proche-orient - Département d`information et de communication
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PROCHE-ORIENT Le Machrek ( le « Levant » en arabe ) est l’appellation fréquemment utilisée pour désigner les pays du Proche-Orient ou du Moyen-Orient. Le Liban, dont la langue officielle est l’arabe et qui a été sous mandat français ( 1920‑1943, donné par la Société des Nations ), participe aux Sommets de la Francophonie; il comporte une minorité francophone très active dans le domaine culturel, particulièrement dans le secteur littéraire ( Georges Schéhadé a été le premier Grand Prix de la francophonie ). L’Égypte, dont la langue officielle est l’arabe, participe aux Sommets de la Francophonie; bien que le pourcentage de francophones n’y soit plus très élevé, l’influence du français reste tout de même appréciable, notamment dans l’enseignement et les médias. En Israël, État dont la fondation remonte à 1948, l’hébreu est langue officielle; ce pays ne fait pas partie de la Francophonie, mais l’usage du français y occupe une bonne place, surtout dans le milieu politique ou universitaire. Il y existe une radio française. La Syrie, autrefois également sous mandat français ( donné par la Société des Nations ), ne fait pas partie de la Francophonie institutionnelle, mais le français continue d’y exercer une influence certaine. En Iran, le français fut longtemps la principale langue de culture avec un quotidien ( Le Journal de Téhéran ), des institutions d’enseignement de langue française et plusieurs écrivains francophones. La révolution islamique a changé la situation. BARON X., Les Palestiniens, genèse d’une nation, Paris, Le Seuil, 2000. CORM Georges, Le Liban contemporain : histoire et société, Paris, La Découverte, 2003, 256 p. Dictionnaire de la civilisation musulmane, Paris, Larousse, 1995. LAMLOUM Olfa, Al-Jazira, miroir rebelle et ambigu du monde arabe, Paris, La Découverte, 2004, 143 p. SOULAVILLE P., Le Moyen-Orient arabe : le milieu et l’homme, Paris, A. Colin, 2000. AFI 2007 253 PROCHE-ORIENT Égypte Liban Israël1 Syrie1 République arabe d’Égypte République libanaise État d’Israël République arabe syrienne Le Caire Beyrouth Jérusalem2 Damas 1 001 450 10 400 20 770 185 180 rép. unitaire, régime présidentiel rép. unitaire, régime parlementaire rép. démocratique parlementaire république, régime présidentiel autoritaire Chef d’État entrée en fonction Mohammed Hosni Moubarak 14-10-1981 Émile Lahoud 24-11-1998 Moshe Katsav 31-07-2000 Bashar al-Asad 17-07-2000 Chef du gouvernement entrée en fonction Ahmed Nazif 09-07-2004 Fuad Siniora 30-06-2005 Ehud Olmert 16-04-2006 Muhammad Naji al-Utri 10-09-2003 Langues officielles Autres langues arabe français arabe français, anglais, arménien hébreu (arabe, anglais, français) arabe kurde, arménien, araméen, circassien, français, anglais Principales religions et spiritualités identifiées en % de la population islam (90) autres (10) islam (59,7) christianisme (39) judaïsme (76,4) islam (16) christianisme (2,1) islam (90) christianisme(10) Population (en M) Moins de 15 ans en % Plus de 65 ans en % Indice de fécondité Espérance de vie H/F Alphabétisation en % 78,9 32,6 4,5 2,8 68,8/73,9 51,7 3,9 26,5 7 1,9 70,4/75,5 41,7 6,4 26,3 9,8 2,4 77,3/81,7 95,4 18,9 37 3,3 3,4 69/71,7 76,9 IDH (rang/177) 119 81 23 106 PIB (en G PPA) PIB/hab. (PPA) 303,5 3 900 23,7 6 200 154,5 24 600 72,3 3 900 livre égyptienne 0,1376 0,1752 livre libanaise 0,0005 0,0007 nouveau shékel 0,1832 0,2332 livre syrienne 0,0151 0,0193 Principales exportations pétrole brut et prod. pétroliers, coton, textiles, métaux, prod. chimiques pierres précieuses, prod. chimiques, biens de consommation, fruits, tabac, textiles machinerie et équipements, logiciels, diamants taillés, prod. agricoles, textiles pétrole brut, prod. pétroliers, fruits et légumes, fibres de coton, vêtements Principales importations machinerie et équipement, prod. alimentaires, prod. chimiques, bois prod. pétroliers, véhicules, prod. médicaux, vêtements, viande et bétail, papier matières premières, équip. militaire, diamants bruts, combustibles machinerie et équip. de transport, prod. alimentaires, métaux, prod. chimiques Principaux partenaires commerciaux É.-U., Italie, Espagne, Syrie, Allemagne, France, Royaume-Uni Syrie, EAUS5, Suisse, Turkie, Arabie Saoudite É.-U., Belgique, Hong Kong Irak, Arabie Saoudite, Italie, Allemagne, Liban, Égypte, France Nom officiel Capitale Superficie (km2) Politique 3 Monnaie4 EURO US $ 1 Pays non membres de la Francophonie 2 Non reconnue par plusieurs pays 3 Taux de change à parité de pouvoir d’achat 4 Taux au 27 septembre 2006, donné à titre indicatif 5 Émirats arabes unis 254 Source : The World Factbook 2006 AFI 2007 ÉGYPTE Politique et économie : Lana HABIB Stagiaire en doctorat à l’Université Laval [email protected] Culture : Sophie TURBIDE Université Laval [email protected] Grâce à un vaste programme de modernisation, l’économie égyptienne semble renaître de ses cendres malgré un contexte politique qui, lui, reste embrasé. POLITIQUE ET ÉCONOMIE O utre les mesures classiques à la veille d’une élection ( hausse des salaires dans la classe des fonctionnaires, promesses d’un avenir meilleur, etc. ), la campagne électorale présidentielle en 2005 fut précédée, accompagnée et suivie d’une vaste réforme économique entreprise par le gouvernement d’Ahmed Nazif, entré en fonction en juillet 2004. Le 23 mars ÉGYPTE Géographie Désert coupé par la plaine et le delta du Nil, surpeuplés. 3 % des terres sont cultivées. Hydro-électricité (barrage d’Assouan), pétrole et gaz naturel. Histoire ➤ 1805-1849 Règne de Mohamed Ali, fondateur de l’Égypte moderne. ➤ 1859-1869 Construction du canal de Suez par Ferdinand de Lesseps. ➤ 1936 Indépendance. ➤ 1952 ( 23 juillet ) Le roi Farouk détrôné. Nasser chef de l’État. ➤ 1953 Proclamation de la République. ➤ 1956 Nationalisation du canal de Suez; réaction militaire tripartite ( Grande-Bretagne, France, Israël ). ➤ 1967 ( 5-10 juin ) Guerre des Six-Jours. ➤ 1970 Décès de Nasser. Anouar alSadate lui succède. ➤ 1973 ( 2-22 oct. ) Guerre contre Israël. ➤ 1977 Visite de Sadate à la Knesset. ➤ 1979 Traité de paix avec Israël. L’Égypte au ban des pays arabes. ➤ 1981 Assassinat de Sadate. Hosni Moubarak lui succède. ➤ 1982 L’Égypte récupère le Sinaï. ➤ 1989 Retour dans la Ligue arabe. AFI 2007 2006, l’Assemblée du peuple renouvelle la confiance au gouvernement reconstitué partiellement, à la fin du mois de décembre 2005. Le nouveau cabinet – issu du « clan » jeune et réformateur du Parti national démocrate ( PND ) – témoigne d’une montée en force, au sein du pouvoir, d’un modèle occidentalisé de « ministre business man » ( sur les huit nouveaux arrivés, cinq appartiennent au secteur privé des affaires ). C’est un choix qui, combiné à des mesures de libéralisation et de modernisation de la vie économique, révèle une résolution ferme de la part du gouvernement de rompre avec un héritage alourdi par un secteur public « hypertrophié ». Le relancement du programme de privatisation déjà entamé par le ministère de Atef Ebeid s’avère urgent tout comme la restructuration du secteur bancaire, la baisse considérable des tarifs douaniers jumelée à une simplification des procédures douanières ( septembre 2004 ), l’adoption, en juin 2005, d’une nouvelle loi fiscale prévoyant une réduction pouvant atteindre jusqu’à 50 % sur le revenu aussi bien des individus que des sociétés ( hors secteur pétrolier ), avec pour objectif de limiter les fraudes fiscales et de voir le nombre des contribuables grimper. Les résultats de telles mesures ne se feront pas attendre : hausse de 50 % des importations en deux ans, ouvrant le pays à la concurrence mondiale; hausse de 41 % des exportations durant le deuxième trimestre de l’année financière actuelle; croissance en volume du PIB qui s’était élevé à 4,9 % pour l’année fiscale 2004/05 à 5,9 % en 2005/06; l’inflation est en recul, avec une prévision pour 2006 d’environ 4 à 5 % selon la Ban255 PROCHE-ORIENT que centrale; les prévisions pour 2006/07 avancent un chiffre supérieur à 6 %. Le marché des changes livre égyptienne/US $ s’est progressivement stabilisé en 2005 et 2006. Les réserves de change de la Banque centrale ont, pour la première fois, passé le cap des 23 milliards US $. Les revenus du Canal de Suez ont augmenté de 14 % au cours des 10 premiers mois de 2006, rapportant à l’Égypte 3,2 milliards US $. Avec 6,4 millions US $ réalisés en 20052006, le tourisme reste la source principale de devises étrangères pour le pays, et ce, malgré le triple attentat terroriste perpétré à Dahab, en avril 2006. À cela vient s’ajouter la mise en place de cellules administratives dépendantes du ministère du Commerce et de l’Industrie destinées à faciliter l’implantation d’entreprises étrangères au pays, ce qui explique la forte progression des investissements directs étrangers en 2005 ( la France à elle seule a investi plus d’un milliard US $, dont plus de la moitié dans le secteur bancaire ). Lors de sa visite officielle les 19 et 20 avril 2006, au Caire, le président Jacques Chirac – pour qui « l’Égypte représente un partenaire global et constructif, au service de la paix, de la stabilité et du développement » – ne manque pas de mettre l’accent sur les « excellentes relations bilatérales » dans le cadre desquelles passion ne manque pas de rimer avec action. Deuxième investisseur étranger en Égypte après les États-Unis, avec environ 90 entreprises présentes sur le marché dans les domaines des services, du tourisme, des transports, de l’informatique et des finances, 36 000 emplois, plus d’un milliard € d’investissement, 500 000 touristes chaque année, une coopération archéologique datant de Champollion à Jean-Yves Empereur, la France est attirée par « une Égypte en croissance qui s’ouvre et se libéralise », affirme Chirac. Le président français avance un exemple concret de coopération industrielle entre les deux pays, à savoir la mise en place d’un contrat d’expor tation de gaz liquéfié signé par Gaz de France, selon lequel l’Égypte assure 10 % des besoins français en gaz. Serait-ce à constater que le secteur économique « se sort enfin la tête de l’eau », pour reprendre l’expression de Guillaume de Dieuleveult ? Pour le patron du bureau égyptien d’Arkema ( entreprise française de pétro256 chimie installée en Égypte ), il manquerait une vision à long terme qui consisterait à investir dans le développement durable : la protection de l’environnement coûte trop cher aux yeux des décideurs égyptiens, précise-t-il. À un tout autre niveau, la croissance démographique, proche de 2 % l’an dernier, reste, selon beaucoup de spécialistes, un handicap majeur à l’amélioration du niveau de vie de la population. Argument que rejette en bloc une opposition de plus en plus sceptique et acerbe à l’égard d’un gouvernement qu’elle accuse de « corruption », de « gaspillage » et « d’absence de toute perspective », restant, à ses yeux, dans l’« incapacité totale d’apporter le moindre changement sur le plan de la microéconomie », celle dont les enjeux toucheraient directement la qualité de vie du citoyen en termes d’emploi, de logement, de santé et de croissance du pouvoir d’achat. Objet du débat politique, au cœur du programme électoral du président, 44 % de la population ( avec un revenu inférieur à 2 US $ par jour ) semble souvent rester à l’écart de cette croissance dont elle paye pourtant la facture : hausse du prix de l’électricité, de l’eau, de l’essence, des transports et des télécommunications comme conséquence directe de la baisse considérable des subventions allouées par le gouvernement à divers produits massivement consommés par la population. Argument avancé : enrayer le déficit budgétaire. Danger encouru : une levée de boucliers qui rappellerait les émeutes de janvier 1977 – dites « révoltes des affamés » – qui ont envahi l’Égypte à la suite de mesures similaires prises, à l’époque, par le président Anouar El Sadate, à la demande du Fonds monétaire international ( FMI ). Opposition croissante quoique encore impuissante contre un pouvoir politique au bras souvent de fer, mais à la popularité de plus en plus décroissante. En mars 2005, le président Hosni Moubarak prend la décision de modifier l’article 76 de la Constitution : désormais, les élections présidentielles se feront au suffrage universel direct et non plus par référendum sur un candidat unique désigné par l’Assemblée du peuple. Cette décision permet à Moubarak de convoiter un cinquième mandat ( acquis d’avance puisque la vraie question dans ces élections – et c’est là que réside leur paradoxe – n’a jamais été « qui » allait les emporter mais AFI 2007 ÉGYPTE plutôt « comment » allait se dérouler cette première campagne présidentielle « pluraliste » dans l’histoire de la République ). La question traduirait une incertitude au niveau des « règles mêmes du jeu » et non à l’égard de son issue ( ce qui aurait été tout à fait normal, dans un régime qui se voudrait démocratique ). Quant au « pourquoi », il semble aller de soi. D’un tir, deux coups : satisfaire, en premier, la Maison-Blanche dont les critiques et les menaces ménagent de moins en moins les régimes arabes et calmer ensuite une opposition parlementaire et civile qui élève de plus en plus le ton des revendications. Plus que la victoire écrasante du président ( 88 % des votes ), c’est le débat autour de ces élections, la mobilisation politique et publique qui en découle, la levée de tabous aussi bien politiques et sociaux que religieux, la réforme économique que ces élections auront exigée ou produite, bref, c’est ce nouvel espace d’ouverture dans un champ jusque-là clos et stagnant qui forme, à nos yeux, les enjeux profonds de ce tournant crucial dans l’histoire de l’Égypte. En dépit des juridictions d’exception, du maintien de l’état d’urgence ( contrairement aux promesses électorales ), une mobilisation généralisée – pour ne pas dire un « ras-le-bol général », expression qui réduirait des engagements se voulant de plus en plus politisés à de simples manifestations de colère – marque le pays à tous les niveaux : aussi bien sous la voûte parlementaire ( où les séances houleuses deviennent de règle ) que dans la rue, au sein des ONG comme sur les pages des journaux ( Al Dostour, Al Masri el Yom et Sawt el Ouma étant les plus virulents ). Ce mouvement de protestation n’a épargné ni les rangs des juges ni les campus universitaires. Il se manifeste à l’occasion d’élec tions estudiantines comme dans le cadre d’élections syndicalistes; dans la confrérie des Frères musulmans forte de ses 88 députés ou parmi les militants de l’opposition laïque réduits à 12 sièges parlementaires; dans les coulisses d’une gauche affaiblie par la perte de deux de ses symboles ( voir encadré ) comme dans le projet d ’une Nouvelle Union d ’une gauche décidée à faire peau neuve. Une « effervescence contestataire », pour reprendre l’expression de Pascal Meynadier et Taha Samir dans le dernier Match du monde consacré à l’Égypte, qui ne semble plus connaître de ligne rouge. CULTURE Décoration Mohamed Salm a w y, r é d a c t e u r en chef d’Al-Ahram Hebdo et président de l’Union des écrivains égyptiens, a reçu les insignes de l ’Ordre du mérite « G ra n d O f f i c i e r » de la République italienne, l’un des hommages les plus distingués accordés par le gouvernement italien. La décoration a été remise par le président de la République italienne, Carlo Azeglio Ciampi, dans un acte symbolisant l’intégration entre l’Égypte et l’Italie. Depuis cette occasion, un accord entre les Unions des écrivains égyptiens et italiens est en voie d’être signé. Le cinéaste égyptien Youssef Chahine a, quant à lui, été élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur. Le plus célèbre des cinéastes égyptiens, natif d’Alexandrie, n’a AFI 2007 eu de cesse de dénoncer la censure et l’intégrisme qui, selon ses dires, n’ont jamais cessé d’augmenter. Cinéma et théâtre Le best-seller de Alaa Al-Aswany, L’Immeuble Yacoubian publié en 2002, vendu à plus de 100 000 exemplaires au MoyenOrient et traduit en plusieurs langues, a été adapté au grand écran par le producteur Emadeddine Adib, célèbre homme des médias égyptiens. L’Immeuble Yacoubian se veut une dénonciation sociale des réalités égyptiennes contemporaines et a été remarqué tant dans sa forme littéraire que dans son adaptation cinématographique en 2006 pendant les Festivals de Berlin et de Cannes, en plus de faire partie des succès cinématographiques de l’été dans les salles en Égypte. L’année 2006 fut aussi marquée par la 30e édition du Festival international du film du Caire, du 29 novembre au 8 décembre. Conformément aux enjeux mondiaux en ce moment, plusieurs films présentés évoquent l’image de l’Arabe dans les sociétés 257 PROCHE-ORIENT occidentales, à travers des films courageux et de qualité. Plusieurs festivals indépendants ont occupé la scène théâtrale en 2006, notamment le Festival des femmes metteuses en scène ( toutes indépendantes ), le Festival national du théâtre ( auquel a participé un bon nombre de troupes indépendantes ), la 9 e édition du Festival du théâtre indépendant et la 4e édition du Festival théâtral au Centre Al-Saqia. Presse urbaine 2006 a vu l’émergence d’un mouvement de presse alternative ( ou presse du peuple ) dans les rues du Caire : le magazine Al-Rassif, dans lequel un groupe de jeunes révoltés et marginalisés dénoncent, attaquent et s’expriment sans inhibition dans une publication hors normes éditée et publiée sur les trottoirs du centre-ville depuis une quinzaine d’années. En mars 2006, un autre journal de trottoirs, Al- Hommage à deux figures historiques de la gauche égyptienne Youssef Darwich ( 1910 – 8 juin 2006 ) C’est à Toulouse où il poursuit des études universitaires que le jeune Égyptien, Cairote, francophone, de confession juive caraïte, rencontre les écrits marxistes. En 1932, il est introduit au Parti communiste ( PC ) français, intègre une cellule, croise le chemin de Borsher. De retour en Égypte en 1934, c’est désormais un jeune avocat communiste qui prend part aux activités de la Ligue pacifiste, rencontre Paul Jacot Descombes, forme avec deux autres Égyptiens juifs un petit cercle secret, futur noyau d’un des courants de la gauche marxiste qui renaîtra en 1940. Avocat de 70 syndicats ouvriers, il crée des liens de confiance avec les militants qu’il fait évoluer vers le communisme, réseau à l’origine d’importantes luttes et interventions qui témoignent de la jonction entre lutte ouvrière et combat d’émancipation nationale. En 1947, il se marie avec une jeune militante de son groupe à Alexandrie et se convertit à l’islam. Malgré les vastes campagnes répressives contre les activités communistes, Darwish tâche avec Michel Kamel et Nabil El Hilali, à travers leur cercle clandestin Chorouq, de réformer le Parti communiste d’Égypte ( PCE ) en 1975, après son autodissolution en 1965. Ce même noyau, insurgé contre les pratiques peu démocratiques de la direction, crée, en 1988, le Parti socialiste du peuple ( PSP ) qui, comme la plupart des forces de gauche, connaît un sérieux recul dans les années 1990. Malgré l’âge, ce « vieux stalinien » infatigable poursuit son combat pour l’unité de la force de gauche, critique l’absence de liens réels avec les couches populaires et exprime son inquiétude de la progression des Frères musulmans avec qui certains secteurs de la gauche chercheraient à s’allier. En 2005, il commence la traduction en arabe du livre de Jacques Hassoun, Histoire des Juifs du Nil, qui montre que les juifs d’Égypte étaient bien Égyptiens et que le sionisme n’a jamais été influent parmi eux ( parution au Caire, fin 2006 ). Nabil El Helali ( 1920 – 18 juin 2006 ) C’est la découverte de la misère ouvrière et paysanne autant que l’occupation de l’Égypte qui conduisent ce fils de l’élite bourgeoise ( dont le père était même premier ministre peu avant l’arrivée au pouvoir des Officiers libres en 1952 ) à s’engager dans le mouvement communiste en 1945. Comme de nombreux militants, il connaît la prison entre 1959 et 1964. Formidable avocat, par son dynamisme et ses compétences, il se fait la voix des victimes de la répression et de l’injustice. Par souci d’équité, il défend islamistes, nassériens, syndicalistes, paysans, artistes, intellectuels. D’ailleurs, les obsèques de ce « saint » – pour reprendre un qualificatif à dessein sarcastique employé par Moussa Sabri, l’une des plumes de Sadate, mais qui sied bien à un homme de sa simplicité, de son intégrité et de son dévouement – furent à l’image de sa vie : une foule de plusieurs milliers de personnes représentant un vaste éventail de sensibilités et de générations comptant dans ses rangs le guide suprême des Frères musulmans, Mehdi Akef, qui s’est déplacé et a même prié à sa mémoire. Didier MONCIAUD, associé au GREMAMO ( Université Paris VI Denis-Diderot ) [email protected] n 258 AFI 2007 ÉGYPTE Rassif Al-Moqabel ( « le trottoir d’en face » ), voit le jour et se veut une réponse aux provocations d’Al-Rassif. Ramsès II Un événement à caractère historique et culturel important a marqué l’année 2006. Ramsès II, la statue colossale ( près de 100 tonnes, mesurant 11 mètres de haut ) qui dominait la place du même nom, a été enfin déplacée vers le nouveau grand Musée des antiquités, près du plateau des Pyramides. La pollution ainsi que les vibrations du métro commençaient à ternir son teint et à créer des fissures dans sa structure. Le troisième colloque international du CIDEF-AFI : un franc succès Du 12 au 15 mars 2006 s’est déroulé, à Alexandrie, le 3 e colloque international du Centre international de documentation et d’échanges de la Francophonie-Agora francophone internationale ( CIDEF-AFI ), « La transmission des connaissances, des savoirs et des cultures. Alexandrie, métaphore de la francophonie », organisé en partenariat avec l’Université Senghor d’Alexandrie et la Bibliotheca Alexandrina. Au programme : 124 communications de participants issus des quatre coins du monde réparties dans 25 ateliers différents, ainsi que neuf conférences plénières. Au total : plus de 500 participants, sans oublier la présence d’invités de marque tels Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie ( OIF ), Michèle Gendreau-Massaloux, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie ( AUF ), Lise Bissonnette, présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Dominique Wolton, du Centre national de la recherche scientifique ( CNRS ) à Paris, pour ne nommer qu’eux. Une forte présence égyptienne fut également l’un des nombreux points forts de l’événement. Le colloque était articulé autour de quatre axes généraux : la cité ( dans quel environnement transmettre ? ), le livre ( avec quels outils transmettre ? ), la pensée ( que transmettre ? ) et l’information ( comment transmettre ? ). Puisque l’Égypte est une terre où le brassage des cultures africaine, européenne et moyen-orientale a toujours été privilégié, un tel contexte historique, géographique et culturel, combiné à l’indiscutable effervescence actuelle de la mondialisation, a suscité une interrogation d’envergure : quels enseignements Alexandrie peut-elle encore initier quand plusieurs considèrent la rencontre des cultures sous l’angle de la confrontation ? Le soutien de quelques représentations diplomatiques ( Canada, France et Belgique ), de même que l’appui des ministères canadien, français et québécois des Affaires étrangères, ont contribué grandement au succès du colloque. François MIREAULT n Décès Celui que l’on considère comme l’ambassadeur et le doyen des lettres égyptiennes, Naguib Mahfouz, succomba à l’âge de 95 ans. Son œuvre, qui évoque les contradictions les plus douloureuses de la société égyptienne, lui a valu le prix Nobel de littérature en 1988, et lui a permis de changer la donne de la littérature arabe dans le monde entier : ses ouvrages ont en effet été traduits dans plusieurs langues. L’ancien ministre adjoint de la Culture et célèbre écrivain, Samir Sarhane, s’est éteint à l’âge de 64 ans, victime d’un cancer du poumon. Dramaturge, essayiste et critique littéraire, Sarhane laisse derrière lui une œuvre littéraire riche ainsi qu’une longue carrière d’engagement politique et culturel. AFI 2007 259 PROCHE-ORIENT LIBAN Politique : Wassim MANSSOURI Docteur en Droit, professeur de Droit à l’Université libanaise [email protected] Économie : Dr Boutros LABAKI [email protected] Culture : Franck MERMIER Institut français du Proche-Orient, Beyrouth [email protected] Les conflits guerriers ont évidemment ébranlé le pays tout au long de l’année, ce qui a eu d’importantes répercussions aux niveaux économique et culturel. Tables rondes et pourparlers ont lieu afin de résoudre d’indéniables divergences. De leur côté, intellectuels et artistes se sont mobilisés de façon notable. L POLITIQUE e Liban a vécu des moments difficiles après l ’assassinat de R afic Hariri, ancien p re m i e r m i n i s t re. Et si les Libanais, unanimement, condamnent cet assassinat, ils sont en revanche divisés quant à son auteur. Ceci a conduit à une scission entre l’alliance du 14 mars formant opposition ( pour le retrait et la condamnation effective de la Syrie ) et l’alliance du 8 mars ( non opposée au retrait de la Syrie mais contre la condamnation de celle-ci sans preuves irréfutables ). Après des vagues de manifestations, des élections ont eu lieu avec la victoire de l’opposition. Le nouveau gouvernement a demandé une commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Hariri. Alors que plusieurs attentats sont perpétrés contre différentes personnalités libanaises, la nouvelle majorité, l’alliance du 14 mars, continue à accuser la Syrie, l’alliance du 8 mars restant quant à elle sur ses positions. S’est ajoutée à tous ces problèmes l’invasion israélienne qui a ravagé le pays, entraînant des destructions massives. Ainsi, l’investiture et le pouvoir du tribunal international, l’éclatement d’une crise gouvernementale déjà née majorée par une invasion israélienne destructrice ont marqué les 12 mois qui ont suivi septembre 2005. 260 LIBAN Géographie Pays méditerranéen constitué d’une étroite plaine côtière et d’une autre à l’est ( la Bekaa ) insérée entre deux chaînes de montagnes ( le mont Liban et l ’Anti-Liban ), plantées d ’ar bres fruitiers et du fameux cèdre, emblème national. Histoire ➤ XVIe-XIXe s. Domination ottomane. ➤ 1920 La Syrie et le Liban sous mandat français ( traité de Sèvres ). ➤ 1926 Constitution libanaise ( président chrétien maronite; chef de gouvernement musulman sunnite; président de la Chambre musulman chiite ). ➤ 1943 Indépendance. ➤ 1975 Début de la guerre après l’arrivée massive de Palestiniens ( 1970 ). La Syrie occupe le Liban ( 1976 ), Israël occupe le Sud-Liban ( 1978 ). Troubles jusqu’en 1990; destruction du pays. ➤ 1989 Révision de l’équilibre institutionnel en faveur des musulmans et de la Syrie ( accords de Taef ). ➤ 1992 Rafic Hariri premier ministre. ➤ 1996 Élections législatives. ➤ 1998 Élection présidentielle : Émile Lahoud nouveau chef d’État. ➤ 2000 Retour au pouvoir de Hariri après sa victoire aux législatives. ➤ 2002 ( 18-20 oct. ) Beyrouth accueille le IXe Sommet de la Francophonie. AFI 2007 LIBAN Les résultats des investigations sur l’assassinat de Rafic Hariri et la mise en place d’un tribunal « à caractère international » Deux enquêtes ont été successivement menées par deux juges différents. Le premier, Detlev Mehlis, très médiatisé, a laissé sous-entendre la culpabilité de la Syrie avec la désignation de plusieurs personnalités politiques syriennes et la complicité de Libanais détenus jusqu’à ce jour. Le rapport effectué a été motivé par une hostilité face à la Syrie due à sa non-coopération évidente à l’enquête. Par conséquent, le Conseil de sécurité a rendu la résolution 1680 obligeant la Syrie à coopérer. Le deuxième juge, Serge Brammertz, plus discret, a quant à lui obtenu plus de coopération, tout au moins d’après les rapports rendus. Grâce à son professionnalisme et sa dextérité ( toutes les hypothèses ont été balayées ), son travail a rencontré un accueil favorable au Liban et en Syrie. Pa r a l l è l e m e n t , u n c o n f l i t e s t n é, entre gouvernement et opposition, sur la nécessité de créer ou pas un tribunal international pour juger tout accusé potentiel de l’assassinat. L’opposition voulait un rapport d’enquête définitif avant toute formation de tribunal s’appuyant sur l’idée que la forme du tribunal diffère selon la nature des accusés. Ce conflit, malheureusement, n’était qu’une des figures de divergences qui opposaient dangereusement le pays. Ceci a poussé Nabih Berri, président de la Chambre des députés et également chef du mouvement chiite Amal ( personnalité respectée et qui a la confiance de tous les partis ), à regrouper tous les partis autour d’une table ronde. Table ronde et discours d’entente nationale Après les dernières élections de 2005, qui ont vu la victoire de l’opposition ( l’alliance du 14 mars ), des changements de positions politiques ont eu lieu, menant à une forte division des partis politiques, le caractère confessionnel de la vie politique libanaise rendant ces conflits encore plus menaçants. Les Chiites se sont trouvés écartés du pouvoir ainsi que la majorité des Maronites représentés par le général M ichel Aoun ( ancien exilé en France, revenu après le retrait des Syriens ). Ceci a mené à une nouvelle coalition entre le Hezbollah, parti chiite, et le Courant patriotique libre, à majorité maronite et présidé par Michel Aoun. Cette coalition AFI 2007 a fait face à la majorité parlementaire ( qui regroupe le Courant du futur, mouvement sunnite présidé par Saad Hariri, le parti socialiste progressiste, mouvement Druze présidé par Walid Jounblat et les forces libanaises, mouvement maronite présidé par Samir Geagea – qui a passé 11 ans en prison après avoir été condamné pour différents crimes et en est sorti à la suite d’un vote de grâce par la nouvelle majorité ). L’essentiel de la divergence entre les différentes coalitions se trouve dans le maintien ou la « désinvestiture » de l’actuel président de la République, Émile Lahoud. La majorité considère en effet que le prolongement de son mandat est anticonstitutionnel et viole ainsi la résolution 1559 du Conseil de sécurité. Le désarmement du Hezbollah constitue quant à lui un des autres points de divergence, sans compter la question de la stratégie de défense nationale et le changement gouvernemental. Pour résoudre ces divergences, Nabih Berri a réussi à réunir les chefs des partis autour d’une table ronde. Cette initiative, fructueuse, a mené à une stabilisation de la situation politique, les divergences n’étant pas définitivement résolues. Les réunions se sont arrêtées lors de l’invasion israélienne le 12 juillet 2006. L’invasion israélienne destructrice Le 12 juillet 2006, le Hezbollah a enlevé deux soldats israéliens dans le but de les échanger contre trois prisonniers libanais détenus en Israël. Cette opération, qui a suscité des réactions mitigées, est à l’origine d’une destruction systématique du Liban, tuant plus de 1 000 civils ( plusieurs centaines d’enfants ) et en déplaçant plus d’un million. La France a considéré que la riposte israélienne était disproportionnée et des journaux dans le monde, y compris aux États-Unis, ont parlé d’une opération préméditée, non liée à l’enlèvement des deux soldats. L’agression s’est achevée après le vote difficile de la résolution 1701 des Nations Unies. Les Israéliens se sont reconnus perdants dans cette guerre qui en fin de compte a échoué à réaliser son but annoncé : la libération des deux soldats, et son autre but, inavoué celui-là : l’annihilation du Hezbollah. Toutefois, Israël a bien réussi à détruire le Liban et à causer des pertes énormes sur les plans humain et économique. Les conflits ont éclaté après le cessez-le-feu entre une partie de la majorité 261 PROCHE-ORIENT qui tient le Hezbollah pour responsable de la guerre et ce dernier qui considère qu’il a été trahi pendant qu’il défendait la nation. Renforcé par sa victoire, le Hezbollah a réclamé la démission du gouvernement ou, au moins, un changement gouvernemental qui permettrait la création d’une minorité de blocage au sein de l’exécutif. Pour débloquer cette situation et éviter des manifestations massives, le président Nabih Berri est intervenu encore une fois et a réuni tous les partis autour d’une table ronde « consultative », afin de trouver une solution à la crise. ÉCONOMIE Nous répartirons notre analyse en trois périodes : la fin de l’année 2005 ( septembre-décembre ), le premier semestre de 2006 et l’été 2006. L’année 2005 a connu un très for t ralentissement économique vu les évé nements politiques qu’y eurent lieu : assassinat du premier ministre Rafic Hariri, retrait militaire syrien, élections législatives. Le taux de croissance était estimé entre 0 et 1 % suivant les différentes sources, alors qu’il était estimé à 4 % en 2004. Pour les quatre derniers mois qui nous intéressent, les différents secteurs économiques avaient eu une évolution contrastée. Alors que le secteur de la construction connaissait un certain recul, le secteur touristique connut une certaine reprise; de même, l’activité exportatrice avait repris en fin d’année ainsi que l’importation. La balance des paiements s’était améliorée, accusant entre octobre et décembre une nette augmentation des réserves nettes de devises du secteur bancaire. Les prix étaient relativement stables. Le premier semestre de l’année 2006 démarre sur de bonnes perspectives économiques, poursuivant la lancée du dernier trimestre 2005. La croissance de l’économie était estimée à 6 % en valeur annuelle par rapport au premier semestre de 2005 ( semestre de référence pour notre propos actuel sur le premier semestre 2006 ). En effet, l’inflation s’était élevée à 4 % sur le semestre. La balance des paiements enregistrait un excédent record de 2,5 milliards US $. Les dépenses publiques totales augmentaient de 7,5 % du fait d’une forte augmentation du service de la dette. Les recettes totales avaient augmenté de 15 %. L’excédent primaire avait plus que quadruplé : 659 millions US $. Cet excédent ne suffisait pas à couvrir le service de la dette publique. En fin de semestre, cette dernière représentait 179,2 % du PIB de 2005. L’e x p o r t a t i o n av a i t a u g m e n t é d e 40,8 %, soit 1,3 million US $, dont plus de 90 % de produits industriels. Par contre, 262 l e s i m p o r t at i o n s n e s’é t a i n e t a cc r u e s que de 13 % et elles s’élevaient à 5,05 milliards US $. Le volume du commerce extérieur avait augmenté de 18,9 % et le déficit commercial passait à 3,75 milliards US $, soit une hausse de 4 %. La construction connaissait une forte croissance de son activité avec les livraisons du ciment multipliées par 2,5 entre janvier et juin. Le tourisme marquait des développements semblables. Le nombre de visiteurs étrangers ( Syriens et Palestiniens exclus ) atteint un chiffre de 630 804 personnes au premier semestre 2006, soit une augmentation de 49 %. Pour l’industrie, l’importation mensuelle d’équipements industriels se hausse de 50 % entre janvier et mai 2006, signalant une reprise de l’investissement, parallèle à celle des exportations. La guerre de juillet 2006 et l’été 2006 Les destructions physiques se caractérisèrent par de larges destructions de l’infrastructure : aéroports, ports, ponts, routes, autoroutes, centrales et réseaux électriques, téléphoniques, hydrauliques, écoles, bâtiments publics, réservoirs de pétrole ( 170 millions US $ ), sans compter la destruction de plusieurs installations industrielles dans différents secteurs et zones ( 290 millions US $ ). Finalement, ont été détruits des logements et des commerces des villes et villages du Liban Sud, de la banlieue sud-ouest de Beyrouth et de diverses régions au Liban, AFI 2007 LIBAN pour un total de 500 millions US $. Les effets économiques les plus importants furent : l’effondrement complet de la saison touristique d’été qui attire normalement un million et demi de touristes; la paralysie partielle des activités de services ( banques, assurances, importexport, transports, services techniques, administrations publiques ) pendant près d’un mois; le manque à gagner dans l’agriculture du fait des récoltes restées sur pied ou non exportées ( 280 millions US $ ) et dans l’industrie; une hausse de l’inflation au cours du troisième trimestre, ce qui porte à 7,8 % le taux d’inflation entre septembre 2005 et septembre 2006. Les exportations ont également baissé de 19,1 % et les importations, de 37,5 % par rapport à l’été 2005. La balance des paiements a aussi connu un déficit de 327 millions US $ au cours des trois mois d’été dû aux sor ties de capitaux, partiellement compensées par les aides. Sur l’ensemble des neuf premiers mois de l’année 2006, la balance des paie ments aurait enregistré un surplus de 2,47 milliards US $, contre un déficit de 191,7 millions US $ pendant la période correspondante de 2005. En ce qui concerne les finances publiques, les dépenses ont augmenté de 27 % du fait de la guerre et de la hausse du service de la dette. Les recettes publiques totales ont diminué de 29 % à cause de la baisse des recettes douanières et de la taxe sur la valeur ajoutée ( TVA ), comme conséquence de la chute de l’activité économique et en dépit des aides extérieures reçues. Le déficit total des finances publiques sur les neuf premiers mois de 2006 passe à 55 % des recettes totales et à 36 % des dépenses totales. Le PIB aurait chuté de 8 % ( en valeur annuelle à prix courants ), soit 4 % en prix constants pour les neuf premiers mois. Les pertes totales dues à la guerre de juillet-août 2006 ( en destructions et manques à gagner ) seraient estimées à 2,5 milliards US $. CULTURE La guerre de 33 jours La guerre de l’été 2006 a eu des répercussions dans le domaine culturel de manière visible avec la destruction de lieux, d’entreprises et d’œuvres. Ses conséquences se sont révélées particulièrement négatives dans les secteurs de l’édition et de la presse. Les bombardements de la banlieue sud de Beyrouth ont frappé l’industrie du livre puisque nombreux étaient les éditeurs et les imprimeurs à s’y être installés. On estime ainsi qu’une quarantaine de maisons d’édition et une dizaine d’imprimeries ont été partiellement ou totalement détruites par les bombes de l’aviation israélienne sans compter plusieurs librairies. Le long blocus israélien ( 12 juillet – 7 septembre 2006 ) a aussi contrecarré l’expor tation des imprimés alors que le Liban assure la circulation de près de la moitié des titres de presse diffusés dans le monde arabe. Plusieurs éditeurs ont, en outre, revu leur production éditoriale à la baisse à la suite de cette guerre. La Foire du livre arabe, organisée par le Club culturel arabe, s’est tenue du 9 au 24 décembre 2006 et a accueilli un pavillon français à la place du Salon du livre francophone de novembre. Les premiers mois de 2006 avaient pourtant été marqués par une intense activité culturelle. Dans le domaine théâtral, les metteurs en scène Nidal el-Achkar, AFI 2007 Roger Assaf et Paul Matar, dont les noms sont aujourd ’hui liés aux institutions que sont, à Beyrouth, les Théâtres de la ville ( Masrah al-madina ), du tournesol ( Dawwar al-Shams ) et Monot, ont monté plusieurs pièces de théâtre. L’adaptation par le dramaturge Mohamed Kacimi du roman de Rachid El-Daïf, Qu’elle aille au Diable, Meryl Streep, mise en scène par Nidal el-Achkar et jouée à Beyrouth et au Théâtre du rond-point à Paris, a connu un grand succès de même que la reprise de la pièce de Roger Assaf, Le Jardin de Sanayeh ( en arabe ). Cette année aura été aussi particulièrement fructueuse pour les cinéastes libanais avec Bosta de Philippe Aractingi qui a connu un grand succès public, A Perfect Day de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Dounya de Jocelyne Saab, Falafel de Michel Kammoun, Atlal de Ghassan Salhab et After Shave de Hany Tamba ( Prix Attention talent du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand ). Si la manifestation Né à Beyrouth dont l’ouverture était prévue le 18 août 2006 a été reportée, la plupart des autres festivals ont été maintenus pour, comme l’écrit Haniya Muruwwé, directrice de Beyrouth d’ici et organisatrice des Journées cinématographiques de Beyrouth, « exprimer notre désir de vivre et de voir la vie culturelle poursuivre son chemin » ( As-Safir, 21 août 2006 ). Au sein du Théâtre de la ville, une 263 PROCHE-ORIENT salle d’art et d’essai, Metropolis, était inaugurée, le 10 juillet 2006, en plein cœur du quartier Hamra où la plupart des cinémas de l’avant-guerre sont restés désaffectés. Ces initiatives ont pallié partiellement la programmation essentiellement commerciale des circuits de distribution privés. Durant la guerre, la mobilisation des intellectuels et des différents acteurs de la scène culturelle libanaise a été intense. Le Théâtre de la ville a ainsi ouvert ses portes pour héberger des déplacés du Sud. Plusieurs de leurs enfants ont été associés à la création d’une pièce de théâtre, Rire sous les bombes, du metteur en scène Charif Abdelnour, présentée le 5 août 2006. Roger Assaf et l’Association Shams ont transformé le Théâtre du tournesol en un centre d’information et de liaison par Internet avec les milieux culturels internationaux. Refusant d’endosser le rôle de victimes, ils insistaient sur la vitalité du peuple libanais et sur sa capacité de résistance. Leurs messages étaient ironiquement intitulés « Nous allons bien, et vous? ». Une des lettres les plus cinglantes fut adressée à la rédaction de TF1, lui enjoignant de faire son métier correctement ou de se taire. Le collectif In Concer t a présenté, en septembre 2006, la 3 e édition de son Festival Anti-crise afin qu’au sortir de cette nouvelle guerre, les différentes musiques libanaises continuent à aller au-devant de leurs publics. Quant au Festival Liban Jazz, il a délocalisé sa 3e édition à Paris en septembre 2006 avec l’organisation d’un concert de solidarité avec le Liban. À l’occasion de la Biennale du cinéma arabe qui s’est déroulée à l’Institut du monde arabe ( IMA ) en juillet 2006, un appel signé par plus de 300 réalisateurs dont de nombreux Libanais dénonçait « les bombardements et les massacres commis par l’armée israélienne contre les peuples libanais et palestinien ». Il invitait les cinéastes à réaliser des films courts et à les présenter dans des Festivals tels que ceux de l’IMA et du film documentaire de Lussas ( cinesoumoud.net ). À Beyrouth, un collectif de cinéastes se réunissait, durant la guerre, pour susciter, auprès d’étudiants notamment, la réalisation de films documentaires ou réunir ceux réalisés par des amateurs. Un site Internet ( cinemayat. org ) a été créé pour constituer « un espace de documentation et d’archivage indépendant, pour exprimer le quotidien ainsi que les expériences sociales ou individuelles, sur des supports vidéo, des photographies ou des textes ». Ce projet était en gestation depuis longtemps du fait des difficultés rencontrées par de nombreux cinéastes concernant la diffusion de leurs œuvres. La nécessité ressentie par les réalisateurs de trouver, durant la guerre, un espace d’expression en a accéléré la mise en œuvre. Il est à espérer que cette nouvelle guerre n’accentuera pas la polarisation du champ intellectuel dont le fracas des armes a redessiné les contours. Elle ne devrait cependant pas affaiblir la vitalité d’un secteur culturel qui repose essentiellement sur l’initiative privée et qui a fait de Beyrouth un foyer majeur de la culture arabe et francophone. La renaissance de L’Orient littéraire Au sein de l’espace des lettres francophones, les écrivains et critiques les plus remarqués ( Antoine Boulad, Hind Darwich, Jabbour Douaihy, Charif Majdalani, Alexandre Najjar, Farès Sassine ) participent, depuis juillet 2006, au comité de rédaction de L’Orient littéraire, un supplément mensuel du quotidien L’Orient-Le Jour. Il succède à celui né en 1929 et qui avait pour rédacteur en chef le dramaturge Georges Schéhadé et à un autre créé en 1956 et dirigé par le poète Salah Stétié. Cette publication, consacrée à la critique littéraire, comble un vide certain. Elle se distingue par un grand éclectisme et procède, selon Alexandre Najjar, de ce constat : « l’urgence d’instaurer un dialogue, de perpétuer la vocation du Liban, lieu d’osmose, à travers les lettres ». Les romans de Charif Majdalani, Histoire de la grande maison, de Rachid El-Daïf, Fais voir tes jambes, Leïla ( traduit de l’arabe ), d’Alexandre Najjar, Le Silence du ténor, de Hyam Yared, L’Armoire des ombres et de Gabriel Boustani, Tabourni ou le camp Mié-Mié, ont enrichi, en 2006, la littérature francophone. 264 AFI 2007 AU-DELÀ DES PAYS FRANCOPHONES BIBLIOGRAPHIE Sauf indications contraires, toutes les références citées sont datées de l’année 2006. ÉGYPTE DWEK Fortunée, NONNO, Un Juif d’Égypte, Paris, L’Harmattan. KAMAR Bassem, Politiques de change et globalisation : le cas de l’Égypte, Paris, L’Harmattan. KHOUZAM Fouad, La Langue égyptienne au Moyen âge, le manuscrit copte 44 de Paris de la Bibliothèque nationale de France, Paris, L’Harmattan. KOHSTALL Florian (dir.), L’Égypte dans l’année 2005, Le Caire, CEDEJ. LUTHI Jean-Jacques et Mohamed Anouar MOGHIRA, L’Égypte en République. La vie quotidienne 1952-2005, Paris, L’Harmattan, coll. Comprendre le Moyen-Orient. ROUSSILLON Alain et Fatima ZAHRA-ZRYOUIL, Être femme en Égypte, au Maroc et en Jordanie, Paris/Le Caire, Aux lieux d’être/CEDEJ. LIBAN BOUSTANI Gabriel, Tabourni ou le camp Mié-Mié, Marseille, Pharos. EL-DAÏF Rachid, Fais voir tes jambes, Leïla, traduit de l’arabe par Yves Gonzalez-Quijano, Arles, Actes Sud. MAJDALANI Charif, Histoire de la grande maison, Paris, Seuil, 2005. MERMIER Franck, Le Livre et la ville. Beyrouth et l’édition arabe, Arles, Actes Sud, 2005. MERMIER Franck et Élizabeth PICARD (dir.), Liban, une guerre de 33 jours, Paris, La Découverte. NAJJAR Alexandre, Le Silence du ténor, Paris, Plon. SANTINI Maud Leonhardt, Paris, librairie arabe, Marseille, Éditions Parenthèses. YARED Hyam, L’Armoire des ombres, Paris, Éd. Sabine Wespieser. ISRAËL Eliezer BEN-RAFAËL Université de Tel-Aviv [email protected] Le français dans le paysage linguistique israélien U ne équipe de sociolinguistes a effectué ces dernières années une large enquête sur le paysage linguistique israélien. Une enquête qui a révélé des perspectives intéressantes sur le multilinguisme dans ce pays. Par paysage linguistique ( PL ), on se réfère aux objets linguistiques que l’on trouve dans l’espace public. Cette notion inclut des significations des plus diverses dans des contextes sociaux différents – sur les routes interurbaines, dans les centres commerciaux, dans les quar tiers administratifs, les endroits de divertissement ou encore les environnements scolaires. L’équipe de chercheurs a fréquenté une variété de milieux – quartiers ultra-orthodoxes, bourgades arabes, centres-villes de grandes agglomérations, espaces résidentiels ou encore espaces abritant de nombreux immigrants. Cette étude s’est concentrée AFI 2007 particulièrement, dans les espaces publics, sur la visibilité des deux langues officielles d’Israël – l’hébreu et l’arabe – ainsi que cette langue « non étrangère » ( qui ne jouit d’aucun statut officiel mais qui est bien présente dans ce pays dans tous les domaines de la vie sociale ) qu’est l’anglais. Entre autres données, cette étude a révélé que dans les quartiers juifs aisés Centre commercial de la ville côtière de Natanya ( 30 km de Tel-Aviv ) prédominent les modèles PL combinant l’hébreu et l’anglais; ces modèles tendent à se réduire au monolinguisme hébreu dans les quartiers juifs populaires. Dans les envi265 PROCHE-ORIENT ronnements arabo-israéliens, le PL est par contre souvent dominé par l’utilisation simultanée de l’arabe et de l’hébreu. Dans les quartiers palestiniens de Jérusalem, ce sont l’arabe et l’anglais qui prédominent. Des réflexions relatives au contexte social et politique expliquent ces différences, aux yeux des chercheurs : pour la classe moyenne juive-israélienne, l’anglais est un symbole de statut qu’il sied d’utiliser avec l’hébreu pour indiquer la référence aux standards internationaux; pour les Arabes israéliens, l’utilisation de l’arabe est évidente en soi et celle de l’hébreu vient renforcer l’attrait que les commerçants ou les professions libérales veulent exercer sur le public non arabophone; pour Jérusalem-Est, le refus de l’hébreu renvoie à une signification politique évidente et l’utilisation de l’anglais permet alors quand même la sauvegarde, en « terrain neutre », de la communication avec la population israélienne. En tout, le PL ne reflète pas, comme on pourrait le supposer, une représentation fidèle du réper toire linguistique d’une population, mais plutôt des stratégies d’utilisation de ces ressources langagières dans des buts précis. Une autre constatation s’impose : le peu de place donnée au français. Seuls quelques éléments épars sont apparus ici et là, et surtout dans des quartiers bourgeois : les enseignes de certains salons de coiffure, quelques cafés ou encore des boutiques de mode. En tout, une partie fort négligeable du PL dans son ensemble et qui contraste même avec le russe que l’on trouve beaucoup plus souvent, surtout dans les localités où les immigrants russophones sont nombreux. Cette faiblesse du français alors que la population d’origine francophone – immigrants d’origines nord-africaine, française ou belge – compte près de 10 % des Israéliens s’est pendant longtemps expliquée par la politique vigoureuse d’hébraïsation menée par les autorités israéliennes alors que, pour la plupart des immigrants, adopter l’hébreu allait de soi dans un État juif en terre d’Israël. Les choses, cependant, ont changé dès lors que certains groupes mus par une volonté d’affirmer leur particularisme et soutenus par des formations politiques nouvelles ont voulu faire la preuve qu’il y avait moyen d’adopter l’hébreu en même temps que conserver sa langue d’origine dans le cadre de la famille, de la communauté et d’une certaine consommation cultu266 relle. La tolérance du multiculturalisme a fait, par exemple, que les communautés moyen-orientales et nord-africaines ont pu exprimer leurs particularismes culturels plus pleinement, ce qui, toutefois, n’a eu dans ce cas que peu d’incidences linguistiques et n’a aucunement témoigné d’un retour au judéo-arabe, judéo-espagnol, au français ou autre langue d’origine qui étaient déjà plus ou moins effacés depuis que l’hébreu avait conquis la place de première langue. Ainsi, cette nouvelle tolérance pour la diversité culturelle arrivait-elle trop tard pour arrêter le déclin d’un grand nombre de langues d’origine. Par contre, pour les immigrants russes des 25 dernières années, décidés comme ils l’étaient à s’insérer dans la société hébréophone sans pour autant perdre leurs ressources linguistiques, la tendance renforcée en Israël d’accepter le multiculturalisme devait leur permettre de profiter pleinement du nouveau climat régnant dans le pays de ce point de vue. Un nouveau fait se greffe sur cette réalité et concerne le français particulièrement. Nous pensons ici au renouveau de l’immigration francophone venant de France souvent poussée par un sentiment de malaise et d’insécurité caractéristique de la communauté juive à la suite de la montée de sentiments anti-israéliens – et par fois anti-juifs – dans le contexte du conflit moyen-oriental et du renforcement permanent de la population musulmane. Cette immigration, qui était tombée à quelques dizaines de nouveaux venus annuellement en Israël dans les années 1990, augmente progressivement pour atteindre plusieurs milliers depuis l’an 2000. De plus, nombre de Juifs français qui n’ont pas encore pris la décision d’immigrer acquièrent une deuxième demeure dans le pays pour y passer leurs vacances tout en se prévoyant des possibilités de transfert au cas où ils le décideraient ultérieurement. En outre, il s’avère aussi que, dans le climat permissif des par ticularismes culturels, ces immigrants réels ou potentiels – et le plus souvent il s’agit d’individus de classe moyenne, voire de cadres supérieurs – tendent à se grouper dans certaines localités en y créant de nouvelles niches de francophonie. Une recherche complémentaire a été effectuée dans des localités connues où se retrouvent aujourd’hui ces nouveaux immigrants francophones. La principale ville d’accueil pour ces immigrants est Natanya, située sur les bords AFI 2007 AU-DELÀ DES PAYS FRANCOPHONES de la Méditerranée, entre Tel-Aviv et Haifa. Important centre de villégiature, Natanya compte à peu près 170 000 habitants dont un quart est constitué par des immigrants d’Afrique du Nord et leurs descendants et qui, en tant que telle, a toujours joui d’une cer taine atmosphère francophone qui, toutefois, ne s’est exprimée dans le passé que d’une manière indirecte. Tout cela contraste avec le PL que l’on découvre de nos jours dès que l’on arrive au centre de Natanya où sont arrivés depuis l’an 2000 quelque 4 à 5 000 immigrants francophones dans des quar tiers qui, principalement, bordent le front de mer. Le français que nous découvrons à présent s’attache aux activités les plus diverses et s’exprime ouvertement. En fait, on peut dire que le centre-ville est inondé d’expressions linguistiques françaises : restaurants, agences immobilières, magasins de souve- nirs, joailliers, hôtels, projets de bâtiments, informations sur les tableaux d’annonces publiques, synagogues, etc. Partout, on trouve des inscriptions françaises qui ne s’adressent plus seulement à une élite aisée pour qui la langue française est synonyme de raffinement. Ce français-là est une langue qui interpelle en premier lieu ceux qui le connaissent et veulent le conserver sans pour autant s’y enfermer. Aussi s’accompagne-t-il de l’hébreu, de l’anglais ou même du russe. Toutes ces contributions au PL créent une mosaïque dynamique et intéressante, représentative du multiculturalisme à l’israélienne. Elles ne représentent pas un bouleversement de la réalité socioculturelle de ce pays, mais leur intérêt réside dans le fait qu’elles illustrent une des manières dont aujourd’hui est appréhendée en Israël la diversité des cultures et des langues. PALESTINE Ziad MEDOUKH Professeur de français à l’Université Al-Aqsa [email protected] La francophonie au service de la paix C omment la langue française voire la Francophonie participe à développer des initiatives pour la paix dans une région qui souffre de la violence, de l’occupation et de l’instabilité? En Palestine, et en particulier dans la bande de Gaza, des universitaires francophones qui gardent toujours des liens avec des organisations et associations francophones ont décidé de créer un centre pour enseigner les principes de la démocratie, de la non-violence et de la paix à des étudiants palestiniens qui cherchent un avenir meilleur. Le Centre de la paix a été créé par des universitaires palestiniens de l’Université Al-Aqsa de Gaza, une université pédagogique qui forme des professeurs dans les domaines littéraire et scientifique. Cette université est la première université palestinienne qui a ouvert un Département de français en 2000. Il a commencé ses activités début février 2006 et est animé par un comité de cinq personnes. Sa vocation AFI 2007 est d’organiser des sessions de formation, des rencontres, conférences ou débats sur la non-violence, la démocratie et la paix en Palestine. Le Centre de la paix se situe au sein d’un programme plus vaste associant des organisations européennes et palestiniennes œuvrant pour la paix, en particulier au Proche-Orient. Ces organisations, par leurs actions d’information, de sensibilisation et d’éducation, contribuent à la construction d’un monde plus solidaire et au développement équilibré et durable. L’enseignement du français dans cette université palestinienne ainsi que les relations de coopération entre l’université et le monde francophone ont aidé à la création de ce centre. L’objectif général du Centre est l’instauration d’une culture de paix destinée à sensibiliser et former les nouvelles générations de jeunes Palestiniens, générations ouvertes sur les principes de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme. 267 PROCHE-ORIENT Pour ce qui est des objectifs spécifiques du centre, on en dénombre cinq : 1 – Inculquer les principes de base contribuant à la construction de la paix ( démocratie et droits de l’homme, création d’un État de droit, tolérance et respect mutuel ). 2 – Renforcer l’enseignement des modules concernant la démocratie et les droits de l’homme qui existent à l’université. 3 – Encourager les échanges entre les professeurs et les étudiants de l’Université Al-Aqsa avec les autres universités locales, arabes, internationales afin de bénéficier de leur expérience, notamment de celle acquise par les pays où la pratique démocratique est déjà ancienne; inviter des intervenants extérieurs. 4 – Développer l’information à partir de bibliothèques, des médias, d’Internet en donnant la possibilité à tous d’y avoir accès. 5 – Créer un pôle recherche-action ayant pour but l’étude auprès de la population de ses demandes, de ses réactions envers la paix, la non-violence, la démocratie et les droits de l’homme. SYRIE Sonia HINDIÉ Université d’Alep [email protected] Alep : capitale de la culture islamique pour l’année 2006 P our l’année 1427 de l’Hégire ( 2006 ), l’Organisation islamique a porté son choix sur la ville d’Alep pour désigner la capitale de la culture islamique. C’est un hommage rendu au patrimoine artistique, scientifique et culturel, mais aussi au rôle économique d’une cité qui représente un modèle d’ouverture. En effet, Alep demeure un modèle de tolérance et de reconnaissance des autres confessions, d’harmonie entre les religions, de respect des savoirs. Les civilisations qui s’y sont succédé ont toujours été accueillies, constat général qui ne peut qu’inviter à la réflexion et au dialogue, dans l’esprit de ce qu’on nomme aujourd’hui le respect de la diversité culturelle, un des enjeux majeurs de la Francophonie. L’architecture de la ville donne à voir des signes concrets de ce brassage culturel : sa célèbre citadelle, plusieurs portes, caravansérails, mosquées, églises, hôpitaux, monuments et maisons singulières. Les diverses époques ( omeyyade et abbasside, hamdanide, zinc, ottomane, etc. ) se trouvent ainsi inscrites dans la ville même. Alep a été le relayeur, tout au long de son histoire, d’un riche héritage intellec- 268 tuel. La cour de Seif Al-Daoulat Alhamadani a favorisé la naissance des premiers savoirs, suivie de celles d’Al-Khuwarizmi, d’AlFarabi, d’Al-Moutanabiet, d’Al-Asfahani et pour finir d’Al-Zaher Gazi Al-Ayooubi. Sans oublier le fait qu’Alep fut et reste un incontournable carrefour d’activités économiques. Al e p a d o n c fê té d i gn e m e nt s o n statut : conférences, expositions et manifestations culturelles, festivals artistiques et publication d’ouvrages ont eu lieu tout au long de l’année. Le Campus numérique francophone d’Alep, créé par l’Agence universitaire de la Francophonie ( AUF ) en collaboration avec l’Université d’Alep en 2004, a contribué grandement au succès des festivités. Ce campus, au service des chercheurs, enseignants et étudiants syriens, favorise l’usage des technologies de l’information et de la communication ( TIC ) et participe de la sorte à une réelle volonté d’ouverture du réseau universitaire international aux chercheurs et enseignants syriens. Sis au cœur de l’Université d’Alep, le campus constitue avant tout une plateforme précieuse de ressources humaines, matérielles et documentaires. AFI 2007