La révolution culturelle des fabricants « high
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La révolution culturelle des fabricants « high
FRANÇOISE MÉNAGER POUR « LES ÉCHOS » Tous droits réservés - Les Echos 201231/1/2012P.14Idées La révolution culturelle des fabricants « high-tech » L’ANALYSE DE MAXIME AMIOT ET ROMAIN GUEUGNEAU pple enfonce le clou. En annonçant, la semaine dernière, un premier trimestre fiscal historique – 46 milliards de dollars de revenus et un bénéfice de 13 milliards –, la firme à la pomme a assommé ses concurrents, déjà bien mal en point. Pertes pour Sony, Nokia, RIM, LG, Panasonic, Acer ou Nintendo, profits en baisse chez HTC ou Toshiba… La lecture des comptes des autres fabricants du Consumer Electronics est plus que morose. Sans compter ceux qui ont décidé de jeter l’éponge – Philips, qui a vendu en décembre sa division TV au chinois TPV – ou ceux qui ont été tentés de le faire – comme HP, vendeur en août de sa division PC, avant de se raviser. Au final, seuls quelques fabricants parviennent à suivre le rythme imposé par la pomme, comme le coréen Samsung dans les smartphone, ou le chinois Lenovo dans les PC. Comment expliquer l’incapacité de ces grands noms à reprendre le leadership ? Une partie de la réponse était visible au Consumer Electronics Show, le plus grand Salon mondial de l’électronique grand public, il y a quinze jours à Las Vegas. Les innovations produits y furent discrètes. On y a certes découvert les premiers téléviseurs Oled – Organic Lighting Emitting Diode – commercialisés par Samsung et LG. Sony y a exposé des téléviseurs 4K – une définition d’image quatre fois supérieure à la haute définition –, et présenté sa technologie d’image « Crystal LED ». Mais au final, aucun produit susceptible de créer de nouveaux marchés de masse. La réponse au succès de l’iPad d’Apple s’est limitée à l’offensive des Ultrabook, ces PC ultrafins qui ressemblent étrangement au Mac Book Air d’Apple sorti en… 2008. Les fabricants seraient-ils devenus incapables d’innover ? Ce serait faire injureauxSony,PanasonicouAcer,dont les produits envahissent notre quotidien. Mais le modèle économique de ces groupes, porté avant tout sur l’innovation matérielle, montre ses limites. La faute à Apple, mais aussi à Google, Amazon, voire aux concepteurs de puces Qualcomm et Nvidia. Ces nouveaux géants du numérique ont montré qu’on pouvait se passer du hardware, à condition de disposer d’une maîtrise unique des logiciels et contenus. Ainsi, A ils ne possèdent aucune usine et confient toute leur production à Taiwan, qu’il s’agisse d’Apple chez Foxconn, d’Amazon chez Quanta, ou de Qualcomm chez TSMC. Reste ensuite à se concentrer là où est la valeur : l’ergonomie et le design, le logiciel – les systèmes d’exploitation iOS pour Apple, Android pour Google –, les applications et contenus – livres pour Amazon, musique et vidéos sur l’iTunes d’Apple. Les terminaux d’Apple et d’Amazon ne sont pas forcément les plus puissants, mais ils se concentrent sur l’expérience utilisateur. Pour les groupes traditionnels, cette course à la dématérialisation constitue un changement de culture radical. Il ne La télévision devient un appareil intelligent, capable d’interagir avec son utilisateur. Chez LG et Samsung, il sera désormais possible de commander son écran par la voix. Et bientôt par les gestes. Tout est bon pour dépoussiérer les produits existants en intégrant plus d’interactivité. C’est ce que réalise Microsoft, en rappelant que le système de reconnaissance vocale et gestuelle Kinect, utilisé sur sa console de jeux vidéo Xbox, sera compatible dès le mois prochain sur les PC Windows. Les géants de l’électronique rendent leurs appareils plus communicants. Cette rencontre entre l’univers du hardware et du software annonce bien Pour continuer à exister et se différencier, les industriels doivent proposer de nouveaux usages, basés sur la connectivité, l’accès simple aux contenus et les interactions. suffit plus de dépasser la loi de Moore – qui consiste à doubler le nombre de transistors sur une puce tous les dix-huit mois –, et de proposer des appareils toujours plus puissants et plus fins. Ce type d’activités tend à se banaliser, comme en témoigne la chute de profitabilité des fabricants de TV et de PC. Pour continueràexisteretsedifférencier,lesindustriels doivent proposer de nouveaux usages, basés sur la connectivité, l’accès simple aux contenus, et les interactions. Les fabricants tentent donc de faire évoluer leur positionnement. On le voit dans les téléviseurs avec la ruée sur la « smart TV », ou télévision connectée. L’enjeu : être présent sur ce marché de services et de contenus, afin de ne pas devenir de simples fournisseurs de boîtes sans valeur ajoutée. Un exercice nouveau pour les industriels, qui, pour l’heure, expérimentent plusieurs modèles. Certains (LG, Samsung, Sony...) tentent de s’appuyer sur la puissance de Google et de ses applications Android, avec la Google TV. D’autres testent la constitution de leur propre écosystème via des partenariats. Tandis que Samsung propose plus de 50.000 applications sur ses « smart TV », LG y intègre des services de « cloud gaming » offrant l’accès à un catalogue de jeux vidéo en « streaming », sans avoir besoin d’une console ou d’un PC. des bouleversements. On le voit déjà dans l’informatique, avec la fin de l’alliance entre Microsoft et Intel, qui a dominé l’industrie pendant trente ans à travers le système d’exploitation (Windows) du premier et les puces du second, et qui voit émerger de nouvelles alliances (Microsoft avec Nokia, Android avec Intel...). Du côté des géants du Consumer, il faudra s’adapter ou disparaître. Un groupe comme Sony, présent sur les contenus (Sony Pictures, Sony Music) comme sur les produits (téléviseurs, smartphones, jeux vidéo, audio, PC...) a théoriquement de belles cartes à jouer. Pour l’heure, la forte culture « ingénieur » du géant japonais continue de freiner son développement. A l’inverse, le mastodonte industriel Samsung parvient plus facilement à défricher ces nouveaux métiers. Il l’a montré au CES en dévoilant le lancement de sa propre régie publicitaire, baptisée AdHub, qui permettra aux développeurs et annonceurs de passer des publicités (vidéos, photos ou interactives) sur le portail d’applications « Smart TV » du fabricant. Une démarche certes éloignée de l’esprit « geek », mais qu’Apple n’aurait pas reniée. Maxime Amiot et Romain Gueugneau sont journalistes au sein du service High-tech Médias des « Echos »