Analyse de la production des sols urbains au Tchad : cas de N

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Analyse de la production des sols urbains au Tchad : cas de N
Analyse de la production des sols urbains au Tchad : cas de
N’Djamena
Iya Moussa
Université de Ngaoundéré Camerou,
[email protected]
Tob’ro N’dilbé, Université de Ngaoundéré Cameroun
Résumé
L’un des problèmes engendrés par l’urbanisation galopante en Afrique en général et au Tchad
en particulier est celui lié à la production des sols urbains. Cette contribution analyse ce
secteur en prenant l’exemple de N’Djamena . Il en ressort que cette production repose sur des
textes en vigueur et qu’elle fait intervenir une multitude d’acteurs. Cependant ces textes
officiels sont à peine respectés et les pouvoirs publics ne maîtrisent pas ce secteur comme cela
se doit. Compte tenu des pratiques urbaines, il s’avère nécessaire qu’une relecture de ces
textes officiels soit faite dans le but de faciliter et simplifier la procédure de production des
sols urbains.
Mots clés : sol urbain, Tchad, urbanisation, acteur.
Abstract : One of the problems caused by rapid urbanization in Africa in general and in
particular in Chad is the one related to the production of urban land. This contribution
analyses this sector using the example of N'Djamena. It appears that this production is based
on laws in force and that involves a multitude of actors. However, these texts are hardly
respected and the government were not keeping pace with the industry as is required. Given
the urban practices, it is necessary that a reading of these texts is done in order to facilitate
and simplify the procedure for the production of urban land.
Keywords : urbanization, land possession, law texts, Chad
Introduction
Dans les pays en voie de développement en général et en Afrique en particulier, la croissance
démographique a entraîné une forte demande en sols urbains pour les constructions et
l’implantation d’équipements divers. Pour satisfaire cette forte demande, on note une
multitude d’acteurs qui interviennent dans la production de ces sols, utilisant des instruments
variés. Cependant, les pouvoirs publics semblent n’avoir pas toujours maîtrisé ce secteur du
foncier (Iya, 2000), car les problèmes liés à l’occupation anarchique des sols ainsi que ceux de
l’accès à la propriété foncière et leurs conséquences continuent à préoccuper les gestionnaires
des villes (Tientcheu, 2003). Comment sont produits les sols urbains et quelles sont les
conséquences de la non maîtrise de cette production sur la gestion foncière ? Nous allons
chercher la réponse à cette question à travers une étude de la ville de N’Djamena au Tchad.
Présentation de la zone d’étude
Le Tchad est localisé au centre du continent africain. Il est situé entre les 8e et 24e degrés de
latitude Nord, et entre les 14e et 24e degrés de longitude Est et couvre une superficie de 1 284
000 km2. Il jouit des frontières communes avec la Libye au nord, le Soudan à l’Est, la
République Centrafricaine au sud, le Cameroun, le Niger et le Nigeria à l’Ouest (carte n°1).
Ce pays est situé à 1500 kilomètres de Kribi, façade maritime la plus proche. N’Djaména sa
capitale est située à 12°8 de latitude nord et à 15°2 de longitude Est. Elle est localisée à
l’Ouest du Tchad à la frontière avec le Cameroun et à environ 8 kilomètres au sud du Lac
Tchad. La ville s’étend en amont et en aval de la confluence du Logone et du Chari sur la rive
droite de ce dernier. Cette situation confère à la ville un cadre physique particulier.
Du point de vue topographique, N’Djaména est implantée sur une plaine alluviale dont
l’altitude varie entre 293 et 298 mètres. Cette situation confère à la ville un site parfaitement
plat.
Les précipitations se produisent à N’Djaména entre mai et octobre sous forme d’averses. La
pluviométrie moyenne annuelle varie de 500 à 700 mm. Les maxima se situent à 900 mm et
les minima à 226 mm.
Les températures sont élevées à N’Djaména atteignant le maximum au mois d’avril avec
47°C. La moyenne annuelle est de l’ordre de 28°C. La température minimale est de l’ordre de
20°C. Les mois de décembre et janvier sont les plus froids.
1
Cadre conceptuel
Nous devons définir les concepts qui permettent de comprendre d’une part la notion de sols
urbains et d’autres part celle d’acteurs de cette production.
Un sol urbain
Les sols urbains sont les terrains aménagés et prêts pour la construction ou l’implantation des
équipements. Au Tchad, la réglementation régissant la production des sols urbains, inspirée de
la réglementation française se base sur trois textes principaux qui remontent pour l’essentiel à
1967. Ces textes relayés par le P.U.R. stipulent officiellement que le lotissement constitue le
mode essentiel de production de sols urbains permettant l’extension des villes. Mais dans la
pratique, deux modes de production coexistent : le lotissement et l’occupation non planifiée.
Les acteurs
Un acteur est celui qui agit ou mieux celui qui prend une part importante dans une action.
L’action humaine est pour une part importante une action géographique parce qu’elle se
réalise sur l’espace. Ainsi comme le souligne BRUNET (1996), un acteur en géographie, est
« une personne physique ou morale possédant le pouvoir d’agir sur une certaine portion de la
surface terrestre, de la transformer, d’en user suivant ses intentions et ses besoins ». La ville
étant une diversité d’obligations auxquelles l’ont doit faire face, cette diversité d’obligations
induit une diversité d’acteurs que l’on peut classer en deux grandes catégories : l’Etat et la
collectivité locale d’une part et les acteurs privés qui intègrent les associations de quartiers,
les comités d’assainissement, les ONG, les élites locales, etc., d’autre part.
Cadre méthodologique
Pour répondre à la question de recherche posée dans l’introduction, nous formulons
l’hypothèse que dans la production des sols urbains interviennent une multitude d’acteurs
avec des instruments différents, causant ainsi une non-maîtrise de ce secteur par les pouvoirs
publics.
Pendant les travaux de collecte des données il s’agissait d’exploiter les textes de lois, décrets
et règlements relatifs à notre sujet et mener des entretiens avec les différents acteurs impliqués
dans cette production et les gestionnaires de la ville. Les informations obtenues ont été traitées
au moyen des cartes et de statistiques simples.
Résultats
Une forte croissance démographique et spatiale
A l’image de la plupart des villes de l’Afrique, N’Djaména connaît une croissance
démographique extrêmement rapide. En effet, peuplée de 2100 habitants en 1921, la bourgade
coloniale de Fort-Lamy (devenue N’Djaména) verra sa population croître à un rythme
accéléré et atteindre successivement 12100 habitants en 1940, 64 997 habitants en 1960,
317 959 habitants en 1978, 425 600 habitants en 1990 (Goual, 1999) et en 2004 un effectif de
1 060 000 habitants. Cette croissance rapide et continue de la population s’est accompagnée
d’une extension spatiale considérable. Cette dernière est passée de 2 840 ha en 1971 à 4 500
ha en 1984, puis 5 900 ha en 1995 (Ngaressem, 1998) et 7 120 ha en 1999 (Bceom, 1999).
Mais quels sont les facteurs qui ont favorisé cette extension de la ville ?
Les principaux acteurs
- Les services techniques de l’administration centrale
Au Tchad, l’État a confié les différentes tâches de la gestion des villes à divers services
techniques spécialisés. Ces services dépendent de plusieurs départements ministériels. Selon
le décret N°331/PR/PM 2002 portant structure générale du gouvernement et attribution de ses
membres. Nous distinguons : le Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et
de l’Habitat, le Ministère des Finances et de l’Économie, le Ministère des Travaux Publics et
des Transports, le Ministère de la santé Publique, le Ministère de l’Éducation Nationale et
diverses autres institutions étatiques.
Le Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et de l’Habitat (MATUH)
Le MATUH. est le département clé de la planification urbaine au Tchad. Il est chargé de la
conception, de la coordination, de la mise en œuvre et du suivi de la politique du
gouvernement en matière d’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et de l’Habitat. Au
sein du M.A.T.U.H., on rencontre les Directions : de l’Urbanisme, de l’Habitat et celle des
Tavaux de Bâtiments Civils qui ont vocation à mettre en place des équipements urbains.
La Direction de l’urbanisme
Elle a pour mission de concevoir, d’organiser et d’appliquer les éléments de la politique
urbaine sur l’ensemble du territoire national. La Direction de l’Urbanisme est actuellement
chargée de :
-L’élaboration des documents d’aménagement et d’urbanisme et du contrôle de leur
application et leur révision sur l’ensemble du territoire national ;
-La planification et la répartition des équipements et des activités ;
-Contrôler la localisation et l’intégration des équipements publics décidés par diverses
personnes morales de droit public ;
-Définir les niveaux de viabilisation suivant les types de quartiers ;
-Créer et contrôler les réserves foncières dans les zones urbaines et périurbaines n’appartenant
pas au domaine privé des collectivités locales.
La Direction de l’Urbanisme exécute ces tâches par le biais des quatre divisions dont elle
dispose : Divisions de la Planification Urbaine, des Équipements Urbains, des Études
Générales et Législation, de la Topographie et de la Cartographie.
La Direction du Cadastre
Intégrée au rang de direction à l’intérieur du MATUH depuis 2002, le Cadastre est chargé :
- De l’établissement et de la conservation des documents cadastraux (plans, graphiques,
matrice, état de cession des plans parcellaires) ;
- De l’identification et du recensement des propriétés en vue de la définition de l’impôt
foncier ;
- De l’exécution des bornages relatifs aux réquisitions d’immatriculation ;
- Des études, de la production, de l’exploitation de tous les documents cadastraux
relatifs à la propriété foncière ;
- De l’implantation des lotissements nouveaux ;
- De l’identification des parcelles sur la base des listes transmises par la commission
d’attribution ;
- De l’enrôlement des attributaires en première option.
La direction du cadastre participe également à l’instruction des dossiers de constructions
publiques ou privées, au bornage des terrains urbains, périurbain et ruraux, à l’adjudication
des biens domaniaux. C’est elle qui assure le secrétariat de la commission d’attribution des
terrains en zone urbaine depuis 1997. De façon pratique, la direction du cadastre intervient
dans les travaux de lotissement, de restructuration et de bornage des terrains urbains.
La Direction de l’Habitat
La Direction de l’Habitat a pour mission de se concentrer sur les seuls volets liés à l’habitat.
A cet effet, elle se charge de :
- Définir les conditions techniques d’une politique de l’habitat (auto construction,
matériaux de construction, promotion immobilière, etc.) ;
- Gérer toutes les questions relatives à la réglementation en matière d’habitat et de
construction ;
-
Mettre en place, tenir et gérer une banque de données de l’habitat ;
Étudier les dossiers de construction ;
Élaborer, centraliser et diffuser les textes relatifs aux professions d’architectes, de
promoteurs immobiliers, de bureau d’étude technique, d’ingénieurs conseils et
d’entrepreneurs en collaboration avec les services intéressés.
En dehors des Directions techniques du MATUH, des services dépendants de certains
ministères interviennent également dans la planification et la mise en place des équipements
urbains.
La Direction de l’Enregistrement des Domaines, du Timbre et de la Conservation Foncière
( DEDTCF)
La DEDTCF est rattachée au Ministère des Finances et de l’Économie. Elle intervient ici dans
le recouvrement des différentes recettes inhérentes au foncier. A cet effet, elle s’occupe des
biens fonciers, domaniaux et immobiliers. Ses attributions ont été précisées par les lois 23, 24
et 25 du 22 juillet 1960 portant statut des biens domaniaux, régime de la propriété foncière et
des droits coutumiers, limitation des droits fonciers et leurs décrets d’application numéros
185, 186 et 187 du 1er août 1967. Elle gère tous les biens domaniaux sur l’étendue du
territoire national. Cette direction compte trois services spécialisés : le service des affaires
domaniales, du foncier et de la curatelle, le service des recettes, de la comptabilité et du
timbre et le service des études, du personnel et du matériel. Elle s’occupe de façon générale
de l’exécution de la politique fiscale et domaniale de l’Etat. C’est donc dans le domaine
foncier et immobilier que cette sous direction est très active. Sa compétence recouvre toutes
les transactions urbaines, ainsi que le montage des dossiers et le recouvrement des coûts des
attributions et des ventes de terrains urbains que lui reverse le cadastre. Depuis août 1997,
c’est le directeur des domaines qui est le président de la Commission d’Attribution de Terrain
en Zone Urbaine (CATZU).
Instruments
Au Tchad, la réglementation régissant la production de terrains à bâtir, inspirée de la
réglementation française se base sur trois textes principaux qui remontent pour l’essentiel à
1967. Ces textes relayés par le P.U.R. stipulent officiellement que le lotissement constitue le
mode essentiel d’extension de la ville de N’Djaména. Mais dans la pratique, deux modes
d’extension coexistent. Il serait donc intéressant de les examiner afin de voir comment les
différents acteurs obtiennent l’espace nécessaire aux équipements qu’ils désirent implanter ?
Le lotissement
Le concept de lotissement dérive du verbe lotir qui signifie diviser en lots. En géographie
urbaine, ce concept a deux sens. Il désigne d’abord une opération, celle qui consiste à diviser
en lots une ou plusieurs propriétés foncières pour y construire des habitations. Il évoque aussi
le résultat de l’opération, c’est dire l’ensemble des habitations réalisées (Cabanne, 1992).
Dans le cadre de cette étude nous allons appréhender ce concept suivant son premier sens
c’est à dire le morcellement d’une portion d’espace urbain en des espaces de plus petites
dimensions appelées lots. Ces derniers sont mis à la disposition des usagers pour utilisation à
des fins variées. Pour rendre effective cette opération d’urbanisme, plusieurs acteurs (pouvoirs
publics et municipalité) interviennent.
En ce qui concerne N’Djaména, le périmètre urbain affecté à la ville est géré conjointement
entre la commune et l’administration centrale. Ce sont les directions de l’urbanisme et du
Cadastre qui aident la commune à produire l’espace nécessaire à son urbanisation et à
organiser la localisation des équipements dont a besoin le cadre urbain. De façon théorique
comme le montre la figure n°1, l’initiative du lotissement émane du MATUH et, ce sont ces
Directions techniques qui donnent vie à l’opération en effectuant les différentes études
nécessaires. Ces travaux se réalisent en deux grandes phases : la conception des différents
plans et leur implantation. La première phase est exécutée par la Direction de l’urbanisme et
la seconde par celle du Cadastre. Avant l’implantation des plans de lotissement, ces derniers
sont soumis à l’appréciation d’une instance dénommée : Commission d’urbanisme pour la
ville de N’Djaména (décrite plus bas) pour appréciation en vue de l’obtention du visa pour
application. En cas d’accord de la commission, la Direction du Cadastre se charge de sa
réalisation sur le terrain. Les terrains à bâtir produits par le lotissement sont ensuite attribués
aux usagers par une commission dénommée : Commission d’Attribution de Terrain en Zone
Urbaine (CATZU). Après les attributions, 10% de la valeur des parcelles vendues sont
reversés à la commune de N’Djaména.
Phases COMPÉTENCES ET TRAVAUX
Direction de Direction du Commission Commune
C.A.T.Z.U
l’urbanisme
cadastre
d’urbanisme
1ère
Elaboration
2e
3e
du plan
Approbation
Exécution
Attribution
4
e
5e
Attribution
de 10% de
la valeur des
parcelles
Figure 1 : Procédure d’élaboration de lotissements au Tchad
La production de sols urbains à N’Djaména s’effectue ainsi de façon théorique en cinq phases.
Mais, qu’en est-il dans la pratique ?
Comme nous venons de le voir, l’établissement des lotissements urbains comporte deux
grandes phases : la conceptions des différents plans et leur implantation. Ces opérations font
appel à deux directions du M.A.T.U.H. : la direction de l’urbanisme et celle du cadastre.
Théoriquement, l’intervention de la direction du cadastre se situe en aval de celle de la
direction de l’urbanisme. En effet, c’est cette dernière qui est chargée d’effectuer les levés
topographiques en vue de la conception des plans de lotissement. Une fois les plans conçus, la
direction de l’urbanisme les soumet pour adoption par la commission d’urbanisme. C’est
après l’adoption du plan par la commission d’urbanisme que la direction de l’urbanisme le
transmet à celle du cadastre pour exécution. Mais dans la réalité, les choses ne se passent pas
toujours comme prévues. En effet, faute de moyens financiers pour procéder aux levés
indispensables pour la conception des plans, la réalisation de ces derniers connaît souvent de
grands retards. Aussi, jusqu’en 2002, année où la Direction du Cadastre était sous tutelle du
M.F.E., il arrivait que les agents du cadastre réalisent eux-mêmes des plans des lotissements
qu’ils exécutent sans passer par la voie normale, c’est à dire l’adoption par la commission
d’urbanisme (Dobingar, 2001). Inversement, ceux de l’urbanisme réalisent des plans qu’ils
implantent sans l’avis de la commission d’urbanisme. Dans la majeure partie des cas, ces
opérations s’effectuent à l’insu des services techniques de la Mairie. Les avantages financiers
qu’accorde l’Etat aux techniciens qui réalisent ces opérations ainsi que les opportunités
d’effectuer des bornages privés clandestins, production d’actes illégaux d’attribution de
terrain (Beaujeu-Garnier, 1995), sources supplémentaires de revenus semblent être le moteur
de ces trafics. Le lotissement, opération d’intérêt public est ainsi dans la réalité un jeu de
profit ou chacun cherche à y tirer son épingle.
L’objectif principal du lotissement est de mettre à la disposition des citadins des parcelles
viabilisées. Dans le contexte du Tchad, « La ville est en effet appréhendée […] comme un
espace neutre qu’il suffit de quadriller avec des rues et des équipements pour qu’elle
fonctionne d’elle-même » (Dobingar, 2001.). Comme le montre le tableau n°1, les
lotissements effectués portent sur des espaces dont la superficie varie entre 40 et 280 ha, celle
des parcelles oscille entre 450 et 650 m2 dans les quartiers traditionnels et entre 1 000 et 1
300 m2 dans les zones résidentielles. En matière de voirie urbaine, la largeur des voies
principales est comprise entre 30 et 40 mètres, celle des voies secondaires varie de 10 à 20
mètres et celle des voies tertiaires est inférieure à 10 mètres. Au delà de 1986, lors de nos
enquêtes de terrains, les données n’étaient pas disponibles. Il faut cependant noter que la
majorité des extensions ont été faites de manière non planifiée, d’où l’indisponibilité des
documents.
Tableau n°1 : Lotissements réalisés hors de la voie de contournement de 1965 à 1986
Quartiers
Date
Superficie Nombre Surface
d’attribution (ha)
de lots moyenne de
la parc (m2)
Diguel Tanneur 1965
70
1200
435
Diguel Tanneur
40
420
spontané
Diguel Est
1984
240
2860
425
Diguel Nord
1986
170
2000
540
N’Djari
1974
260
1580
600
Am Toukouî
1975
280
2160
580
Chagoua
1986
230
2500
690
Source: Plan Urbain de Référence.
Occupation non planifiée et spontanée
Le schéma des villes où la croissance périphérique est le fait de nouveaux migrants ruraux qui
s’établissent sommairement à la périphérie ne se vérifie pas pour le cas de la ville de
N’Djaména. En effet, pour cette ville, la croissance périphérique est l’œuvre des citadins de
longues dates, qui pour diverses raisons, préfèrent quitter les quartiers centraux pour
aménager à la périphérie (NGARESSEM, 1998). L’extension de la ville s’est faite par un
mouvement centrifuge des populations des quartiers centraux vers la périphérie, seule zone
disponible pour obtenir facilement par l’entremise des chefs traditionnels, un lopin de terre.
En prenant l’exemple du quartier Chagoua, comme le montre le tableau n°2, trois principales
raisons ont incité la population actuelle à prendre d’assaut cet espace. Sur un échantillon de
385 personnes enquêtées, la grande majorité, c’est à dire 61 % l’a fait à cause des coûts
abordables de terrains. Beaucoup prétendent qu’à l’époque où ils se sont installés, les terrains
coûtaient dans entre de 10 000 et 20 000 f CFA. Pour d’autres (36 %), la présence des gens de
la même ethnie qu’eux a été pour beaucoup dans leur installation dans ce quartier. Ceci
s’explique par la psychose de la guerre civile qu’a connue la ville et son corollaire, les
affrontements ethnico religieux. Pour éviter de revivre la même situation, beaucoup de
N’Djaménois se regroupent par affinité ethnique. Les opportunités agropastorales qu’offre la
disponibilité de vastes espaces à la périphérie de la ville ont été la raison principale de
l’installation d’une minorité (2,08 %) de ménages.
Tableaux n°2 : Raisons d’installation de la population à Chagoua.
RAISONS D’INSTALLATION
EFFECTIFS
POURCENTAGE
Coût abordable de terrain
235
61,04
Opportunités agropastorales
8
2,08
Présence d’un parent
142
36,88
TOTAL
385
100
Source : Enquêtes de terrain mai-juin 2004.
Accès à la propriété foncière
Les sols urbains produits par le biais du lotissement sont mis à la disposition des usagers en
suivant une procédure bien déterminée. L’attribution de terrains se fait selon deux modes :
soit par adjudication, soit de gré à gré. L’attribution par adjudication se fait lorsque, pour un
même terrain, on enregistre plusieurs demandes. Dans ce cas, la commission d’attribution de
terrains étudie les dossiers et attribue le terrain au plus offrant, en veillant à ce que le
bénéficiaire ne soit pas propriétaire de plus de deux terrains. Ce principe est très peu appliqué
par rapport au gré à gré. Pour ce deuxième cas, la demande de l’intéressé est soumise à
l’appréciation de la commission. Après étude, le président de la commission notifie les
conclusions à l’intéressé qui, en cas d’accord est tenu de payer au service du cadastre les frais
des taxes de bornage et les frais de publicité. Ensuite, l’intéresse verse la valeur intégrale du
terrain au service des domaines et ce, en une seule tranche (300 FCFA / m2 pour les terrains
de type B et 500 FCFA / m2 pour les terrains de types A). L’exécution de ces deux premières
étapes donne droit à l’octroi du permis d’habitat à l’intéressé.
Ensuite, l’intéressé est tenu de mettre en valeur son terrain après obtention du permis de
construire pour les bâtiments en dur. L’octroi de la concession définitive est délivré par
arrêté du Ministre des finances après constat de mise en valeur obligatoire pour les terrains de
catégorie A. L’immatriculation est la dernière étape du processus, elle donne droit au titre
foncier, seul document pouvant garantir à l’intéressé la possession de son terrain.
Le citoyen qui désire acquérir un terrain à N’Djaména doit suivre une procédure simple. Il est
tenu d’adresser une demande d’octroi de terrain au directeur du cadastre qui est le président
de la commission d’attribution de terrain. Cette demande est déposée au secrétariat de la
commission d’attribution de terrain en zones urbaines.
Cette étude consiste à vérifier si le demandeur est mineur ou majeur, s’il n’a pas un terrain
impayé aux Domaines, s’il n’a pas déjà bénéficié de terrain lors des précédentes attributions
etc. Au cas où ces situations se présentent, la demande est rejetée. Notons également que la
satisfaction de la demande est fonction de la disponibilité de terrain, ce qui n’est pas souvent
le cas. En cas de satisfaction, la commission communique au demandeur les références de sa
parcelle ainsi que son montant.
La commission constitue le dossier de gré à gré et l’envoie aux Domaines. Au niveau des
Domaines, le dossier est saisi puis envoyé à la Mairie afin de procéder aux affichages pour
voir s’il n’y a pas d’opposition à cette attribution. Si au bout d’un mois il n’y a pas
d’objection, le certificat de non opposition d’avis au public est établi et le dossier est de
nouveau renvoyé aux Domaines pour un terrain en zone traditionnelles. Si c’est une zone
résidentielle, on procède à l’adjudication avant de passer à l’étape suivante. Dès que le dossier
revient aux Domaines, une lettre de mise en paiement est adressée au demandeur pour lui
notifier de venir payer les frais du terrain. Ce paiement s’effectue au service des Domaines
après versement des frais d’enregistrement qui sont de 10% du terrain. Le paiement pour sa
part s’effectue suivant la grille de prix en vigueur. Comme le montre le tableau n°3, le prix du
terrain nu varie en fonction de la largeur des rues qui le côtoient.
Tableau n°3 : Structure du prix du terrain nu en fonction de la largeur des rues
LARGEURS DES RUES (en mètre)
PRIX DU TERRAIN NU (en franc C.F.A.)
[ 0-15[
300
[ 15-40[
400
[40 et plus [
1 000
Source : Ordonnances et note de services en vigueur
L’attributaire s’acquitte également des frais de taxe de bornage qui sont fonction des surfaces
de parcelles (voir tableau n°4) et des frais de tirage de plan au cadastre qui les reverse au
Trésor ainsi que les frais de publicité (10 000 FCFA) et la taxe superficielle qui est de 10
FCFA / m2 au niveau de la commune.
Tableau n°4 : Structure de la taxe de bornage en fonction de la taille des parcelles
SURFACES DE PARCELLES (en m2)
PRIX (en franc C.F.A.)
[0-300[
20 000
[300-400[
25 000
[400-800[
30 000
[800-1000[
35 000
[1000-1200[
40 000
[1200 et plus [
50 000
Source : Ordonnances et note de services en vigueur
Au cas où le demandeur paie la totalité du prix du terrain et les frais annexes, le projet d’arrêté
de gré à gré est préparé et soumis à la signature du Ministre des Finances. Dès que le terrain
est payé, l’intéressé peut le mettre en valeur, condition sine qua non pour l’obtention du titre
foncier. Cependant, la mise en valeur est soumise à l’obtention d’un permis de construire.
Après mise en valeur, l’attributaire demande au cadastre de lui faire la mise à jour de son plan
en y intégrant son investissement (bâtiment, hangar ou clôture, etc.) réalisé sur ledit terrain et
exige un constat de mise en valeur.
Pour répondre à la demande, la Mairie envoie sur le lieu son équipe qui se charge de vérifier
la conformité du cahier des charges. Après le constat, le calcul de la valeur du bâti est effectué
et soumis aux membres de la commission pour vérification, saisie puis envoie aux Domaines.
Le dossier arrivé aux Domaines est transféré au Cadastre pour signature des procès-verbaux
de bornage. Après signature des procès-verbaux de bornage, le dossier est de nouveau expédié
aux Domaines. La conservation foncière délivre à l’intéressé le Certificat de propriété.
Après avoir délivré le certificat d’immatriculation, le conservateur envoie le dossier au
Procureur de la République qui lui donne en retour, l’ordonnance pour l’immatriculation du
titre foncier. Une fois l’ordonnance reçue, le conservateur foncier affecte un numéro par ordre
chronologique au dossier avant de décrire dans le livre foncier la contenance de ce titre.
Il monte ensuite un livret contenant les mêmes informations transcrites dans le livre foncier :
c’est le titre foncier. Ce dernier est la pièce juridique qui est remise à l’intéressé. C’est à ce
moment seulement que l’attributaire peut se réclamer propriétaire de ladite parcelle.
Phases
1ère
2e
3e
4e
5e
6e
e
COMPETÉNCES ET TRAVAUX
C.A.T.Z.U.
Domaines
Commune
Cadastre
Procureur
de la
République
Etude de la
demande
Saisi du dossier
Publicité
Mise en paiement
Constat de mise
en valeur
Montage
du P.V de
bornage.
Délivrance
du T.F.
7
Figure n°2: Procédure de délivrance de titre foncier au Tchad
L’accès à la propriété foncière s’effectue ainsi en sept grandes étapes (résumé à la figure n°2)
faisant appel à diverses directions techniques de l’administration centrale ainsi que la
commune. C’est une procédure longue et coûteuse pour le citoyen qui désire acquérir
légalement son lopin de terre. Mais, quelle est la situation de cette procédure sur le terrain ?
Dans la pratique, ce processus est rarement accompli, seules les deux premières étapes sont
respectées. En effet, du fait du manque de rigueur au regard des paiements effectifs et de la
mise en valeur des parcelles, les attributaires se contentent généralement du reçu des taxes de
bornage et du versement de la première tranche du prix du terrain au cadastre. Ils construisent
leur logement et beaucoup négligent de payer leur terrain aux domaines, comme le montrent
les chiffres suivants issus du service des domaines : sur les 65 000 parcelles répertoriées en
2004 à N’Djaména, seulement 20 000 sont reconnues légales par les Domaines, soit près de
70 % en occupations abusives. 2 600 de ces parcelles sont immatriculées à ce jour, soit 13 %
des parcelles légales. Une enquête détaillée sur les parcelles du quartier Chagoua nous permet
de mieux apprécier cette situation. En effet, comme le montre le tableau n°5, sur les 385
ménages que nous avons enquêtés, seuls 3,63 % sont en situation régulières, c'est-à-dire qu’ils
disposent du titre foncier, document qui garantie leur propriété. Les détenteurs du Permis
d’habitation sont encore moins nombreux que ceux ayant un titre foncier, soit 2,08 % de
parcelles. A Chagoua, à peine 2 % de propriétaires de terrains ont versé au moins 25 % du
prix de leur terrain. L’Attestation de vente (qui est beaucoup plus délivré en cas d’achat avec
un particulier) et le Plan Cadastral sont les documents que l’on retrouve le plus souvent chez
les propriétaires de parcelles, avec respectivement 61,82 % et 32,47 %. Cela s’explique par le
souci pour ces derniers de détenir une pièce qui, en cas de litige, pourrait permettre de justifier
leur occupation.
Tableau n°5 : Situation des parcelles du quartier Chagoua.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
EFFECTIFS
POURCENTAGE
Attestation de vente
238
61,82 %
Plan Cadastral
125
32,47 %
Permis d’habitation
8
2,08 %
Titre foncier
14
3,63 %
TOTAL
385
100 %
Source : Enquêtes de terrain mai-juin 2004.
Cette situation que l’on qualifierait de propriété provisoire constitue un important manque à
gagner pour le trésor public car ces parcelles, sans être intégralement payées, sont souvent
revendues à un prix parfois cinq fois supérieur à leur prix réel d’acquisition.
Conclusion
Au terme de cette analyse, il s’avère que la forte croissance démographique a provoqué une
demande élevée en sols urbains. Une analyse de la production de ces sols a révélé qu’elle fait
intervenir plusieurs acteurs, tant publics que privés. Seulement jusqu’à présent, ceux du privé
agissent encore dans l’informel. En plus, malgré l’existence des textes officiels qui sont
supposés réglementer ce secteur, la réalité sur le terrain présente une autre face : ces textes
sont à peine respectés. Les pouvoirs publics semblent dépassés, maîtrisant rarement la gestion
foncière. Compte tenu de cette réalité, nous pensons que le succès dans la production des sols
urbains au Tchad dépend d’une relecture urgente des textes en vigueur en matière de gestion
foncière urbaine. Ne faudrait-il pas envisager une légalisation des systèmes privés, informels
et traditionnels de cette production de sols urbains en fixant les cadres de leurs actions?
Liste des références bibliographiques
Ouvrages et revues
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Mairie de N’Djaména, Ville de Toulouse, Mission Française de Coopération et d’Action
Culturelle, 113 pages.
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Brunet I., Ferras R., et Thery H., : 1996, Les Mots de la Géographie. Dictionnaire critique,
Collection Dynamique du territoire. Reclus-La Documentation française, Paris, 518 pages.
Cabanne C. : 1992, Lexique de Géographie humaine et économique, 2e édition, Paris, Dalloz,
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Dobingar A. : 2001, Gestion spatiale et construction urbaine : l’assainissement, un révélateur
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Strasbourg, 455pages.
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pp. 31-42 in : Les Annales de la faculté des arts, lettres et sciences humaines de l’Université
de Ngaoundéré,Vol V, 125 pages.
Ngaressem Goltob M. : 1998, Croissance urbaine et problèmes de l’habitat à N’Djamena,
Thèse de Doctorat troisième cycle en géographie, 419 pages.
Tientcheu Njiako A. : 2003, Droits fonciers urbains au Cameroun, P.U.A, Yaoundé, 544
pages.
Journaux
Beaujeu-Garnier: 1995, « Que se passe-t-il au cadastre ? » in : N’DJAMENA HEBDO DU 02
NOVEMBRE 1995, p 5.
Goual N. : 1999, « Coin de voile sur l’histoire d’une ville centenaire » in :Tchad et Culture N°
184 de décembre 1999, pp 11-12, 24 pages.
Textes de lois
Décret N° 331/PR/PM 2002 portant structure générale du gouvernement et attribution de ses
membres.
lois 23, 24 et 25 du 22 juillet 1960 portant statut des biens domaniaux, régime de la propriété
foncière et des droits coutumiers, limitation des droits fonciers