Prolapsus génital et incontinence urinaire chez la femme

Transcription

Prolapsus génital et incontinence urinaire chez la femme
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Prolapsus génital et incontinence urinaire chez la
femme
Professeur Pierre BERNARD
Septembre 2002
Pré-Requis :
Connaissance de bases :
• Anatomie du pelvis
• Classification des troubles de la statique génitale
• Physiologie de la miction
• Accouchement et physiologie périnéale
• Ménopause et organes génitaux
Pré-requis sémiologiques :
• L’examen gynécologique
• Recherche et évaluation d’une incontinence urinaire
Résumé :
Les prolapsus génitaux et l’incontinence urinaire chez la femme sont présentées sur les
plans physio-pathologiques, cliniques et thérapeutiques.
La présentation des différents stades cliniques des composantes du prolapsus génital et
de l’incontinence urinaire, est illustrée : cystocèle, hysteroptose, rupture périnéale,
rectocèle et elytrocèle.
Les moyens et les indications thérapeutiques sont abordés.
Index :
Prolapsus génital, cystocèle, hysteroptose, rectocèle, élytrocèle, colpocèle, incontinence
urinaire chez la femme
1. Introduction
Les prolapsus génitaux, conséquence de la ptose des organes pelviens à des degrés divers,
représentent l’anomalie la plus fréquente des troubles de la statistique pelvienne en
gynécologie.
C’est une affection courante dont le diagnostic est cliniquement facile, mais dont le traitement
chirurgical est complexe.
2. Physiopathologie
Les auteurs sont en accord sur le rôle primordial de la défectuosité du diaphragme pelvien
dans la genèse des prolapsus.
Une conception nouvelle de la statique des organes génitaux, conciliant les théories haute et
basse des systèmes de sustentation en montrant l’interrelation entre le système supérieur de
sustentation ligamentaire grâce aux formations intermédiaires les solidarisant, à savoir le
fascia intervésico-vaginal en avant et les hémigaines prérectales en arrière.
1/7
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
•
La déficience des muscles releveurs et du noyau musculaire du périnée, faisant
perdre à l’utérus ses moyens de soutènement et donnant au canal vaginal une direction
verticale au lieu de l’obliquité qu’il possède normalement.
•
Le changement d’axe de l’utérus qui devient vertical ou se met en rétroversion dans
l’axe du canal vaginal largement ouvert.
•
La disparition de la tonicité et de l’élasticité des amarres utérines, ligaments
larges et utéro-sacrés.
La rupture de la sangle musculaire des releveurs constitue le primum movens, puis intervient
une distension progressive du plan pubo-sacré aboutissant à une classification des prolapsus
en trois catégories en fonction de l’élongation du système de soutien. Cette élongation est
souvent d’origine obstétricale due aux efforts expulsifs sur les dilatations cervicales
incomplètes ou secondaire à des extractions instrumentales traumatisantes.
3. Clinique
Dans le prolapsus du premier degré, la vulve est béante et la rupture du périnée est associée à
une cystocèle accompagnée ou on d’urêtrocèle. L’atteinte des ligaments utéro-sacrés est
minime.
Schéma : coupe sagittale d’un prolapsus du premier degré
1: cystocèle, 6 : éperon périnéal
(P. Bernard)
Dans les prolapsus du second degré, la cystocèle du second degré, la cystocèle est
volumineuse accompagnée d’une rectocèle et surtout les ligaments utéro-sacrés sont allongés.
Le col utérin apparaît à la vulve entre les deux masses constituées par la cystocèle et la
rectocèle. On précise si le col utérin est allongé ou ptôsé.
2/7
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Schéma : coupe sagittale d’un prolapsus du deuxième degré
1 : cystocèle, 2 : urétrocèle, 3: rectocèle, 4 : élytrocèle, 5 : allongement hypertrophique du col
(P. Bernard)
Le prolapsus du troisième degré est évident avec son utérus partiellement ou totalement
extériorisé accompagné de volumineuses cystocèle et rectocèle et la distension du plan
suspenseur principal (plan pubo-sacré) est associée à un allongement du col utérin. Il faut
alors rechercher une éventuelle élytrocèle.
Schéma : coupe sagittale d’un prolapsus du troisième degré
1 : cystocèle, 2 : urétrocèle, 3: rectocèle, 4 : élytrocèle, 5 : allongement hypertrophique du col
(P. Bernard)
Les cysto-urétrocèles [1 ,2], les rectocèles [3], les élytrocèles [4] peuvent atteindre un
développement important…
Si la cause initiale de la majorité des prolapsus est post-obstéricale, due à l’effraction au cours
d’accouchements successifs du hiatus genitalis et en particulier du noyau fibreux central du
périnée, elle est souvent associée aussi à un diastasis des hémigaines prérectales.
L’atteinte des releveurs peut être associée à une déchirure des formations ligamentaires
péricervicales, conséquence d’efforts expulsifs intempestifs au cours de l’accouchement sur
une dilatation incomplète du col, cependant les troubles trophiques post-ménopausiques sont
responsables également d’un certain nombre de prolapsus.
Consultant pour une « descente d’organe », l’examen clinique de la femme ayant un
prolapsus doit plus particulièrement s’intéresser aux points suivants : tout d’abord, il faut
qualifier et quantifier le prolapsus, puis rechercher l’existence concomitante ou non d’une
fuite urinaire. Enfin, comme il s’agira d’une chirurgie à visée fonctionnelle, il faut apprécier
les facteurs de risque locaux ou généraux qui modifieront le geste chirurgical.
3/7
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Photo : prolapsus total du troisième degré
Face et profil
(P. Bernard)
L’interrogatoire précisera le passé gynécologique et obstétrical, la date de survenues des
troubles par rapport aux accouchements ou à la ménopause, et la gêne fonctionnelle ressentie.
L’examen se conduit en position gynécologique, avec, si possible, une vessie pleine. Chaque
élément anatomique doit être qualifié et quantifié :
•
La paroi antérieure du vagin, explorée à l’aide de la valve d’un spéculum de Collin,
permettra de voir bomber la cystocèle avec parfois une urêtrocèle.
•
Le plancher pelvien est exploré spontanément et lors de l’effort de poussée complété
par le recherche d’une élytrocèle, doit être systématique, marqué par un bombement
de la paroi postérieure du vagin qui n’atteint pas la fourchette comme la rectocèle.
L’élythrocèle est identifiée par le toucher bidigital et la perception d’anses grêles dans
la paroi rectovaginale.
•
La mobilité de l’utérus et le système supérieur de sustentation sont appréciés
spontanément, lors des efforts de poussée, et par traction à l’aide d’une pince de Pozzi
placée sur la lèvre antérieure du col.
Après l’examen de chaque étage et selon le que l’utérus est reste pelvien, affleure la vulve ou
est extériorisé, la cotation va de 1 à 3.
L’examen du périnée retrouve le plus souvent une vulve béante. Le TV appréciera la tonicité
du noyau fibreux central du périnée, la valeur des faisceaux musculaires des muscles
releveurs spontanément à la contraction, complété par le « Testing » des muscles releveurs
côté de 1 à 5 (1 : béance vaginale, 5 : occlusion complète par la contraction des muscles
releveurs). Le toucher rectal jugera de la tonicité du sphincter anal.
•
En présence d’une incontinence urinaire, on termine l’examen par le test de
BONNEY.
Enfin, l’examen général permettra de déterminer le type d’intervention la mieux adaptée à
l’état général et à la qualité de vie de la patiente.
Le bilan paraclinique comprend, outre les frottis cervico-vaginaux, un bilan uro-dynamique
qui pourra révéler une anomalie de fonctionnement de l’appareil urinaire, et permettra
4/7
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
l’évaluation des différentes composantes de l’incontinence urinaire : le support pelvien (P) la
fonction urêtrale (U) et la fonction vésicale (V).
Schéma : bilan uro-dynamique : classification PUV
(P. Bernard)
Il permet d’adapter le geste thérapeutique en cas d’association prolapsus-incontinence urinaire
d’effort. L’UIV est nécessaire en cas de prolapsus grade 3 à la recherche d’une utérohydronéphrose.
Schéma : mécanisme de l'incontinence urinaire d'effort
Schématisation de l'équilibre entre la pression vésicale et l'urêtre proximal expliquant le mécanisme de
l'incontinence urinaire d'effort (I.U.E.)
P: Pression abdominale; pu: pression urêtrale; pv: pression vésicale
A: En dehors de la poussée abdominale : pu > pv
B: Au cours de la poussée abdominale : P + pu > P + pv
C: L'urêtre proximal est sorti de la zone de pression abdominale, celle-ci ne s'exerce plus que sur la vessie: P +
pv > pu. Incontinence urinaire d'effort.
(P. Bernard)
5/7
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
4. Traitement
Le traitement du prolapsus doit d’abord être prophylactique, et concerne l’obstétricien.
Protéger le périnée par une épisiotomie suffisante et réparer chirurgicalement sont les deux
mesures les plus efficaces. Le lever précoce sera de règle. La prescription de séances de
kinésithérapie dans le post-partum est systématique.
Le traitement du prolapsus constitué est différent selon l’âge, le degré de descente,
l’importance des symptômes fonctionnels et le désir exprimé par la patiente de conserver sa
fonction génitale, obstétricale et sexuelle.
Chez la femme jeune désirant conserver sa fécondité, la possibilité d’accoucher par les voies
naturelles, il est parfois possible de surseoir à l’intervention. Si la gêne fonctionnelle est
importante, on peut lui proposer une cystorraphie antérieure visant à reconstituer le fascia
d’Halban. La rupture complète du noyau fibreux central du périnée nécessite une
périnéorraphie comprenant la suture des hémigaines prérectales et la myorraphie des muscles
releveurs.
S’il existe une incontinence urinaire, l’indication d’une cure d’incontinence par la voie basse
sera posée en fonction de son importance et du bilan urodynamique : procédé TVT ou IVS.
La voie haute pour certain est indiquée : opération de Burch.
En l’absence de désir de grossesse et chez la femme en période périménopausique, on peut
proposer une hystérectomie vaginale avec cystorraphie et périnéorraphie. L’annexectomie
bilatérale par voie basse sera effectuée chez les femmes ménopausées. La voie basse est
préférée en raison de sa bénignité et surtout parce qu’elle s’oppose efficacement au
développement de l’élytrocèle.
L’hystérectomie vaginale, avec cloisonnement vaginal : colpocléisis, s’adresse à des femmes
âgées ayant renoncé à toute activité sexuelle. En cas d’incontinence urinaire patente ou
potentielle on complète la cure de prolapsus par TVT ou IVS.
La seule solution non chirurgicale est le pessaire. Elle s’adresse aux patientes qui souhaitent
attendre une intervention et sont aptes à placer et à enlever leur pessaire. Le pessaire devra
être parfaitement adapté à l’anatomie locale. Des soins d’hygiène réguliers permettront
d’éviter infection et ulcération du vagin.
Enfin, il est logique de proposer une rééducation périnéale grâce à des exercices de
contractions périnéales qui amélioreront les incontinences urinaires, et consolideront l’action
de l’intervention chirurgicale. L’électrostimulation fonctionnelle par voie vaginale ou rectale
n’est qu’un traitement adjuvant. Il n’y a, en fait, aucun « effet anatomique », mais les résultats
fonctionnels sont bons permettant parfois de différer l’intervention.
La chirurgie permet une cure satisfaisante du prolapsus quels que soient l’âge et même le
désir de maternité de la femme.
Le résultat anatomique est bon dans 85% des cas au prix d’une morbidité variant entre 0,2%
(voie basse) et 0,5% (voie haute).
6/7
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Les indications doivent donc être bien portées en gardant à l’esprit une bonne évaluation de
chacune des composantes du prolapsus génital.
Références :
•
•
•
CONTAMIN. R, BERNARD. P, FERRIEUX. J., GYNECOLOGIE GENERALE (TOME 1 ET
2°) 1977, VIGOT, PARIS.
BERNARD. P, AMBLARD E., Classification des troubles de la statique pelvienne in :
« LE PELVIS FÉMININ » 1993. Masson 88-99
GIRAUD J.R. et al, GYNECOL. ABREGE – 1997 – MASSON : 231-36
7/7