étude expérimentale de la résistance a la maladie de marek chez

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étude expérimentale de la résistance a la maladie de marek chez
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA RÉSISTANCE A LA MALADIE DE MAREK CHEZ DES
POULETS VACCINÉS OU NON, INFECTÉS SUBCLINIQUEMENT AVEC LE VIRUS DE L'ANÉMIE
INFECTIEUSE AVIAIRE
Picault Jean-Paul1, Ragland William3, Novak Renata3, Lamandé Josiane1, Allée Chantal1, Guillemoto
Carole1, Morin Yannick2, Jestin Véronique1
1, 2
AFSSA, Site de Ploufragan, B.P. 53, Zoopôle Les Croix, 22440 PLOUFRAGAN
1
Unité Virologie, Immunologie, Parasitologie Aviaires et Cunicoles
2
Service d'Elevage et d'Expérimentation en Pathologie Aviaire
3
Institut Ruder Bosković, Division of Molecular Medicine, 10000 Zagreb, CROATIA
Résumé
Une étude expérimentale a été réalisée sur poulets exempts d’organismes pathogènes spécifiés (EOPS) pour
rechercher si l’infection subclinique par le virus de l’anémie infectieuse aviaire (CIAV) a un effet
significativement aggravant lors de contamination par un virus de la maladie de Marek (MDV). Pour cela des
groupes de 40 poulets EOPS vaccinés ou non à la naissance à l’aide du vaccin bivalent HVT/Rispens de la
maladie de Marek ont été inoculés ou non avec la souche virulente CUX-1 du CIAV à 4 semaines d’âge. Les
poulets ont tous été éprouvés avec la souche hypervirulente RB1B du MDV sept jours plus tard, c'est-à-dire au
moment de la diffusion maximale du CIAV dans l'organisme, tel que pré-déterminé par amplification de l'ADN
(PCR) du CIAV à partir du sang et de plusieurs organes-cibles.
A l’issue d’une période d’observation de plus de 10 semaines après l’épreuve virulente RB1B, aucun des poulets
vaccinés éprouvés n’a présenté de symptômes ou lésions macroscopiques de maladie de Marek, qu’ils aient été
pré-infectés avec le CIAV ou non. A l’inverse, chez les poulets non vaccinés, 59 % de ceux doublement infectés
CIAV et MDV contre 41 % de ceux infectés seulement avec le MDV ont présenté des manifestations clinicolésionnelles de maladie de Marek. Ces résultats suggèrent que l’infection subclinique à CIAV pourrait bien
aggraver le bilan clinique de la maladie de Marek mais sans perturber de manière conséquente l’immunité
Marek consécutive à une vaccination réalisée plusieurs semaines auparavant.
Introduction
Le CIAV est présent à large échelle dans les
troupeaux de l'espèce Gallus gallus. Le pouvoir
pathogène direct et indirect de ce virus, qui se
multiplie aux dépens des cellules souches du système
hématopoïétique, a été largement démontré chez le
jeune. Alors que dans les deux premières semaines de
vie de l'oiseau, la synergie d'effet des pouvoirs
pathogènes du CIAV et de certains autres virus est
bien connue (Engström et al., 1988 ; Rosenberger et
al., 1989 ; Jeurissen et de Boer, 1993), au delà de 3
semaines d'âge, et parfois même avant, le poulet
infecté spontanément n'exprime plus cliniquement
l'anémie infectieuse, rendant difficile l'établissement
d'un lien éventuel entre des troubles pathologiques de
nature diverse et la présence du CIAV. Les experts
européens de l'Action COST 839 ("Maladies
immunosuppressives des volailles") avaient d'ailleurs
déploré l'absence de démonstration expérimentale de
l'effet négatif (par effet synergique ou autre) de
l'infection inapparente à CIAV, qui pourrait expliquer
le bilan sanitaire et économique préjudiciable associé
à la présence d'anticorps anti-CIAV chez les poulets
de chair, tel qu'observé à grande échelle au Royaume
Uni en 1989 (McNulty et al., 1991). De plus, nous
avons nous-mêmes été amenés à suspecter fortement
l'intervention synergique du CIAV lors de l'étude d'un
cas spontané de maladie de Marek chez des poulettes
de 16 semaines (Picault et al., 1999), et d'autres
observations ont été faites (Ragland et al., 1998) qui
renforcent la présomption de conséquences
défavorables de l'infection subclinique à CIAV,
conséquences qui pourraient aussi découler d'une
action sur la capacité de réponse immunitaire (Box et
al., 1988).
Compte tenu de la fréquence des infections à virus de
la maladie de Marek (MDV) sur le terrain et du
nombre grandissant de cas pathologiques rapportés
chez les poules malgré la mise en œuvre quasi
systématique de la vaccination, un premier modèle
d'étude a été réalisé, visant à rechercher une influence
éventuelle de l'infection subclinique à CIAV sur le
bilan clinique de la maladie de Marek reproduite
Cinquièmes Journées de la Recherche Avicole, Tours, 26 et 27 mars 2003
expérimentalement chez des poulets vaccinés ou non
à la naissance contre cette dernière. Pour s'assurer que
l'infection Marek ait bien lieu en période optimale de
l'infection silencieuse à CIAV, une première étape de
travail devait permettre de préciser la cinétique de
diffusion du CIAV dans l'organisme, dans les mêmes
conditions opératoires (souche virale, lignée de
volailles, âge à l'infection …) que celles envisagées
pour l'étude de l'interaction virale.
1. Matériels et méthodes
Les poulets étaient de souche White Leghorn et
provenaient des reproducteurs exempts d'organismes
pathogènes spécifiés (EOPS) du Service d'Elevage et
d'Expérimentation en Pathologie Aviaire (SEEPA) de
l'AFSSA, site de Ploufragan. Ils ont été élevés en
batterie, dans des animaleries protégées munies d'un
sas de douche, d'un système de filtration absolue de
l'air et d'une ventilation dynamique permettant de
maintenir les locaux en dépression ou surpression plus
ou moins forte, selon les besoins.
Le vaccin de la maladie de Marek administré aux
poussins à l'âge d'un jour était le Cryomarex (Rispens
+ HVT) de Mérial, comportant deux souches
vaccinales représentant respectivement les sérotypes 1
et 3 du MDV. Le titre infectieux du vaccin a fait
l'objet d'un contrôle préalable sur cultures de
fibroblastes d'embryons de poulet : il s'est avéré
satisfaisant. Après reconstitution, le vaccin a été
administré par injection intramusculaire dans la cuisse
à raison d'une dose (telle que définie par le fabricant)
sous un volume de 0,2 ml par poussin.
le thymus, le foie et le sang total hépariné de trois
poulets sacrifiés juste avant l'inoculation et à 3, 6, 8,
10 et 13 jours après l'inoculation. L'ADN viral a été
extrait à l'aide du Dneasy Tissue Kit de Qiagen. Un
couple d'amorces spécifiques a permis d'amplifier un
segment génomique de 521 paires de bases
correspondant au deuxième tiers du gène codant la
protéine virale VP1 (nucléotides n° 1376 à 1896,
selon Noteborn et al., 1991). Des mesures
d'hématocrite ont été réalisées parallèlement pour
objectiver l'aspect subclinique de l'infection
expérimentale. L’infection CIAV a été également
vérifiée grâce au maintien en observation pendant 5
semaines de 24 poulets inoculés et par la recherche
d'anticorps ELISA-CIAV (trousse Idexx) chez ces
derniers à 4 et 5 semaines après l'inoculation.
L'étude expérimentale de l'interaction virale
éventuelle a concerné quatre groupes de 40 poulets
EOPS dont deux ont été vaccinés à la naissance contre
la maladie de Marek à l'aide du vaccin bivalent
HVT/Rispens. Un lot vacciné et un lot non vacciné
ont été inoculés avec le CIAV à l'âge de 29 jours.
Tous les lots ont été éprouvés à l'âge de 36 jours avec
la souche hypervirulente RB1B du MDV. Les
symptômes, la mortalité et les lésions macroscopiques
de maladie de Marek ont été enregistrés 3 fois par
semaine pendant une période de 73 jours après
l'épreuve virulente. En fin de période d'observation,
les poulets survivants ont été euthanasiés et autopsiés
pour faire l’objet d’une recherche de lésions
macroscopiques viscérales ou nerveuses.
2. Résultats
2.1. Cinétique de diffusion du CIAV
Le CIAV était représenté par la souche de référence
CUX-1 de virus de l'anémie infectieuse du poulet
multipliée sur poussins EOPS dont le surnageant du
broyat des foies et moelles osseuses, récolté 10 jours
après l'inoculation, a constitué l'inoculum. Celui-ci a
été administré dans le muscle du bréchet des poulets
âgés de 29 jours, à raison de 0,1 ml par sujet.
Le MDV ayant servi pour l'épreuve virulente était la
souche hypervirulente RB1B de virus de la maladie
de Marek. L'inoculum, administré aux poulets âgés de
36 jours par voie intrapéritonéale sous un volume de
0,1 ml, était représenté par le sang total hépariné de
poulets EOPS pré-infectés à l'âge d'un jour et se
trouvant en phase symptomatique (à 5 semaines après
l'inoculation).
L'appréciation de la cinétique de diffusion du CIAV
dans l'organisme chez le poulet EOPS inoculé à l'âge
de 4 semaines par voie intra-musculaire a été réalisée
par amplification génique (PCR) à partir des
principaux organes ou tissus-cibles connus du virus, à
savoir la moelle osseuse (prélevée au niveau du tibia),
Aucun des poulets inoculés avec le CIAV à 4
semaines d'âge n'a présenté de signe clinique au cours
de la période d'observation de 5 semaines, mais les 24
sujets sacrifiés à l'issue de cette période ont tous
présenté une forte réponse en anticorps ELISA-CIAV.
De plus, aucun des 18 poulets sacrifiés régulièrement
au cours de 13 premiers jours post-inoculation (PI) n'a
présenté de valeur hématocrite anormale (Tableau 1).
L'infection réalisée dans les conditions expérimentales
décrites a donc bien été subclinique.
Au 3ème jour PI, le génome viral a été détecté dans le
sang de deux poulets sur trois ainsi que dans le foie
d'un d'entre eux, mais ni dans la moelle osseuse, ni
dans le thymus (Tableau 1). Du 6ème au 13ème jour PI ,
tous les prélèvements testés se sont avérés positifs. Au
vu de ces résultats, et considérant que la période
optimale pour réaliser l'épreuve MDV dans ces
conditions expérimentales devait se situer en début de
présence du CIAV dans les principaux organes-cibles
du virus, nous avons opté pour une infection MDV au
7ème jour PI par le CIAV.
2.2. Résultats de la double infection CIAV puis
MDV
Des poulets des deux lots non vaccinés Marek ont
présenté de l'asthénie, voire de la prostration, entre le
7ème et le 15ème jour post épreuve (PE) RB1B, puis se
sont provisoirement rétablis. Un petit échantillon de
poulets sacrifiés alors n'a pas permis de mettre en
évidence de lésion macroscopique autre qu'une sévère
atrophie thymique. La valeur de l'hématocrite des
mêmes sujets était, par ailleurs, tout à fait normale (34
à 37 %). L'implication d'un contaminant CIAV dans
ces symptômes très précoces ayant pu être exclue à
l'issue de tests PCR (tout au moins pour le lot n'ayant
pas été inoculé avec le CIAV), nous avons conclu
qu'il s'agissait là d'une manifestation déjà décrite du
pouvoir pathogène particulier de la souche hypervirulente de MDV utilisée.
La mortalité consécutive à l'épreuve Marek a
commencé entre 3 et 4 semaines PE dans les deux lots
non vaccinés (Figure 1). L'évolution de la mortalité a
été comparable jusqu'à la 6ème semaine PE, puis elle
s'est accélérée dans le lot ayant été pré-inoculé avec le
CIAV. En incluant les sujets malades et porteurs de
lésions macroscopiques de maladie de Marek à
l'abattage, le nombre de poulets affectés à l'issue de
l'étude a été de 22 sur 37 (59,5 %) dans le lot
doublement infecté CIAV puis MDV, contre 15 sur
37 (40,5 %) dans celui n'ayant reçu que le MDV
(Tableau 2). Au test de chi2, ces chiffres apparaissent
significativement différents au seuil de 10 %.
L'écart observé entre les deux lots est apparu
confirmé par le bilan lésionnel, qui s’est avéré
nettement plus sévère chez les poulets concernés du
lot doublement infecté, avec en moyenne deux fois
plus d'organes présentant des lésions macroscopiques
que chez les poulets éprouvés uniquement avec le
MDV (Tableau 2). Dans les deux lots, les organes les
plus fréquemment atteints ont été les reins, puis la rate
et les organes génitaux. Les tumeurs au niveau des
nerfs ont été également beaucoup plus fréquentes dans
le lot doublement infecté (15 sujets concernés, contre
seulement 2 dans le lot infecté uniquement avec le
MDV).
Dans les deux lots vaccinés Marek, aucun symptôme
ni aucune lésion n'ont été enregistrés au cours de la
période d’observation de 73 jours après l'épreuve
Marek (Figure 1 et Tableau 2).
Conclusion
Au cours de cette étude, l'immunité consécutive à la
vaccination Marek à 1 jour n'a pas été affectée (tout
au moins de manière appréciable) chez les poulets
infectés à l'âge de 4 semaines par le CIAV. Cette
observation ne vaut, bien sûr, que pour les conditions
expérimentales décrites (il en aurait probablement été
autrement si l’infection à CIAV avait été réalisée peu
après la vaccination Marek, mais ce n’était pas le but
de la présente étude).
Il semblerait, par contre, que l’infection subclinique à
CIAV aggrave le bilan clinique de la maladie de
Marek chez les sujets non vaccinés. Bien que
significative seulement au seuil de 10 %, la différence
observée entre les bilans cliniques des lots préinfectés CIAV ou non a été, en effet, confirmée au
niveau des bilans lésionnels, à l’évidence plus sévères
chez les poulets pré-infectés avec le CIAV.
Des études complémentaires devraient permettre de
vérifier ces observations, tout comme la recherche
(en cours) des réponses en interférons alpha et gamma
à partir des sangs prélevés avant et après les
inoculations CIAV et MDV : ces deux cytokines sont
évaluées à l’aide d’une méthode publiée, basée sur
l’hybridation compétitive des ARN messagers
respectifs (Novak et al., 2001).
Références bibliographiques
Box P.G. et al., 1988. Av. Path., 17 : 713-723.
Engström B.E. et al., 1988. Av. Path., 17 : 33-50.
Jeurissen S.H.M. et de Boer G.F., 1993. Vet. Quart.,
14 : 81-84.
McNulty M.S. et al., 1991. Av. Dis., 35 : 263-268.
Noteborn M.H.M. et al., 1991. J. Virol., 65 : 31313139.
Novak R. et al., 2001. J of Interferon and Cytokine
Res., 21 : 643-651.
Picault J.P. et al., 1999. Comptes-rendus 3èmes JRA,
249-252.
Ragland W.L. et al., 1998. Av. Path., 27 : 200-204.
Rosenberger J.K. et Cloud S.S., 1989. Av. Dis., 33 :
753-759.
Remerciements
A Mme Marie-Odile Le Bras et à Mrs Louis Le Coq,
Guy Jarnet, Pierre Le Bihannic, Elie Quintin et Denis
Bonnion pour leur excellente contribution technique
ainsi qu'à Mme Claudie Moras pour la présentation
des résultats.
TABLEAU 1 : Diffusion du CIAV dans l'organisme des poulets EOPS infectés à l'âge de 4 semaines
Nb de
jours post
inoculation
0
3
6
8
10
13
Nb de poulets
malades/testés
Hématocrite
(1)
0/3
0/3
0/3
0/3
0/3
0/3
31 à 34
30 à 32
32 à 34
30 à 34
30 à 32
30 à 34
Résultats des PCR-CIAV pour chaque prélèvement(2)
Sang
Moelle
Thymus
Foie
osseuse
0/3
0/3
0/3
0/3
2/3
0/3
0/3
1/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
3/3
(1) valeurs extrêmes obtenues chez les 3 poulets. Des valeurs ≤ 25 refléteraient une anémie
(2) nombre de cas positifs sur le nombre de poulets testés
FIGURE 1 : Evolution de la mortalité Marek (prise en compte des lésions à l'abattage)
Abattage à
J109
% d e m o r t a lit é
70
60
C IA V / M D V
50
40
MDV
MDV à
J36
30
CIAV à
J29
VAC* à
J1
20
V A C /M D V
V A C /C IA V / M D V
10
0
0
20
40
60
80
100
120
A g e e n jo u r s
* VAC = vaccin Marek (HVT + Rispens)
TABLEAU 2 : Bilan clinique Marek de la double infection CIAV puis MDV
Traitement
(1)
MDV
Nombre de sujets
pris en compte
(2)
37
CIAV/MDV
37
22*
59,5
6,0
VAC/MDV
39
0
0
0
VAC/CIAV/MDV
40
0
0
0
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
Sujets atteints de Marek (3)
Nombre
%
(4)
15*
40,5
Nombre moyen
d'organes atteints par
sujet affecté (5)
3,0
VAC (vaccin Marek HVT + Rispens) à J1, CIAV (CUX-1) à J29, MDV (RB1B) à J36
après déduction de la mortalité non spécifique
mortalité et lésions macroscopiques à l’issue d’une période d’observation de 73 jours après l’épreuve Marek
les deux valeurs munies d’un astérisque diffèrent significativement au seuil de 10 % au test de chi2
lésions macroscopiques de maladie de Marek, uniquement

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