intérêt et limites du taux des anticorps anti récepteurs de la tsh dans

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intérêt et limites du taux des anticorps anti récepteurs de la tsh dans
LETTRE A L’EDITEUR
INTÉRÊT ET LIMITES DU TAUX DES ANTICORPS
ANTI RÉCEPTEURS DE LA TSH DANS LE SUIVI DE LA
MALADIE DE BASEDOW : A PROPOS D’UN CAS
M.P. NTYONGA-PONO *.
RÉSUMÉ
L’auteur rapporte une observation concernant la reprise évolutive d’une maladie de Basedow traitée médicalement chez une jeune fille dont le taux d’anticorps anti
récepteurs de la thyréostimuline (ARTSH) avait pourtant chuté de 76 % à 1 %, conduisant à un traitement
chirurgical malheureusement suivi d’une rechute.
Mots-clés : Maladie de Basedow - Rechute - ARTSH.
SUMMARY
The author reports a case of Basedow-Graves’ disease
relapse concerning a young girl medically treated in
spite of the fall of ARTSH antibodies from 76 % to 1 %,
leading to a surgical treatment unfortunately with an
early recurrence.
Key-words : Basedow’s disease - Relapse - ARTSH.
INTRODUCTION
Si l’on connaît de mieux en mieux la pathogénie de la
maladie de Basedow sur laquelle plus de 3000 publications
ont paru (8), il reste par contre difficile de prévoir l’évolution de cette affection traitée médicalement, les rechutes
étant fréquentes (3).
Le dosage des anticorps anti-récepteurs de la TSH
(ARTSH) a incontestablement apporté plus de spécificité
(4) dans le diagnostic de la maladie de Basedow, mais sur
le plan pronostique le suivi du taux des anticorps s’est révélé à lui seul, un critère peu fiable.
OBSERVATION
Mlle N.R. âgée de 20 ans, élève, a consulté en janvier 92
pour une maladie de Basedow caricaturale associant un
goitre soufflant, une exophtalmie modérée et des signes de
thyrotoxicose (thermophobie, palpitations, diarrhée et
amaigrissement de 8 Kgs en deux mois).
Le diagnostic a été confirmé par les dosages hormonaux et
celui des ARTSH, effectués à la Fondation de Recherche
en Hormonologie à Paris qui ont montré les résultats suivants :
• Thyréostimuline (TSH) 0,10 micro unités/ml (normale
de 0,2 à 5),
• Throxine (T4) libre 60 picog/ml (normale de 7 à 17),
• Tri idio thyronine (T3) libre 22,9 picog/ml (normale de
2,2 à 5) et
• ARTSH positifs à 76 % (normale < 10 %).
L’électrocardiogramme montrait une tachycardie sinusale à
140/minute, et l’échographie thyroïdienne, une hypertrophie globale.
Le reste des données cliniques et paracliniques était sans
anomalie particulière.
La patiente a été mise sous traitement médical classique
associant antithyroïdiens de synthèse et ß bloquants, en
l’occurrence Carbimazole 30 mg/jour et Propanolol 60 puis
120 mg/jour. L’évolution a été rapidement favorable tant
sur le plan clinique que biologique avec des contrôles
1 mois, 3 mois, 6 mois, 12 et 18 mois après. Nous avons
réduit le carbimazole à 15 mg/j en traitement d’entretien et
nous avons dû ajouter 50 microg/j de L Thyroxine pour
maintenir l’euthyroïdie. La tolérance hématologique de ce
traitement a été parfaite.
Nous avons considéré la chute des ARTSH de 76 % au
début de la maladie à 1 % un an après, comme un bon marqueur pour espérer une rémission prolongée à l’arrêt du
traitement.
Malheureusement après une pause de 6 mois, la maladie a
repris avec une poussée d’exophtalmie dont l’aggravation
malgré le traitement médical nous a conduit à associer une
corticothérapie qui a permis sa régression.
Finalement cette jeune fille a subi une thyroïdectomie subtotale laissant un mur postérieur, mais malheureusement à
partir de ce tissu restant, elle a fait une nouvelle rechute
* Endocrinologue, Centre hospitalier de Libreville, Service de Médecine
interne «B» B.P. 7396 - LIBREVILLE (Gabon).
Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (11)
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clinique et biologique de sa maladie de Basedow en
décembre 95, nous contraignant à reprendre le traitement
médical.
50 % des cas, confirmant d’autres travaux, notamment
ceux d’ALLANIC et Al. (1), où 50 % des patients demeuraient en rémission après 18 mois de traitement médical
avec un recul de 6 ans.
DISCUSSION
Le premier point que soulève notre observation c’est que la
disparition des ARTSH ne suffit pas pour espérer une
rémission prolongée après traitement médical de la maladie
de Basedow. Si au début du dosage de ces anticorps on
avait pensé qu’ils pouvaient avoir un intérêt aussi pronostique (9), aujourd’hui il est bien établi que ce critère est
insuffisant, d’autant plus que dans 10 % des maladies de
Basedow on ne retrouve pas ces anticorps (5).
Il faudrait tenir compte de tout un ensemble de paramètres
(6,7), notamment le volume du goitre, l’âge du sujet, la
captation précoce de l’iode radio-actif et l’évolution du
taux des ARTSH pour prévoir l’évolution de la maladie et
choisir la meilleure stratégie thérapeutique.
Quand bien même tous les indices seraient favorables, la
rechute, pour IKENOUE (7) pourrait survenir dans 25 à
Le second point est la possibilité de rechute de la maladie
de Basedow après une thyroïdectomie subtotale : en effet,
le pourcentage de réussite varie selon les auteurs, 99,4 %
de succès pour BLONDEAU (2) mais 14 % de rechutes
précoces dans la série de S U G I N O, faisant intervenir
incontestablement l’expérience du chirurgien.
CONCLUSION
L’évolution de la maladie de Basedow traitée médicalement reste difficile à prévoir nécessitant de tenir compte de
plusieurs paramètres dont certains ne peuvent être étudiés
dans notre pays. Cela peut nous inciter à proposer une
attitude plus radicale dans le traitement de cette affection ;
mais il faut savoir que des rechutes peuvent survenir même
après un traitement chirurgical.
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