable leçon de ces jeteurs de mauvais sort
que sont les prélats de l’immanence, ces manants de l’esprit.
Madame Audicoeur est morte. Nadou essaie pour le dire des termes euphémistiques, des
verbes atténuatifs. C’est moi qui traduis en langue vulgaire : « elle est morte ». Nadou opine
alors, mais comme choquée par l’emploi de ce mot impie.
On a cessé de mourir, aujourd’hui. Omerta sur la mort. La censure du mot nous confère
l’immortalité.
Au moment du « Domine non sum dignus » on entendit une voix chevrotante murmurer :
« j’ai un peu perdu la tête ».
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Epicure : lathe biôsas, « cache ta vie » ; delitesce vivens, ou occulte vive.
Chrysippe, dit-on, fut prolifique, mais il avait tout pompé. On trouvait malaisément dans ses
écrits une phrase qui fût de lui.
Jeudi 10 février
Justice laxiste : « Ces juges », dit l’un d’eux, sévère pour la corporation, « qui font la charité
avec le sang des autres ».
Il lève bas l’épaule de quel rhumatisme atteint
Un sac éventré
ce dolent jet d’eau ?
dégobille dix jours de grève de déchets
Céline : « Invoquer sa postérité,
Ah ! je possède ce soir
Ambiance diabétique
c’est faire un discours
une pleine lune
aux asticots ».
pour moi tout seul
tiédeur par trop sucrée
de nuages bas
Entends la plante quand déclose
Ses corolles te crient ho !hé !
C’est moi ! c’est ton kalenkoé !
Je suis la vie à voir en rose
Vendrei 11 février
Ce serait la plus douce des morts que de diminuer jusqu’à devenir étique, squelettique, tringle
d’os.
Grand âge une épure de cartilages
Dimanche 13 février Bourg-la-Reine
Madame Thabut, chrétienne optimiste, croit que les idéaux de justice, liberté, etc vont se
réalisant. Qu’elle tâche à en persuader Asia Bibi en sa geôle.
A la messe de Bourg-la-Reine les trois mentions de la « géhenne » dans l’évangile du jour
( Matthieu, 5, 17-37) ont fait l’objet d’une méticuleuse réticence. De même sur « radio NotreDame » madame Thabut dans son commentaire les avait oubliées miséricordieusement.
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Un employé de la voirie, minutieux jusqu’à l’héroïsme ou maniaque jusqu’à la vésanie,
s’emploie, armé de longues pincettes, à extraire des moindres rainures du parking la moindre
rognure qui s’y serait indûment faufilée.
« Banlieues insoumises » (Céline).
Le métier d’être vieux, c’est le métier d’attendre
Godot car l’on a perdu la carte du Tendre.
Le trait d’esprit terminal de Thoreau, que l’on veut incliner vers le Credo – « un seul monde
à la fois » - n’est pas pour me déplaire.
Deus est ergo cogito.
Mardi 15 février Parc de Sceaux
Il y a un fanatisme du doute.
Le directeur de la revue Hermès qui présente les langues de bois tient lui-même parle luimême des pauvres « émigrés » en langue de bois.
Le joy du jog est un joy austère, astringent. Ces infortunés coureurs du dimanche dans les
allées ou les sentes du Parc ont l’air d’impeccables disciples de Kant, accomplissant la loi
crurale, perpétrant leur morne devoir poplité.
« J’accepte avec reconnaissance
Les épines mêlées aux fleurs ».
Mais, Thérèse, quand il n’y a plus que des épines ?
Sacré Cœur à la Coque : ce calembour soutient avec un humour héroïque la tradition
française de l’Eglise.
Ils appellent « déconstruction » une certaine façon de se branler les lobes cérébraux.
Nous sommes enveloppés dans le langage comme dans une coque et tout ce que nous
coctons à l’article du « dehors » est pris dans cette coque.
« Hors de l’Eglise ». Mais ek kalein, c’est : appeler hors.
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Jeudi 17 février
Au bout d’une charité misérablement convertie en philanthropie il est bon que Barabbas, ce
mauvais sujet de « banlieue sensible », soit libéré, et Jésus, l’enfant choyé de Nazareth, mis en
croix. Telle est aujourd’hui notre justice.
« rien que pour aujourd’hui » (Thérèse) , « L’Eternel Aujourd’hui ».
Un volcan irlandais nommé Eyjafjallajôhull. Qu’en attendre de bon avec un nom pareil ?
Abdus Salam, de la secte Ahmadi, sévère pour l’islam.
Vendredi 18 février
Zemmour condamné à 2000 euros d’amende. Il a incité à la discrimination et la « haine
raciale » ayant dit que neuf sur dix des délits étaient imputables à des Maghrébins ou des
Noirs. Sa condamnation est une « victoire de la liberté », s’est écrié l’avocat de SOS rackett.
L’Eglise est née du côté ouvert du Christ en croix comme Eve d’une côte d’Adam.
Tant qu’on ne s’est pas établi dans l’humble simplicité on se joue le double sketch de
l’homme génial que le complot des circonstances exile de la renommée et/ou de l’imbécile
qui réussit à se faire passer pour singulier. Mais la vérité probable, c’est qu’on aura été un
intellectuel moyen, un penseur de format modeste, pareil à tant et tant d’autres, honorable,
sans plus.
Samedi 19 février
Monsieur Le Maire, révèle « Le Figaro », rejette unje proposition du secrétaire d’état au
Logement, Benoist Apparu, visant à « modifier la loi de 1905 pour permettre un financement
public de la construction de mosquées ». Le même n’est pas « favorable » à l’interdiction des
processions catholiques.. Merci, Monsieur le Maire.
Les médias : des chêneaux crevés d’où dégoulinent des craques.
(Sulivan : « Foin du vomitus matutinus des médias »).
Ces jeux de mots pour Canard – « Au Nom du Pèse, et du Fisc, et du Saint-Frusquin », ou
« Au Nom du Pire, et des Fesses, et du Sexe Epreint » - traduisent, hélas, la mentalité
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actuelle.
Dimanche 20 février
Ma’loula : l’arrogance islamique a planté une mosquée à l’entrée du bourg, qui gâte le site et
par son incongruité et par les gueulades du muezzin.
La peste bubonique de Mammon se nomme aujourd’hui l’islam.
Une religion caractérisée par la solide compacité - samad - d’une haine cuite et recuite dans
le ressentiment.
Dans l’Evangile de ce dimanche une seule injonction m’agrée : « si quelqu’un te réquisitionne
pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui » (Matthieu, 5, 38 sqq.). Mais mon expérience
ordinaire, c’est que je suis tout prêt à en faire deux mille avec lui mais lui me rabat sur moins
que mille, à mon dam.
M, hiéroglyphe de la mer, la mer toujours emmée.
Le mode optatif, c’est la nuée biblique des vérités de foi qui, si on les expose dans le langage
de l’assertion séculière, semblent les dépouilles opimes d’un monde mort.
Lundi 21 février
Le forsythia commence
à forcer les portes du sommeil
Etre jeune est une incivilité, vieillir, l’expier.
Grands arbres qui dégouttent dans la nuit trempée
Sous la cendre d’un ciel que tisonnent des lampes
Monde vague spongieux où se mouille ma tempe
Pensé-je ? se peut-il quand pleure la cépée ?
L’Europe artiste avait le Monnet unique l’Europe marchande a la monnaie unique
Mercredi 23 février
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L’épître aux Galates met en clarté l’inaptitude de notre régime politique à imaginer seulement
l’interdiction du halal ou du kasher, car il est sujet de la Loi (et des lois à outrance), donc de
la chair et des cruautés barbares de la chair.
Incarcérés dans le Coran
Pourquoi ce malheur des Arabes ?
Ah ! s’ils lisaient Wilhelm Raabe
Ou Raban Maur, ou Racan!
Je me rappelle …Le soir de Noël, à Orléans, au pied d’une statue de la Pucelle un Maghrébin
affalé écoutait un transistor nasillard qui crachotait du raï.
Maman me rappelle : « Jeanne d’Arc ô vierge bénie Tu arraches à l’oppresseur La pauvre
France à l’agonie Garde la France ô noble sœur ».
Rien, la dernière plante de l’arrière-saison mentale.
Jeudi 24 février
Une nouille à « France-Culture » qui ne jure que par la démocratie, qui la bave à chaque
phrase, énumère quelques vertus nécessaires à celle-ci sans imaginer une seconde que nous
sommes nés, comme dit le psaume, dans la faute et que le démon infecte le dèmos.
(Bernanos : « J’éprouve /…./ quelque embarras à prononcer le mot de démocratie »)/
La Déité, diète de Dieu.
Omerta : dans l’article Berbères de l’encyclopédie Larousse le christianisme n’est pas
mentionné. Juste une fugace allusion au donatisme. Une assertion effontément erronée : « tous
les Berbères, aujourd’hui, sont musulmans ». Trois ganaches ont signé cet article malhonnête,
impudent. Le mensonge par omission n’est-il pas le péché contre l’Esprit-Saint ?
Place du Capitole défile l’Ecole Sainte-Marie de Nevers : un gros bruit de tambours, des
déguisements de carnaval, de la peinturlure, des confettis, des femelles à falbalas qui gigotent
ondulant du croupion. Pseudomorphose ? La vieille culture chrétienne se recycle, se coule
dans une parade néo-tribale. Que ferait parmi ces Phorcydes la voyante de Lourdes ?
L’amande de ton chant soit un soyeux silence.
Samedi 26 février
Je découvre combien je parais décati à la stupéfaction hébétée, presque incrédule, de tel ou
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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telle à qui je dis que j’ai encore une maman.
Définition copte de l’église : un bâtiment qu’entourent quatre mosquées.
Celles-ci, comme femmes en deuil au chevet du sarcophage d’Ahiram.
Rimbaud : « les migrations plus énormes que les anciennes invasions ».
Dimanche 27 février
Tout-puissants étrangers, inévitables astres, ou : Puissants étrangers, inévitables désastres.
Cette leçon bousille l’hémistiche mais sonne plus juste.
Ce teenager vautré, jambes entr’ouvertes, la verge en nénuphar, marmonnant un air de deux
airs.
Premier mars
Dieu ne peut se dire selon nos catégories mais peut être induit par nos attitudes.
Plus de discriminations : rien de ce qui est simiesque ne m’est étranger, na !
Plus d’anneaux à mon doigt. Je m’en aperçus rentrant d’une messe à la chapelle de Nazareth.
Ni l’alliance filiale ni l’alliance conjugale. L’évangile du jour était sur le centuple que l’on
gagne à se dégager de ses liens.
Deux mars
« C’est parce qu’il n’y a rien d’autre que je crois qu’il y a quelque chose d’autre » (Le Bruit
et la fureur).
Tanguant comme une barque
Jean Sarocchi 2012
Sur les flots de sa graisse Une épouse d’énarque
Entre Haïkus et Cancans
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Est-ce
Ou une gonzesse ?
Nondum pas encore
fut mon nom d’homme
ou de pas-un-homme
Ils exsudent d’affabilité, graissés par l’huile des congratulations.
Au lieu de pousser l’instant comme un rocher de Sisyphe l’arrêter sur la tranche et graver sur
sa peau un sursum de plain-chant.
Jeudi 3 mars
Quelle sorte de neurones travaille la cervelle d’un lecteur assidu du quotidien L’Equipe ?
Poser la question : que manquerait-il au monde si tes écrits n’existaient pas, ni toi, c’est
comme te tirer une balle dans la peau.
Petite vie abat grand vent.
A l’églantine de Toulouse offerte par Voltaire joignons « the pastoral eglantine » du Rossignol
de Keats.
Vendredi 4 mars
Bene vixit qui bene latuit, devise épicurienne de Descartes.
Estragon : « J’ai toujours voulu me balader en Ariège ». Vladimir : « Tu t’y baladeras ».
Pourquoi ce soir, à table, après une journée radieuse au dehors comme en dedans, après une
Adoration suivie de la messe, pensé-je que la solution du conflit entre les « trois »
monothéismes pourrait être de raser Jérusalem ?
Les musulmans se passent le mot à l’amiable pour feindre de ne rien savoir de leur
persécution persistante, obstinée, des chrétiens. Mais non ! ils se passent même de se passer le
mot ; c ‘est une dénégation – un négationnisme – héréditaire et d’instinct.
Elisabeth Costello : »Une maladie de l’âme /…/ a marqué tous ces citoyens du troisième
Reich qui avaient commis des atrocités, mais également ceux qui, pour quelque raison que ce
soit, étaient dans l’ignorance de ces actions ». L’ignorance du massacre des koulaks,
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
21
soigneusement entretenue dans nos médias, relève de la même maladie de l’âme, ainsi que
l’étouffement, l’una corde, la sourdine sur le Goulag (nommez-moi un camp de concentration
soviétique).
(Ibidem) : « S’il existait une position à partir de laquelle la raison pouvait se subvertir et se
détrôner elle-même ». Elle existe : le Christ, et Paul.
Samedi 5 mars
(Au col du Soulor)
Ces nids sont des glaçons
Et leurs petits seront
Deux petits nuages
Nul oiseau ne les couve
Des larmes qui dégouttent
hasardés lézardent
dans le ciel bleu bleu.
Je découvre ce soir que j’ai perdu mes alliances le premier mars, anniversaire septième de la
mort de Françoise, à laquelle je n’avais nullement pensé, pas même durant l’adoration et la
messe des petites sœurs de l’Agneau ; le lendemain, c’est Marie-Eve que j’en informai, qui
m’ouvrit l’église, chercha, vainement, avec moi.
Lundi 7 mars
(Couraduque)
Silence dedans
Lac de Soum
Seul pin encore
silence dehors
la pâte feuilletée
à offrir
sur ses vastes paumes
des crêpes de neige
le mince film de la joie
d’un silence serti de glace
Coetzee trouve Roquefixade un endroit ordinaire, « un point sur le globe terrestre, rien de
plus ».
Huit mars
Vieillir, la foi molle comme la couille molle ?
Mus in pice ou crux in luce : telle est l’alternative, mickey mouse pour divertir les fans de
l’immanence (la poix), ou Jésus-Christ pour élever les fidèles jusqu’au Golgotha.
Talus déculotté de tes houseaux de neige Si je veux t’humilier je t’inflige la Meije.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Ce rire des eaux libres quand la neige desserre sa mâchoire.
Lisant Ricoeur sur les formes du discours religieux (récit, prophétie, législation, sagesse,
lyrisme) on acquiesce mieux à la déception qu’éprouvait Schopenhauer au Coran.
Mais Ricoeur, parpaillot, répète l’erreur coranique du christianisme « religion du Livre ».
Mercredi 9 mars
Ne jette pas à la fosse sceptique tes perles de prière.
Utinam ! Puisse ton optatif l’emporter sur ton dubitatif.
En Bigorre, depuis février 1857, les mésanges parlent le patois de Bernadette.
Ecrire quelques pages de ski sur de la neige vierge
et puis ?
Eperonné par un pic il danse il danse le petit nuage.
Alerte providentielle en ce mercredi des Cendres et fête de sainte Françoise Romaine :
le prophète Joël lu à la messe me fait penser à mon dentiste, Joël Pezet, dans le
moment même où une molaire endolorie inaugure pour moi ce temps pénitentiel,
incident béni qui précipite mon retour à Toulouse où les restaurateurs de mon salon,
leur travail achevé avant l’heure, m’attendent.
(Il apparaîtra dès le lendemain que la douleur dentaire était un leurre, l’hameçon où
me prendre pour écourter le séjour bigourdan).
La sophistique est l’alcool de l’intellect. Grisé, l’on en perd le sentiment de la
dépendance, et de Dieu. On jouit superbement de sa virtuosité mentale comme le fait
sur la glace de sa virtuosité physique un patineur.
Jeudi 10 mars
La radio ouverte, après une semaine d’abstinence (que ne m’en abstenir durant tout le
Carême!), me dégueule les clichés ordinaires sur le « lepenisme », la « droite »
(extrême), le danger que représente le « Front National ».
A force de vouloir se rendre gracieux au monde comme le petit chien l’âne pourrait
bien à la longue, sous l’inlassable trique, y parvenir un peu.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Providence, ces légères vibrations qu’elle fait sentir sans le déranger, en le troublant
d’un tremblé délectable (video voluptatem Domini), au cours des choses.
Beaux versets, veaux bercés. Content de ce contrepet ?
Se résigner à être quelqu’un dont ne se disputeront pas les autographes à l’hôtel
Drouot n’est pas une médiocre satisfaction quand on se targue d’être compté parmi
ceux dont le petit sou sonnera dans la tirelire de Dieu.
Ce moment délicieux où le magnolia épanoui en pleine floraison n’a perdu aucun de
ses pétales, tel le Christ aucun des siens.
Cette figure de bon pain Cuite dans l’athanor des cieux
C’est Cadou, poète et copain De tous les oubliés de Dieu.
Samedi 12 mars
On débat de la femme, à « France Culture ». Avec peine on se résigne à ne pas
contester entre elle et le mâle une différence biologique. Les hommes cependant,
assure-t-on, ne sont pas plus forts que les femmes. J’en augure que s’imposera bientôt
une juste parité jusque dans les équipes de foot.
Distinguer les pays »émergents » de ceux « en voie de développement » est la preuve
que l’on parle la novlangue convenablement. Cette discrimination a combien de lunes
devant soi ?
La corvée de jog exécutée chaque ouiquinde par les Jobs, ou jobards, de la servitude
sportive volontaire.
Dimanche 13 mars
Et ma main fraternelle
Se changeant en colombe
J’effleure de son aile
Une feuille qui tombe
« Internet » en lieu de vie éternelle. Voilà déjà des lustres, à la bibliothèque toulousaine de
l’Arsenal la Patrologie chassée des usuels laissa place aux classiques cyber.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Lundi 15 mars
Le dénommé Samir, qui réside à La Reynerie et que l’on voudrait ailleurs, loin, bien loin
ailleurs, a été condamné à peu près autant de fois qu’il a d’années. Il écope cette fois de
trente-six mois de prison ferme, dont dix-huit avec sursis. Gageons qu’il sera libre au bout
d’un trimestre. Quel sera le prochain forfait, quelle la peine ?
Les connaisseurs choisissent des femmes cuites à point. J’avoue les préférer saignantes, et
même très.
Mardi 15 mars
On fait interroger à « France Culture » un général par sa petite fille, celle-ci recrutée parce
qu’évidemment elle pense bien. Le grand-père, hélas, la met à rude épreuve. Il a connu la
guerre d’Algérie et, malgré les multiples efforts de la jeune médiacre pour lui arracher
quelques mots sur la juste cause du FLN il insiste, le vieux bougre, sur le conflit politicoreligieux entre Berbères et Arabes, entre la rébellion du dedans et celle du dehors attisée par
l’idéologie nassérienne et l’intégrisme islamique. Mais qui donc a commis la bourde de
l’inviter à parler sur les ondes, ce général ? Qui s’est fait tancer pour cette imprudence ?
Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».
Leçon de style. (Lu dans le Métro) : « A mesure que le nombre de mobinautes croît, la
consommation de la vidéo, de la télévision de rattrapage (catch up TV), du streaming et des
podcasts va également crescendo ».
Vendredi 18 mars
Il n’y a pas d’abjectif trop fort désormais pour disqulifier Kadhafi.
C’est le bel air.
Cette heure de l’année où l’épithète mirobolant va de soie.
Le 25 février 1858 Bernadette Soubirous et sa mère sont interrogées, debout, par le procureur
Dutour ; au bout de deux heures sa femme survenue propose une chaise : « non, on la
salirait », raille la jeune voyante, et elle s’asseoit en tailleur.
Kenneth White raciste par antithèse forcée, opposition factice, mépris fanatique des siens :
Occident, « on a affaire à un continent où la question est de savoir comment gérer au mieux
un agglomérat d’êtres peu développés » ; Orient, « on cherche à développer l’être, en vue
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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d’une présence au monde élargie, d’un épanouissement sur-personnel ». Bien sûr, il est luimême un oriental, il est même cet oriental, ego que camoufle mal « on ».
Un bras si las que le hucher
eût semblé s’alléger d’une bûche.
Samedi 19 mars
Hugo : « Après le Pape, le papier ».
Sur un rocher moussu
A fleur de gave en crue
« Ce flux est succulent »
Un oiseau plastron blanc
(parole susurrée) « Panta rheî tout est rhée ! »
Se décrasser de toutes les scories de l’esprit caustique, se faire humblement petit, pieux et pur,
ce serait aussi difficile à un Chamfort ou un Céline qu’à un chameau de traverser un chas
d’aiguille.
Bercées par l’impossible
quelques gouttes spécieuses
L’eau glousse il le faut bien puisque passe repasse
Du clocher s’envolent des heures heureuses
de néant
un petit lézard
Sois leur prédateur
Ruines de Saint-Orens Penser de tout son chœur
Que la messe y fut dite
Etayer son abside
Etrenné du Seigneur
Au soir d’un o clemens
K. White est écartelé entre le rêve bouddhique d’un moi dissous dans des espaces élargis et
l’assertion narcissique de son moi nomade mais pommadé de « m’as-tu-vu », tatoué d’autosatisfaction.
L’eau véloce du Bergon
Ecolière de Czerny ?
Sloterdijk : « Leurs prétendues opinions sont les formes thématiques et morales de la mode ».
La souveraineté : « pouvoir prendre ses distances avec les épidémies d’opinion, refuser le
service d’excitation ». Les « épidémies thématiques », écrit-il encore, les « états d’alarme
synchrones », les « rythmes d’excitation militants », les « mécanismes de mimétique du
stress », le « fascisme de divertissement », les « Nuits de Walpurgis de l’indignation ».
Et de citer Heidegger : « Seul un dieu peut encore nous sauver ».
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Simanche 20 mars
D’Argelès – « Art je laisse » - à Villard – « Vil Art » - …mes lieux de villégiature ne me
promettent guère l’intelligence d’un Mondrian ou d’un Messiaen.
La mitraillette de petits rires niais d’une femme en chaleur.
« Aimez-moi les uns les autres », c’est l’Evangile selon saint White. Il n’y a pas de péché
originel, assure ce Blanc de Blanc. Il y a le péché conjoncturel de ne l’admirer pas.
Il ne veut pas tomber dans « l’expression confuse de la petite personne », dit-il. Rendons-lui
cette justice que confuse, son expression ne l’est nullement, que petite, sa personne ne l’est
nullement selon lui mais risque fort de paraître telle à un athlète de l’altruisme.
Ce rocher campeur
Le houx
sous sa tente d’ombre
toujours l’air
frotté de gomina
retient un peu de neige
de sortir du bain
Lundi 21 mars Marcadau
Oiseaux du Marcadau
comme du rocher qui s’époussière
Faudrait-il d’aventure verbaliser un randonneur pour non-assistance à avalanche en danger ?
L’eau Blanche-Neige sait nommer son Prince Charmant
« A quoi bon traîner son vieux moi autour du monde ? » Oui, Kenneth White, mais, suicide
exclu, comment, de cet Amédée, se débarrasser ?
Ce n’est pas en se grattant le nombril qu’on imite le Bouddha
Tu ne taris pas, torrent, mais à quoi bon cette volubilité ?
Parole de bouddhiste : « on m’a fait visiter des lieux sacrés et des places saintes, mais aucun
lieu sacré ne vaut le corps même ».
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Mardi 22 mars
Ils dotent la nature d’une majuscule, comme s’ils ignoraient qu’elle leur doit toute la ferveur
dont ils la flattent.
Encore une fleur de camélia
Encore ?
Déflétrir encore
Chiche, salafiste, caresser d’un poil de rire ta barbiche aphrodisiaque
Sloterdijk : « Les gens /…/ le mieux immunisés contre les relations malignes, ce sont /…/
ceux qui entretiennent une relation discrète avec leur jumeau occulte /…/ le fameux ange
gardien ». Citant la formule yankee take care of yourself il y décèle une discrète salutation
d’ange.
Poussière tout n’est que poussière
mais la perle de le dire …
En ce monde mondialisé nous sommes tous des demandeurs d’asile.
Mercredi 23 mars
L’érosion par l’ironie creuse le lit du doute jusqu’à jouir du néant, ce socle illusoire qu’ils
s’imaginent avoir atteint.
Il ne faut pas faire confiance à Dieu pour obtenir le succès ; le succès, c’est de Lui faire
confiance.
Le piège que nous tendent les séquelles de la modernité c’est de nous envenimer par la
science de l’illusion que nous ne serions plus le centre de l’univers ; nous le sommes plus que
jamais sur le mode mensonger de nous imaginer infimes et égarés dans un minuscule canton.
Un merle tout saisi condensé moiré dans le noir de son frac
Tout empaqueté de plumes noires colis mobile un merle
Sous les branchioles fléchies un rire de filles
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Une pierre faite comme il faut me donne à louer l’univers
Aiguisant le sec de la cépée un merle s’active du bec
A stray paper sur le trottoir quelles nouvelles ? électorâles
A bout d’arguments ce papier journal se jette dans un trou
Démocratie ah ! c’est l’idée en rose que pétale vaut pétale
Ce cerisier citoyen jette ses pétales
Maître Fuji sur son île perché
dans l’urne du temps
Tenait en son bec un nuage
Maître Bashô par la forme alléché
D’un haïku lui fit l’hommage
Jeudi 24 mars
Les neuf sonates de Prokofiev les neuf pierres du jardin Zen
Une cuillère contre ce mur de briques
grâce du métal
Tu es un à-papiers, fier de l’être, et merde aux sans-.
Thomas d’Aquin : homo eszt animal magis familiale quam politicum.
Sloterdijk. L’arène, « machine à excitation et à fusion pour la culture de masse », « fascisme
de la soupape ». Les individus, « des transformateurs liés, dans le débit, par des flux d’énergie
attachés à des thèmes ». S’immuniser contre les infections d’opinion, contre le « stress
synchrone à l’échelle mondiale ». « Le service thématique universel, c’est-à-dire la
propension à jouer son rôle de conducteur d’excitation pour des psychoses collectives
opportunistes ». Et encore : « L’interaction entre les massé-médias et par les mass-médias
peut produire le stress de synchronisation », qui place des peuples « dans des états d’alarme
synchrones et des rythmes d’excitation militants ».
A France-Culture Alexandre Adler, qui n’en est pas à une coquecigrue ou un mensonge près,
salue la « démocratie » turque.
Transi par la chute de ces pétales
Jean Sarocchi 2012
ah!je ne peux que me …
Entre Haïkus et Cancans
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Serviette souillée
le vent te houspille à quel égout te vouer ?
Samedi 26 mars
Merci soit-il est la parade
A toute aigreur de l’estomac
La vie est à toi camarade
Doute, et crois, comme saint Thomas
Ce que pèse une grappe demande-le
à son étoile-sœur
Ne pèle pas trop vite
ami des TGV
l’orage de ta vie
Ah ! demeurer l’otage
du verger bourgeonnant
La « sorcellerie du sablier » (Char)
L’odor di Dio dans les cerisiers en fleur
Ah ! vœu que perdure la flamme en blanc mineur
des buissons de mars !
Mon ah ! d’exultation a les fortes cuisses d’un criquet de pré
(Montaigne) « Il faut que j’aille de la plume comme des pieds ».
Dimanche 27 mars
Scribe des pétales qui tombent
J’écris ce laps
en mars majeur
La pénitence têtue étroite torturante du jogging
Ces pétales qui tombent
Korète et forsythia
c’est le balbutiement des beaux jours
jouent à qui mieux mieux au jeu du plus beau jaune
Lundi 28 mars
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Un bréviaire de fabuliste pour les Heures d’une politique avisée :
(La Fontaine) II, 7 ; VI, 13 ; VII, 8 ; I, 5 ; III, 13 ; II, 15 ; VIII, 22.
De qui se mosque-t-on ?
Ce n’est pas être très savant
Que savoir que la grive draine
Pousse bien mais différemment Du merle son fredon fredaine
Ah! Ces artistes, ce talent !
Et moi, ma pauvre turlutaine !
Devise du cambrioleur : à chaque jour suffit son pène.
Que Nazareth advienne où fut le sanhédrin, C’est, sans insulte aux Juifs, la prière chrétienne.
Les évêques indignés par l’islamophobie sont ceux qui d’y céder perdraient la vie avec la
mître.
Pas encore
l’hypocras dont j’arrose
A chaque chiquenaude de brise
mon jardin de primeurs
quelques pétales choient
La fleur dite podophylle ferait bien par ces temps de chasse aux sorcières de se tenir à
carreau.
Mercredi 30 mars
Comme un flocon dans la paume
Ma mémoire
une feuille sèche
Elu maire d’Elsewhere
Pâtir la jeune Parque
que veillerait
que le vent drosse
je dois remplir mon devoir
mieux que
un cœur brûlant
sur du blanc
de valseur
se faire trouer la paillasse
Trente-et-un mars
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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A « France Culture », on évoque Rimbaud. Peut-être, hasarde-t-on, courut-il le risque de
devenir bourgeois. Mais « bourgeois de gauche ». Ouf !
Un dénommé Jean Bobéro – héros des bobards ? – sur la même longueur de tristes ondes,
entasse à propos de l’islam et de la laïcité les pires mensongères niaiseries.
Etreindre l’instant
qu’il éjacule
Instant couvé instant éclos
Un ballon un pied
son arôme de jacinthes
partie gagnée
un choc inévitable
une Fifa s’ensuit.
On a beau faire, on ne peut alentir l’hémorrhagie florale du printemps.
Premier avril
Aucune tribu, si « primitive » fût-elle, n’a jamais imaginé une divinité aussi stupide, farfelue
et improbable que le « Hasard ». Il nous faut des savants très avancés, lauréats du plus haut
prix, frottés de philosophie, pour croire que ce mot, « Hasard », aurait dans le réel un
répondant.
L’ergo cartésien fait aussitôt surgir l’ergot du coq, l’ergot du seigle. Ce jeu de mots doit être
exorcisé pour que penser advienne. Mais la force de l’assertion cartésienne, ce n’est ni cogito,
ni sum, c’est ergo.
Dans l’herbe un rien mobiles blanches et noires fouisseuses
deux pies
Suffit, pour excréter le destin, de mettre un pet devant l’autre.
Le vrai poème est comme un nimbe autour de l’événement.
Une étincelle ? Une escarbille ? Sonnent, sonnent les talons hauts.
Deux avril
Démocratie : le meilleur système politique pour attiser la haine de tous contre tous.
Jean Berguerand m’apprend que l’avocat oranais J.F. Darmon (surnommé « Je Fous
Dedans ») dénonçait ses confrères, les accusant de collaboration. Son père était en Italie sous
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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les ordres de Juin ; celui-ci reçoit de « Je Fous Dedans » une lettre de calomnieux
mouchardage. Que Berguerand, retiré du front, soit incarcéré en Algérie. « Que le
dénonciateur vienne prendre sa place », répond le Maréchal.
Le 16 mai 1935, La Rocque fit une conférence au « 104 ».
Folâtres les pâquerettes
Fleurs en veilleuse
Le banc de pierre
pluie éplorée
Impavide lui
et l’œil de l’yeuse
Lundi 4 avril
Frivolité française : Les problèmes du schlem nous divertissent des problèmes du Chleu.
Nous percevons du monde de la grâce à peu près ce que le petit enfant dans le ventre maternel
perçoit de ce monde-ci.
Soljenitsyne nous apprend que les douchegoubkis (chambres à gaz ambulantes), imputables
au NKVD en 1937, sont dues au génie pratique de quelques gens d’esprit, notamment le juif
Isaac Davidovitch Berg.
Sur une branche
une écharpe rouge que brode
Je tourne en rond
Comme un jet d’eau
un chant d’oiseau noir.
qui crache et regurgite en boucle
Les forçats du jogging leur méticuleux labeur
de pénitents
Né vieux c’est dans le terreau d’être vieux que je me suis épanoui, j’y ai même trouvé une
jeunesse seconde. Deus laetificavit juventutem meam, juventavit senectutem meam.
La moissine est le fragment de sarment que l’on cueille avec la grappe.
Mardi 5 avril
Stevenson : Now with content at home I dwell ».
La prière, obstétrique de la naissance seconde.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Du trop tôt au trop tard
Plus noir le merle
Nous trottons éperdus Dans ce monde étriqué.
quand il se fiance
Assez de musique en toi
au blanc nuptial
du cerisier
pour émouvoir le rouvre le plus rude
L’infernal roulement sur le quai de la gare des valises à roues.
Mourir comme un éphémère dansant dans un conte d’Andersen.
Mercredi 6 avril
Une ignorante de « France-Culture » mobilise Césaire contre l’islamophobie.
Rien ne sert de haïr il faut aimer à point.
« A louer ». Oui ! Comment ne pas louer ce monde. « Tout est bien ».
La prière vraie touche tên kraspida tou imatiou le bord de Son vêtement.
Avril une grenaille de pétales
dans un trombone de rais
Qui émet quoi sur nos antennes ? Son roucoulis la tourterelle.
Vendredi 8 avril
Le pivert tambourine et c’est semble-t-il
le monde entier qui tremble
Je juge n’avoir lu un livre que si je l’ai mis en loques
Pas de pieu où je ne lève patte
Jean Sarocchi 2012
Moi le chien
Prompt au
Entre Haïkus et Cancans
pipi
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Qui fut la mère véritable du fils de Charles II et de l’amante innommée, sinon, à Lépante, la
Vierge Marie ?
Samedi 9 avril
Ouverte la vitre deux bras nus s’envolent
Le moment de la mort, nous ne le savons pas Et nous nous savonnons chaque jour qui
s’écoule
La mousse ne revêt pas la pierre qui roule Rêverions-nous de nous exempter du
trépas ?
Les dieux rien que la lie au fond du bol des blagues
« Vieille bouse, raconte-moi ta vache », murmure le crocus
Rousselot sur Cendrars : « La poésie, ce festin mystique, cette Cène où sont conviés tous les
hommes ».
Dimanche 9 avril
Mes jambages s’affermissent au rythme euphorique de mes jambes
Pas de cri de coucou
sans que ma plume
soit taquinée d’un rire
Trop forte la pression les cumulus démantelés
capitulent
Cioran un laxatif pour évacuer le Coran.
Lundi 10 avril
Il n’y a pas d’oukase pour interdire avril aux fleurs de forsythia
Il est des mots schisteux d’autres sont pur granit
Avril
De ce lever universel de la couleur
Jean Sarocchi 2012
où inscrire l’esprit
sois le lévrier
Entre Haïkus et Cancans
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Crinière de brouillard blanc
Tu es si belle
Où le cavalier ? Où le canasson ?
petite fleur que pardonne-moi je te tue
Vous qui ne courez pas
rocher méditatif
Excusez le sportif Jogging ! Mea culpa
Chute du communisme ? Mais persiste, insiste, persécute le chut! du communisme, le
Gayssaut-savoir inquisiteur.
L’eau blanche de colère en sa brutale décision de se ruer bas
Casse-cou certes mais une eau se casser qui jamais aura vu ça ?
Ces rochers
aveugles de naissance
quel colin-maillard jouent-ils ?
Appuyer l’action de grâces du psalmiste contre une joue de granit
Humble potentille
gare à mes croquenots
ces soudards.
Mardi 12 avril
Et sustine Dominum (introït de ce jour) peut bien se traduire : « soutiens … ».
Voltaire : « Il ne faut pas s’étonner, si un pauvre homme houspillé par 82 ans, par 82
maladies, et par autant d’affaires désagréables, a tant tardé à vous répondre ».
L’écoeurante mélopée des manèges de jardin public n’altère pas le pur chant des merles.
Petite masse noire
navette de la prairie
merle merle
Bossuet : « Lorsque Dieu forma les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté ».
Jeudi 14 avril
Camus : avec une bombe de la taille d’un ballon de foot, on détruit une ville de cent mille
habitants. J’enchaîne : avec rien qu’un ballon de foot on crétinise toute la terre habitée.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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La goutte de l’heure et demie
Tombe dans la conque du jour
Avec une douceur exquise
Je la recueille en fais l’offrande
A ce Dieu qui est tout amour.
« Parmi moi seul » : impropriété pathétique. Je l’assume, et me sens de moi-même l’amant.
On me dit quelquefois que le prochain existe. Je l’admets volontiers, pourvu qu’il soit distant.
Deux jeunes filles
en rire
sous un cerisier en pleurs.
Tricératops ? crétacé mort De s’être éteint triste il a tort
Vendredi 15 avril
Nous fûmes racistes par excès de globules blancs. Désormais leucémiques nous choisissons
d’appeler tolérance l’effondrement de nos défenses immunitaires. Le service SOS blastes est
pour une durée indéterminable en rupture de stock.
Jérémie : recedentes a te in terra scribentur (17, 13), « seront inscrits dans la terre » des
encyclopédies, où ils tourneront en rond, notices et photos, dans un éternel round-about,
feuilletés d’un doigt, zyeutés distraitement d’un œil.
Juché
sur la basse branche d’un cèdre
un coq claironne l’avril
Le chant clair de ce coq donne au jour une crête.
Samedi 16 avril Aveyron
La colline grattée par le clocher fait le gros dos
La chape du beau temps continu
pèse trop
sur nos frêles os
Ne faites pas semblant, taquins de l’épinette, d’être avec la Camarde à tu et à toi.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
37
On ne tutoie pas la mort, c’est elle qui nous tue, toi, moi.
Un cri tricolore de coq
déverrouille
Le corps se lave de son fiel
sous une douche de fleurs
Ces grands oiseaux battant de l’aile
Sont des moulins dont la farine
Entre moi et moi
Parmi moi
la porte du jour
Sur une crête de colline
Est faite de venteuse haleine.
il y a place
pour une aubépine en fleurs
dans un semis de pissenlits
Pissenlits d’Aveyron petits soleils entre les herbes
Lundi 18 avril
Notre civilisation « latine arabe », dit un affidé de « France-Culture ».
Unus christianus nullus christianus
Deux femmes au tombeau deux hommes au tombeau.
Les chrétiens roulent par deux à tombeau ouvert.
Marie-Madeleine, c’est la voie mystique de l’Hortus deliciarum. Thomas, c’est le dur à cuir
qui doit toucher les stigmates pour croire. Noli me tangere. Tange.
« Malheur à celui par qui le tchandal’ arrive », me disais-je assis sur un banc près du
restaurant Moaï, qui n’est pas haïssable.
Jouxte un zeste d’orange pourrie un tuyan crache ses impropères.
Mardi 19 avril
Y a-t-il des crachoirs à caquet ? Oui, les ouïes.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Ma poubelle auriculaire, qui la videra de leur caquet ?
Gare d’Austerlitz : le vacarme infernal des valises à roulettes.
Amortis
les affres de mourir
sous une pluie de glycines
Lilas glycine glas d’avril
Ici maintenant
oui
merci : mes quatre évangiles
La glycine son odeur de lilas alcoolisé
La meilleure réplique à l’impiété : un chant de pâquerettes
Qu’es-tu, cacique ? Un grouillement de vers sous un coffre de bois
Jeudi 21 avril
Des mecs des mégots monde salopé
qu’en penses-tu, mimosa ?
Jamais d’excès de z’ailes, vous autres oiseaux
Une femme à la lippe amère
Se reproche un ventre trop gros
Eh ! c’est que l’âge dégénère
Elle a quatre-vingts ans de trop
Chute des pétales
atchoum
Samedi 23 avril
L’ennui, pour dire que Jésus-Christ a vaincu la mort, c’est que nous n’avons que des mots de
la mort, car elle cachète tous les mots ; cette stupéfiante vérité – Il a vaincu la mort – devrait
se dire, ne peut se dire qu’autrement que par des mots.
Le Christ descendant au Shéol : cela n’a, dit tel quel, aucun sens, c’est seulement une alerte
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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pour un sens qui échappe aux sens.
« Je choisis tout », disait Thérèse de Lisieux.
Me choisit l’odeur du choysia.
Il ne jase pas mieux
le merle que l’aubépine en fleurs
Si tu veux devenir oiseau que ce soit pour houspiller les rapaces nocturnes qui roupillent.
Houspiller, roupiller, quelle belle raison de rime et rime de raison !
A Gethsémani Jésus houspille ses apôtres puis …. qu’ils roupillent !
Face du Christ des impropères le cœur du chardon des outrages
Le saint, un Cziffra du sacrifice.
Dimanche 24 avril
Pâques
Autour du banc l’inévitable jonchée des mégots
Le soleil caperutche dans le moment que sa tête est tranchée
Les midinettes
ne mettent pas leur nez
dans les iris en fleurs
Un marmouset dans la pelouse mouchetée de pâquerettes
Têter sa fin prochaine
Une touffe d’armoise
court après des bulles d’eau
hobby du vieux monsieur
pour embaumer
Cette vie-ci est si viciée
le cadavre du jour
qu’elle n’est qu’une vice-vie
Mais serait-elle une vessie messieurs vous y êtes vissés
Mardi de Pâques 26 avril
Aqua /…/ non flectetur, alleluia
Jean Sarocchi 2012
l’eau ne ploiera pas les genoux
Entre Haïkus et Cancans
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La plus belle fleur d’un beau jour
C’est le soleil tige rompue
Qui court à travers son espace
D’une course ininterrompue
Et puis enfin de guerre lasse
Se couche toute gloire bue
Ombre dansante au gré du vent
Sur ma main qui tient le calame
«Me reconnais-tu pas, ô femme ?
Je suis le Seigneur, et vivant »
Mercredi 27 avril
S’encastrer corps et bien dans un maintenant net
Se servir un mesclun de bonheur sur ce set
Eternel va-nu-pieds de la coquecigrue
Alleluia …ah ! l’aile où il y a …
Que l’affirmation de foi soit tempérée, mitigée, attendrie par les Anges Dubitatif et Optatif :
ce sont les gardiens contre le fanatisme de la vérité évangélique.
Avec nonchalance le petit robin lâche goutte à goutte, et c’est autant de virgules, un discours
dont la bienveillante neutralité suscite chez l’auditeur que je suis une égale nonchalance.
Par la plaie d’exister vers le plein d’être.
Il est une manière servile, décervelée de gueuler que « Dieu est grand » qui Le ratatine aux
pauvres dimensions de l’égueulé. Allah akbar : un dieu pour boucherie hallal.
Hyvégélia. Dit autrement : fleur d’hyvégée, la plante abortive.
Maman retrouve cette chansonnette que chantait volontiers son frère : « Joli mois de mai
quand reviendras-tu Nous porter des feuilles nous porter des feuilles Joli mois de mai
quand reviendras-tu Nous porter des feuilles pour nous torcher le cul ».
Samedi 30 avril
Forçats du jog, astreints à la corvée jambière.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Le jog dominical, un job à vous crever plus que celui des jours ouvrables.
Etre sous le jog comme être sous le joug. Mais le jog, à voir le facies crispé de ses victimes,
n’est pas un fardeau léger.
Dimanche 1er mai
Jean-Paul II, obsédé par les horreurs de l’athéisme d’Etat, n’a peut-être pas mesuré les
ravages que peut faire un Dieu étatisé.
Le verbe créaffirmer.
Optimiste ? Non. Optatif, oui.
Ballon
le plus débonnaire des ronds
Grosse mouche noire
l’alpha capitale
copain du pied.
de mon alphabet volant.
Lundi 2 mai
Jean-Paul II a été mérité par le multiple martyre de la Pologne.
Tout ce que tu peux me faire, bourreau, c’est de me précipiter un peu plus tôt que prévu dans
la splendeur, et, pour achever ta confusion, en te pardonnant j’annule ta cruauté, je la réduis à
l’enfantillage qu’elle fut.
Enveloppé dans sa houppelande
ce peuplier
opine au vent.
On a toujours du mépris en réserve dans sa poudrière. L’admiration elle aussi est une denrée
non menacée de pénurie. Ce que les médias appellent people suscite en moi, chaque fois que
j’ouvre un journal, une salve admirative. Ces pauvres gens dits people n’ont que cela – une
façade sociale - pour se maintenir. Je vois, dans le Figaro du premier mai, une photo de
David et Victoria Beckham arrivant à l’abbaye de Westminster. Grand Dieu ! y a-t-il une
circonstance de ma vie où j’aurais pu paraître aussi décidément et stupidement fat ? Mais que
David et Victoria me pardonnent. J’ignorais qui ils sont. Je le sais maintenant, j’admire
comme il faut l’as du foot britannique et celle qui jouit du privilège d’être footue par lui.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
42
(Tout de même, le bêta que je suis ! Il n’est personne à qui j’ai demandé, « Beckham, qui estce ? » et qui ne m’ait sans ombre d’hésitation achalandé de la réponse exacte.)
Mardi 3 mai
L’arc-en-ciel du oui accueille en son spectre même les tons de la détresse.
Les moineaux de K. White : When it comes to strict survival those plucky little beggars are
state of the art …ces vaillants petits clochards sont à la pointe de l’art.
La fenêtre trop ouverte
pour qu’un linge
ne s’y suspende.
Le héron que j’ai manqué au jardin des félibres le voici, juste consolation, dans une strophe de
Kenneth White où point farouche, stylisé en idéogramme, il se laisse approcher.
Ce vert tendre très tendre dans l’attente
de produire son grain.
La modernité rétive son tam-tam de taliban
ses ayatollahs égueulés.
Mercredi 4 mai
Nietzsche : « Qui supporte la pensée de l’éternel retour ? » (X, 100-1). Moi, car ce n’est pas
plus une pensée que ne l’est le chiffre des trillions de trillions de combinaisons possibles des
vingt-cinq lettres de notre alphabet.
Nietzschilisme ?
Novalis – « Où allons-nous donc ? – Toujours chez nous-mêmes ».
Thomas Merton a parlé de l’espace sacramentel de la vallée de l’Aveyron.
Jeudi 5 mai
Un jour encore un jour encore un jour
Une feuille qui choit une autre feuille
Le cheveu tombe de la
A moins que le signe trine le coq
tête vieille
Sensible à Képhas n’éveille la Pâque
Jean Sarocchi 2012
Le jour unique le regain l’Amour.
Entre Haïkus et Cancans
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Le même cri de coq qui fit verser des larmes
A Pierre crève encor la membrane du jour
Sonnera-t-il un jour ce coq l’adieu aux armes
Mariés l’Aïd-el-Kebir et le Yom Kippour ?
Allah halal : c’est ce porc-là qu’il faut égorger.
Chaque fois que l’on met Dieu en discours il devient incontinent une Idole.
Buber : Dieu, « le mot ls plus chargé de tous les mots humains. Pas un qui n’ait été aussi
souillé, aussi lacéré. C’est précisément la raison pour laquelle je ne puis y renoncer ».
Samedi 7 mai
Il est pour le poète amoureux du Lignon
Un bazar bien pourvu d’épithètes rustiques
Le philosophe c’est Deleuze aime les tiques
Et sur mille plateaux vous pèle son oignon.
Du poète Jean-Baptiste Bégarie : « pusque t’en bas, bèn-t-en tu la mountagne », puisque tu
t’en vas, va-t-en dans la montagne.
Mon ainsi dire a les pattes d’écume d’une rivière en crue.
(Schumann le nommerait Florestan).
Lundi 9 mai
En son inflexible fermeté un rocher tout roc.
On ne saucissonne pas la bourrasque.
On s’entre-verrouille sous des cadenas rouillés d’obligation.
« Royaume de Dieu », cela ne serait-il rien de plus que ce que Jésus en dit, et qu’Il l’est ? Le
croire et y croire n’est pas une chimère, ou l’est infiniment moins que nos programmes
séculiers de rédemption, et ce n’est pas rien que d’espérer une vie seconde, c’est, quand bien
même ce serait un leurre, mieux pour l’âme, mieux que de verser quelques versets stridulents
dans la fosse sceptique du Cimetière marin ; espérer un songe n’est pas un songe, c’en est
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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un que dénoncer cette espérance.
L’homme aux cinq pétales de sang
Fut nourri de l’engrais d’un Fiat
Qui est notre fleur de salut
Dans un vase de dévotion.
Méprise bucolique Roses comme jamais pareilles je n’ai vues Elles semblaient de loin à
mes beaux yeux de myope
Une variété de lys pyrénéen
M’approchant c’est brebis
que les nommer je dus
Bêtes à toison clarines quatre guiboles
Trompé de règne
éberlué …ça ne fait rien.
Mardi 10 mai Gavarnie
Ellébore de Gavarnie,
attends-tu le lièvre ?
la tortue ?
Un amas de petits rocs coiffés d’une tignasse de genévriers.
Ce nuage au-dessus de la Brèche de Roland est une France. Comme elle dissipable.
Hugo t’a hugolé
Cirque de Gavarnie,
De quatre alexandrins
Ho,ho ! Je les renie.
Menuiser l’instant
sur l’établi de Joseph
Une marmotte en forme de bétyle
céleste ouvrier
érige très dru
son cri
Est-ce un b que bêle la brebis, un c que roucoule le coucou ?
Les câlins de la carline attendrissent le chemin.
Gouttelettes de pluie
pas plus grosses
qu’un cœur de gentiane vernale.
Jeudi 12 mai
Cette mouche pompant ma crème catalane. Sa lippée. Elle aussi connaît le plaisir.
« Ah ! que je suis heureuse d’être une mouche ».
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Quelques mots un haïku le silence battu d’un cil
Malhonnêteté, mahomèteté.
Jésus-Christ est-Il ressuscité ? Il importe que l’affirmation qu’Il l’est, elle, soit réelle et
produise – c’est l’histoire du christianisme – des effets dans le réel.
Dimanche 15 mai
Pinailler : pudique, le Robert dit : « origine incertaine », suggère : « pignocher ». Mon petit
lexique de l’argot exhibe, toute proche de pinailler, la pinne.
A Yokohama un chien, en tenue de rigueur, peut être admis comme témoin dans un mariage et
apposer sa patte, dûment formé à cela, sur le contrat.
En 1681 Louis XIV s’empare de Strasbourg. C’est pour Leibniz chez ce « Mars
christianissimus » un trait de politique ottomane
Seize mai (anniversaireA peine ces italiques frappées, le verbe anglais to size se présente. Saisir. Je suis saisi par une
nouvelle année. Pas d’échappatoire. Le millésime. Soixante-dix-huit : le compte est
indubitablement bon.
Mon anniversaire n’est pas un événement. L’on ne parla aujourd’hui que de Dominique
Strauss-Kahn, de son anus-versaire. A-t-il fauté ? La thèse du complot met en cause le clan
Sarkozy. Curieusement J-F. Kahn, qui lâche que désormais François Hollande a ses chances,
n’ouvre pas le soupçon que le clan socialiste aurait, lui aussi, quelque intérêt à se débarrasser
d’un candidat à la Présidence fort encombrant.
On ne formule que deux hypothèses. La troisième n’est peut-être pas la plus vraisemblable,
mais c’est la plus apéritive : S-K aurait lui-même ourdi cette farce égrillarde, soudoyé cette
employée d’hôtel, mis les flics dans le coup, préparé en artiste roublard son arrestation, sans
oublier le détail pathétique (les menottes, lui, le grand manitou du FMI !), pour s’exhausser en
victime et, preuve faite de son innocence, s’imposer décisivement aux prochaines élections.
Un coup de Sarkozy, vraiment ? Sarkozy fan tutti ?
Dans la flaque peu profonde le coq boit
Jean Sarocchi 2012
un reflet de ciel.
Entre Haïkus et Cancans
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A force de vocalises le merle
irise la frondaison.
Ne pesons pas – étendue, espace – sur des mots par trop instables.
Dix-sept mai
Ça y est, je sais ce que c’est que le « bling-bling » ; je peux dorénavant suspêndre ces chaînes
tintinnabulantes au cou de mon contemporain. Le jargon « hip-hop » fait son entrée, sans
fracas, dans ma chambre mentale. Icône de l’orthodoxie bling-bling : le Président Sarkozy,
dit-on. Est-ce que Strauss-Kahn, cet aspirant à la Présidence, ne serait pas, eu égard moins à
ses passades qu’à la Passion toute christique qui les termine, une autre icône de l’orthodoxie
bling-bling ?
Un merde ! bien senti vaut mieux qu’un jet de larmes.
Combien de jets de merde ! aurai-je éjaculés
Avant que la vermine ait dévasté mon ventre ?
(Ces vers affreux me sont venus à Saint-Sernin, dans l’un et l’autre transept, mais c’est à la
grande Poste que l’amorce m’en avait été donnée par la profération du gros mot, unique, non
bissée, ça venait d’une dame à laquelle échappai, avec ce juron, je ne sais quoi qu’elle
ramassa avecrage.)
La laïcite est-elle licite ? Certes non. Mais cette gangrène n’a pas demandé permission pour
infecter la France. « Time, which rotes all, and makes botches pox », le Temps qui tout pourrit
et bontons fait vérole. (Donne)
Rendre illicite la laïcite, cet excès.
Les droits de l’homme se réduisent aujourd’hui à exercer sa quéquette au petit bonheur la
fente. Allons-y gayment !
Le cum Deus calculat fit mundus se transpose en cum Leibniz calculat fit mundus optimus.
Il n’est pas sûr que Leibniz n’ait pas fait une erreur de calcul.
De tous les joueurs de syrinx
Sache Tyrsis
c’est toi Sir Merle
au jeu de la syrinx
Jean Sarocchi 2012
le plus doué.
le plus habile est le merle.
Entre Haïkus et Cancans
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(Ces haïku sont un cadeau de Théocrite).
Noble ton nom hémérocalle
Pourtant le plus commun des lys
Panique, peur de Pan. C’est quand tous les écrous de la culture, qui assurent une certaine
consistance, se desserrent et que le naturel, digues des tripes rompues, se rue.
Strauss-Kahn. On dit : carrière brisée pour quelques remuements de croupion. Mais il a fallu
beaucoup le remuer, le croupion, pour faire une telle carrière.
18 mai mercredi
Roger Laporte : « Quel que soit mon narcissisme, je crois que je ne m’y suis jamais vraiment
complu, et du reste je n’ai pas été entièrement dupe puisque je ne suis jamais allé jusqu’à
croire en un Dieu ».
Ecarter la pensée que croire en Dieu soit un puissant recours contre le narcissisme ouvre
le soupçon que l’on en est la dupe et que l’on s’y complaît.
Premier temps : pour Martine Aubry, entends-je à mon pranzo, l’inculpation de D. StraussKahn est un coup de tonnerre, un 11 septembre : la tour du FMI s’écroule, percutée par une
femme de chambre.
Deuxième temps : Cette hyperbole me paraît ridicule. Mais les Allioux m’apprennent, à notre
déjeuner du Moai, que ladite femme de chambre serait une islamiste. Le coup aurait été
monté, alors, par la même sorte de fanatiques musulmans que ceux de l’inoubliable 11
septembre. Et ce serait un nouvel épisode new-yorkais du « choc des civilisations », une
revanche posthume de Ben Laden : l’islam démolissant un juif de stature internationale, la
pureté coranique s’en prenant à la haute finance.
Troisième temps : Toutefois caressant de l’œil, rue du Poids de l’huile quelques gros titres de
la presse je découvre que la femme de chambre se prénomme Ophélia. Ophélia ? Une héroïne
shakespearienne, peut-être ; rien à voir avec une fatma ou une fatwa.
« Dieu », mot-aiguille égaré dans la meule des mots.
Que cette dame Paon, au Moaï, si gracieuse, si écoutante, l’œil si attentif, soit non moins que
moi une monade, comment en douterais-je ?
…Monade amiboïde. Oui, même !
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
48
Mourir avant sa mort par vacance d’enfants.
La chaussure qui descend sa pente peut-elle inventer son pied ?
Plusieurs fois lu ou entendu, ces jours-ci, le mot barbare « omerta », un de ces mots exotiques,
métèques, sans-papiers, dont nulle frontière linguistique désormais n’arrêtera l’infiltration.
Mais « Google », qui sait tout, m’enseigne qu’omerta est un mot mafieux pourt désigner le
camouflage d’actions déshonnêtes. « Google » affiche 3490000 « résultats » : cela en dit long
sur l’occupation des esprits par ce qui est interlope, et sur mon extrême indifférence aux
clichés de l’actualité.
Tout de même, je m’instruit : bling-bling hier, omerta aujourd’hui. Comme s’en va la France
s’en va sa langue ; je suis avec nonchalance le mouvement, et ne désespère pas, vidé de
Racine et de Rivarol, de déborder bientôt de vocables et de locutions up-to-date.
19 mai
Au matin la claire vigueur de l’esprit qui jappe, hennit, rue. Cette notation n’est que le
transfert dans ma prose immédiate d’un vers-branle de Hopkins : « The fine delight that
fathers thought ; the strong Spur »… Et je suis heureux de citer Hopkins. Mais qu’importe ?
Et qu’importe ma culture littéraire ? Je peux, avec le même bonheur, me recueillir dans une
prière simple, ou bien tenter de retenir par cœur quelques strophes du Vexilla regis. A moins
que je ne salue sans phrase, voire sans pensée, l’ailanthe mon voisin qui lui aussi semble
heureux et derrière lui le mur de briques du Collège de Foix sommé de mirandes.
Autre entame : dire ma nausée à l’innommable brouet d’une Julie Clarini ( ?) servi à
France-Culture pour énumérer les « valeurs » de la « gauche » et déplorer qu’elles ne touchent
plus le « peuple ». Que d’abstractions ! Que d’idées rassises et ramollies ! Quelle « omerta »
sur la vérité quotidienne non du « peuple » mais des êtres singuliers qui le composent !
« Les étoiles chantent ! » s’écrie Scriabine ému de l’andante de sa troisième sonate.
Etoiles. Je sais de science si je veux ce qu’elles sont mais le désir me porte à les considérer en
gaie ignorance.
Puis
épuisés les mots
le seau vide de la perplexité.
Vendredi vingt mai
Séduction al dente.
La maladie de la vache folle, transposée dans la comédie humaine, devient la sonate à
Kreutzfeld.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
49
La consultation du Larousse universel me donne un vertige épizootique.
Epizootie : le dit Larousse réservait ce terme autrefois aux épidémies animales. Nous
savons aujourd’hui de science sûre et arrogante que nous sommes des animaux, nous aussi,
de sorte que la distinction entre épizootie et épidémie n’a plus lieu d’être, ce dernier terme
est un inutile doublon.
Ces personnes qu’on appelle « son et lumière », condamnées au tourisme à perpétuité.
Strauss-Kahn en liberté. Jubilation des ténors socialistes. Que cette liberté enchaînée de
chaînes d’or soit possible grâce à la situation financière du prévenu, cela ne les gêne pas, ces
ténors. Quand il s’agit de l’un des leurs, bénis soient les paradis fiscaux.
Samedi 21 mai
Clamence ironise : philosophe froussard, chrétien propriétaire.
Je suis et chrétien et propriétaire, et philosophe et froussard.
Un autre Kahn, sans Strauss, propose dans un autre secteur de la comédie humaine une fine
distinction : si un « Arabe », un « Noir » s’écrie « sale Français » ou aménité de même
facture, c’est une revanche verbale de l’humilié ; si un Français s’écrie « sale Arabe » ou
« sale Noir », c’est du racisme. Le racisme est donc le vice exclusif de l’Europe qui fut
coloniale. Cette distinction m’évoque celle du très subtil Deleuze entre les massacreurs de
« droite », hargneux, lugubres (les nazis, les Chouans) et les massacreurs de « gauche »,
hommes de progrès (jacobins, bolcheviques) qui tuent gaiement pour un avenir radieux.
Epique gaieté de la guillotine, qu’il est regrettable que Hugo, dans Quatre-Vingt treize, n’ait
pas absolument approuvée ou au moins absoute.
Le dessein en est pris, je veux étendre ce lumineux distinguo à tous les cas de virulence. Le
viol, par exemple : un Maghrébin viole une Européenne , il est excusable parce qu’il fut
colonisé, qu’il est émigré, qu’elle n’est pas voilée, qu’on lui voit le cul. Si le viol est commis
par un Européen la faute est infiment plus grave, mais c’est au millénaire refoulement sexuel
du judéo-christianisme qu’il la faut imputer.
Abolition de la peine de mort : un crime contre l’humanité.
Vieilles cités : Leurs merveilles sont des pierres précieuses enchâssées dans un anneau de
banlieues de merde.
A penser comme Cioran l’avortement serait une manière artiste d’éviter l’horrible couac d’un
accouchement et sa désolante conséquence la mise au monde d’un imbécile de plus.
Ne t’éparpille pas. Sois le condensé d’un arôme.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
50
Certaines roses, on ne peut les sentir qu’une fois. Elles n’ont d’effluve odorant que pour un
nez, une olfaction. D’autres, plus généreuses, ont une réserve de parfum qui ne s’épuise
que pâmées.
Villard de Lans
Sur le rocher Perec
Un corbeau bec ouvert
Bée à quoi ? à quoi ?
Les fantastiques reliefs des cumulots d’orage font paraître débiles les cordillères les plus
échancrées.
Dimanche 22 mai
Cette corolle dans le ciel
Epanouie en Coromandel.
Acaule claire sans sépale
C‘est une nue hémérocalle
Ayant terminé leur travail de petits soleils supplétifs, de vicaires du grand Eclaireur, les
pissenlits se déréalisent, deviennent le rêve, la vacuité de ce qu’épanouis ils s’enorgueillirent
d’être.
Lundi 23 mai
Au mou du meuglement on les sent plus pansues que pensantes
Mais quel mets !
Réfutation sternutatoire :
Athée ?
Atchoum !
Télégramme post-chrétien :
Têtes nimbées ?
Ne savons plus
Vénérons les têtes Nimbus
L’univers quintessencié dans l’arome d’une touffe de jasmin
Vingt-sept grammes poids d’un beau diamant
Quel, d’un honnête homme ?
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
51
Mardi 24 mai
L’affaire Strauss-Kahn et la nuée de niaiseries concomitantes sur le rapport sexuel. Consenti ?
Non consenti ? Les perruches de « France-Culture » ont l’air d’ignorer le spectre, de
l’adhésion éperdue à la résignation apeurée, des émois consensuels.
L’idéal serait une « hétéro-socialité ludique », profère l’une d’elles. La même s’excuse de
recourir à la vieille « catégorisation » homme/femme.
On dit pour D.S.K. (ce sera désormais un acronyme pour désigner les verrats de la verge)
« présomption d’innocence », sans penser que celle-ci est connexe d’une présomption de
culpabilité infligée à la plaignante. Quel déni, d’emblée, de justice !.
Des avocats se fâchent parce que la police contrôle plutôt des Noirs ou des Maghrébins.
Vercors
Ce pissenlit en bel habit de deuil
Jouxte le névé qui se résorbe
oscille au vent
résigné
une primevère se désopile
Autant de trolls dans le pré de la Fauge que de fidèles à une grand’messe des JMJ
Pour l’homme pieux omnis dies ultimus pour le poète omnis dies primus
Trop petit pour l’immense bonheur qui m’échoit.
Me faire encore plus petit, qu’il n’y ait plus, sans moi, que le bonheur.
Tomber dans les bras de quelqu’un comme, de l’arbre, la pomme mûre.
Mercredi 25 mai Vercors
Le chant d’un pinson
Pâle mais fidèle
Jean Sarocchi 2012
Découpe entre deux branches Un quartier de lune
Dans un ciel lui-même attendri
Dame Lune
Entre Haïkus et Cancans
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Petite pluie régulière
Comme un rai
Rendre gorge
des Ave Maria
Ce sentier taillé
Dans un touffu de forêt
c’est bien votre rôle
Les mille et mille façons
(Et nous aussi
Accortes gentianes de Koch
qu’a la fleur
les monopétales
Dans la caillasse
Collé au calcaire
Le calme cri
de diversifier sa face
pas deux gueules semblables).
Des primevères de haut vol
Ne pas décolérer
Choc sur un bipède pesant
Sel de la terre
De n’être pas oiseau
D’un chocard
Acrobate des airs.
La voix de lait caillé des enfants en bas âge
Emeut en moi l’enfant qui ne veut pas mourir
Je sais les mots de vêpre espérés du vieux sage
Mais mon filet de voix d’aube ne veut tarir.
Jeudi 26 mai
Un Mr Duhamel, larbin de l’Opinion, parle des « populismes xénophobes ». On ne peut
attendre d’un larbin de l’Opinion qu’il parle des cosmopolitismes populophobes.
(La présomption d’innocence s’agissant des « populismes » est exclue par la sévère,
sourcilleuse, fanatique médiacratie).
Drôle de drame : sous la faute à jamais hivernal l’homme ploie.
Trame de trolls : dans l’Alpe fleurit un joli mai fou de joie.
La guipure d’un chant festonne l’arbre en liesse
Nouvelle est la feuillée et neuve la nichée
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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C’est mars ou c’est avril mais il y a mieux qu’est-ce ?
Verdoie un sycomore où se juche Zachée.
Tous nos calculateurs
Zéro
Tant qu’ils n’ont pas mis K.O. la mort
Les éclairs, c’est le paraphe du Diable pressé.
Vendredi 27 mai
Mme Sallenave salue sur « France Culture » Jacqueline de Romilly, déplorant que nos trois
paramètres culturels – grec, chrétien et arabe (elle élimine Rome) – soient négligés de
l’enseignement officiel. Ce disant, elle a un mot désagréable sur le « péché », notion ignorée
de Socrate, ignorant elle-même que Jacqueline de Romilly, chrétienne, savait bien que le
péché est quelque chose qu’on peut regretter que Socrate ait ignoré.
Déchirure dans les nuages
Entre les lèvres ouvertes
Le ciel
Du cumulus
Une plaie bleue.
La chair bleue du ciel.
Dire avec Hopkins, de l’universelle intarissable logorrhée : « the faithless fable and miss ».
La damnation des impies sera d’être sauvés malgré eux, de subir à jamais l’humiliation de
s’être moqués du « salut » et de le recevoir en pleine gueule.
Horace : Quod petis, hic est, est Ulubris.
Samedi 28 mai
Oiseaux feux croisés
Tombée du ciel
qui se fiancent
la bruine mélodieuse
aux rais d’un soleil rajeuni.
d’une alouette.
Aux verbes performatifs on peut opposer des énoncés qu’il serait licite de dire falsificatifs
ou auto-destructifs. Ainsi : « l’homme, singe évolué ».
Horace, je te laisse
Jean Sarocchi 2012
la Moucherolle
est plus belle que ton Ode
Entre Haïkus et Cancans
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Dimanche 29 mai Villard
Course cycliste
Sans attrait pour toi passereau
Pour moi ni
Le fanatisme c’est la Parole cloutée
Laisse flotter au Souffle ton iconostase
Ce sera triste si la divine hypostase
S’empâte dans des mots risibles à l’athée.
Une vieille maison toute en flammes sonores
L’air autour embrasé par l’âme des violons
Ce sinistre est de ceux que fervents nous voulons
Attiser ô cordes ô cuivres pyrophores !
J’envie la mort de Ben Laden qui fit de lui chair à poisson.
XI, 93 : Che non men che saper dubbiar m’aggrada – c’est la grâce du doute, souveraine
contre le fanatisme qui est la foi enfermée dans le fantasme.
Mardi 31 mai
Hémiplégie mentale de Dame °°, à « France Culture ». Selon cette sibylle l’échec scolaire des
étrangers en Europe proviendrait de notre incapacité de les accueillir avec sympathie et
discernement. L’hypothèse où nombre de ces étrangers ,seraient nourris dans la haine de notre
culture ne lui vient pas
L’épaisse nappe de bois de la Loubière recèle à jamais pour moi sur son versant secret la
toison pubienne d’un merveilleuse adolescent, d’un ménin de la Beauté, que j’entrevis une
fois qui fut la première et dernière.
Un peu plus que le Nom le frisson de Son ombre
L’éclat de sa clarté dans une opaque nuit
Ce que peut le psalmiste en étreignant le nombre
Subtil secret sacré des dons du Saint-Esprit.
Ces instants où l’unité se dit dans le gazouillis d’une branche l’antienne d’un ciel du soir les
anthères d’une orobanche.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Dire avec monsieur Pouget : « J’ai 78 ans, je vogue à pleines voiles vers mon éternité ».
Chute du communisme ? Comme une chute de pétales de cerisiers au mont Yoshino : il y en a
partout.
Selon Mr Boubakeur l’islam est la « religion de la miséricorde et du pardon ».
Mercredi premier juin
Une bêtasse à « France Culture », sans doute galvanisée par l’échec de Berlusconi à Naples,
Milan et Turin où Mr Adler se réjouit de la victoire d’un ex-communiste son ami, susurre que
la princesse de Clèves serait aujourd’hui « à gauche ».
L’exégèse, science des textes. La prière, science de Dieu.
Mon épitaphe :
Pusillanime et papillon
Sujet à de vertes coliques
Nourri de fleurs de rhétorique
Inadmissible au panthéon.
Un bon livre me sert de youpala où je pousse mes idées titubantes ; je trébuche dès que je
lâche les bras de ce trotteur mental. On a beau le dire dangereux, responsable de traumatismes
crâniens, je ne vois pas le moyen de m’en passer si je veux penser.
(Le youpala n’est pas recensé dans mon Larousse universel. Google l’honore de 188.000
références. Commentez).
Catholicisme. Quarante mille églises vides et closes, vermoulues et moisies, sont comme les
os d’un énorme archéoptérix. Ce monstre fut la France, fit son histoire. Son squelette, c’est
« après l’histoire ».
Horace : « Siç te grata quies et primam somnus in horam delectat ».
Dans une France cultivée comme il faut la rime de Cicéron avec Aveyron irait de soi, serait un
critère de savoir-vivre, le signe d’un heureux mariage de la tradition latine et de l’esprit de
terroir.
Ne pas être un important est pardonnable pourvu qu’on ne soit pas un importun.
Ces messages brefs et vains
Jean Sarocchi 2012
qu’envoie en étincelles
un feu vivace
Entre Haïkus et Cancans
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Horace (épître 4 du livre I) : « tacitum silvas inter reptare salubris ».
Le geyser sec des étincelles
image
de ma combustion mentale
I, 4 encore : omnem crede diem tibi diluxisse supremum.
Pallier à, deux fois en trois jours sur nos radios nationales : un palier franchi vers le souk
multi-culturel où n’importe qui achètera n’importe quelle préposition pour n‘importe quelle
transaction.
Jeudi 2 juin Ascension
La triste impossibilité où je suis de rencontrer Horace non en dactyles et trochées mais en
chair et en os.
Valéry n’était pas assez intelligent, ou l’était trop, pour comprendre qu’il faut se démettre de
son intelligence pour obtenir en soi ou hors de soi certains effets dont l’intelligence n’est pas
capable. Dire le chapelet, c’est bête. Mais que sa récitation ait contribué à la victoire de
Lépante, nul Valéry ne démontrera par raisons apodictiques qu’il n’en fut rien.
Deux petites tables de bistro suffisent à cette mouche pour sa gymnique matinale. Je me
garde d’effaroucher ce petit être dont la gravitation mentale m’est une énigme. Le goût de
vivre, certes, c’est ce que nous avons en commun, elle et moi. Et nous nous effacerons l’un et
l’autre comme un sillage sur le fleuve des âges. S’enhardissant à ourler de ses pattes surfines
le rebord de ma tasse elle ne se hasarde pas toutefois dans le fond, où elle pomperait un reste
de sucre. Dommage !
For Christ plays in ten thousand places (Hopkins).
Vendredi 3 juin
Mounier décrivant les catholiques conservateurs – « ces êtres courbes qui ne s’avancent dans
la vie que de biais et les yeux abattus, ces âmes dégingandées, ces peseurs de vertus, ces
victimes dominicales, ces froussards dévotieux, ces héros lymphatiques, ces bébés suaves, ces
vierges ternes, ces vases d’ennui, ces sacs de syllogisme, ces ombres d’ombres, est-ce là
l’avant-garde de Daniel marchant contre la Bête ? » - montre qu’il est un brillant continuateur
de Saint-Simon, Chamfort, Paul-Louis Courrier, un polémiste de grand talent, remarquable
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
57
dans l’ordre de l’esprit, mais dans celui de la charité on peut trouver à redire ; il s’est fait
plaisir en écrivant ces lignes féroces, il n’a été ni indulgent ni miséricordieux ; de surcroît la
description est tout de même trop chargée, fausse pour l’épithète « courbes », car autant que je
l’ai rencontré cet animal, le ca-con, se distingue plutôt par sa raideur, bien accordée au
dogmatisme.
Constantin, Clovis convertis au dieu qui donne la victoire : c’est de l’islamisme. Se convertir
au Dieu qui donne aussi la défaite, voilà qui serait probant. Thou mastering me God
(Hopkins).
Ce banc
des fesses s’y posèrent
A preuve ce tas de mégots
Caressant du regard les jambes d’une fille je continuai pour me consoler par l’ample ramure
d’un cèdre que je crus voir pour la première fois.
Dimanche 5 juin
La pudeur, sexualité à son point d’extrême raffinement, requalifie l’homme animal en
interprète de l’Esprit.
Je comprends qu’on puisse préférer à saint Paul qui bourlingue et se tourmente Epicure
maître en son jardin. Mais ce jardin est-il l’Eden ?
L’arôme rance, flétri, suri, comme d’âmes mortes, d’eaux de toilette qui ont une décennie
macéré dans leur flacon.
Humilité, obéissance, ce sont les deux ânesses qui tirent l’esprit saturé de sophismes vers la
claire simplicité de l’Evangile.
Les exégètes par rapport aux évangélistes sont comme les volcans éteints d’Auvergne
comparés au Stromboli ou à l’Etna en éruption. Feu vs cendres. Que sotte est la cendre si elle
prétend expliquer le feu !
Dans le corps pourri de la France grouille la vermine des festivals.
Lundi 6 juin
Il est bon de penser que ce jour peut être le dernier si l’on contrepèse cette pensée par sa
converse, à savoir qu’il est comme le premier.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Marri d’avouer que jamais encore je n’ai vu une vache dans le moment qu’elle vèle, un
poussin dans l’instant qu’il brise sa coquille
Que l’appât du gain, la religion de Mammon ne soient pas nouveaux, l’attestent Horace – « O
cives, cives, quaerenda pecunia primum est » (Epître I, voir aussi satire I) -, Juvénal –
« quid enim salvis infamia nummis ? », Boileau : « l’argent en honnête homme érige un
scélérat ».
Victoire à Roland Garros de Nadal, qui eut l’astuce au premier set, alors qu’il était dominé, de
se faire panser un pied. L’interruption du match brisa l’élan de Foederer. Je ne sais si les
commentateurs ont signalé cette irrégularité.
Maman retrouve dans sa mémoire et chantonne : « Petit papa, c’est aujourd’hui ta fête…. »
Mémoire de monsieur Pouget. Il sait par cœur plus de vers d’Horace (5342) que de Virgile
(4575).
Mardi 7 juin
Affaire Strauss-Kahn / Diallo. Présomption d’innocence ? Pour en gratifier l’une et l’autre il
faut une exceptionnelle gymnique mentale.
A « France-Culture » Jack Lang se signale par son imbécillité : il ne sait rien, affirme-t-il. Ne
sait-il pas que Strauss-Kahn occupe à New-York, en attendant mieux, un appartement de 600
mètres carrés ?
Volupté de savoir d’un savoir aussi sûr que celui de la plus exacte des
sciences que les « grands » de ce monde sont chair à vermine comme moi.
« Ne bois pas cette eau ! Cette chrétienne l’a souillée en buvant dans notre verre, et en
replongeant la timbale dans le puits à plusieurs reprises ». Ce récit d’Asia Bibi évoque en
contrepoint l’épisode évangélique de la Samaritaine.
Boileau : « Combien, pour quelques mois, ont vu fleurir leur livre, Dont les vers en paquet se
vendent à la livre ! »
« Le Moïse commence à moisir par les bords ». Pradon blâme Boileau de ce mauvais jeu de
mots. Le Brun ne le trouve point mauvais, l’en loue. Daunou n’est pas sûr que le jeu de mots
soit voulu.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Mercredi 8 juin
Mes petits carnets : mes « pétouillets ». S’y dépose jour après jour le caca mental. A le remuer
un malaise olfactif se déclare. Pourquoi ne pas tirer la chasse une bonne fois ? Mais je me
rappelle le mot du docteur Destouches sur la complaisance de tout un chacun à sa propre
merde.
Plaisir de répéter : For Christ plays in ten thousand places.
Ce qu’il y a de moins insignifiant dans La montée de l’insignifiance de Castoriadis, collection
« Essais Points », c’est l’image de couverture, « La grosse tête », qui représente Castoriadis
lui-même assez justement. Cette encre unique sur papier remplace avec avantage 292 pages
d’une autre encre sur d’autres papiers. L’artiste, Roland Topor, présente un petit monsieur
atteint de lévitation, une sorte de ludion sommé d’une énorme tête à la rondeur un tantet
aplatie où je verrais volontiers une montgolfière propulsée par le feu de l’esprit ; il est clair
que cette « grosse tête » n’a pas les pieds sur terre : c’est bien le cas d’un intellectuel rêvant
de la vieille démocratie athénienne et imaginant qu’un grand mouvement social-historique
pourrait la réactiver. Quel Aristophane infligerait aujourd’hui à Castoriadis la sévère leçon
qu’il mérite ? Personne, car la « démocratie » est devenue un orviétan, un mot magique, un
concept dont l’approbation ne doit pas souffrir de réserve, une réalité dont l’évidence dans
nos pays ne se conteste pas scron-gneu-gneu, un slogan que pieusement piaillent les médias à
longueurs d’onde. Roland Topor est impie, lui : non seulement sa grosse tête de bébé Ubu
frappe de dérision les grosses têtes, il la fait soutenir par deux jeunes femmes nues jusqu’au
nombril et engainées de hauts bas à jarretières supplémentés de cache-sexe. C’est alors à
Aristophane – l’Assemblée des femmes - ou Apollinaire – les Mamelles de Tirésias – que l’on
pense, à l’éventualité d’une gynécocratie et au désopilant désastre qui en serait la
conséquence. Or cette gynécocratie dans nos pseudo-démocraties est en bonne voie. Nos
céphalotes se tourmentent à propos de quota, introduisent des femmes dans les assemblées,
les ministères, l’une d’elles vient d’être nommée vice-présidente du sénat, une autre se désole
de n’avoir pas été désignée aux primaires socialistes pour être la candidate officielle du parti
aux prochaines élections présidentielles, hier des milliers de femmes défilaient à Paris pour
…ah ! que Philippe Muray me relaie, il sera sur cet article plus expert, plus disert, plus drôle
que moi. La gynécratie est en marche, rien ne l’arrêtera. Rien ? Le recours à la burqah. Le
tout proche avenir qui se dessine en France, c’est le combat entre le string gynécocratique et
la burqah islamique. L’islam a ce bon côté qu’il a tranché dans un verset irrévocable (sourate
4, 39) la distinction entre homme et femme et sur celle-ci la supériorité voulue par Dieu de
celui-là. Les salafistes – je le prévois - seront d’ici une décennie ou deux majoritaires à
l’Assemblée Nationale, le Président de la République sera pris parmi eux, ce ne sera pas –
Allah est grand – une femme. Ouf ! Nous échapperons et aux grosses têtes – la chari’a
formant une pépinière de crétins – et au gouvernement des jarretières. Contre la gynécocratie,
remède drastique : la démocratie modèle libyen.
Par humilité, tel le prophète biblique, on accepte de se mettre dans le sac du dogme et de se
couvrir de la cendre catéchétique.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Mon millésime est celui de l’admirable psaume (19)33 : « La joie de notre cœur vient de
Lui ! »
L’islamisme a les vertus d’un mélanome : cancéreux, prompt aux métastases. Incurable
Coran !
Tel la clématite
harpiste
de l’Invisible
Qu’il est triste quand on est seul sur son balcon un soir de juin d’entendre le choc sur les
raquettes des balles de pénis !
Pauvre de ces années que j’ai de trop
Vingt ans c’est le pactole a dit Rimbaud
Neuf juin
Le roman de l’intellect (dont les maîtres se nomment Platon, Aristote, Bacon, Spinoza, Kant,
etc.) exige pour exceller des conditions semblables à celles du genre romanesque : le
philosophe de grand style se crée une constellation d’idées et une langue adéquate tout
comme le vrai romancier se crée un monde gravitationnel de personnages. Proust et Bergson.
A l’ombre de l’Evolution créatrice en fleurs.
Tressaille tressaute clopine la pie
prise en flagrant délit
Oenonologie : science des mauvais conseils.
Dix juin
Quand Etienne dit : « Seigneur, ne leur imputez pas ce péché », peut-être n’y a-t-il pas de
Seigneur, peut-être n’y a-t-il pas de péché ; peut-être Etienne se leurre-t-il et, qui sait ? y eut-il
même un Etienne ? Mais ce récit, cette parole sublimes, eux, existent à jamais, font signe,
illuminent le séjour, et il en découle qu’Etienne, le péché, le Seigneur ont plus de densité
humaine, de réalité que tout individu qui les mettrait en doute.
La vertu se porte bien, comme l’hypocrisie son alter ego. (La Rochefoucault n‘est pas
démodé). On se démène en effet, dans les sphères du pouvoir médiatique, pour couvrir d’un
badigeon d’altruisme le massacre annuel encouragé et stipendié de quelques deux cent mille
mômes en formation et l’occupation de la France par des étrangers fanatiques et crétinisants,
bref pour déguiser un suicide sociétal en actes de charité, en amour du prochain la détestation
de soi.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Onze juin
Rêve. Comment d’avoir feuilleté le livre 1789 déclencha la nuit dernière un rêve où la place
oranaise de la Bastille était toute en démolition, gros blocs de granit de Sidobre, arbres étêtés ;
on voyait la poste telle quelle, en face l’église Saint-Esprit où j’entrai pour suivre une messe ;
les bancs y étaient étrangement disposés ; j’étais affligé de mes bâtons de ski ; j’eus idée de
me placer sur un banc de garçons mais ne voulant pas les déranger m’assis près de vieilles
dames. Après un temps d’éveil, rendormi je me trouvai de nouveau à Oran ; je m’y rendais au
LTCO à un colloque ; Maurice Montabrut et un autre collègue m’escortaient, je leur exposais
ma certitude de l’existence des anges et la sollicitude à mon endroit de l’archange Raphaël.
Optatif, volitif, présomptif, dubitatif ….Autant d’anges volant autour de l’Agneau Mystique.
Comment conglomérer deux êtres différents ?
amant.
C’est, tenon et mortaise, une amante un
Strauss-Kahn fut un Thésée de la Ha ute Phynance
Il aurait su exterminer le dragon Krach
Mais un affreux complot antisémite ach !
Fit culbuter notre héros dans l’opulence
Pénitentielle de six cents mètres carrés
O Mammon nimbe ce pénitent de tes rais !
Oiseau, je t’aime pour tes cinq voyelles, tes deux diphtongues, ton e discret. Il me semble que
je pourrais voler si ma tringle syllabique était telle.
Dimanche 12 juin Pentecôte
A la manière du frère André faire de la théologie
Ne sois pas un pique-assiette
Des spiritualités
Suis la voie étroite et nette
De la sainte Trinité
ras le plancher.
Crible en moi Saint-Esprit le bon grain de l’ivraie L’ivraie de m’enivrer de mon pouvoir
mental
Le bon grain de Te dire en toute humilité Sustente-moi de Ton froment
sacramental
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Lundi 13 juin
La pea-soup de l’Opinion
Ce lézard a l’air content d’exister Moi qu’il existe
Tous deux thomistes
Ne pas juger. Les niais ou les roués utilisent ce conseil de Jésus pour se soustraire à toute
évaluation. En vérité ce que Jésus enjoint c’est de ne jamais se prononcer sur le fond de l’être,
de ne pas étiqueter « malfaisant » un individu parce qu’il a commis un acte de malfaisance.
Mais cet acte même il est non seulement licite mais requis de le qualifier tel et de le
sanctionner.
Quelques gouttes de soleil
éclaboussent le jet dièse de ce loriot
Dans l’allée aux beaux ombrages
Ce volatile est heureux
Va se dandinant un freux
Moi je peine aux raturages
En train. Mon vis-à-vis, flasque, écouteurs collés aux esgourdes, hébété par un sirop de sons
que je présume qui sont de la plus poisseuse espèce, jambes ouvertes entre lesquelles on
devine épanouies les roupettes. Quelque chose de porcin dans la physionomie. Ou agité ou
vautré, comme ficelé dans ses items, victime pathétique de la techno-science. Tripotant son
trousseau de clefs accroché à un mini-ballon de footre que relie au jean un cordon vrillé de
teinte rouille il contracte ses muscles masticateurs en grimace simiesque. De quel asile, de
quel phalanstère échappé ?
Joues poupines, gonflées, yeux et lèvres clos, ouïes à quelle musique de merde vouées ? Tout
emberlificoté de fils, dans un prurit de maniements et remaniements, surencombré d’items
idiots qui le bardent il est une vive parabole de la crétinisation par le saint-crépin.
Et soudain l’évidence qu’il s’agit d’un singe « supérieur » en voie de formation.
Mercredi 15 juin
Bernanos croquant Hugo : « Une main sur le globe du monde, l’autre sous les jupons de
Babet ». Le même : « cette prétendue évolution démocratique, dont on voudrait faire on ne
sait quel phénomène cosmique ». Et encore : « La politique de Léon XIII, qui n’a rien obtenu
pour l’Eglise, a ruiné le moral français ».
Jeudi 16 juin
Saint-Simon : la mère de l’abbé de Mailly « l’avait fait prêtre à coups de bâtons » ; « le
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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cardinalat est une maladie bien commune et qui prend les gens de bonne heure ».
Chateaubriand (XXX, 11) : « Nos journaux ont été bien misérablement turcs dans ces derniers
temps. Comment ont-ils pu /…/ tomber en admiration devant des barbares qui répandent sur
la patrie des grands hommes et la plus belle partie de l’Europe l’esclavage et la peste ? »
« A la fois rusés comme des esclaves et orgueilleux comme des tyrans, la colère n’est jamais
tempérée chez eux que par la peur ».
« En principe de grande civilisation, l’espèce humaine ne peut que gagner à la destruction
de l’empire ottoman », etc.
« Vous ne voulez pas planter la Croix sur Sainte-Sophie : continuez de discipliner des hordes
de Turcs, d’Albanais, de Nègres et d’Arabes et avant vingt ans peut-être le Croissant brillera
sur le dôme de Saint-Pierre ». Vingt ans, non. Deux cents.
Vendredi 17 juin
Dans l’intaille d’un pur silence
je loge ma gemme
merci
Simone Weil : « ce royaume transcendant où les hommes authentiquement grands sont seuls
à entrer et où habite la vérité » ; « pas d’amour de la vérité sans un consentement total, sans
réserve, à la mort. La Croix du Christ est la seule porte de la connaissance ».
Où, la vérité ? Aux genoux du frère André
récurant ses parquets
Samedi 18 juin
Jésus alterne beati et vae, ouai et makarioi.
Gyp, dont Nietzsche s’affrianda, est un acronyme, ou un télégramme, pour désigner
l’arrière-petite-fille de Mirabeau qui était « Sibylle-Gabrielle-Marie-Antoinette de Riquetti de
Mirabeau », en sus comtesse de Martel de Janville.
Dimanche 19 juin
Lotion émolliente pour after-chauve ; crème hydratante pour scalp : ce sont articles de ma
parapharmacie.
Quelques sous de soleil sur la tapisserie
Jean Sarocchi 2012
Des jours et c’est assez pour dire alléluia
Entre Haïkus et Cancans
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On s’éveille le monde avec et il y a
Mille milliards de mouches dans la broderie
Dans notre foi chrétienne Dieu et Dieu font Un par l’opération du Saint-Esprit.
Il y a belle heurette que nous avons franchi le mur du con.
Pas de quoi se vanter.
Mordu par le surucucu
Un homme meurt en un quart d’heure
Quoique ça compte pour du beurre
Pose tes mots sur un brin d’aube
Je suis heureux de l’avoir su
Comme on pose un môme au berceau
Vingt juin
Autan du solstice tournicote
une feuille de tulipier
La majesté du chêne les vrilles garçonnières de l’oiseau
Adossée à une haie d’hortensias
S’ébrouant dans sa flaque de boue
une fille
laide à loisir
un canard
au comble de l’aise
« Les yeux baissés sur le pavé sans horizon » : je pêche ce bel alexandrin dans le vivier de
l’En Vrac de Reverdy.
Le même : « Mûrir, mourir. Si c’est presque le même mot, c’est bien aussi presque la même
chose ».
Ce passereau qui s’égosille fait sa lessive de viscères
Vingt et un juin
Fête de la muflesique.
« Si tu vas à gauche, j’irai à droite, si tu vas à droite, j’irai à gauche » : politique d’Abraham.
Jean Sarocchi 2012
Entre Haïkus et Cancans
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Le corps glorieux se sculpte dans le marbre noir et blanc de chaque jour
Comédons délit de faciès
Vingt-deux juin
Le termite du doute grignote peu à peu tout le poutrage des certitudes, un beau jour la bâtisse
s’écroule : c’est l’histoire, tous azimuts, de beaucoup de croyants.
Un imbécile interrogé à « France Culture » déclare que « la droite, c’est l’argent » dans le
temps même où la « gauche » elle aussi s’en met plein les poches, que ce sont les nantis qui
s’inquiètent des banlieues « sensibles » dans le temps même où ce sont les petites gens, vrais
indigènes de la république, qui bongrheb malgrehb sont chassés de chez eux.
Le chirurgien, ce violoncelliste des viscères.
Le Pape à Charles-Quint : invitus passus sum osculari pedes meos, sed lex ceremoniarum ita
cogit.
Vingt-cinq juin
La mort est le fermoir du livre de ta vie
La douce main de Dieu le rouvrira supplie-
Le seulement Il est l’autre versant des causes Ne cherche pas raison à l’arome des roses
Gaste est la terre mais Rome l’a refleurie
Grâce au communiste qui offrit à mon père les loisirs d’un camp de rétention je sais dire en
arabe « asphodèle » : c’est Berrouaghia, « bâton de saint Joseph », Joseph, le père
excellemment !
Torrent gosier à sec enroué pire aphone
Es-tu le lit de l’infernale Perséphone ?
La foi venue à maturité tombe : quel beau fruit pour le reptile gourmand !
La crêpe la pizza
deux fléaux
en voie de développement
Approchant la fin de mes jours la fin de chaque jour m’afflige
Jean Sarocchi 2012
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Vingt-huit juin
Nous ne sommes ailleurs que dans les mots du ciel C’est la manne et c’est le silence aux
lèvres d’or
Et c’est l’alme Marie ô Dame du Bon Port
La fleur d’être avec Toi
s’épanouit en chapelle
On peut pour à peu près la même somme s’offrir une pâtisserie savoureuse à la Bonbonnière
ou environ deux cents pages d’aphorismes bien poivrés de Cioran. Le plaisir éprouvé,
papilles gustatives ou décussations cérébrales, est sensiblement le même, mais le baba au
rhum ne dure comme le coït qu’un instant, tandis que les Syllogismes de l’amertume se
mâchouillent une saison entière.
Exégèse, cendres du feu évangélique.
Trente juin
Le ciel est par-dessus tourterelles et tuiles
On n’y voit que du bleu Jamaïque fertile
Baies sableuses embellies aimables nuées Anges ce semble leurs ailes exténuées
Agamben, dans Le Règne et la gloire, trouve candide l’auteur de la Somme affirmant : « pour
que les bienheureux puissent apprécier davantage leur propre béatitude /…/ il leur est
concédé de voir parfaitement les peines des impies » et ne se trouve pas lui-même candide
croyant que cela est difficile à accepter pour des « modernes ». La récente affaire D.S.K.
prouve ô combien le contraire ! Les « modernes » sont seulement hypocrites. Est-ce un gain ?
Dire de Saint-Simon que la pairie l’aura empêché de jamais voir la prairie, n’est-ce qu’un trait
d’esprit ?
Jean Sarocchi 2012
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