lettre de l`Association des archivistes français
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Archivistes ! La lettre de l’Association des archivistes français juillet - septembre 2014 | n° 110 Archives, histoire et mémoires des quartiers : la coopération continue, le soutien des ministères est attendu... Notre groupe de travail, dédié à ces questions au sein de notre association, continue sa mobilisation après la coorganisation avec le Réseau Mémoireshistoires en Île-de-France (RMH-IdF) de la journée « Archives, histoire, travail de mémoire et politique de la ville : quels modes de coopération pour quelles politiques publiques ? », le 6 mai dernier, à Paris. p. 18 Une convention de partenariat commune aux Archives nationales et à l’AAF Le 26 mars 2014, dans le cadre de notre Assemblée générale, tenue sur le site de Pierrefitte-sur-Seine des Archives nationales, l’AAF et les Archives nationales ont signé une convention de partenariat. p. 17 L’AAF a participé à la réunion du TC46 de l’ISO à Washington dossier Des clés pour faire de la GED un atout pour l’archiviste Dans le contexte actuel de dématérialisation, la GED est un outil plébiscité par de nombreuses organisations. Faisons la lumière sur ce qui se cache derrière ces trois lettres : un outil informatique et bien plus… p. 24 Livre électronique : les tweets du forum #Angers2013 p. 26 Astaré : clés pour commencer votre auto-évaluation p. 27 Sylvie Dessolin-Baumann et Charlotte Maday, présidente et membre du bureau de la commission Records management Gestion des documents d’activité de l’AAF, ont participé à la délégation représentant la France à la réunion du comité TC46 Information et documentation de l’ISO, à Washington du 5 au 10 mai 2014. p. 22 Le Salon des maires, à la rencontre des élus et des cadres Rendez-vous incontournable des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux depuis 1996, le Salon des maires et des collectivités territoriales ouvrira ses portes à la fin du mois de novembre. p. 21 L’AAF et l’ICA vous proposent une offre d’adhésion commune ! p. 47 Débats Dans le cadre des débats sur la terminologie du records management, nous vous proposons — Fin de la controverse autour de la traduction de records le point de vue de Michel Roberge. N’hésitez pas à réagir et à proposer, vous aussi, votre contribution. Lorsque l’Organisation internationale de normalisation ISO a publié, en 2001, la version française de la norme 15489 sous le titre Information et documentation — « Records Management » (RM), les archivistes spécialistes de l’application des principes et des méthodes de gestion, de protection et d’exploitation des documents d’archives de conservation permanente de différents pays ont fait la découverte du concept de RM. Une réalité de management des organisations nord-américaines depuis au moins quatre-vingts ans. En effet, le RM est bel et bien né aux ÉtatsUnis. Dès 1934, à Washington, les National archives and records services (NARS) distinguaient le records management de l’archive management. La première fonction correspondait à la gestion des records pendant leur durée de vie utile comme témoins des activités de mission d’une organisation et des activités de gestion interne, en soutien aux activités de mission. La seconde se consacrait à la conservation permanente en raison de leur valeur historique ou patrimoniale d’une portion des records dont la vie utile à des fins de management est terminée. Il est à noter qu’au cours des années 70-80, le NARS a joué un rôle important dans la définition des bonnes pratiques de RM. L’agence gouvernementale américaine a publié plusieurs guides portant sur différents aspects du RM tels que l’établissement de schémas hiérarchiques de classification (Classification Schemes) et de règles de conservation (Records Schedules), la gestion du courrier (Mail Management), le microfilmage des documents (Microfilming), la protection des documents essentiels (Vital Records), etc. À la fin des années 60, aux États-Unis puis au Québec, un ouvrage a favorisé la mise en place de systèmes de records management. C’était à une époque où émergeait à peine l’informatique et où les dossiers n’étaient composés que d’informations consignées sur du papier avec comme possibilité de supports de substitution sous forme de microfiches ou de microfilms en rouleaux. Ce manuel était signé William Benedon (directeur des services administratifs à la Lockheed Martin Corporation) : Records management1. Un livre qui a fait école au Québec francophone et dans les pays anglo-saxons, mais dont on a peu ou pas connu l’existence ailleurs dans la francophonie. William Benedon définissait ainsi les records : « Any paper, book, photograph, microfilm, map, drawing, chart, card, magnetic tape, or any copy or print-out thereof, that has been generated or received by a company or its operating units, and has been used by that company or its operating units or its successor as evidence of its activities or because of information contained there in2. » Quelques mots sont importants dans cette 1. William Benedon, Record Management, New York, Prentice-Hall, 1969. 2. Ibid., p. 258. 12 définition. D’une part, l’adjectif indéfini any confirmant que le RM vise l’ensemble de tous les documents et les dossiers d’une organisation et non seulement les documents dit « engageants » ou « essentiels » pour l’organisme. Et d’autre part l’expression « evidence of its activities » liant les documents à la réalisation des activités. La définition de Benedon correspond-elle à un énoncé d’un autre siècle ? Dans Managing Records, ouvrage publié en 20033 dans la foulée de l’adoption de la norme ISO 15489, Elizabeth Shepherd et Geoffrey Yeo définissent ainsi record et activity : Record : « The essential characteristic of a record is that it provides evidence of some specific activity. […] Records provide evidence that can be used in any situation where proof of a particular activity is required4. » Activity : « An action or set of actions undertaken by an individual, a group of individuals or a corporate body, or by employees or agents acting on its behalf, and resulting in a definable outcome5. » 3. Elizabeth Shepherd et Geoffrey Yeo, Managing Records, Londres, Facet publishing, 2003. 4. Ibid., p. 2. 5. Ibid. Archivistes ! n°110 | juillet - septembre 2014 Débats À la page suivante, ces deux spécialistes font le lien entre une activité et la création d’un record : « Records are a product of organisational activity, created or received during of after completion of the activity itself6. » Sur le site Internet des US National archives, on peut actuellement aussi y lire la définition suivante de records : As used in this chapter, « records » includes all books, papers, maps, photographs, machine readable materials, or other documentary materials, regardless of physical form or characteristics, made or received by an agency of the United States Government under Federal law or in connection with the transaction of public business and preserved or appropriate for preservation by that agency or its legitimate successor as evidence of the organization, functions, policies, decisions, procedures, operations, or other activities of the Government or because of the informational value of data in them. Library and museum material made or acquired and preserved solely for reference or exhibition purposes, extra copies of documents preserved only for convenience of reference, and stocks of publications and of processed documents are not included7. La dénomination des nouvelles normes de la série 3030X (et probablement celle de la 15489 bientôt révisée) encadrant les systèmes de gestion des documents d’activité est conforme à la définition initiale et même contemporaine du RM. Elle est le résultat du consensus de vingt-six pays (dont le Canada et la France) à la suite des travaux du souscomité ISO/TC 46/SC 11 (Archives/Gestion des documents d’activité). En effet, il est bien évident que les records correspondent à l’ensemble des dossiers ou des documents d’activité d’une organisation. Ils transgressent même les frontières de leur durée de vie utile à des fins de management. À preuve, en 2014, cette déclaration des US National archives qui les intègrent au cœur de leur mission de préservation des docu- 6. Elizabeth Shepherd et Geoffrey Yeo, Managing Records, op. cit., p. 3. 7. (http : //www.archives.gov/about/laws/disposal-ofrecords.html#def) Archivistes ! n°110 | juillet - septembre 2014 ments d’archives : « The National Archives is the nation’s records keeper. We preserve and provide access to the permanent records of the federal government8. » Depuis quelques années, des expressions simplistes, ineptes, voire absconses, circulent dans les forums et les blogs : « gestion des enregistrements », « gestion des documents engageants », « managerial de l’archivage » et l’« archivage documentaire ». D’autres pèchent par leur manque de précision quant à l’objet de gestion : « gestion des documents », « gestion documentaire », « gestion de l’information » ou encore « gestion des connaissances ». Même la cooccurrence « gestion des documents administratifs », que j’ai personnellement utilisée dès 1983, en opposition à l’« archivistique » ou à la « gestion des archives », porte à confusion en donnant l’impression qu’elle délaisse l’ensemble des documents d’activités de mission. Un métier ou une profession s’impose par l’emploi d’un vocabulaire simple, clair et signifiant. En 2011, ISO a tranché en recommandant l’adoption de l’expression « gestion des documents d’activité ». Vingt-six pays s’y sont engagés, d’autant plus que dix ans plus tôt, la norme 15489 ciblait clairement les documents « créés, reçus et préservés à titre de preuve et d’information par une personne physique ou morale dans l’exercice de ses obligations légales ou la conduite de son activité ». Même la loi française du 3 janvier 1979 vise les documents « quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de leur activité ». Sans oublier le Manuel d’archivistique français qui associait aussi les documents d’un fonds d’archives d’un « corps administratif » à « son activité9 ». En conclusion, il est souhaitable que tous les spécialistes de la gestion des documents d’activité de l’ensemble de la francophonie adoptent un vocabulaire unifié, conforme à celui recommandé par les organismes de normalisation internationaux et nationaux. 8. www.ustream.tv/usnationalarchives Et ce, afin de nous imposer comme experts auprès des décideurs à qui nous offrons nos services, essentiels au management efficace et efficient des services publics et des entreprises. Et de grâce, cessons d’entretenir la confusion des genres en associant, entre autres, gestion des documents d’activité et archivage, deux étapes évidentes du cycle de vie des documents dans une organisation. Et de constamment remettre les pendules à l’heure par des initiatives individuelles qui bifurquent par rapport à la direction prise par la collectivité ! Michel Roberge Expert en gestion intégrée des documents d’activité Michel Roberge Diplômé de l’Université Laval, il a été, depuis 1975, archiviste au Service des archives de l’Université Laval, analyste en gestion des documents au ministère des Richesses naturelles du gouvernement du Québec et responsable du développement des systèmes aux Archives nationales du Québec (ANQ). Il a également été professeur au Certificat en gestion des documents administratifs et des archives de l’UQAM, avant de fonder son entrepriseconseil en gestion documentaire, GESTAR Experts en gouvernance documentaire. En 1983, il a publié son premier ouvrage en français sur le Records management : La gestion des documents administratifs. 9. Manuel d’archivistique français, 1970, p. 23. 13