Une exécution ordinaire
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Une exécution ordinaire
– CINÉMA – DVD C I N É M A D V D Une exécution ordinaire de Marc Dugain par Charles-Michel Cintrat J Je n’ai pas le pouvoir d’attribuer un logement. Je ne suis que Staline ». C’est ainsi que le Secrétaire général s’adresse à une jeune urologue magnétiseuse qu’il a fait venir auprès de lui. Des policiers sont venus chercher la jeune femme à l’hôpital où elle travaille et l’ont conduite au Kremlin. Nous sommes en pleine période du complot des Blouses Blanches[1]. Staline n’a pas de problèmes urologiques, mais des douleurs, en particulier dans les jambes, qui le font terriblement souffrir. Par un rapport faisant état des dénonciations de collègues jaloux de son succès auprès des malades, Staline a eu connaissance des pouvoirs de cette jeune femme. Comme il vient de chasser son médecin personnel, il consulte la jeune urologue en secret. Nul, en effet, ne doit savoir que Staline a recours à des pratiques dénoncées comme anti-scientifiques et relevant de la superstition. Pour expliquer à son mari ses absences nocturnes – car c’est la nuit qu’elle prodigue ses soins à Staline– la jeune femme, à qui on a interdit de dire le vérité, lui déclare qu’elle a un amant et demande le divorce. Surprise désespérée de l’époux. Ils doivent se séparer, et la jeune femme n’aura de ce fait plus de logement. Staline règlera le problème à sa manière, qu’on ne révèlera pas, pas plus que nous ne raconterons la suite et la fin de cette fiction, qui, tout en jouant du suspense, nous fait approcher une réalité. « E NE PEUX PAS T’AIDER. 1. Des médecins du Kremlin furent accusés, en janvier 1953, d’avoir assassiné plusieurs hauts dignitaires, à commencer par Jdanov, et projeté d’autres assassinats. Sept d’entre eux étaient juifs. Ils furent arrêtés, torturés, puis immédiatement après la mort de Staline, libérés et réhabilités comme victimes d’une machination. N° 41 123 HISTOIRE & LIBERTÉ •••••••••• •••••••••• •••••••••• •••••••••• •••••••••• •••••••••• •••••••••• 124 Marc Dugain[2] a extrait de son roman, Une exécution ordinaire, la première partie, Je ne suis que Staline, pour l’adapter lui-même au cinéma. Il sera donc seul, a-t-il déclaré, à en assumer l’éventuel échec. Il peut se rassurer : la critique est dans l’ensemble élogieuse et le public ne boudera sans doute pas son film. Sans être un chef-d’œuvre, il ne manque pas d’intérêt bien qu’il n’apporte pas de révélations fracassantes à qui connaît un peu l’histoire de l’URSS à cette époque. Il nous fait partager les angoisses qui pouvaient être celles de nombreux citoyens soviétiques à cette époque. Quelle que soit sa place dans la société, une menace pèse sur chacun : dénonciation d’un subordonné ou d’un supérieur, chantage (c’est le cas de notre personnage). Il faut peser ses paroles, même chez soi (qui sait s’il n’y a pas des micros?),ne pas dire n’importe quoi à n’importe qui. L’arbitraire, l’incertitude règnent. Il n’y a pas d’innocent et l’arrestation peut intervenir à tout moment. La photo, parfois tremblée, avec ses couleurs ternes, grisâtres, ses éclairages médiocres, rend bien ce climat et le malaise qui en résulte, notamment dans les intérieurs avec leurs tristes ameublements fonctionnels et sans beauté. A part les bâtiments à colonnades de type stalinien, ou le Kremlin suggéré en arrière plan, les extérieurs, eux, sont moins convaincants. L’interprétation est excellente, à commencer par celle de l’héroïne, Anna (Marina Hands), 2. Marc Dugain est l’auteur, entre autres, de La chambre des officiers, qui fut adaptée au cinéma, et de La malédiction d’Edgar, sur Edgar Hoover. AVRIL 2010 Une exécution ordinaire Réalisateur: Marc Dugain Producteur: Jean-Louis Livi Acteurs Staline Anna Vassili Concierge André Dussollier Marina Hands Édouard Baer Denis Podalydès Directeur hôpital Chef de service Beria Alexandra Oncle Anton Durée: Date de sortie: Tom Novembre Grégory Gadebois Gilles Gaston-Dreyfus Anne Benoit Gilles Ségal 1h44 3 février 2010 et de Vassili son mari (Edouard Baer). La performance d’André Dussolier en Staline est saisissante, et le film lui devra sans doute en grande partie son succès. Sans oublier l’ineffable prestation de Denis Podalydès en gardien d’immeuble hypocrite, fouineur et mouchard. Le Tsar de Pavel Lounguine par Charles-Michel Cintrat A sommes incontestablement devant un grand film et le spectateur est immédiatement conquis par un récit conduit tambour battant, par des images choc et un montage sans temps morts, par le réalisme et la violence de certaines séquences, et par la beauté de la photo de Tom Stern, collaborateur habituel de Clint Eastwood. Bien qu’il aborde le même sujet, Le Tsar ne constitue pas une suite du film d’Eisenstein, Ivan le Terrible, mais en est une reprise, dans une perspective différente, tout en s’articulant autour de trois grands thèmes : N° 41 VEC LE TSAR, nous 125 CINÉMA – DVD C I N É M A