Synthèse

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Synthèse
CITOYENS, PRENEZ
LA MAIN !
ADT-INET
Alexandre Jardin, écrivain et créateur du mouvement citoyen Bleu Blanc Zèbre
CITOYENS, PRENEZ LA MAIN !
Plus qu’une invitation, c’est un ordre
donné aux citoyens à l’heure où leur
implication dans la vie publique apparaît
comme indispensable à la définition de
bonnes politiques. « Citoyens, prenez
la main ! », c’est aussi un appel du pied
lancé par Jo Spiegel, maire de la Ville
de Kingersheim, et Alexandre Jardin,
auteur et créateur du mouvement citoyen
Bleu Blanc Zèbre, aux acteurs de la
fonction publique territoriale. Tous deux,
fervents défenseurs de la participation
citoyenne, ont témoigné du renouveau des
démarches de démocratie participative.
Témoigner pour convaincre, mais aussi
dans l’espoir de trouver, parmi les
participants, des forces vives à recruter…
APPEL À LA RÉVOLUTION
À l’expression démocratie de participation,
Jo Spiegel préfère celle de démocratie
d’élaboration ou de co-construction.
Pour lui, la révolution démocratique est
une nécessité absolue et doit passer par
quatre chemins : pratiquer la démocratie
davantage dans l’intervalle des élections
qu’au moment des élections, associer
plus encore les citoyens plutôt que de
rester entre élus, fertiliser les points de
vue différents plutôt que se complaire
dans un affrontement stérile, susciter le
pouvoir d’agir des citoyens et travailler à
la responsabilisation de la société. « La
démocratie est un verbe d’action : c’est
cheminer ensemble », explique Jo Spiegel.
La démocratie participative implique
une transformation en commençant par
celle du responsable politique : « Grandir
en politique, c’est passer du « pouvoir
sur » au « pouvoir de ». Le politique doit
comprendre que sa vraie mission est de
susciter le pouvoir d’agir et d’animer le
processus décisionnel, plutôt que prendre
des positions et les imposer par des
décisions descendantes ». Il faut faire avec
les habitants et rompre avec la relation
fournisseur-client que l’on voit s’illustrer,
entre les maires et les habitants, dans les
réunions de quartier par exemple : « Les
réunions de quartier sont le déni de la
démocratie. C’est la relation infantile entre
le maire, considéré comme un magicien,
et les habitants considérés comme des
consommateurs », s’indigne Jo Spiegel.
La démocratie d’élaboration, la Ville de
Kingersheim la pratique tous les jours à
travers ses États généraux permanents
de la démocratie, et, pour chaque projet
entrepris, dans le cadre de sa Maison de
la citoyenneté (lieu de débat et de décision
que Jo Spiegel désigne comme une
« fabrique de responsabilité et de
solidarité ») ou des conseils participatifs.
… OU L’APPEL DES ZÈBRES
« Je ne suis pas venu pour témoigner, mais
pour vous demander de travailler avec
nous », a lancé Alexandre Jardin aux acteurs de la fonction publique venus à sa
rencontre. Le ton est donné. Alexandre
Jardin mène une double vie depuis
15 ans entre son métier d’auteur et son
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combat de militant associatif auquel
il consacre aujourd’hui 80 % de son
temps. Sa bataille a débuté en 1999
avec la création du programme Lire
et faire lire qui mobilise les plus de
50 ans pour transmettre le plaisir de lire
aux
enfants
d’écoles
maternelles
et primaires. 400 000 enfants en
bénéficient aujourd’hui et ce sont
16 000 bénévoles que l’association
« met en ordre de bataille autour de
pratiques efficaces pour notre société »,
explique Alexandre Jardin. Poussé par
l’aggravation de la situation française et la
crainte de l’arrivée possible de l’extrême
droite au pouvoir, il a ensuite créé la
plate-forme Bleu Blanc Zèbre1. Celle-ci
rassemble non pas les « dizeux » mais
les « faizeux », comme il les appelle, les
personnes (entrepreneurs, associations,
acteurs de l’économie sociale et solidaire,
etc.) qui mettent en place des pratiques
contribuant au bien commun. C’est
par exemple l’action de l’association
Solidarités nouvelles contre le chômage
(SNC) qui forme des bénévoles dans toute
la France pour qu’ils apportent un soutien
personnalisé à des chercheurs d’emploi.
Parmi les « faizeux », il y a aussi les maires
qui peuvent soit signaler à la plateforme la
présence d’un zèbre sur leur territoire, soit
devenir zèbres eux-mêmes.
LEÇON DE GRAMMAIRE DÉMOCRATIQUE
Si la Ville de Kingersheim pratique si bien la démocratie
d’élaboration, c’est aussi parce qu’elle a appris par cœur sa
leçon de grammaire démocratique. Petit rappel pour tous les
acteurs de la fonction publique territoriale :
- se mettre à l’écoute des habitants (ce qui n’empêche pas le
responsable politique d’avoir une vision)
- informer, former et sensibiliser les habitants ; tout le
monde doit avoir le même niveau de compréhension des
enjeux
- débattre, retrouver l’agora
- être dans une véritable démarche d’élaboration impliquant
toutes les ressources démocratiques (acteurs publics,
habitants, associations, etc.), avec le rôle décisif de la
concertation et de la coproduction ; « le conseil participatif
est à la phase décisive ce que le conseil municipal est à la
phase décisionnelle », a souligné Jo Spiegel.
1 - Bleublanczebre.fr
CITOYENS, PRENEZ LA MAIN !
Car certains maires développent des
solutions très originales, mais oublient
de partager leurs bonnes pratiques. « Là
où vous êtes bons, faites-en profiter la
Nation ! », lance Alexandre Jardin… avant
de conclure : « Si vous vous sentez zèbre,
welcome ». Et c’est peut-être là la plus
grande force de ces mouvements tels
que celui d’Alexandre Jardin, cet effet
d’entraînement qui compte autant que leur
action elle-même. À entendre les réactions
de la salle, on pourrait presque parler de
contagion. « Vous nous donnez envie de
faire des grands pas ! », s’est exclamée une
participante. Les dirigeants territoriaux qui
ont participé à cette rencontre ont trouvé là
les bons alliés pour la construction d’une
action publique locale rénovée.
COMMENT PERMETTRE À TOUS D’ÊTRE
DES « FAIZEURS » ?
Les démarches de démocratie participative se heurtent à la
difficulté d’impliquer tous les citoyens et, comme l’indique
Jo Spiegel, attirent les TLM, c’est-à-dire « toujours les
mêmes »… Pour Alexandre Jardin, si l’on veut attirer de
nouveaux publics et en particulier les personnes les plus
éloignées de la vie politique et publique, il faut proposer
de nouvelles formes de participation. Hélène Balazard,
chercheur en sciences politiques au CEREMA2, estime
qu’il n’existe pas de bonne manière de faire, mais qu’il est
important de montrer aux citoyens qu’il est dans leur intérêt
de participer à ces démarches et qu’ils y auront un réel
pouvoir décisionnel.
2 - Centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement
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