Un catamaran de série préparé pour la grande croisière
Transcription
Un catamaran de série préparé pour la grande croisière
58-61 Booster_MM147-FR:bOOSTER 10/05/11 15:12 Page 58 BOOSTER SON CATA DE CROISIERE La vitesse en cata, c’est le top ! Un catamaran de série préparé pour la grande croisière n’ira jamais plus vite qu’un Formule 40 ou un Decision 35, c’est une cause entendue. Mais en adoptant les bons équipements, quelques règles d’entretien et une dose de sens marin, votre voilier, neuf ou d’occasion, peut devenir sensiblement plus véloce. Grâce aux conseils des pros, ne vous privez pas de gagner un, deux voire trois nœuds ! 58 Multicoques Mag - N°147 Texte : Emmanuel van Deth 58-61 Booster_MM147-FR:bOOSTER 10/05/11 15:12 Page 59 1 - Bichonnez vos carènes… et les appendices Un premier constat toujours utile à rappeler : les dérives, c’est mieux que les ailerons fixes. Certes, ces longues lames – parfois plus de trois mètres – sont sensibles aux chocs en cas de touchette. Raison pour laquelle les loueurs préfèrent les ailerons fixes. Mais elles offrent un bien meilleur cap au près. Et la possibilité de les relever un peu à haute vitesse diminue la surface mouillée et allège considérablement la pression sur les safrans. « Au portant, on relève tout », ajoute Cyril Tricot, directeur commercial de Catana. C’est évidemment tout bénef ’ pour la glisse. Oui, mais justement, pour bien glisser, il faut être parfaitement lisse… La plupart des chantiers livrent leurs catas avec un antifouling grossièrement appliqué au rouleau. Pour une application de plusieurs couches d’époxy et deux passes de peinture anti-salissures au pistolet, Nautitech sous-traite le job au Chantier Naval du Vieux Port, une prestation vendue 3 701 euros pour un Nautitech de 441 pieds. Fountaine Pajot, sur devis, propose également des belles préparations de carènes. Pour les autres chantiers, demandez plutôt à un pro une belle peinture au pistolet, suivie d’un ponçage à l’eau. Vous pourrez repasser dans deux ans une couche supplémentaire, toujours au pistolet. Ensuite, il faudra tout décaper. Et repartir à zéro. Eh oui, il faut bosser pour avancer plus vite… Autre alternative, le procédé époxy/cuivre d’Océoprotec, garanti cinq ans. Glisse optimum – soit 0,5 nœud de gagné comparé à un antifouling classique appliqué au rouleau – et juste un coup d’éponge de temps en temps. Mais un gros investissement au départ : comptez environ 12 000 euros pour un 40 pieds. Pour bien glisser, rien ne vaut une carène propre… Et pour l’obtenir, il n’y a pas beaucoup de solutions, sinon de frotter ! 3 - Un spi asy pour mieux descendre au portant ? Les catas les plus pointus ne rechigneront pas à s’offrir, en plus du gennaker, un spi asymétrique ou un Parasailor – un spi symétrique couplé à une aile de kite. Le but de ces voiles plus grandes et plus volumineuses est de mieux descendre au portant. Une voile intéressante lors d’une transat, poussé par les alizés. Les deux étraves peuvent faire office de tangon : il est possible d’amurer le spi sur la coque au vent pour descendre au mieux dans le lit du vent. Mais l’utilisation optimum du spi asy se résume à ces allures très abattues. Plus loffé, le catamaran marchera mieux avec un gennaker, pourtant plus petit. Pour faciliter les manœuvres, le spi est évidemment accompagné d’une chaussette. Envoyer et affaler depuis le trampoline n’a rien d’une punition avec cet astucieux accessoire inventé par Eric Tabarly. 2 - Offrez-vous un gennaker C’est la voile qui a la cote ! Pour l’architecte Christophe Barreau, « un gennaker, ça suffit, le spi asymétrique n’est pas nécessaire ». 35% des catas Fountaine-Pajot en sont équipés et tous les chantiers proposent cette voile en option, tout comme son accastillage, évidemment. Montée sur un emmagasineur, la voile en nylon se roule et se déroule en un tournemain. Bien stockée, elle reste sagement en place, même si les conditions se gâtent. Du coup, les skippers ont tendance à la laisser à poste, ce qui n’est pas du tout une bonne idée si la bordure de la voile n’est pas traitée contre les UV. Outre sa facilité d’utilisation, le gennaker, coupé assez plat, présente l’avantage à bord d’un multicoque d’être utilisable sur une large plage d’allures. Les catas, plus rapides que les monocoques au portant, se créent plus de vent apparent et naviguent donc plus pointue, même quand ils descendent au portant. Du coup, cette voile plate convient de 60/70° du vent – s’il n’est pas trop fort – à 150°. Pour un 40 pieds comme le Lagoon 400, un gennaker est facturé 5 450 euros, l’accastillage 1 788 euros. Chez Catana, on est plutôt génois léger. « Une voile qui remonte mieux au vent que le gennaker, explique Cyril Tricot. Par petit temps, ça marche fort. » Le gennaker est la voile magique : facile à manier et vraiment performante… 4 - Moins de traînée avec les hélices repliables « Tout ce qui dépasse sous l’eau est mauvais pour la vitesse », rappelle Christophe Barreau. Certains chantiers comme Nautitech ou Outremer Yachting équipent en standard tous leurs catas d’hélices à pales mobiles. Les propriétaires optent souvent, quand ils ont le choix, pour ce type d’hélice. Chez Fountaine Pajot, 50 % des bateaux commandés en sont équipés. Chez Lagoon, seuls les bateaux commandés par les loueurs conservent les bonnes vieilles hélices fixes, considérées comme plus fiables. Pourtant, Benoît d’Alançon, distributeur Autoprop, met en avant non seulement le gain colossal de vitesse sous voile des hélices à pales mobiles – de l’ordre d’un nœud comparé à un cata équipé d’hélices fixes – mais aussi les économies de carburant (jusqu’à 30 %) réalisées grâce à des hélices adaptées. A noter également : « Jusqu’à 15 nœuds de vitesse moyenne, une hélice à mise en drapeau convient parfaitement. Mais pour les plus rapides, on n’utilise que des hélices repliables ». Une bonne hélice à pales mobiles peut faire gagner jusqu’à 1 nœud sous voile et faire faire de grosses économies de carburant au moteur. Rien de plus excitant qu’un bord sous spi… Multicoques Mag - N°147 59 58-61 Booster_MM147-FR:bOOSTER 10/05/11 15:13 Page 60 BOOSTER SON CATA DE CROISIERE 6 - Une grand-voile à corne pour la pêche dans la pétole ? 5 - Voiles : du creux là où il faut avec un tissu adapté Attention : pour un beau jeu de voiles, il faut non seulement une belle coupe, mais aussi le tissu adéquat ! Pour la grande croisière, les chantiers recommandent volontiers l’Hydranet plutôt que le Dacron pour la grand-voile et le génois. Un sage conseil selon nous : si le surcoût est loin d’être négligeable – pour un Nautitech 47, comptez une plus-value de 9 258 euros pour la grand-voile et 2 739 euros pour le génois –, ce sandwich élaboré à partir de fils Dacron et Spectra offre la possibilité d’une coupe orientée (plus résistante que les grandes laizes), une excellente résistance au ragage, au déchirement et surtout une formidable stabilité de forme. Le creux reste où il faut, sur le tiers avant de la voile. Il ne recule pas même par bonne brise… et après 5 à 8 ans d’usage intensif, le tissu est toujours en bon état, là où le Dacron est déjà complètement déformé – le creux recule jusqu’à la chute. Conclusion : comme 75 % des acheteurs de catas Outremer, optez pour l’Hydranet pour conserver plus longtemps des voiles performantes. Au bout de 10 ans, il faudra malgré tout penser à les changer. Un moyen facile et pas cher pour booster votre cata : la corne de la grand-voile, héritée de la planche à voile, du cata de sport et de la course au large, permet d’attraper de l’air plus rapide (à 20 m de la surface, le vent souffle sensiblement plus fort) et offre une surface de voile de 10 % supérieure. Effet de mode ? En tout cas, deux Outremer sur trois en sont équipés. Tout ça pour un supplément très raisonnable : 566 euros pour un Leopard 39, 1 094 euros pour un Nautitech 441 ou 442. Pour les Fountaine Pajot, c’est même cadeau ! Petit bémol : ce plan de voilure est très efficace au débridé et au La grand-voile à portant, moins au près. Cyril corne n’est pas qu’un effet de Tricot préfère avertir les mode : elle est vraiment plus acquéreurs de Catana : « Par puissante ! petit temps, en croisière, la grand-voile à corne apporte un vrai bonus en performances. Mais pour la grosse brise, ça devient vite très puissant ». Et donc pas si facile à gérer en équipage réduit. A noter également : la corne, très lourde, n’est pas vraiment adaptée à un tissu comme le Dacron, qui se déformera très vite. Mieux vaut s’offrir une belle grand-voile à corne en Spectra. 7 - Allégez votre cata Les volumes intérieurs des multicoques d’aujourd’hui (ici le tri Neel 50) sont magnifiques… mais nous poussent à (sur)charger, ce qui est nocif aux performances. « Arrêtez de mettre n’importe quoi dans vos catas ! » C’est le cri du cœur de l’architecte Marc Lombard. De nombreux acheteurs de catamarans sont avant tout intéressés par le confort offert. Parfait… à ceci près que le volume à outrance et le suréquipement se soldent par un devis de poids catastrophique, et donc des performances médiocres. Pour autant, de nombreux chantiers planchent pour alléger leurs bateaux. « L’enjeu, c’est bien le poids, rappelle Erwan de Vuillefroy, responsable des ventes chez Fountaine Pajot. C’est pourquoi nos coques et nos ponts sont réalisés en injection et infusion et les cloisons en sandwich PVC ou nid d’abeilles ». Même son de cloche chez Catana : « Nos clients sont sensibles au surpoids. Nos catas intègrent beaucoup de carbone en série. On en trouve dans les cloisons structurelles et les renforts. Moins lourd et plus solide ! Pour le Catana 47, c’est tout de même 3,2 t de gagnées ! » Olivier Bissonet et Bernard Voisin, forts de leurs années d’expérience au bureau d’études d’Alliaura, sont spécialistes du refit. Ils nous livrent quelques pistes pour alléger nos catas : « Si votre parc batteries est en fin de vie, il est judicieux de passer à la technologie lithium/ion. Pour un parc de 8 batteries à 70 kg pièce, c’est près de 280 kg de gagnés ». Ces batteries high tech durent plus longtemps, mais réclament une gestion de charge intelligente. Et la batterie coûte tout de même 2 500 à 3 000 euros pièce. Autres pistes : le chauffeeau instantané, l’ancre et la chaîne de mouillage en matériau innovant et le dessalinisateur plutôt que des gros réservoirs d’eau supplémentaires. 60 Multicoques Mag - N°147 8 - Centrez les poids C’est évidemment les étraves, plus fines que les poupes, qui seront le plus sensibles à la charge. Frédéric Signat ne manque pas de le répéter à ses clients propriétaires de Lagoon : « En mer, les étraves doivent être vides ou presque ! » Sous peine d’accentuer, dès le premier clapot rencontré, le tangage du cata. Un mouvement inconfortable pour l’équipage, mais également très néfaste à la bonne marche du bateau, à la voile comme au moteur. Un autre moyen de réduire le tangage ? S’offrir un mât plus léger. Et donc troquer l’aluminium contre du carbone. Pour un 50 pieds, le gain est colossal, c’est 100 kg de gagnés dans les hauts. Se débarrasser d’un bon quintal à 10 m de hauteur ne change pas grandchose sur mer plate. Il faut du près et des vagues pour découvrir un catamaran dont la plate-forme souffre beaucoup moins. Au lieu de planter des pieux, les carènes se dégagent bien plus vite des vagues. Chez Catana, voilà des années que les mâts en « charbon » équipent les bateaux. Une option qui reste très onéreuse : 66 886 euros pour un 47. A la Grande Motte, chez Outremer, les 45 et 49 arborent eux aussi des mâts carbone. Nautitech, sensible à l’optimisation des performances de ses modèles, planche sur le sujet. Un mât carbone, c’est plusieurs dizaines de kilos de gagnés, là où ça fait vraiment mal : dans les hauts ! 58-61 Booster_MM147-FR:bOOSTER 10/05/11 15:13 Page 61 Pour gagner en performance, optimisez le fardage de votre cata. 10 - Pour aller plus vite, équipement high tech ou sens marin ? 9 - Optimisez le fardage La plupart des catamarans de croisière affichent des fardages très conséquents : importante hauteur de coques et roof verticaux pour protéger la nacelle du soleil ne facilitent pas le travail du plan de voilure au près. Alors, évitez d’en rajouter ! Les panneaux solaires sur le rouf ou le bimini sont préférables à ceux perchés sur des mâtereaux. En navigation, surtout si le près est au menu, rangez les protections latérales et arrière du cockpit, repliez capotes et protections diverses, évitez de céder à la tentation des filets de filières, il est vrai rassurants quand de jeunes enfants se promènent à bord. Et l’annexe ? Pendant une longue navigation, elle sera beaucoup mieux au fond d’un coffre, tout comme le moteur et sa nourrice. Pour diminuer le fardage, bien sûr, mais aussi pour éviter les mauvais coups. Par mauvaise mer, même amarré serrée, un petit semi-rigide et son moteur peuvent mettre à mal les bossoirs les plus costauds… voire disparaître en mer. Prochaine évolution probable, évoquée chez Nautitech : les mâts pivotants qui permettent d’optimiser les écoulements de part et d’autre de la grand-voile. Une configuration déjà adoptée sur les one off signés Erik Lerouge et les petites unités, mais pas sur les catas de grande série. On a eu beau chercher chez les fabricants d’électronique et interroger les convoyeurs professionnels, tous sourient en coin et tranchent le débat : non, ce n’est pas le pilote dernier cri qui vous fera aller plus vite. Mais bien l’expérience acquise au fil des milles parcourus. Navigation après navigation, vous apprendrez à connaître les allures et les conditions favorites de votre cata. Car pour commencer, le skipper, surtout s’il dispose d’un bateau puissant, a tendance à lever le pied la nuit en réduisant la voilure. « Voilà pourquoi, explique Bruno Voisard, responsable de Nautitech, les catas les plus rapides sur le papier ne sont pas forcément les premiers arrivés aux Antilles. » Bien voilé, bien barré, les carènes toujours propres, votre cata ira plus vite. Et bientôt, vous affalerez le spi plus tard, prendrez plaisir à dévaler des vagues plus escarpées. Sans prises de risques, en bon marin, vos moyennes journalières augmenteront. Avec à la clé le nouveau record de vitesse du bord ! Le meilleur équipement pour aller vite… Un vrai vieux loup de mer !