Suicide assisté

Transcription

Suicide assisté
Départager les faits des fantasmes :
les enjeux dans les débats sur
l’euthanasie et le suicide assisté
Brian L. Mishara, Ph.D.
Directeur, Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie(CRISE)
Professeur, Département de psychologie
25 avril 2013
25 avril 2013 Journée régionale sur le suicide et les aînés, AQPS, Lorrainville
www.crise.ca
[email protected]
Plan





Les 7 méthodes intentionnelles pour abréger la vie;
Les résultats des recherches qui peuvent nous aider à mieux
comprendre les enjeux;
Les différences éthiques et pratiques entre le suicide assisté
et l’euthanasie;
Analyse des recommandations de Commission spéciale sur la
question de mourir dans la dignité de l’Assemblée nationale
du Québec;
Conclusions : implications pour les intervenants et une juste
société

Les 7 méthodes intentionnelles pour
abréger la vie
Background: Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

1) Suicide:





Se tuer;
Intention de mourir –pour arrêter de
souffrir (toujours ambiguïté);
Causé par la personne elle-même;
90 % souffrent de troubles mentaux;
Légal au Canada, États-Unis et Europe,
mais tentatives de suicide illégales dans
une trentaine des pays au monde
Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

2) Refus de traitement:

Perspective de mort "naturelle";
 Intention de ne pas prolonger la vie;
 Légal au Canada.
3) Arrêt de traitement:
 Mort "naturelle" à court terme;
 Intention de mourir;
 Légal au Canada.

Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

4) Double effet:
 Espérance de vie abrégée par médicament
utilisé pour soulager la douleur/souffrance;
 Intention: diminuer douleur/souffrance;
 Légal au Canada.
Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

5) Homicide:
 Être tué par quelqu'un:
 Sans ou avec compassion
 Ne peux pas justifier par le désir de la
victime de mourir ou être tuée
 Intentionnel ou par accident
 Illégal au Canada
Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

6) Euthanasie:
 Vie arrêtée (« tué ») par un médecin ou autre
personne, par compassion;
 Intention de mourir pour arrêter de souffrir ou pour
avoir une mort « digne »;
 Souvent, les personnes avec troubles mentaux sont
exclues;
 Légal: Pays-Bas, Belgique, Luxembourg (en
Australie, pendant 9 mois, en 1996-97);
 Illégal: considéré un homicide au Canada.
 Légalisation recommandée par la Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité
de l’Assemblée nationale du Québec, mais appelé
« aide médicale à mourir »
Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

7) Suicide assisté:




Se tuer
Intention de mourir
Médecin fournit les moyens:
 Légal: états d’Oregon, Washington et
Montana – légalisé;
 Suisse - n'a jamais été illégal, pratiqué
 Pays-Bas – légalisé (peu utilisé)
Illégal au Canada
Pour être en faveur de légaliser le suicide assisté ou
l'euthanasie, il faut:




1) Croire que c'est moralement acceptable;
2) Conclure que les méthodes légales pour
abréger la vie au Québec ne sont pas
suffisantes;
3) Déterminer qu’on peut implanter ces
pratiques dans notre contexte culturel;
4) Juger que les bénéfices justifient les
risques encourus.
Et si vous décidez qu’il faut légaliser ces pratiques, il
faut :



5) Déterminer lequel (suicide assisté OU
euthanasie OU les deux);
6) Décider QUI aura accès au suicide
assisté ou à l’euthanasie;
7) Assurer que le suicide assisté ou
l’euthanasie ne deviennent pas un
substitut à de bons soins palliatifs.
Quelques constats des recherches contemporaines

La populations générale est confuse:
 On ne sait pas faire la différence entre
l’euthanasie et le suicide assisté;
 Souvent on croit que légaliser
l’euthanasie ou le suicide assisté veut
dire légaliser des pratiques de fin de vie
qui sont déjà légales;
 Plus on est confus, plus on a tendance à
être en faveur de la légalisation de ces
pratiques.
(Marcoux, Mishara & Durand, 2006)
Quelques constats des recherches contemporaines :
pourquoi nous désirons mourir




Les personnes atteintes du cancer veulent abréger leur vie
quand elles souffrent physiquement;
Quand la souffrance des personnes est soulagée, le désir
d’une mort prématurée disparaît;
Les personnes handicapées veulent moins souvent se
suicider que les personnes sans handicaps;
La personnes mourantes peuvent être déprimées à cause
des effets secondaires des traitements (médicaments) et
vouloir mourir – mais on peut renverser ces dépressions
« iatrogéniques »;
Quelques constats des recherches contemporaines

Les médecins ne sont pas capables de bien
déterminer quand leurs patients vont mourir :
 Insuffisance cardiaque congestive : taux de
survie après 6 mois était 6 fois plus élevé que
celui prédit par les médecins;
 En général, le taux de survie était 2 fois plus
élevé que selon les prédictions des médecins.
(Lynn et al, 1996)
Quelques constats des recherches contemporaines


Est-on "rationnel" quand on souffre?
Pourquoi les décisions en rapport avec la mort
devraient-elles être rationnelles alors que les
décisions les plus importantes dans la vie sont
émotives ?
Quelques constats des recherches contemporaines :
on change d’avis
Aux Pays-Bas:
4,050 morts par euthanasie en 2010, du total de 136,056
décès (2,8% des décès vs 1,7% en 2005)), souvent dans les
derniers jours de la vie
13 cas d’euthanasie sans demande du patient (45 en 2005)
 56% des demandes sont refusées (62% en 2005)
 parce qu’il faut d’abord tout faire pour soulager la
souffrance avant d’abréger la vie
 Suite à une demande d’euthanasie, 30% des patients on
eu une intensification des traitements pour soulager des
symptômes
 Il est rare que les malades revendiquent encore l'euthanasie
lorsque leurs souffrances sont soulagées
 Donc la volonté de mourir par euthanasie peut souvent
changer si on soulage la souffrance
Onwuteaka-Philipsen, 2012
Quelques constats des recherches contemporaines :
on change d’avis

En Oregon :
 Les demandes de suicide assisté sont rares:
 115 ordonnances médicaments létaux 2012
 approximativement 32,000 morts en Oregon 2012
 77 des 115 personnes ont pris les médicaments
 38 des 115 personnes sont mortes de leur maladie
 1050 ordonnances médicaments létaux 1998-2012
 673 des 1050 ont pris les médicaments
 Donc, peu de demandes
 36% ne s'en servent pas: donc pour eux il y changement
d'avis (ambivalence) ou la présence de l'option offre du
réconfort, sans être obligé de s’en servir
Quelques constats des recherches contemporaines :
on change d’avis

Mes recherches sur le SIDA:
 Pas de corrélation significative entre les désirs et
intentions de mourir par suicide et suicide assisté
6 mois plus tard, ni de relations avec les vraies
décisions de fin de vie
Discussion des 24 recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec




> accès aux soins palliatifs et formation
des médecins
Accent mis sur soins palliatifs à domicile
> communications et respect des
directives médicales anticipées
Légalisation de l’euthanasie, appelé
« aide médicale à mourir »
Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec



J’ai suggéré : Pour être en faveur de
légaliser le suicide assisté ou
l'euthanasie, il faut:
1) Croire que c'est moralement acceptable et savoir ce que vous
appuyez; - Le comité pense que les Québécois sont
majoritairement favorables à la légalisation sans préoccupation
morale
2) Conclure que les méthodes légales pour abréger la vie au
Canada ne sont pas suffisantes; - Le comité indique qu’il existe
un petite minorité des personnes pour lesquelles les soins
palliatifs ne sont pas suffisants
Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec


Pour être en faveur de légaliser le
suicide assisté ou l'euthanasie, il faut:
3) Déterminer qu’on peut implanter ces pratiques dans notre
contexte culturel – Le comité croit que les médecins peuvent
prendre les décisions nécessaires pour pratiquer l’euthanasie
comme « un soin de fin de vie »
4) Juger que les bénéfices justifient les risques encourus. Le
comité pense que les risques potentiels peuvent êtres minimisés
par les règlements proposées
Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Pour être en faveur de légaliser le
suicide assisté ou l'euthanasie, il faut:

5) Déterminer lequel (suicide assisté OU euthanasie OU les
deux); Le comité recommande seulement l’euthanasie parce
que « toute ouverture doit se situer dans le contexte d’une
continuité des soins » (Le comité conçoit l’euthanasie
comme un « soin » médical, mais pas le suicide assisté)
Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Pour être en faveur de légaliser le suicide
assisté ou l'euthanasie, il faut:
6) Décider QUI aura accès au suicide assisté ou à
l’euthanasie; Critères pour accès à l’euthanasie (« aide
médicale à mourir ») :






Résident du Québec
Majeur et apte à consentir aux soins
Exprime personnellement une demande d’aide médicale à mourir, « à la
suite d’une prise de décision libre et éclairée »
Personne est atteinte d’une maladie « grave ou incurable »
« déchéance avancée des ses capacités, sans aucune perspective
d’amélioration »
Personne « éprouve des souffrances physiques ou psychologiques
constantes, insupportables et qui ne peuvent pas être apaisées dans des
conditions qu’elle juge tolérables »
Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Pour être en faveur de légaliser le
suicide assisté ou l'euthanasie, il faut:
7) S’assurer que le suicide assisté ou l’euthanasie ne deviennent
pas un substitut à de bons soins palliatifs. On doit rendre les
soins palliatifs disponibles à l’ensemble de la population, mais
« il est irréaliste de croire que les soins palliatifs seront offerts à
l’ensemble de la population québécoise dans un avenir
immédiat » « Pareillement à toute démarche … d’autoriser une
aide à mourir, des efforts considérables devront êtres fournis
pour offrir les soins palliatifs de qualité à toutes les personnes
qui en ont besoin »
Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Le constat qu’on ne peut pas payer pour les soins
palliatifs pour toute le monde :

Le système « d’hospice » aux États-Unis, Angleterre et
autres pays, où les soins à domicile sont intégrer avec les
lits utilisés majoritairement pour hébergement temporaire de
« répit » sauvent au moins 1,26$ pour chaque 1 $ investi.
Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec


Le médecin traitant doit consulter un autre médecin; mais
sans l’obligation (par exemple dans les Pays-Bas) qu’un
deuxième médecin doive rencontrer la personne (pas juste
consulter avec le médecin traitant).
Pas d’obligation que « toutes les autres interventions pour
soulager la souffrance physique et psychique ont été
essayées avant d’avoir recours à la mort pour soulager la
souffrance » (raison de refus de >50% des demandes dans
les Pays-Bas, et les demandeurs ne reviennent pas avec une
demande de mourir lorsqu’ils reçoivent d’autres soins)
Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec


Est-ce qu’on veut vraiment que l’euthanasie (« aide médicale
à mourir ») s’ajoute simplement dans « la continuité des
soins », ou est-ce que le fait d’arrêter la vie d’un être humain
doit être considéré dans un catégorie à part – vraiment
exceptionnel et différent des « soins » ?
36% des personnes qui ont convaincu 2 médecins qu’elles
doivent mourir immédiatement et qui obtiennent des
médicaments pour suicide assisté en Oregon changent d’avis
et décident de continuer à vivre malgré leur maladie
terminale. Est-ce que c’est aussi facile de changer d’avis
quand le médecin arrive pour arrêter ma vie (pratiquer « aide
médicale à mourir »), et à plusieurs reprises si je veux ?
Conclusions



1) En général, on veut mourir quand on souffre
(souffrance mentale ou physique) et on ne veut pas
mourir quand nos souffrances sont soulagées;
Donc, la société a une responsabilité morale de tenter
de soulager la souffrance par de bons soins avant de
rendre plus facile le recours à la mort.
On doit :
 soigneusement évaluer l’ensemble des sources de
souffrances physiques et mentales (y inclus
iatrogéniques)
 déterminer les traitements déjà essayés et
 Référer et accompagner à suivre d’autres
traitements et interventions, y inclus le soutien
social
Conclusions




2) Les prises de décision des êtres humains sont
rarement rationnelles, encore moins en fin de vie;
Il faut donc soulager la souffrance pour avoir une
vision claire, et lorsqu'on soulage la souffrance, les
désirs de mourir ont tendance à disparaître
On doit comprendre que même si on peut bien
justifier nos décisions, le désir de mourir n’est pas
l’aboutissement d’un processus logique, mais plutôt
émotionnel
Les intervenants doivent:
 Ne pas s’embarquer dans les discussions
rationnelles et logiques
 Centrer sur les émotions vécues et les
mécanismes d’adaptation utilisés
 Appuyer la partie de la personne qui cherche
d’autres solutions
Conclusions



3) Les médecins sont incapables de bien
prédire quand nous allons mourir;
On ne peut donc pas se fier aux médecins
pour déterminer quand on est au stade
terminal.
Donc :

Ne pas se servir d’un diagnostic de « stade
terminal » pour raison d’intervenir autrement ou
ne pas intervenir
Conclusions

4) Par rapport à la légalisation, si vous voulez
légaliser quelque chose il faut soigneusement
évaluer les avantages du suicide assisté en
lieu et place de l'euthanasie:

Avec le suicide assisté, on peut plus facilement
changer d'avis si on veut (et c'est ce qu'on fait
souvent)
Conclusions

5) L’ambivalence règne




Même ceux qui ont décidé de mourir et ont obtenu
les moyens pour le faire changent d’avis
fréquemment – s'ils peuvent;
Nous avons de la difficulté à prédire ce que nous
allons faire vers la fin de la vie;
Il faut croire qu’au moins 40 % des gens vont
changer d’avis au lieu de croire que les décisions
sont irrévocables.
Les intervenants doivent :
 Augmenter les possibilités et occasions pour
changer d’avis et savoir que changer d’avis est
la norme
Conclusions

6) Il faut être conscient de l’impact du
fait d’être perçu comme « mourant »
sur les attitudes et comportments

Les implications des recherches de Robert
Kastenbaum dans les années 1970
Conclusions

7) Conclusions : une juste société

Les peurs des citoyens


Les peurs de la mort
Les peurs des personnes mourantes



et si la personne mourante va être moi-même
Le désir de contrôler (vaincre ?) la mort
Les obligations d’une société juste


Protection des citoyens versus liberté
Quand la société doit nous protéger de nous
même ?


L’exemple de la prévention du suicide
Et dans le cas de demande d’euthanasie ?
Départager les faits des fantasmes :
les enjeux dans les débats sur
l’euthanasie et le suicide assisté
Brian L. Mishara, Ph.D.
Directeur, Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie(CRISE)
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