A la rencontre des familles de prisonniers marocains

Transcription

A la rencontre des familles de prisonniers marocains
TEMOIGNAGE
A la rencontre des familles
de prisonniers marocains
"J’ai vu votre fils Hassan, je lui ai parlé ; soyez rassurée, il va bien". Trouver les mots justes pour
rassurer et redonner un peu d’espoir à des familles de prisonniers marocains encore détenus par
le Front Polisario, c’est une tâche bien délicate. Dorothea, déléguée du CICR, est allée, en septembre 2003, à la rencontre d’une centaine de familles pour leur donner des nouvelles de leurs
proches.
I
l est neuf heures trente, au
des années d’attente et d’espoirs
nous attendons Benahmed”. Fatiha
Comité local du Croissantsans cesse déçus. “Hocine va bien, al
est venue avec ses frères et leur
Rouge de Derb Sultan Fida.
hamdulillah il est en bonne santé. Je
mère. Pendant toutes ces longues
C’est la première étape de la
l’ai vu, je lui ai parlé comme je vous
années, Fatiha et sa famille ont évotournée des rencontres avec les
parle ici aujourd’hui, et le médecin
qué chaque jour ce frère absent, pour
familles de prisonniers marocains
l’a examiné”, lui répond Dorothea en
ne pas oublier ses traits, pour garder
aux mains du Front Polisario. Très
tendant une photo au jeune homme
l’espoir de le revoir, envers et contre
vite, ce sont les dossards rouge et
qui accompagne la vieille dame.
tout.
blanc des volontaires du Croissant“C’est votre frère qui est prisonnier
Mais le temps a rattrapé Haj
Rouge qui dominent dans le hall
à Tindouf ? Regardez bien cette
Brahim, le père de Benahmed. Il a
d’entrée. A quelques pas, des
photo. C’est bien lui ?” ; la mère du
pourtant espéré jusqu’au dernier
femmes, enveloppées dans leurs
prisonnier tend sa main tremblante
moment, priant Dieu chaque jour
djellabas colorées attendent sous
pour prendre la
pour qu’il lui soit
une tente dressée pour l’occasion
photo et tente de
donné de revoir
Vingt-six ans, trois mois et
devant le petit bâtiment où l’on
reconnaître son
son fils avant de
deux jours...
boucle les derniers préparatifs pour
fils. “C’est lui.
mourir, mais le
recevoir les familles.
Oui, c’est bien
sort en a décidé
Soudain, s’écartant de la foule,
lui. Et là, à côté de lui, c’est toi, ma
autrement. Fatiha n’a pas eu le couun homme s’avance vers Dorothea,
fille ? Viens que je t’embrasse. Que
rage d’annoncer cette triste nouvelle
le visage éclairé d’un grand sourire.
Dieu te bénisse, ma fille. Tu l’as
à son frère. “Il en serait très affecté,
Sans un mot, il l’étreint d’une accovu...”. Hajja Meriem et son fils, rasnous ne pouvons pas lui faire ça...”.
lade chaleureuse, sous le regard
surés, s’empressent de poser pour
“Mais la mort est une chose naturelincrédule des autres familles. Ancien
une photo en compagnie de la déléle, et votre raisonnement n’est pas
prisonnier rapatrié en février 2003,
guée. Ainsi, lorsque Hocine recevra
juste” remarque Haj Abelkader, le
Mohamed est venu dire sa reconson prochain message Croix-Rouge,
représentant du Croissant-Rouge.
naissance au CICR et à Dorothea
il verra que sa mère a bien rencontré
“Vous allez profiter de cette occasion
qui lui avait rendu visite lorsqu’il
Dorothea au Maroc. Les volontaires
pour lui écrire une lettre dans
était encore en captivité à Tindouf.
du Croissant-Rouge vont aider Hajja
laquelle vous allez lui faire part du
Qui mieux que lui pouvait rassurer
Meriem et son fils à rédiger le mesdécès de son père, afin qu’il puisse
des familles anxieuses et parfois
sage qui accompagnera la photo.
faire son deuil. Avez-vous pensé à sa
désespérées d’attendre depuis si
Ce ne sont que les premières renréaction à son retour, lorsqu’il découlongtemps le retour d’un proche ?
contres d’une longue série, où les
vrira brutalement que son père n’est
La première famille est invitée à
histoires de séparations doulouplus ?”. Fatiha regarde ses frères,
s’asseoir avec
reuses et de retrouqui admettent qu’il vaut mieux le
la déléguée.
vailles émouvantes
prévenir maintenant. Haj Abdelka“Je l’ai vu, je lui ai parlé
Les questions
se succèdent, dans
der lui tend un formulaire de Messacomme je vous parle”
ont fusé avant
une alternance de
ge Croix-Rouge et lui explique commême
que
tristesse et de joie.
ment le remplir. “Vous pouvez y
Dorothea n’ait fini de se présenter.
Benslimane est une petite ville
joindre des photos, ainsi que vos
“Est-ce que vous l’avez vu ? Que
calme dans la campagne non loin de
lettres...” Toute la famille au complet
vous a-t-il dit ? Et sa santé ?”... On
Casablanca. Fatiha est venue de très
est alors invitée à poser pour la
lit l’inquiétude sur le visage de cette
loin ce jour-là pour rencontrer pour
photo qui sera envoyée à Benahmed.
femme, qui marche péniblement,
la première fois une déléguée du
La voiture quitte Jadida, c’est
soutenue par son fils. Elle ne parCICR qui va lui parler de son frère....
l’aube qui pointe sur l’océan Atlanvient plus à retenir ses larmes qui
“Vingt-six ans, trois mois et deux
tique.... La brume se dissipe tout
roulent sur son visage fatigué par
jours... Cela fait trop longtemps que
juste le long de la côte, laissant
32
- décembre 2003
Photo : CICR
TEMOIGNAGE
djellabah blanche et porte le fès
rouge. Un repas marocain traditionnel est servi, alors que la mère de
Mohamed, habillée elle aussi d’une
djellabah immaculée et enveloppée
de voiles blancs, le visage radieux,
vient saluer les invités. La fête s’annonce somptueuse. Malheureusement, il faudra reprendre la route
avant l’arrivée de Mohamed, car
d’autres familles attendent.
A Tan Tan, l’oasis du désert, une
famille est venue depuis la région
lointaine de Zagora. La mère d’un
prisonnier a tenu à parcourir plus de
500 km pour venir rencontrer la
déléguée, accompagnée de toute la
famille, ainsi que de son petit-fils
âgé d’une vingtaine d’années, né
juste avant que son père ne soit fait
prisonnier. “Salam alekoum, marhaba bikoum...”. Après les salutations
Le CICR, lien entre les prisonniers marocains et leurs familles
d’usage, les visages s’animent en
écoutant parler Dorothea. Un proche
apparaître à travers les rochers les
c’est un civil. Je me demandais si
de la famille qui s’exprime en franflots agités de l’Atlantique. La route
vous l’aviez vu à Tindouf, j’ai entençais remercie le CICR : “Sans le
est sinueuse entre Jadida et Safi.
du dire qu’il était encore vivant làCICR, que serait devenu notre
Plus au sud, à Agadir, c’est un fils
bas...”. Silence. Que dire à cette
parent ? Vous avez fait tellement
qui vient raconter ses peines et sa
femme ? Son mari est l’un des nompour lui pendant toutes ces années”.
joie d’avoir finalement retrouvé son
breux disparus dont on reste sans
Marquée par la douleur, silencieuse
père. Khalil avait dix-sept ans
nouvelles. La femme se lève, fait un
et digne, la mère ne parvient plus à
lorsque son père Ali a disparu pensigne d’impuissance et s’en va.
retenir ses larmes. “Combien de
dant la guerre. Ali vient de rentrer
On s’approche du village de
temps pourrai-je encore tenir ? Je ne
au pays, rapatrié par le CICR le 1er
Tafingoult, après
suis pas sûre de
septembre 2003. Khalil, volontaire
avoir traversé une
pouvoir revoir
Que dire à cette femme ? Son
du Croissant-Rouge, est venu spéciaplaine désertique
mon fils”. Ses
mari est l’un des nombreux
lement pour remercier le CICR.
coupée de crêtes
proches ajoudisparus dont on reste sans
“J’avais un petit frère qui avait deux
rocheuses au pied
tent
qu’elle
nouvelles
ans lorsqu’on nous a annoncé que
desquelles s’accurefuse parfois
notre père avait disparu au Sahara.
mule au gré des
même de manIl n’a jamais eu la joie de connaître
vents un sable fin et doré. Accroché
ger, par désespoir. Ahmed, un ancien
son père, de l’entendre l’appeler par
aux contreforts de l’Anti-Atlas, surprisonnier rapatrié venu saluer la
son nom. Moi je partageais tout avec
plombant les méandres asséchées
déléguée, va à son tour rassurer la
mon père. Le jour de sa disparition,
d’un oued rocailleux bordé de
famille. Il parle de son rapatriement
j’ai soudain tout perdu. Maintenant
figuiers de barbarie, on aperçoit le
et du bonheur de recommencer une
qu’il est là, j’ai un grand projet pour
douar.
nouvelle vie, chez sa sœur, à Tan
lui : l’emmener en pèlerinage à la
Une grande tente rouge visible
Tan. Les encouragements des repréMecque. C’est son rêve et nous
de loin tranche avec les maisons
sentants du Croissant-Rouge et des
allons tout faire pour qu’il puisse le
grises et ocre, au milieu de figuiers
assistantes des Œuvres sociales des
réaliser”.
et d’oliviers centenaires. AujourForces Armées Royales feront le
Khalil cède sa place à une petite
d’hui, le douar connaît une animareste. La famille repartira vers
femme voilée de noir, qui tend un
tion inhabituelle. Tout au long du
Zagora le cœur plus léger.
imprimé à la déléguée. “Vous avez
chemin de terre escarpé qui grimpe
C’était la dernière famille renquelqu’un de votre famille prisonvers la maison familiale, des
contrée au cours de cette tournée,
nier à Tindouf ?” lui demande Dorohommes, des femmes et même des
qui s’est achevée à Tan Tan. Quant à
thea. Ses yeux s’emplissent de
enfants préparent la route qui verra
la déléguée du CICR, au coordinalarmes, elle articule quelques mots
passer dans quelques heures Mohateur du Croissant-Rouge et au repréen montrant la photo en noir et
med, officier de l’armée marocaine,
sentant de la Gendarmerie Royale,
blanc un peu écornée d’un homme
un fils du village, de retour après
leur mission n’est pas terminée. Il
jeune, le visage encadré par des cheune captivité de 26 ans. A l’intérieur
faut déjà programmer la prochaine
veux longs et des favoris fournis.
de la maison, Abdallah reçoit les
tournée de rencontres, qui aura lieu
“C’est mon mari, il a disparu en 1980
visiteurs. Comme tous ses frères en
dans quelques mois.
alors qu’il pêchait... Vous comprenez,
ce jour particulier, il est vêtu d’une
DK
- décembre 2003
33
TEMOIGNAGE
A la rencontre des familles
de prisonniers marocains
"J’ai vu votre fils Hassan, je lui ai parlé ; soyez rassurée, il va bien". Trouver les mots justes pour
rassurer et redonner un peu d’espoir à des familles de prisonniers marocains encore détenus par
le Front Polisario, c’est une tâche bien délicate. Dorothea, déléguée du CICR, est allée, en septembre 2003, à la rencontre d’une centaine de familles pour leur donner des nouvelles de leurs
proches.
I
l est neuf heures trente, au
des années d’attente et d’espoirs
nous attendons Benahmed”. Fatiha
Comité local du Croissantsans cesse déçus. “Hocine va bien, al
est venue avec ses frères et leur
Rouge de Derb Sultan Fida.
hamdulillah il est en bonne santé. Je
mère. Pendant toutes ces longues
C’est la première étape de la
l’ai vu, je lui ai parlé comme je vous
années, Fatiha et sa famille ont évotournée des rencontres avec les
parle ici aujourd’hui, et le médecin
qué chaque jour ce frère absent, pour
familles de prisonniers marocains
l’a examiné”, lui répond Dorothea en
ne pas oublier ses traits, pour garder
aux mains du Front Polisario. Très
tendant une photo au jeune homme
l’espoir de le revoir, envers et contre
vite, ce sont les dossards rouge et
qui accompagne la vieille dame.
tout.
blanc des volontaires du Croissant“C’est votre frère qui est prisonnier
Mais le temps a rattrapé Haj
Rouge qui dominent dans le hall
à Tindouf ? Regardez bien cette
Brahim, le père de Benahmed. Il a
d’entrée. A quelques pas, des
photo. C’est bien lui ?” ; la mère du
pourtant espéré jusqu’au dernier
femmes, enveloppées dans leurs
prisonnier tend sa main tremblante
moment, priant Dieu chaque jour
djellabas colorées attendent sous
pour prendre la
pour qu’il lui soit
une tente dressée pour l’occasion
photo et tente de
donné de revoir
Vingt-six ans, trois mois et
devant le petit bâtiment où l’on
reconnaître son
son fils avant de
deux jours...
boucle les derniers préparatifs pour
fils. “C’est lui.
mourir, mais le
recevoir les familles.
Oui, c’est bien
sort en a décidé
Soudain, s’écartant de la foule,
lui. Et là, à côté de lui, c’est toi, ma
autrement. Fatiha n’a pas eu le couun homme s’avance vers Dorothea,
fille ? Viens que je t’embrasse. Que
rage d’annoncer cette triste nouvelle
le visage éclairé d’un grand sourire.
Dieu te bénisse, ma fille. Tu l’as
à son frère. “Il en serait très affecté,
Sans un mot, il l’étreint d’une accovu...”. Hajja Meriem et son fils, rasnous ne pouvons pas lui faire ça...”.
lade chaleureuse, sous le regard
surés, s’empressent de poser pour
“Mais la mort est une chose naturelincrédule des autres familles. Ancien
une photo en compagnie de la déléle, et votre raisonnement n’est pas
prisonnier rapatrié en février 2003,
guée. Ainsi, lorsque Hocine recevra
juste” remarque Haj Abelkader, le
Mohamed est venu dire sa reconson prochain message Croix-Rouge,
représentant du Croissant-Rouge.
naissance au CICR et à Dorothea
il verra que sa mère a bien rencontré
“Vous allez profiter de cette occasion
qui lui avait rendu visite lorsqu’il
Dorothea au Maroc. Les volontaires
pour lui écrire une lettre dans
était encore en captivité à Tindouf.
du Croissant-Rouge vont aider Hajja
laquelle vous allez lui faire part du
Qui mieux que lui pouvait rassurer
Meriem et son fils à rédiger le mesdécès de son père, afin qu’il puisse
des familles anxieuses et parfois
sage qui accompagnera la photo.
faire son deuil. Avez-vous pensé à sa
désespérées d’attendre depuis si
Ce ne sont que les premières renréaction à son retour, lorsqu’il découlongtemps le retour d’un proche ?
contres d’une longue série, où les
vrira brutalement que son père n’est
La première famille est invitée à
histoires de séparations doulouplus ?”. Fatiha regarde ses frères,
s’asseoir avec
reuses et de retrouqui admettent qu’il vaut mieux le
la déléguée.
vailles émouvantes
prévenir maintenant. Haj Abdelka“Je l’ai vu, je lui ai parlé
Les questions
se succèdent, dans
der lui tend un formulaire de Messacomme je vous parle”
ont fusé avant
une alternance de
ge Croix-Rouge et lui explique commême
que
tristesse et de joie.
ment le remplir. “Vous pouvez y
Dorothea n’ait fini de se présenter.
Benslimane est une petite ville
joindre des photos, ainsi que vos
“Est-ce que vous l’avez vu ? Que
calme dans la campagne non loin de
lettres...” Toute la famille au complet
vous a-t-il dit ? Et sa santé ?”... On
Casablanca. Fatiha est venue de très
est alors invitée à poser pour la
lit l’inquiétude sur le visage de cette
loin ce jour-là pour rencontrer pour
photo qui sera envoyée à Benahmed.
femme, qui marche péniblement,
la première fois une déléguée du
La voiture quitte Jadida, c’est
soutenue par son fils. Elle ne parCICR qui va lui parler de son frère....
l’aube qui pointe sur l’océan Atlanvient plus à retenir ses larmes qui
“Vingt-six ans, trois mois et deux
tique.... La brume se dissipe tout
roulent sur son visage fatigué par
jours... Cela fait trop longtemps que
juste le long de la côte, laissant
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Photo : CICR
TEMOIGNAGE
djellabah blanche et porte le fès
rouge. Un repas marocain traditionnel est servi, alors que la mère de
Mohamed, habillée elle aussi d’une
djellabah immaculée et enveloppée
de voiles blancs, le visage radieux,
vient saluer les invités. La fête s’annonce somptueuse. Malheureusement, il faudra reprendre la route
avant l’arrivée de Mohamed, car
d’autres familles attendent.
A Tan Tan, l’oasis du désert, une
famille est venue depuis la région
lointaine de Zagora. La mère d’un
prisonnier a tenu à parcourir plus de
500 km pour venir rencontrer la
déléguée, accompagnée de toute la
famille, ainsi que de son petit-fils
âgé d’une vingtaine d’années, né
juste avant que son père ne soit fait
prisonnier. “Salam alekoum, marhaba bikoum...”. Après les salutations
Le CICR, lien entre les prisonniers marocains et leurs familles
d’usage, les visages s’animent en
écoutant parler Dorothea. Un proche
apparaître à travers les rochers les
c’est un civil. Je me demandais si
de la famille qui s’exprime en franflots agités de l’Atlantique. La route
vous l’aviez vu à Tindouf, j’ai entençais remercie le CICR : “Sans le
est sinueuse entre Jadida et Safi.
du dire qu’il était encore vivant làCICR, que serait devenu notre
Plus au sud, à Agadir, c’est un fils
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parent ? Vous avez fait tellement
qui vient raconter ses peines et sa
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Marquée par la douleur, silencieuse
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retenir ses larmes. “Combien de
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Tafingoult, après
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septembre 2003. Khalil, volontaire
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Que dire à cette femme ? Son
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“J’avais un petit frère qui avait deux
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notre père avait disparu au Sahara.
mule au gré des
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vents un sable fin et doré. Accroché
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son nom. Moi je partageais tout avec
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déléguée, va à son tour rassurer la
mon père. Le jour de sa disparition,
d’un oued rocailleux bordé de
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j’ai soudain tout perdu. Maintenant
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qu’il est là, j’ai un grand projet pour
douar.
nouvelle vie, chez sa sœur, à Tan
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Une grande tente rouge visible
Tan. Les encouragements des repréMecque. C’est son rêve et nous
de loin tranche avec les maisons
sentants du Croissant-Rouge et des
allons tout faire pour qu’il puisse le
grises et ocre, au milieu de figuiers
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et d’oliviers centenaires. AujourForces Armées Royales feront le
Khalil cède sa place à une petite
d’hui, le douar connaît une animareste. La famille repartira vers
femme voilée de noir, qui tend un
tion inhabituelle. Tout au long du
Zagora le cœur plus léger.
imprimé à la déléguée. “Vous avez
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C’était la dernière famille renquelqu’un de votre famille prisonvers la maison familiale, des
contrée au cours de cette tournée,
nier à Tindouf ?” lui demande Dorohommes, des femmes et même des
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thea. Ses yeux s’emplissent de
enfants préparent la route qui verra
la déléguée du CICR, au coordinalarmes, elle articule quelques mots
passer dans quelques heures Mohateur du Croissant-Rouge et au repréen montrant la photo en noir et
med, officier de l’armée marocaine,
sentant de la Gendarmerie Royale,
blanc un peu écornée d’un homme
un fils du village, de retour après
leur mission n’est pas terminée. Il
jeune, le visage encadré par des cheune captivité de 26 ans. A l’intérieur
faut déjà programmer la prochaine
veux longs et des favoris fournis.
de la maison, Abdallah reçoit les
tournée de rencontres, qui aura lieu
“C’est mon mari, il a disparu en 1980
visiteurs. Comme tous ses frères en
dans quelques mois.
alors qu’il pêchait... Vous comprenez,
ce jour particulier, il est vêtu d’une
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