A travers la Fondation Berliet, nous voulons être
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A travers la Fondation Berliet, nous voulons être
« A travers la Fondation Berliet, nous voulons être un point de référence pour redonner à cette région sa fierté ! » Entretien avec Monsieur Paul Berliet. Paul Berliet, fils de Marius Berliet (fondateur de l’entreprise), a assuré le développement de l’entreprise de son père à partir des années 50. Il est actuellement président de la Fondation Berliet. Berliet, « poids lourd de l’industrie lyonnaise », a marqué le territoire de son génie dans la mécanique. Parmi les véhicules phares construits par Berliet, citons par exemple la « Gazelle » surnommée ainsi en hommage à ses capacités de franchissement ou encore le T 100, l’un des plus gros camions du monde. Robustesse, agilité, longévité, telles étaient les caractéristiques de la marque Berliet dont l’usine de Vénissieux a entraîné toute la région. Paul Berliet nous raconte l’épopée de cette entreprise dont le savoir-faire inspire encore les constructeurs d’aujourd’hui. Propos recueillis par Geoffroy Bing (Nova7) le 27 mai 2008 Comment est né ce génie de la mécanique mécaniques sur les métiers ! Il est certain chez Marius Berliet ? qu’à Lyon le génie de la mécanique trouve Il a quitté l’école dès 15 ans et a été élève une source importante dans la fabrication pendant 2 ou 3 ans à la SEPR (Société des tissus parce que les métiers à tisser d’Enseignement Professionnel du Rhône) demandaient pour étudier la mécanique dont il avait le fonctionnaient à partir d’engrenages, donc génie, et aussi l’anglais, car déjà à cette il époque, D’ailleurs, il mesurait l’importance de y avait des beaucoup le premier réglages, de ils mécanique. compagnon de maîtriser cette langue pour l’avenir. En Marius Berliet était un gareur (personne travaillant chez son père (qui était canut), qui travaillait sur les métiers à tisser). il réussit à multiplier le chiffre d’affaires par 10 en trouvant des astuces 1 Quand a-t-il fabriqué sa première concours militaires d’avant la première voiture ? guerre ! Avec la guerre, le gouvernement Il a fabriqué sa première voiture en 1895. lui a demandé d’arrêter la production de la Elle finira d’ailleurs dans la vitrine d’un voiture et de faire exclusivement des boucher-charcutier de la Grand’Côte. Cela camions ne va pas le décourager pour autant… En Verdun. dont beaucoup sont allés à 1902, à 36 ans, il est à la tête de 250 ouvriers et cadres dans son usine de Quel était le secret de Berliet pour Montplaisir ! fabriquer des véhicules de cette qualité tant appréciée ? Comment Marius Berliet en est-il venu à Outre son génie de la mécanique, mon fabriquer des camions ? père Marius Berliet a été aussi le premier d’importance à la formation. Autrement promoteur de l’usage du camion parce dit, il a su partager son savoir-faire et sa qu’il de passion auprès de ses collaborateurs et de raccordement entre ses usines, l’usine de ses ouvriers. Dès 1906, il créé une école Montplaisir n’étant pas raccordée. Il a des chauffeurs pour les former à quelques donc eu des flottes de camions qui lui ont rudiments servi à chercher les composants à St fonctionnement Etienne, Chambéry ou Annecy. Mais au- bout d’un an, fort du succès de cette delà, caractère école, il décide de l’ouvrir à ses ouvriers. visionnaire : il a eu le génie technique du Berliet n’avait pas d’école-maison, donc camion en 1907 et du transport collectif les apprentis de l’école technique n’étaient de voyageurs en 1911. Il avait anticipé pas obligés de travailler chez Berliet à la l’utilité de ce type de transport qui, pour suite de leur apprentissage. Pour Berliet, la lui, allait supplanter tôt ou tard la traction formation devait permettre de hausser le hippomobile. L’Entre-deux-guerres lui a niveau général d’éducation de la main donné raison ! Très vite, ces camions ont d’œuvre locale. C’est quelque chose dont démontré la n’avait Marius une pas de avait grande moyens un puissance et robustesse. Ils ont remporté tous les a région l’époque, toujours de a le la attaché mécanique d’une et du automobile. Au beaucoup vivier beaucoup de bénéficié. la A mécanique 2 lyonnaise, c’était l’école technique Berliet ! diesel : les Anglais (AEC), les Allemands Si nous avons été reconnus dans de (Deutz) et les Suisses (Saurer) ont déjà nombreux pays, c’est parce qu’on savait équipé leurs camions de moteurs diesel. travailler ! C’est à ce moment là qu’il décide de s’engager à fond dans le diesel. A L’avance de Berliet sur ses concurrents l’époque, le diesel vaut trois fois moins n’était-elle due qu’à l’effort de formation ? cher que l’essence et la consommation est En 1962, il y a eu la création d’un centre de 30 à 40% moins élevée ! Ses premiers d’étude et de recherche sur 30 ha ! Ce fut moteurs diesel sont fabriqués à partir de une décision stratégique extraordinaire l’achat de licences portant sur la chambre qui vaut d’ailleurs probablement à Renault de Trucks d’être extrêmement bien considéré Ricardo) aujourd’hui savoir-faire améliorations successives. Puis, avec l’aide technique. Beaucoup d’ingénieurs venant du centre de recherche, il parvient par la de l’aéronautique ont intégré ce centre de suite recherche. Songez que le nombre de combustion maison en 1965 sur un 6 brevets cylindres. Le pari est remporté ! en terme déposés de par Berliet a combustion à à (systèmes laquelle concevoir il Acro puis apporte des un système de considérablement augmenté à partir de 65-66 et que la maîtrise du moteur diesel Vous-même avez continué l’œuvre de a été totale chez Berliet. votre père en déployant le génie Berliet à l’international. A ce propos, le diesel occupe une place expliquer importante expansion internationale ? dans l’histoire de Berliet. la Pouvez-vous philosophie de nous cette Pouvez-vous nous dire en quoi ? A partir des années 50, quand j’ai repris Il ne faut pas oublier que Marius Berliet l’entreprise en main, j’ai dû chercher du était motoriste au départ. Il est d’ailleurs travail et des débouchés ailleurs pour l’un des rares constructeurs français à assurer l’avenir de l’entreprise. J’étais face avoir toujours monté sur ses productions à un concurrent français (Renault) qui avait des moteurs de sa propre facture. Et en le soutien du gouvernement, qui avait 1929, il se rend compte du potentiel du toutes les commandes (EDF, RATP, etc.). 3 Notre développement international passait 1958). Dans la même logique, il y a eu la bien sûr par l’exportation et la vente Pologne pour le PR 100, le Sénégal et classique en Cuba. C’était une aide aux pays en Belgique, en Espagne, en URSS et en développement. L’enjeu sous-jacent étant Afrique. Mais il passait aussi et surtout par que ces pays acquièrent progressivement le transfert de notre technologie dans un une maîtrise technologique équivalente à grand nombre de pays. Dans la droite la nôtre. Par conséquent, nous étions ligne des principes qui ont guidé mon nous-mêmes encouragés à innover et à père, aux progresser autochtones à se servir de leurs mains. dépasser ! de je véhicules voulais complets apprendre pour ne pas nous faire C’est donc à travers la vente de licences, de brevets et le transfert technologique, Le rachat de votre entreprise Renault finira que nous avons impulsé des dynamiques par provoquer la disparition de la marque économiques Berliet. Pouvez-vous nous raconter cet vertueuses dans de nombreux pays en voie de développement épisode ? en formant les gens et en leur apportant la A la fin des années 60, il fallait que je me maîtrise de l’outil de production. développe par tous les moyens malgré le blocage des prix, et en particulier vers Certains diraient aujourd’hui qu’il l’extérieur. J’ai été donc devant le choix : s’agissait de délocalisations ? soit m’intégrer à un grand groupe, soit Non, ce n’était pas une stratégie de vendre Berliet. J’ai choisi de m’intégrer au délocalisation ! L’usine qui a été faite en groupe Michelin en 1967. Cette relation Chine n’a jamais envoyé des camions en fructueuse nous a permis d’embaucher France ! Elle était faite pour que les 1000 personnes par an pendant 7 ans ! En Chinois, après que les Russes les ont 1974, Berliet entre dans le groupe Renault laissés tomber, retrouvent une industrie qui, de 1975 à 1978, a eu deux filiales locale. En 1964, ils sont venus chercher poids lourds (Berliet et Saviem). En 1978, Berliet en France pour faire ce travail parce Berliet absorbe Saviem et s’appelle Renault qu’ils avaient vu la manière dont Berliet Véhicules Industriels. En 1980, malgré les avait procédé en Algérie et au Maroc (en promesses, les deux marques 4 dire industriel de Vénissieux où sont exposés qu’entre Renault et Berliet, ce fut le choc une trentaine de véhicules construits sur des « 2P » : d’un côté, Renault était une le site entre 1918 et 1980, pour pouvoir entreprise montrer disparaissent… ! J’ai Publique coutume et de Parisienne, de ce qu’on a su faire ! Ces l’autre, Berliet était une entreprise Privée démarches permettent très certainement et Provinciale… d’ancrer la crédibilité et la continuité du constructeur. Aujourd’hui, la présence et la performance de Renault Trucks à Lyon ne consacrent- Comment elles pas le génie de Berliet ? pourrait-il être davantage valorisé ? Lyon est aujourd’hui encore la Capitale Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la des Poids Lourds bien sûr, bien que Fondation l’entreprise familiale ait disparu ! Devant seulement du passé de Berliet mais aussi l’importance de l’histoire de l’automobile de la conservation de l’histoire du camion lyonnaise, la français et de la voiture lyonnaise en Fondation. Aujourd’hui, nous faisons tout général. C’est par cette ouverture que notre possible pour aider Renault Trucks nous sommes reconnus d’utilité publique. dans son développement ! J’ai eu le plaisir Notre de découvrir leur « Halle du Design » à conservation. S’agissant de la valorisation, Saint-Priest qui comprend une salle Paul je dirais que nous la faisons à notre main. Berliet ! A l’époque, nous étions déjà allés Nous ne sommes pas un sanctuaire que chercher les meilleurs designers pour personne ne voit : nous sommes ouverts à concevoir nos cabines ! Par ailleurs, nous un certain nombre de groupes pour autant avons eu récemment la visite du directeur qu’ils aient un intérêt dans le patrimoine du musée de Volvo qui est venu voir industriel comment on travaillait sur le plan des associations, etc.). Et puis nous avons archives. Ils estiment que nous sommes forgé notre notoriété à travers notre un centre de ressources. Renault Trucks a centre d’archives et de documentation : également créé un espace appelé « Atelier des Berliet viennent de loin pour chercher des plans j’ai Passion » décidé dans de un créer bâtiment le patrimoine Berliet première ou ne fonction de s’occupe est automobile collectionneurs et Berliet des donc pas la (clubs, étudiants 5 ou réaliser des travaux universitaires ! croissant pour le Régulièrement, nous occupons un stand patrimoine industriel. Et il est certain que aux salons Rétromobile et Epoqu’auto où, si un jour l’idée d’un musée venait à mûrir cette année, Berliet sera d’ailleurs mis à à Lyon, qui n’a pas de musée ou d’espace l’honneur. Autrement dit, nous n’avons dignes de son passé industriel et de son pas, en tant que fondation, les moyens de potentiel toucher le grand public, donc nous nous certainement présent à l’appel en mettant évertuons à éclairer un public averti. à disposition des produits ainsi que les actuel, savoir-faire Berliet et le répondrait éléments d’information permettant de les Pourquoi pas ne pas créer un musée de placer dans leur contexte historique. l’automobile ? Un musée est beaucoup trop coûteux et risqué pour une fondation de notre taille. D’ailleurs, en 15 ans, 28 musées automobiles ont disparu ! Notre politique est donc de dire que nous sommes à la disposition des musées pour leur fournir les véhicules dont ils peuvent avoir besoin. Nos véhicules voyagent beaucoup contrairement à ce que l’on peut penser! Et plus le temps passe, plus on mesure que l’on avait raison de faire ce choix. Même le musée de la Rochetaillée, en dépit de tous ses efforts, n’attire pas le nombre de visiteurs qu’il mérite. Au fond, nous voulons être un point de référence pour redonner à cette région sa fierté. Nous assistons avec beaucoup de joie à un changement d’attitude de la part des acteurs locaux qui démontrent un intérêt 6