Un catamaran de série préparé pour la grande croisière

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Un catamaran de série préparé pour la grande croisière
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BOOSTER SON CATA DE CROISIERE
La vitesse en cata,
c’est le top !
Un catamaran de série préparé pour la grande croisière
n’ira jamais plus vite qu’un Formule 40 ou un Decision 35,
c’est une cause entendue. Mais en adoptant les bons
équipements, quelques règles d’entretien et une dose de
sens marin, votre voilier, neuf ou d’occasion, peut devenir
sensiblement plus véloce. Grâce aux conseils des pros, ne
vous privez pas de gagner un, deux voire trois nœuds !
58 Multicoques Mag - N°147
Texte : Emmanuel van Deth
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1 - Bichonnez vos carènes…
et les appendices
Un premier constat toujours utile à rappeler : les dérives, c’est mieux
que les ailerons fixes. Certes, ces longues lames – parfois plus de trois
mètres – sont sensibles aux chocs en cas de touchette. Raison pour
laquelle les loueurs préfèrent les ailerons fixes. Mais elles offrent un
bien meilleur cap au près. Et la possibilité de les relever un peu à haute
vitesse diminue la surface mouillée et allège considérablement la pression sur les safrans. « Au portant, on relève tout », ajoute Cyril Tricot,
directeur commercial de Catana. C’est évidemment tout bénef ’ pour la
glisse. Oui, mais justement, pour bien glisser, il faut être parfaitement
lisse… La plupart des chantiers livrent leurs catas avec un antifouling
grossièrement appliqué au rouleau. Pour une application de plusieurs
couches d’époxy et deux passes de peinture anti-salissures au pistolet,
Nautitech sous-traite le job au Chantier Naval du Vieux Port, une prestation vendue 3 701 euros pour un Nautitech de 441 pieds. Fountaine
Pajot, sur devis, propose également des belles préparations de carènes.
Pour les autres chantiers, demandez plutôt à un pro une belle peinture
au pistolet, suivie d’un ponçage à l’eau. Vous pourrez repasser dans
deux ans une couche supplémentaire, toujours au pistolet. Ensuite, il
faudra tout décaper. Et repartir à zéro. Eh oui, il faut bosser pour avancer plus vite… Autre alternative, le procédé époxy/cuivre d’Océoprotec,
garanti cinq ans. Glisse optimum – soit 0,5 nœud de gagné comparé à
un antifouling classique appliqué au rouleau – et juste un coup
d’éponge de temps en temps. Mais un gros investissement au départ :
comptez environ 12 000 euros pour un 40 pieds.
Pour bien
glisser, rien ne vaut une
carène propre… Et pour l’obtenir, il n’y a pas
beaucoup de solutions, sinon de frotter !
3 - Un spi asy pour mieux descendre
au portant ?
Les catas les plus pointus ne rechigneront pas à s’offrir, en plus du gennaker, un spi asymétrique ou un Parasailor – un spi symétrique couplé
à une aile de kite. Le but de ces voiles plus grandes et plus volumineuses
est de mieux descendre au portant. Une voile intéressante lors d’une
transat, poussé par les alizés. Les deux étraves peuvent faire office de
tangon : il est possible d’amurer le spi sur la coque au vent pour descendre au mieux dans le lit du vent. Mais l’utilisation optimum du spi
asy se résume à ces allures très abattues. Plus loffé, le catamaran marchera mieux avec un gennaker, pourtant plus petit. Pour faciliter les
manœuvres, le spi est évidemment accompagné d’une chaussette.
Envoyer et affaler depuis le trampoline n’a rien d’une punition avec cet
astucieux accessoire inventé par Eric Tabarly.
2 - Offrez-vous un gennaker
C’est la voile qui a la cote ! Pour l’architecte Christophe Barreau, « un
gennaker, ça suffit, le spi asymétrique n’est pas nécessaire ». 35% des
catas Fountaine-Pajot en sont équipés et tous les chantiers proposent
cette voile en option, tout comme son accastillage, évidemment.
Montée sur un emmagasineur, la voile en nylon se roule et se déroule
en un tournemain. Bien stockée, elle reste sagement en place, même si
les conditions se gâtent. Du coup, les skippers ont tendance à la laisser
à poste, ce qui n’est pas du tout une bonne idée si la bordure de la voile
n’est pas traitée contre les UV. Outre sa facilité d’utilisation, le gennaker, coupé assez plat, présente l’avantage à bord d’un multicoque d’être
utilisable sur une large plage d’allures. Les catas, plus rapides que les
monocoques au portant, se créent plus de vent apparent et naviguent
donc plus pointue, même quand ils descendent au portant. Du coup,
cette voile plate convient de 60/70° du vent – s’il n’est pas trop fort – à
150°. Pour un 40 pieds comme le Lagoon 400, un gennaker est facturé
5 450 euros, l’accastillage 1 788 euros. Chez Catana, on est plutôt
génois léger. « Une voile qui remonte mieux au vent que le gennaker,
explique Cyril Tricot. Par petit temps, ça marche fort. »
Le gennaker est la voile
magique : facile à manier et vraiment
performante…
4 - Moins de traînée avec les hélices repliables
« Tout ce qui dépasse sous l’eau est mauvais pour la vitesse », rappelle
Christophe Barreau. Certains chantiers comme Nautitech ou Outremer
Yachting équipent en standard tous leurs catas d’hélices à pales mobiles.
Les propriétaires optent souvent, quand ils ont le choix, pour ce type
d’hélice. Chez Fountaine Pajot, 50 % des bateaux commandés en sont
équipés. Chez Lagoon, seuls les bateaux commandés par les loueurs
conservent les bonnes vieilles hélices fixes, considérées comme plus
fiables. Pourtant, Benoît d’Alançon, distributeur Autoprop, met en
avant non seulement le gain
colossal de vitesse sous voile
des hélices à pales mobiles –
de l’ordre d’un nœud comparé à un cata équipé d’hélices fixes – mais aussi les
économies de carburant
(jusqu’à 30 %) réalisées grâce
à des hélices adaptées. A
noter également : « Jusqu’à
15 nœuds de vitesse
moyenne, une hélice à mise
en drapeau convient parfaitement. Mais pour les plus
rapides, on n’utilise que des
hélices repliables ».
Une bonne hélice à pales mobiles peut faire
gagner jusqu’à 1 nœud sous voile et faire faire de
grosses économies de carburant au moteur.
Rien de plus excitant
qu’un bord sous spi…
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6 - Une grand-voile à
corne pour la pêche
dans la pétole ?
5 - Voiles : du creux là où il faut avec
un tissu adapté
Attention :
pour un beau jeu de
voiles, il faut non seulement
une belle coupe, mais aussi
le tissu adéquat !
Pour la grande croisière, les chantiers
recommandent volontiers l’Hydranet plutôt que le Dacron pour la grand-voile et le
génois. Un sage conseil selon nous : si le
surcoût est loin d’être négligeable – pour
un Nautitech 47, comptez une plus-value
de 9 258 euros pour la grand-voile et 2 739
euros pour le génois –, ce sandwich élaboré à partir de fils Dacron et Spectra offre
la possibilité d’une coupe orientée (plus
résistante que les grandes laizes), une excellente résistance au ragage, au déchirement
et surtout une formidable stabilité de
forme. Le creux reste où il faut, sur le tiers
avant de la voile. Il ne recule pas même par
bonne brise… et après 5 à 8 ans d’usage
intensif, le tissu est toujours en bon état, là
où le Dacron est déjà complètement
déformé – le creux recule jusqu’à la chute.
Conclusion : comme 75 % des acheteurs
de catas Outremer, optez pour l’Hydranet
pour conserver plus longtemps des voiles
performantes. Au bout de 10 ans, il faudra
malgré tout penser à les changer.
Un moyen facile et pas cher
pour booster votre cata : la
corne de la grand-voile, héritée
de la planche à voile, du cata de
sport et de la course au large,
permet d’attraper de l’air plus
rapide (à 20 m de la surface, le
vent souffle sensiblement plus
fort) et offre une surface de voile
de 10 % supérieure. Effet de
mode ? En tout cas, deux
Outremer sur trois en sont équipés. Tout ça pour un supplément très raisonnable : 566
euros pour un Leopard 39,
1 094 euros pour un Nautitech
441 ou 442. Pour les Fountaine
Pajot, c’est même cadeau ! Petit
bémol : ce plan de voilure est
très efficace au débridé et au
La grand-voile à
portant, moins au près. Cyril
corne n’est pas qu’un effet de
Tricot préfère avertir les
mode : elle est vraiment plus
acquéreurs de Catana : « Par
puissante !
petit temps, en croisière, la
grand-voile à corne apporte un vrai bonus en performances. Mais pour
la grosse brise, ça devient vite très puissant ». Et donc pas si facile à gérer
en équipage réduit. A noter également : la corne, très lourde, n’est pas
vraiment adaptée à un tissu comme le Dacron, qui se déformera très
vite. Mieux vaut s’offrir une belle grand-voile à corne en Spectra.
7 - Allégez votre cata
Les volumes intérieurs
des multicoques
d’aujourd’hui (ici le
tri Neel 50) sont magnifiques… mais nous
poussent à (sur)charger,
ce qui est nocif aux
performances.
« Arrêtez de mettre
n’importe
quoi
dans vos catas ! »
C’est le cri du cœur
de l’architecte Marc Lombard. De nombreux acheteurs de catamarans sont
avant tout intéressés par le confort offert. Parfait… à ceci près que le
volume à outrance et le suréquipement se soldent par un devis de poids
catastrophique, et donc des performances médiocres. Pour autant, de
nombreux chantiers planchent pour alléger leurs bateaux. « L’enjeu, c’est
bien le poids, rappelle Erwan de Vuillefroy, responsable des ventes chez
Fountaine Pajot. C’est pourquoi nos coques et nos ponts sont réalisés en
injection et infusion et les cloisons en sandwich PVC ou nid d’abeilles ».
Même son de cloche chez Catana : « Nos clients sont sensibles au surpoids. Nos catas intègrent beaucoup de carbone en série. On en trouve
dans les cloisons structurelles et les renforts. Moins lourd et plus solide !
Pour le Catana 47, c’est tout de même 3,2 t de gagnées ! » Olivier Bissonet
et Bernard Voisin, forts de leurs années d’expérience au bureau d’études
d’Alliaura, sont spécialistes du refit. Ils nous livrent quelques pistes pour
alléger nos catas : « Si votre parc batteries est en fin de vie, il est judicieux
de passer à la technologie lithium/ion. Pour un parc de 8 batteries à 70 kg
pièce, c’est près de 280 kg de gagnés ». Ces batteries high tech durent plus
longtemps, mais réclament une gestion de charge intelligente. Et la batterie coûte tout de même 2 500 à 3 000 euros pièce. Autres pistes : le chauffeeau instantané, l’ancre et la chaîne de mouillage en matériau innovant et
le dessalinisateur plutôt que des gros réservoirs d’eau supplémentaires.
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8 - Centrez les poids
C’est évidemment les étraves, plus fines que les poupes, qui seront le
plus sensibles à la charge. Frédéric Signat ne manque pas de le répéter à
ses clients propriétaires de Lagoon : « En mer, les étraves doivent être
vides ou presque ! » Sous peine d’accentuer, dès le premier clapot rencontré, le tangage du cata. Un mouvement inconfortable pour l’équipage, mais également très néfaste à la bonne marche du bateau, à la
voile comme au moteur. Un autre
moyen de réduire le tangage ? S’offrir
un mât plus léger. Et donc troquer
l’aluminium contre du carbone. Pour
un 50 pieds, le gain est colossal, c’est
100 kg de gagnés dans les hauts. Se
débarrasser d’un bon quintal à 10 m
de hauteur ne change pas grandchose sur mer plate. Il faut du près et
des vagues pour découvrir un catamaran dont la plate-forme souffre
beaucoup moins. Au lieu de planter
des pieux, les carènes se dégagent
bien plus vite des vagues. Chez
Catana, voilà des années que les
mâts en « charbon » équipent les
bateaux. Une option qui reste très
onéreuse : 66 886 euros pour un
47. A la Grande Motte, chez
Outremer, les 45 et 49 arborent
eux aussi des mâts carbone.
Nautitech, sensible à l’optimisation des performances de ses
modèles, planche sur le sujet.
Un mât carbone, c’est
plusieurs dizaines de kilos de
gagnés, là où ça fait vraiment
mal : dans les hauts !
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Pour gagner en performance, optimisez le fardage de votre cata.
10 - Pour aller plus vite, équipement high
tech ou sens marin ?
9 - Optimisez le fardage
La plupart des catamarans de croisière affichent des fardages très conséquents : importante hauteur de coques et roof verticaux pour protéger
la nacelle du soleil ne facilitent pas le travail du plan de voilure au près.
Alors, évitez d’en rajouter ! Les panneaux solaires sur le rouf ou le
bimini sont préférables à ceux perchés sur des mâtereaux. En navigation, surtout si le près est au menu, rangez les protections latérales et
arrière du cockpit, repliez capotes et protections diverses, évitez de
céder à la tentation des filets de filières, il est vrai rassurants quand de
jeunes enfants se promènent à bord. Et l’annexe ? Pendant une longue
navigation, elle sera beaucoup mieux au fond d’un coffre, tout comme
le moteur et sa nourrice. Pour diminuer le fardage, bien sûr, mais aussi
pour éviter les mauvais coups. Par mauvaise mer, même amarré serrée,
un petit semi-rigide et son moteur peuvent mettre à mal les bossoirs les
plus costauds… voire disparaître en mer. Prochaine évolution probable,
évoquée chez Nautitech : les mâts pivotants qui permettent d’optimiser
les écoulements de part et d’autre de la grand-voile. Une configuration
déjà adoptée sur les one off signés Erik Lerouge et les petites unités,
mais pas sur les catas de grande série.
On a eu beau chercher chez les fabricants d’électronique et interroger
les convoyeurs professionnels, tous sourient en coin et tranchent le
débat : non, ce n’est pas le pilote dernier cri qui vous fera aller plus
vite. Mais bien l’expérience acquise au fil des milles parcourus.
Navigation après navigation, vous apprendrez à connaître les allures
et les conditions favorites de votre cata. Car pour commencer, le skipper, surtout s’il dispose d’un bateau puissant, a tendance à lever le
pied la nuit en réduisant la voilure. « Voilà pourquoi, explique Bruno
Voisard, responsable de Nautitech, les catas les plus rapides sur le
papier ne sont pas forcément les premiers arrivés aux Antilles. » Bien
voilé, bien barré, les
carènes toujours propres, votre cata ira plus
vite. Et bientôt, vous
affalerez le spi plus
tard, prendrez plaisir à
dévaler des vagues plus
escarpées. Sans prises
de risques, en bon
marin, vos moyennes
journalières augmenteront. Avec à la clé le
nouveau record de
vitesse du bord !
Le meilleur
équipement pour aller vite…
Un vrai vieux loup de mer !