Note technique FFP : Le nouveau régime de la période d`essai

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Note technique FFP : Le nouveau régime de la période d`essai
Note technique
Le nouveau régime de la période d'essai
La loi du 25 juin 2008 a transposé l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la
modernisation du marché du travail.
Pour mémoire, cet ANI introduit au sein des relations sociales un principe de « flexisécurité » qui est
fondé sur l'équilibre entre la sécurité au travail (pour le salarié) et la nécessaire fluidité du marché du
travail (pour l'entreprise). Ainsi, cet ANI ouvre la voie à de nouvelles formes d'emploi (cf. contrat de
mission…) en contrepartie de droits au bénéfice des salariés (cf. notion de portabilité en matière de
DIF ou maintien des garanties prévoyance et mutuelle après la rupture du contrat).
Concernant la période d'essai, cette loi (articles L 1221-19 et suivants du Code du travail) a codifié
en grande partie les dispositions de l'ANI. Il n'en reste pas moins que certaines différences
apparaissent entre les dispositions conventionnelles et les dispositions légales.
Toutefois, ce sont les dispositions légales qui priment concernant la période d'essai sur celles
de l'ANI ou celles de la CCNOF.
Cette note traitera donc de la mise en application des nouvelles dispositions légales
applicables à la profession pour les CDI.
En outre, la loi prévoit des périodes d'essai maximales pour d'autres types de contrat (apprentissage,
CDD, contrats aidés, VRP…) comportant des régimes spécifiques.
I.
Date d'application du nouveau régime LEGAL
La loi distingue d'une part la durée de la période d'essai et d'autre part les délais de
prévenance en cas de rupture de la période d'essai par l'une ou l'autre des parties au
contrat.
Concernant les nouvelles durées de la période d'essai, celles-ci sont applicables à
partir du 1er juillet 2009.
Les durées et modalités prévus à l'article 7 de la CCNOF demeurent donc en vigueur
pour les contrats conclus et dont l'exécution débute au plus tard le 30 juin 2009.
Concernant les délais de prévenance en cas de rupture de la période d'essai, ils sont
applicables depuis le 1er janvier 2009 (cf. 6.4).
II.
Notion d'essai
2.1 Temporalité de la période d'essai et notions voisines
La période d'essai doit être distinguée de l'essai professionnel qui intervient avant la
conclusion du contrat ou encore de la période probatoire qui intervient en cours d'exécution
du contrat (cf. changement de fonction du salarié embauché, promotion…).
En principe, l'essai débute au moment de l'embauche, laquelle correspond généralement
à la prise de fonction du salarié.
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2.2 Objectif et finalité de la période d'essai
Pour la première fois, la notion de période d'essai est légalement définie en fixant les
objectifs de cette période pour le salarié et l'employeur.
En effet, la période d'essai est définie comme une période « permettant à l'employeur
d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son
expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».
L'employeur devra en conséquence conserver à l'esprit cette finalité légale pour vérifier
l'existence de cet objectif. Aussi, si les compétences du salarié ont déjà été préalablement
évaluées et vérifiées, on peut s'interroger sur le droit de prévoir une période d'essai.
III.
Rappel : intérêts de la période d'essai
Durant la période d'essai, le salarié n'est pas définitivement engagé. Son embauche dite
"définitive" n'intervient qu'au terme de cette période. En conséquence, les règles classiques
de la rupture du contrat (démission, licenciement, rupture conventionnelle, retraite) ne sont
pas applicables pendant la période d'essai (entretien, préavis…). De plus, aucun indemnité
n'est du en principe.
C'est pourquoi, cette période d'essai qui facilite, sur le fond et sur la forme, la rupture du
contrat, est si limitée dans le temps et si encadrée.
Pour en savoir plus sur la période probatoire…
Cette spécificité de la période d'essai la distingue de la période probatoire dans la
mesure où la jurisprudence n'autorise pas la rupture du contrat de travail dans le
cadre d'une période probatoire non satisfaisante.
La période probatoire intervient en cours d'exécution du contrat et aboutit au retour
aux conditions d'emploi antérieures si elle n'est pas jugée concluante. Cela implique
que le poste antérieurement occupé doit rester "disponible".
Soulignons enfin que cette période probatoire n'est pas encadrée par le Code du
travail mais par la jurisprudence : il est donc recommandé de fixer sa durée et ses
conditions dans un avenant au contrat de travail (et notamment prévoir les
conséquences en cas de période probatoire non concluante).
IV.
Durée et décompte de la période d'essai
4.1 Durée
La durée des périodes d'essai varie selon les catégories professionnelles.
A compter du 1er juillet 2009, et en application combinée des dispositions légales et des
dispositions de l'article 7 de la CCNOF, les durées MAXIMALES des périodes d'essai
applicables aux organismes de formation soumis à la CCNOF sont les
suivantes. Ces durées sont impératives.
Catégorie professionnelle
Durée (max) de la période
d'essai
Renouvellement (ou
prolongation possible) ?
Employé (A, B)
2 mois
NON
Technicien (C, D, E)
3 mois
NON
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Cadre F, G, H,
(hors Directeur ou Directrice
d'organismes de formation)
4 mois
NON
Cadre Directeur H ou I
6 mois
NON
Concernant les durées de la période d'essai : la loi fixe des durées maximales de 2, 3 et 4
mois selon les catégories ; ces durées peuvent être augmentées dans le cadre d'accords de
branche antérieurs à la loi nouvelle. Cela explique que la période d'essai applicable aux
Directeurs cadres H ou I prévue par l'article 7 de la CCNOF de 6 mois perdure.
Concernant le renouvellement de la période d'essai : la CCNOF prévoit le
renouvellement des périodes d'essai. Toutefois, la loi du 25 juin 2008 impose des conditions
et exigences plus strictes pour permettre ce renouvellement.
Donc, au terme des durées maximales, et même si l'essai n'est pas complètement
satisfaisant pour l'employeur, à compter du 1er juillet 2009, il ne sera plus possible de
renouveler ou de prolonger les périodes d'essai.
L'article 7 de la CCNOF sera donc inapplicable.
4.2 Durées amputées de celle d'un stage éventuel
Lorsque l'embauche intervient à l'issue d'un stage intégré à un cursus pédagogique
réalisé lors de la dernière année d'études, la durée de ce stage est déduite de la période
d'essai. Cette réduction de la période d'essai est toutefois limitée car elle ne peut réduire de
plus de la moitié la durée potentielle de la période d'essai, sauf accord collectif plus favorable
(accord d'entreprise notamment).
Autrement dit, en cas de stage tripartite (étudiant/établissement scolaire/entreprise d'accueil)
réalisé la dernière année d'études, et d'embauche par l'entreprise d'accueil, la durée de la
période d'essai est réduite de celle du stage dans la limite de 50 % de la période.
Quels impacts ?
La loi est très sibylline et lacunaire (article L 1221-24 du Code du Travail).
Aucune précision n'est donnée sur l'application de cette règle dans le temps, ce qui
laisse à penser que cette règle d'imputation ne serait pas applicable en cas
d'interruption contractuelle entre le stage et le contrat de travail.
La loi ne prévoit pas de lien entre l'objectif pédagogique du stage et la fonction ou
le poste proposé en CDI. Ainsi, la règle d'imputation pourrait venir à s'appliquer
même s'il n'y a pas de rapport entre les deux.
La notion de "stage intégré à un cursus pédagogique réalisée lors de la dernière
année d'études" vise le stage au sens du Code du travail (établissement
scolaire/étudiants/entreprise d'accueil) mais il n'est pas certain que cela soit exclusif.
4.3 Décompte
Depuis un arrêt de principe de la Cour de cassation de 2005, toute période d'essai exprimée
en jours doit se décompter en jours calendaires (càd y compris jours fériés, jours
chômés…). De même, lorsque la période d'essai est exprimée en mois, il s'agit de mois
calendaires.
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Exemples
une période d'essai de 2 mois qui débute le 1er juillet 2009 se terminera le 31 aout
2009 inclus
une période d'essai de 3 mois qui débute le 7 septembre 2009 se terminera le 6
novembre inclus.
4.4 Suspension de la période d'essai (ou prolongation)
Puisque la période d'essai doit permettre à l'entreprise de tester les capacités du salarié
embauché, la période d'essai peut être prolongée en cas de suspension du travail. En ce
cas, la période d'essai sera reportée d'autant dans la mesure où le salarié considéré a
réellement cessé de travailler durant la période de suspension.
Ces causes de suspension sont les suivantes : congés payés ou congés pour événement
familial, congés sans solde, maladie ou accident du travail, service national.
Attention : la formation professionnelle organisée par l'entreprise et
les JRTT notamment ne suspendent pas la période d'essai.
De même, les jours fériés ne prolongent pas la période d'essai (cf. 4.3).
La prolongation de la période d'essai doit correspondre au nombre exact de jours de
suspension : ni plus, ni moins. Le calcul doit donc être effectué au jour près.
V.
Forme de la période d'essai
La période d'essai ne peut être ni orale, ni d'usage : elle ne se présume pas et doit
nécessairement être prévue dans le contrat de travail. Son principe et sa durée doivent
donc être CLAIREMENT prévus au contrat de travail signé par les deux parties.
Cette matérialisation de la période d'essai et le consentement des parties sur le principe
peuvent être inscrits dans la lettre d'engagement (signée du salarié) ou plus simplement
dans le contrat de travail.
En l'absence de clause dans le contrat de travail prévoyant très clairement la période d'essai
et sa durée, le salarié est embauché à titre définitif dès le premier jour de travail.
Attention :
Un simple renvoi aux dispositions de la loi, de la CCNOF ou des
usages de l'entreprise en matière de période d'essai ne permet pas
d'opposer l'existence de la période d'essai au salarié
concerné.
Dans ces hypothèses, la rupture du contrat devra suivre les règles et procédures
légales (démission/licenciement/rupture conventionnelle) de fond et de forme dès le
er
1 jour de travail.
VI.
Rupture de la période d'essai
6.1 Ruptures interdites
Quand bien même les parties (salarié ou employeur) n'ont pas à justifier d'une cause (réelle
et sérieuse) ou d'un motif de rupture, la rupture pendant l'essai ne peut être fondée sur des
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motifs discriminatoires : l'ensemble des motifs visés par l'article L 1132-1 du Code du
travail ne peuvent justifier la rupture de l'essai (état de grossesse, conviction religieuse…) : si
tel était le cas, la rupture serait considérée comme nulle.
Quoi qu'il en soit, ni la loi, ni la CCNOF n'exige une motivation précise de la rupture de la
période d'essai.
6.2 Ruptures encadrées : salariés protégés et accidentés du travail
En principe, et pour les salariés protégés (élu, délégué syndical, représentant de la section
syndical…), la rupture de la période d'essai est subordonnée aux autorisations
administratives (inspection du travail).
Toutefois, et compte tenu des nouvelles exigences en matière d'ancienneté (un an) liée au
"test des élections", y compris pour les délégués syndicaux, ces situations sont marginales,
sauf pour le représentant de la section syndicale (RSS) qui est désigné par un syndicat ou le
salarié protégé demandant l'organisation d'élections professionnelles.
La rupture du contrat d'un salarié victime d'un AT ou MP est soumise aux mêmes
conditions que la rupture du contrat hors période d'essai : faute grave ou impossibilité de
maintenir le poste non liée à l'AT/MP.
6.3 Forme de la rupture
Quelque soit l'initiative des parties, la manifestation de la volonté de rompre la période
d'essai doit intervenir par écrit afin que le délai de prévenance soit décompté (cf. 6.4). Elle
peut intervenir par lettre RAR ou par remise en main propre contre récépissé.
6.4 Nouveaux délais légaux de prévenance en cas de rupture
La loi met en place un système de délai de prévenance dont la durée est soumise à un
double critère : initiative de la rupture et durée de présence.
Ces délais doivent être mis en œuvre depuis le 1er janvier 2009 : les durées de
prévenance prévues dans la CCNOF sont donc inapplicables et rendues caduques.
Ces délais légaux débutent à partir de la date de notification de la rupture de l'essai (lettre
RAR ou remise en main propre) mais il semble opportun de rappeler cet élément au sein des
dispositions contractuelles.
Initiative de l'employeur
Initiative du salarié
MOINS de 8 jours de présence
24 heures
24 heures
Entre 8 jours et un mois de
présence (inclus)
48 heures
48 heures
Entre plus d'un mois et moins
de 3 mois
2 semaines
48 heures
Pour 3 mois de présence et plus
un mois
48 heures
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La période d'essai ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance (article
L 1221-25).
Ainsi, les délais de prévenance n'ont pas vocation, ni à prolonger les durées maximales de
l'essai, ni à réduire la durée de la période d'essai mais dans les faits, si ces délais ne sont
pas respectés, des conséquences pécuniaires sont à prévoir.
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En pratique, trois solutions sont envisageables :
l'anticipation du délai de prévenance par l'employeur afin de faire précisément
coïncider le terme de la période d'essai et le respect du délai de prévenance.
Cela suppose que l'employeur soit vigilant et qu'il fasse le point, à chaque échéance (8 jours,
un mois, trois mois) de l'essai afin de planifier en amont la prise en compte du délai de
prévenance.
Dans ce cas, au terme du délai de prévenance, le salarié cesse de faire partie des effectifs
et a été rempli de ces droits.
le délai de prévenance arrive à terme antérieurement au terme de l'essai : le contrat
sera rompu au terme du délai de prévenance (càd avant le terme de l'essai).
le terme du délai de prévenance dépasse le terme de la période d'essai
L'inobservation totale ou partielle du délai de prévenance ne REPOUSSE PAS la période
d'essai et le contrat de travail sera donc tout de même rompu au terme de la période d'essai
fixée par la loi. Cela s'explique par le fait que les durées des périodes d'essai sont des
durées maximales.
Toutefois, le non respect du délai de prévenance entraîne un préjudice qu'il faut réparer sous
forme d'indemnités à due proportion des jours de prévenance manquants.
VII.
Modèle de clause contractuelle ou lettre de rupture d'essai
Attention : il s'agit de clause-type et sommaire que l'organisme ou son
conseil peut compléter ou adapter selon les circonstances (cf. rappel de la
définition de la période d'essai…)
CLAUSE RELATIVE A l'ESSAI POUR UN CDI
Article XX : période d'essai - principe, durée et régime
Votre embauche définitive est subordonnée à la satisfaction de la période d'essai par l'un et l'autre
des parties au contrat, ce que vous accepter pleinement.
Sauf cas de prolongation de la période d'essai pouvant intervenir en cas suspension du contrat de
travail, cette période débutera le …. pour se terminer le …, soit XXX mois calendaires.
Durant cette période, il est rappelé que chacune des parties pourra rompre le contrat sans indemnité
de rupture.
Toute rupture doit cependant faire l'objet d'une notification écrite adressée par lettre RAR (ou remise
en main propre contre décharge) à l'autre partie. La réception de cette lettre marquera le
commencement des délais de prévenance qui s'imposent.
LETTRE DE RUPTURE DE LA PERIODE D'ESSAI avec ANTICIPATION et PRISE EN COMPTE
DU DELAI DE PREVENANCE.
Lettre RAR
Objet : rupture de la période d'essai
Monsieur, Madame,
En application des dispositions en vigueur et compte tenu de votre statut de …. (catégorie à
préciser), votre embauche définitive était soumise à une période d'essai de XX mois (cf. article XX
du contrat en date du …).
Celle-ci ne nous ayant pas donné satisfaction, nous entendons par la présente mettre fin au contrat de
travail qui nous liait.
Vous cesserez de faire partie des effectifs au terme d'un délai de prévenance de XXXX, lequel
débutera à compter de la réception de cette lettre RAR.
Au terme de ce délai, vous recevrez les éléments de rémunération qui vous sont dues.
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