1. Introduction

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1. Introduction
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Scheer, Tobias 1999. Aspects de l'alternance schwa-zéro à la lumière de
"CVCV". Recherches Linguistiques de Vincennes 28, 87-114.
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Tobias SCHEER
Université de Nice
ASPECTS DE L'ALTERNACE SCHWA-ZÉRO
À LA LUMIÈRE DE "CVCV" 1
RÉSUMÉ
Le présent article discute la distribution des groupes consonantiques adjacents à
schwa en français métropolitain. L'étude porte sur l'influence qu'ont ces groupes
sur la possibilité d'omettre schwa. Celui-ci peut chuter chez au moins un sousensemble des locuteurs s'il est suivi d'une séquence à sonorité croissante (« le
søcret ») ou si une entrave le précède (« marguørite »). En revanche, schwa est
obligatoirement réalisé lorsqu'il est précédé d'une Attaque branchante
(« *vendrødi ») (le français ne connaît pas d'entraves suivant schwa). Cet état de
fait remet en question des analyses formulées dans le cadre de la Phonologie de
Gouvernement. Notamment, les généralisations pivot « le Gouvernement Propre ne
peut enjamber des domaines de gouvernement » et « toute tête de domaine de
gouvernement non-nucléaire doit être licenciée » s'en trouvent falsifiées. Au vu
d'autres alternances voyelle-zéro dans diverses langues génétiquement nonapparentées, il apparaît néanmoins qu'une analyse unifiée incluant le français est
souhaitable. Une proposition faite dans Lowenstamm (1996) se révèle fructueuse à
cet égard. La structure syllabique s'y résume à une consécution stricte d'Attaques
non-branchantes et de Noyaux non-branchants. Il est montré que ce modèle
« CVCV » accompagné d'une théorie de l'interaction entre consonnes peut fournir
une analyse unifiée des cas de figure « marguørite » et « søcret ». Du reste,
l'agrammaticalité de « *vendrødi » en est une conséquence naturelle.
MOTS-CLÉS
Schwa, structure syllabique, groupes consonantiques, début de mot, catégories
vides, phonologie de gouvernemtn, français.
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TOBIAS SCHEER
1. Introduction
L'alternance schwa-zéro en français a fait l'objet de nombreuses études2. Un commun
accord semble être acquis sur les points suivants. L'alternance de schwa avec zéro est
fonction de paramètres divers, à savoir sociologiques, géographiques, dialectaux,
idiolectaux, phonologiques et grammaticaux. L'absence totale du schwa n'est pas
conditionnée de cette manière. Le seul paramètre semble être de nature évolutive : dans
certains mots de fréquence élevée comme « tellement, maintenant », le schwa n'est plus
jamais prononcé par certaines personnes (sauf diction poétique, théâtrale). Hormis ce
groupe de mots relativement restreint, les formes pourvues de schwa sont jugées
grammaticales par TOUS les francophones.
Dans le présent travail, je m'intéresserai exclusivement à la question de savoir quelles
sont les conditions phonologiques dans lesquelles le schwa peut alterner avec zéro à
l'intérieur d'un mot. Les conditions de non-alternance avec zéro (type « tellement »), les
occurrences de schwa en tant que première voyelle d'énoncé (p.ex. « reprends du gâteau ! »)
ainsi que celles en fin de mot ne seront pas abordées.
Après un relevé des données pertinentes (section 2), je rappellerai l'analyse de Charette
(1990 ; 1991) (section 3) pour montrer qu'elle est démentie par les faits (section 4). Ensuite,
je discuterai les conséquences de cette situation (section 5) pour enfin proposer une analyse
alternative qui repose sur une structure syllabique strictement CVCV (Lowenstamm, 1996)
(sections 6 et 8) et une théorie de l'interaction entre consonnes. Cette théorie sera
brièvement introduite en section 7.
2. Aspects du conditionnement phonologique de l'alternance
Il a été observé dans les travaux cités que la possibilité d'omettre le schwa dépend de son
environnement consonantique. En guise de première orientation, on peut dire que plus le
nombre de consonnes qui se trouvent à gauche et à droite du schwa est élevé, plus il est
difficile d'observer son omission. Afin d'obtenir des renseignements plus détaillés,
examinons le comportement de schwa dans les contextes suivants ("T" renvoie à toute
obstruante, "R" à toute sonante)3.
(1) a. [...VC´CV...]
b. [...VC´TRV...]
c. […VRT´CV...]
d. [...VTR´CV…]
sans groupe consonantique adjacent
avant TR4
après RT
après TR
revenir
le degré
marguerite
vendredi
Il existe certainement des francophones qui ne peuvent omettre le schwa dans aucune
circonstance. Leur comportement ne sera pas l'objet de mon étude. Je ne considérerai ici
que les possibilités d'omission du schwa chez les locuteurs qui peuvent le faire tomber dans
une quelconque séquence. Par ailleurs, mon analyse sera restreinte aux les séquences où
schwa et son environnement consonantique
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
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appartiennent au même morphème. Le choix d'une base de données morphologiquement
homogène s'impose puisque nombre de généralisations qui ont des chances d'être
pertinentes pour le fonctionnement phonologique de schwa sont démenties par les seuls
objets morphologiquement complexes. Pour n'en citer que deux, il sera démontré plus bas
que dans une séquence […VRT´CV…], de sévères restrictions pèsent sur la distribution de
C. En effet, C ne peut être autre que sonante. Les seuls contrevenants à cette généralisation
sont précisément des mots qui abritent une frontière morphologique au sein de la séquence
[RT´C] comme par exemple « fourche-tée, chaste-té, inter-jeter, porte-feuille, tourne-dos ».
Ou encore, hormis les contextes cités en (1), schwa peut être adjacent à un autre type de
groupe consonantique. Dans des mots comme « gouverne-ment, hurle-ment, ferme-té,
gendarme-rie » et « mal-mener », un complexe composé de deux sonantes le précède. Or, la
pertinence phonologique de ce contexte est douteuse du fait de son inexistence dans les
séquences morphologiquement simples. Notons toutefois que s'il est prudent de ne se
fonder que sur les seuls objets sans structure morphologique interne pour découvrir le
fonctionnement phonotactique du schwa, il n'est pas impossible ni surprenant de voir
certaines généralisations ainsi obtenues s'étendre aux structures morphologiques complexes.
Si un francophone peut omettre le schwa dans certains environnements, alors il peut le
faire dans les contextes [...VC´CV...] illustrés ci-dessous :
(2) [...VC´CV...] : omission possible
+´
-´
+´
revenir
revønir
la semaine
le repas
le røpas
il est devant
-´
la sømaine
il est døvant
Parmi les francophones qui peuvent omettre le schwa dans les séquences de (2), certains
produisent des formes sans schwa également pour [...VC´TRV...], d'autres sont incapables
de le faire tomber dans ces circonstances 5 :
(3) [...VC´TRV...] : omission impossible pour certains, possible pour d'autres
+´
-´
+´
-´
le chevreuil le chøvreuil
le secret
le søcret
le degré
le døgré
le cimetière
le cimøtière [..øtjE..]
la løvrette
le depuis
le døpuis
[l´ døpÁi]
la levrette
concevoir
concøvoir
nous sevrons nous søvrons
Contrairement à la situation observée pour les groupes de consonnes qui suivent le
schwa, le français connaît des séquences à sonorité croissante aussi bien que décroissante
lorsque celles-ci précèdent schwa.
Les suites [...VRT´CV…] peuvent être réalisées sans schwa par certaines personnes. Si
par exemple quelqu'un peut omettre le schwa dans les exemples de
90
TOBIAS SCHEER
(3) « le døgré », il y a de fortes chances pour qu'il puisse en faire autant dans les mots cidessous.
(4) [...VRT´CV...] : omission impossible pour certains, possible pour d'autres
+´
-´
+´
-´
marguerite
marguørite
forgeron
forgøron
porchørie
tourterelle
tourtørelle
porcherie
intervenir
intervønir
barbelé
barbølé
Contrairement aux groupes de consonnes à sonorité décroissante, la configuration
inverse semble interdire la chute de schwa à tous les locuteurs.
(5) [...VTR´CV...] : omission exclue
+´
-´
vendredi
*vendrødi
édredon
*édrødon
la bretelle
*la brøtelle
+´
écrevisse
grenouille
engrenage
-´
*écrøvisse
*grønouille
*engrønage
En résumé, on peut raisonnablement opposer trois groupes de séquences :
(6)
a. omission exclue
[...VTR´CV...]
*vendrødi
b. omission possible pour certains francophones
[...VRT´CV...]
marguørite
[...VC´TR...]
le døgré
c. omission possible pour beaucoup de francophones
[...VC´CV...]
revønir
Dans la suite, je fonderai mon analyse sur cette triple opposition qui en fait entend que,
parmi les locuteurs francophones qui peuvent faire tomber des schwas, il y a les deux
grands groupes suivants.
(7)
a. Groupe A
les francophones qui peuvent omettre le schwa dans la séquence (6c)
[...VC´CV...] « revønir » ET dans celles de (6b) [...VRT´CV...] « marguørite »,
[...VC´TRV...] « le døgré ».
b. Groupe B
les francophones qui peuvent faire chuter le schwa dans la seule séquence (6c)
[...VC´CV...] « revønir ».
Dans la section suivante, je rappelle l'analyse que Charette (1990) a développée pour le
schwa français.
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
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3. L'analyse de Charette
La Phonologie de Gouvernement (Kaye et al. 1985 ; 1990, ci-après KLV) dans laquelle
se situe le travail de Charette se propose d'établir une « syntaxe de la phonologie ». Elle
entend rendre compte des observations plutôt par des relations latérales entre constituants
que par des syllabifications variées. KLV (1990) connaissent deux types de Gouvernement
principaux, à savoir le Gouvernement à l'intérieur d'un constituant (infra CG) et le
Gouvernement entre constituants (infra ICG). Les caractéristiques de ces deux formes de
Gouvernement apparaissent en (8).
(8) a. Le Gouvernement à l'intérieur b. Le Gouvernement entre
constituants opère entre deux
d'un constituant opère entre
points squelettaux qui
les deux points squelettaux
d'un constituant complexe. Il
appartiennent à deux constituants
va de gauche à droite.
adjacents. Il va de droite à gauche.
A
x
|
T
x
|
R
CG
R
N
x
|
a
x
|
u
N
|
x
|
V
A
A
x
|
T
x
|
C
x
|
R
R
|
N
|
x
|
V
CG
ICG
ICG
Par ailleurs, la Phonologie de Gouvernement dispose d'un instrument qui gère les
alternances voyelle-zéro. En effet, le Gouvernement Propre décrit la relation asymétrique
qu'entretiennent un constituant vide et un constituant plein 6. Le conditionnement de la
voyelle alternante par la présence d'une voyelle pleine à sa droite est démontré dans les
langues où l'élision est obligatoire (ci-dessous, le signe "´" représente toute voyelle
élidable) :
GP
GP
(9)
…´C-ø …øC-V
7
tchèque loket
lokøt-e
A N1 A N2 vs. A N1 A N2
somali nirig
nirøg-o
|
| |
|
| |
lok
t ø
lok
t e
e
épenthèse
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TOBIAS SCHEER
Ainsi, les formes non-suffixées subissent une épenthèse parce que le Noyau vide N1
échappe au Gouvernement Propre : le seul gouverneur potentiel, N2, est vide. En revanche,
lors de la présence d'un suffixe vocalique, celui-ci, résidant en N2, gouverne proprement N1.
Un Noyau reste phonétiquement inexprimé s'il est sujet au Gouvernement Propre (infra
GP).
Dans sa version orthodoxe (cf. les travaux cités), la théorie du GP inclut la généralisation
"un domaine de gouvernement intervenant entre le Noyau gouverneur et le Noyau gouverné
bloque le GP". En tchèque par exemple, l'ajout d'un suffixe à initiale consonantique comme
« –ní » (adjectivant) donne la forme vocalisée de la racine, « loketní », et non « *lokøtní ».
Ceci serait dû au fait qu'une Attaque branchante, « tn », qui représente un domaine de
gouvernement à l'intérieur d'un constituant, intervienne entre le gouverneur « –í » et sa cible
potentielle, à savoir le Noyau qui se trouve entre le « –k- » et le « –t- » (« tn » en tchèque est
une Attaque branchante possible, cf. « tnout » "assener un coup"). Si cette position est
soutenue par les faits de beaucoup de langues, elle se voit démentie, on l'a vu, par les
francophones qui peuvent omettre le schwa dans les séquences du type « le døgré ». La
version de la théorie pourvue de l'interdiction stricte de domaines de gouvernement entre
gouverneur et gouverné se trouve donc en position d'être amendée. Nous reviendrons sur ce
point plus bas. Voyons à présent quelle est la généralisation que Charette tire de l'incidence
qu'ont les groupes consonantiques précédant schwa sur sa possible omission.
Le modèle syllabique KLV (1990), on l'a vu, fait une différence entre deux types de
gouvernement opérant sur des positions consonantiques : celui dont la tête est la première
position d'une Attaque branchante (CG), et celui dont la tête est une Attaque simple qui
gouverne la 'Coda' 8 précédente. Ces relations de gouvernement sont la conséquence des
valeurs de Charme et de complexité inhérentes à chaque segment 9.
Charette (1990) propose que les circonstances définies par le Charme et la complexité ne
soient qu'une condition nécessaire pour qu'un domaine de gouvernement consonantique
puisse tenir. Elle introduit une autre condition sur les relations interconsonantiques qui,
elle, serait suffisante. Voici une définition du Licenciement pour gouverner adaptée de
Charette (1990 : 242) :
(10) a. La tête de tout domaine de gouvernement consonantique doit être licenciée par un
Noyau afin d'être capable de gouverner son complément.
b. Seuls des Noyaux non-licenciés (=échappant au GP) peuvent licencier une tête
consonantique.
c. Si le licenceur est proprement gouvernable et donc sujet à effacement, deux cas de
figure sont envisageables paramétriquement :
1. le GP s'applique au licenceur. La tête du domaine de gouvernement nonnucléaire précédent étant privé de licenceur, elle est incapable de gouverner son
complément et doit tomber. Charette (1990 : 245 et suivantes) présente une
langue tchadique, le tangale, où la chute d'une consonne dans les conditions
décrites se produit ;
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
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2. la langue favorise le maintien du groupe consonantique. Par conséquent, le
licenceur doit rester stable et ne peut être sujet au GP. Le français est une
langue de ce type.
Le Licenciement pour gouverner s'articule de la manière suivante pour les deux domaines
de gouvernement entre consonnes précédemment introduits (les têtes apparaissent en gras).
(11) a. Attaque branchante
b. 'Coda' – Attaque
Licenciement
A
x
|
T
x
|
R
N
|
x
|
V
Licenciement
R
N
|
x
|
V
x
|
R
A
N
x
|
T
x
|
V
CG
ICG
Examinons donc les prédictions faites par l'interaction des instruments présentés en les
appliquant successivement aux cinq types de séquences de (1). Le Licenciement pour
Gouverner n'a pas d'incidence sur les séquences (1a) [...VC´CV...] « revenir » et (1b)
[...VC´TRV...] « le degré ». Les deux prononciations possibles de « revenir » sont la
conséquence de l'optionnalité du GP en français. Quant à « le degré », la mauvaise
prédiction faite par la généralisation "le GP ne peut enjamber un domaine de
Gouvernement" a déjà été notée.
En ce qui concerne les groupes de consonnes précédant schwa, Charette prédit que celuici ne peut chuter dans aucun cas, quel que soit le type de groupe, TR ou RT. En effet, le
Noyau qui contient le schwa doit licencier pour gouverner la tête T du domaine de
gouvernement précédent RT, TR respectivement, et par conséquent ne peut être sujet au
GP. Si cette prédiction est en harmonie avec les séquences (1d) « vendredi » où le schwa ne
peut tomber chez aucun francophone, elle se trouve être falsifiée par les locuteurs du groupe
A pour les suites (1c) « marguerite ».
En résumé, le Licenciement pour Gouverner prédit la non-existence de formes comme
« la søcrétaire, la marguørite, le départøment, le versøment » etc., alors qu'au moins pour un
sous-ensemble des francophones (groupe A), il s'agit de prononciations possibles si ce n'est
courantes ou même non-marquées pour certains.
Pour l'essentiel, ce sont donc les deux pivots de la théorie orthodoxe des alternances
voyelle-zéro qui se trouvent falsifiés par le français 10 :
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TOBIAS SCHEER
(12) Énoncés falsifiés par le français
a. « Le Gouvernement Propre ne peut enjamber un domaine de gouvernement. »
b. « Tout domaine de gouvernement à tête consonantique doit être licencié afin que
cette tête puisse exercer son gouvernement. »
4. Conséquences
Le Gouvernement Propre a été développé suite à l'observation qu'un nombre conséquent
de langues sans rapport génétique présentent des alternances voyelle - zéro qui obéissent à
des régularités identiques :
(13)
arabe marocain11
zéro
CøC-V
ki-tøb-u
voyelle
C´C-ø
køti-b-ø
allemand (élision
optionnelle)
tangale (tchadique)
innør-e
inner-ø
dobø-go
dobe
somali (couchitique)
nirøg-o
nirig-ø
turc
devør-i
devir-ø
slave (p.ex.tchèque)
lokøt-e
loket-ø
hongrois
majøm-on majom-ø
voyelle
C´C-CV
ki-tti-b-ø
glose
écrire perf.act.3pl, 3sg,
3sg causatif
inner-lich intérieur+infl, intérieur,
intérieurement
dobu-n-go appeler 3 sg pf., ipf, il
m'a appelé
nirig-ta
bébé chamelle pl, sg
indéf, sg déf
devir-den transfer ACC, NOM,
ABL
loket-ní
coude GEN, NOM, adj.
majom-ra
singe superessif, NOM,
sublatif
Le Gouvernement Propre est une tentative d'isoler ce que le conditionnement des
alternances voyelle-zéro à travers les langues a en commun afin d'être à même de l'exprimer
par les moyens d'une théorie phonologique. La voyelle alternant avec zéro ainsi que
l'optionnalité de l'alternance varient d'une langue à une autre ([´] alterne en français et en
allemand, [a] en serbo-croate, [E] en tchèque et en polonais, etc.). En revanche, il apparaît
que la phonotactique du phénomène est stable pour les langues citées sous (13) : la voyelle
radicale est réalisée devant CCV et C#, alors qu'elle est absente devant CV. Or, les deux
énoncés sous (12) falsifiés par le français sont précisément de nature phonotactique. Dans
une telle situation, le défi consiste à marier les données françaises avec celles sous (13) en
amendant la partie de la théorie qui gère les rapports latéraux entre segments. Ce n'est qu'en
s'attelant à cette tâche que l'on peut espérer recouvrir une théorie générale de TOUTES les
alternances voyelle-zéro, qui serait alors candidate à une place au sein de la Grammaire
Universelle.
Dans les sections suivantes, je développerai une analyse poursuivant cet objectif. Elle
reposera sur un GP épuré de l'énoncé falsifié (12a), une structure syllabique strictement
CVCV, une redéfinition de l'énoncé (12b) en termes de CVCV et une théorie de
l'interaction entre consonnes.
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
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5. L'alternance schwa-zéro dans un cadre CVCV : cas de figure
[...VC´´TRV...] le degré
Au sein de la Phonologie de Gouvernement, un développement récent (Lowenstamm, 1996)
propose d'envisager la structure syllabique comme une stricte consécution d'Attaques et de
Noyaux non-branchants 12. Dans cette perspective, les notions traditionnelles SYLLABE
FERMÉE, GÉMINÉE, VOYELLE LONGUE et MOT À FINALE CONSONANTIQUE reçoivent les
représentations suivantes :
(14) syllabe fermée
A NA N
C V C ø
géminée
AN AN
C
V
voyelle longue
A NA N
C
V
[…C#]
A N
…C ø #
Dans ce qui suivra, je me fonderai sur cette approche. Explorons à présent son incidence sur
les données du français. La représentation des séquences [...VC´CV...] « revenir » est
ouvertement CVCV, leur analyse reste inchangée. En revanche, considérons ci-dessous les
conséquences de la multiplication des Noyaux vides au sein d'un système CVCV en ce qui
concerne le cas de figure [...VC´TRV...] « le degré ».
(15) A N - A N1 A N2 A N
| |
| | |
| |
l ´ d ´ g
r e
De toute évidence, il y a ici deux Noyaux, N1 et N2, qui sont des cibles potentielles du
Gouvernement Propre. Rien dans la théorie ne prédit lequel des deux Noyaux sera sujet au
GP.
La seule contrainte qui pèse sur cette structure est le principe des catégories vides dont
une version adaptée de KLV (1990 : 219) apparaît ci-après :
(16) Principe des Catégories Vides (ECP)
Il y a toujours une raison phonologique précise pour la non-interprétation phonétique
d'un Noyau.
Au sein de la Phonologie de Gouvernement, la liste des opérations phonologiques
autorisant un Noyau à rester phonétiquement non-interprété comporte essentiellement deux
membres : le Gouvernement Propre et le licenciement des Noyaux vides finaux 13.
Résumons donc ce qui ne fait pas de doute. Si le GP joue un quelconque rôle dans
l'alternance schwa-zéro, alors la présence du schwa implique que le Noyau dans lequel il se
trouve n'est pas sujet au GP. A l'opposé, l'absence du schwa implique que le Noyau dans
lequel il se trouve est proprement gouverné. Par ailleurs, N2 n'étant le site d'aucune
alternance, est phonétiquement nul pour une raison phonologique précise.
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TOBIAS SCHEER
Il s'ensuit que toute analyse basée sur le GP et qui utilise une structure syllabique CVCV
fait les prédictions suivantes. Dans le cas de la prononciation « le dø1gø2ré », ø1, alternant
avec schwa, est proprement gouverné par « é ». L'absence phonétique de ø2 est due à une
autre raison.
Avant de revenir sur le statut de ø2 dans la section suivante, considérons à présent le
fonctionnement de l'analyse CVCV pour les deux types de locuteurs : le groupe A qui peut
omettre le schwa dans « le døgré, marguørite », et le groupe B qui le prononce toujours dans
ces mots (les segments non associés sont phonétiquement nuls).
(17) a. […CV´TRV…], prononciation du groupe A « le
døgré »
b. […CV´TRV…], prononciation
du groupe B « le degré »
GP
GP
A N - A N1 A N2 A N
| |
|
|
| |
l ´
d ´ g
r e
A N - A N1 A N2 A N
| |
| | |
| |
l ´
d ´ g
r e
La différence entre (17a) et (17b), dans cette perspective, tient au statut de N2 : dans le cas
des locuteurs B qui ne peuvent pas omettre le schwa dans cette séquence, N2 requiert le
Gouvernement Propre. En revanche en (17a), une autre opération phonologique doit être
responsable de la mutité de N2, ce qui fait que le gouverneur [e] peut aller chercher sa cible
à gauche de celui-ci.
Suivant ce scénario, c'est la requête de N2 d'être proprement gouverné qui est à l'origine
du comportement contrastif des deux groupes de locuteurs. N2 demande à être proprement
gouverné chez les francophones qui ne peuvent pas omettre le schwa. En revanche, N2 ne
requiert pas de GP chez ceux qui peuvent produire ces séquences sans schwa.
La question se pose donc de savoir pourquoi N2 tantôt requerrait le GP, et tantôt en serait
indépendant. Ce sera là l'objet de la section suivante.
6. Une théorie de l'interaction entre consonnes
Je propose que la séquence [gN2r] en (17a) est phonologiquement autonome parce que
les deux consonnes [g] et [r] entretiennent une relation qui circonscrit le Noyau vide
qu'elles enferment. En d'autres termes, outre le GP et le licenciement des Noyaux vides
finaux, je suppose l'existence d'une troisième opération phonologique capable de satisfaire
le Principe des Catégories Vides (16). Voyons ci-après les bases sur lesquelles une théorie
de l'interaction entre consonnes peut être fondée.
Les consonnes comme les voyelles, quel que soit le cadre théorique que l'on veuille
adopter, sont des objets complexes composés de primitives phonologiques. L'identité
segmentale de chaque consonne dépend des primitives
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
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qui la composent, ainsi que des relations que celles-ci entretiennent. Toute théorie ayant
pour objectif d'exprimer des relations entre consonnes devra donc reposer sur l'identité
spécifique de chacune d'entre elles.
Une telle théorie se fixera comme objectif de rendre compte, entre autres, du caractère
non arbitraire de la distribution des consonnes dans les groupes consonantiques. Au sein
d'une grammaire CVCV, elle assume en fait une partie des fonctions prises en charge par la
structure syllabique plus complexe (Attaques et Noyaux branchants, Codas) des cadres
traditionnels. Parmi les phénomènes qu'elle devra contribuer à élucider, l'on pourra citer les
restrictions sévères qui pèsent sur la distribution des consonnes en début de mot, ou encore
la solidité de certains groupes de consonnes. Un cas de figure de cette solidité est
l'autonomie de la séquence [gN2r] en (17a) qui permet la communication entre les Noyaux
qui l'entourent.
Par ailleurs, comme toute autre relation entre deux ou plusieurs éléments en linguistique,
la théorie supposera que les relations entre consonnes sont asymétriques : une consonne est
passive et subit l'action d'une autre consonne 14.
Revenons à présent sur les identités consonantiques. Les différents modèles
phonologiques sont encore loin de faire l'unanimité sur la structure interne des consonnes,
que ce soit d'ailleurs entre les modèles ou à l'intérieur d'un modèle donné. En ce qui
concerne la Phonologie de Gouvernement, il existe plusieurs propositions concurrentes 15.
Bien que par la suite, je fonctionne avec le modèle de la structure interne que j'ai proposé
moi-même (Scheer, 1996 ; 1998a), il convient d'insister sur le fait qu'une théorie de
l'interaction entre consonnes peut être exprimée à l'aide de quelque modèle de la
représentation consonantique que ce soit. Peu importe que le modèle retenu recoure à des
traits distinctifs, des Eléments, des Particules ou à d'autres primitives phonologiques. Peu
importe que leurs liens soient exprimés en termes d'arborescence, de dépendance ou de
tête-opérateur. Tous font des prédictions quant à l'interaction entre consonnes. Seulement
ces prédictions sont variables (donc plus ou moins bonnes) en fonction des présuppositions.
Il me semble que l'on dispose là d'un moyen intéressant permettant d'évaluer les différents
modèles de la représentation consonantique.
Au sein de la Phonologie de Gouvernement, les primitives, appelées ÉLÉMENTS,
résident sur des lignes phonologiques (cf. KLV, 1985). Des primitives qui partagent une
ligne ne peuvent pas se combiner. La cohabitation de deux consonnes adjacentes en surface
est représentée par une juxtaposition de leurs éléments constitutifs respectifs sur les
différentes lignes phonologiques. Plus spécifiquement, j'ai proposé dans Scheer (1996,
1998a, à paraître) que les Eléments I et U ne se combinent en aucun cas, c'est-à dire
résident toujours sur la même ligne. Faute de place, je ne peux pas présenter ici des
arguments empiriques à l'appui des identités consonantiques particulières utilisées. On se
rapportera aux travaux cités.
Considérons donc, à titre d'exemple, la cohabitation de quelques paires de consonnes au
niveau des Eléments I (=palatalité), U (=vélarité) et A (=position
98
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basse de la langue), à savoir ceux qui définissent le lieu d'articulation ("‫ "ٱ‬signale l'absence
de toute primitive sur une ligne donnée) :
(18) a.
b.
p r
t r
k r
f
r
I/U---‫ٱ‬----I---------‫ٱ‬----I---------U----I--------‫ٱ‬----I---|
|
|
|
|
|
|
|
A ---‫ٱ‬----A--------‫ٱ‬----A--------‫ٱ‬---A--------A----A---n r
s r
» r
t
p
Z
r
I/U---I-----I----------I--- -I---------U---I---------‫ٱ‬----‫ٱ‬---------I-----I
|
|
|
|
| |
|
|
|
|
A ---A----A--------A----A--------A---A--------‫ٱ‬----‫ٱ‬--------A----A
Il apparaît que les combinaisons de (18a), cas typiques d'Attaques branchantes, opposent,
sur une même ligne, des cases remplies par des éléments à des cases vides ‫ٱ‬. Tel n'est
jamais le cas pour les paires de (18b). La théorie de l'interaction entre consonnes que je
propose est fondée sur ce contraste :
(19) Gouvernement Infrasegmental (GI)
a. Si une consonne est non fournie en éléments sur une ligne donnée, les éléments
voisins de la même ligne constitutifs d'autres consonnes peuvent gouverner cet
emplacement vide et ainsi établir une relation entre les deux consonnes
impliquées.
b. Le Noyau qui se trouve enfermé par un tel domaine d'interaction consonantique
est circonscrit et peut rester phonétiquement non-interprété. Le GI satisfait le
Principe des Catégories Vides au même titre que le Gouvernement Propre et le
Licenciement des Noyaux vides finaux.
Concrètement, la prédiction est donc la suivante : les paires consonantiques de (18a)
peuvent agir en tant que domaines autonomes, alors que celles de (18b) ne pourront pas
acquérir de cohésion. Toutefois, un critère important pour l'établissement d'un
Gouvernement Infrasegmental est le temps : les chances qu'une relation s'établisse entre
deux consonnes sont proportionnelles à la durée de leur cohabitation. Par conséquent, il y a
peu de chances qu'une relation s'amorce entre deux consonnes appartenant à deux
morphèmes différents. C'est que celles-ci ne cohabitent pas dans le lexique et ne se
rencontrent qu'à l'occasion d'assemblages morphologiques.
Cette façon de voir les relations interconsonantiques repose à l'évidence sur la
complexité des différentes consonnes, c'est-à dire sur le nombre d'éléments qui contribuent
à leur production. Dans ce sens, elle peut être considérée comme un développement de la
notion de complexité introduite par Harris (1990).
Outre les relations segmentales évoquées, toute interaction entre consonnes est
également soumise à une condition d'ordre syntagmatique :
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
99
(20) Licenciement pour gouverner infrasegmentalement
a. Pour qu'un GI entre deux consonnes s'établisse, la consonne qui gouverne des
places vides dans la structure interne de sa voisine doit être licenciée à cet effet par
son propre Noyau (=celui qui se trouve à sa droite). Seuls les Noyaux
phonétiquement interprétés sont des licenceurs possibles.
b. Illustration
Structure bien formée
Structure mal formée : N1 n'est légitimé ni par
le GP ni par le GI.
Lic
A N A N
|
| |
T<=== R V
GI
Lic
A N1 A N
|
| |
T <=== R ø
GI
Cette condition pesant sur l'établissement d'une interaction entre consonnes est bien sûr
l'expression de l'idée du LICENCIEMENT POUR GOUVERNER avec un autre vocabulaire et dans
un environnement syllabique différent. L'idée même qu'un groupe de consonnes a besoin
d'un appui vocalique pour exister demeure précisément celle introduite par Charette (1990).
Voyons à présent la prédiction faite par (20) quant à la question cruciale de la
directionalité : jusqu'ici, la théorie que je viens d'esquisser ne fait que statuer sur les
conditions SEGMENTALES (=complexité) requises pour l'établissement d'une interaction
entre consonnes. Sans la condition phonotactique (20), la circonscription d'un Noyau N☺
peut aussi bien être opérée par une séquence [TN☺R] que par son image miroir [RN☺T].
(21) a. Relation de droite à gauche
A N☺ A N
|
|
T <=== R
GI
b. Relation de gauche à droite
A N☺ A N
|
|
R ===> T
GI
Or, étant donné (20), seule une séquence à sonorité croissante [TN☺R] (21a) permet
l'établissement d'un GI et, partant, la circonscription de N☺. Un groupe de consonnes à
sonorité décroissante [RN☺T] (21b) ne pourra en aucun cas "fermer" le domaine [RN☺T] ;
la raison en est que [R] est incapable d'entrer en relation avec [T] : [R] ne sera jamais
licencié par son Noyau N☺ puisque celui-ci est vide par définition.
100
TOBIAS SCHEER
7. Incidence sur l'analyse du schwa français
Reconsidérons la séquence [...VC´TRV...] « le degré » à la lumière de ce qui précède.
(22) a. […CV´TRV…], prononcia- b. […CV´TRV…], prononciation du
tion du groupe A « le døgré »
groupe B « le degré »
GP
A N - A N1 A N☺ A N
| |
|
|
| |
l ´
d ´ g <=== r e
GI
Lic
GP
A N - A N1 A N☺ A N
| |
| | |
| |
l ´
d ´ g
r e
Lic
L'analyse présentée en section 5 concluait que N☺ demande à être proprement gouverné
chez les locuteurs qui ne peuvent pas omettre le schwa. En revanche, N☺ ne requiert pas de
GP chez les locuteurs qui peuvent prononcer ces séquences sans schwa. Dans le cadre
proposé, cette situation a une traduction précise en termes théoriques : dans les
représentations lexicales du groupe A qui peut omettre le schwa ici, les deux consonnes C1
et C2 entourant N☺ interagissent de sorte que N☺ soit circonscrit et le domaine [C1N☺C2]
autosuffisant. N☺ ne requiert pas de GP. A l'opposé, dans les représentations lexicales du
groupe B, celui qui ne peut omettre le schwa ici, les deux consonnes C1 et C2 entourant N☺
n'entretiennent pas de relation. Par conséquent, N☺ n'est pas circonscrit, et le domaine
[C1N☺C2] ne jouit d'aucune autonomie. N☺ requiert donc le GP.
Si les deux groupes de locuteurs ne se distinguent que par le caractère autosuffisant du
domaine [C1N☺C2], la question se pose de savoir pourquoi les francophones sont départagés
de la manière. Afin d'y voir plus clair, il me semble qu'on a tout intérêt à considérer une
donnée diachronique : en examinant l'évolution du latin vers le français moderne, on
constate que la chute d'une voyelle comme le schwa est l'aboutissement d'une évolution
partant pour la plupart d'un [a] latin atone, et ayant comme étape intermédiaire une forme
"affaiblie" centralisée [´]. Cette évolution s'accorde d'ailleurs en tous points avec les
phénomènes "d'affaiblissement" des voyelles périphériques en syllabe atone dans les
langues germaniques aboutissant également à schwa et, actuellement dans une langue
comme l'allemand, à la chute de ce dernier (voir note 11). En outre, on pourrait citer
l'évolution des jers dans les langues slaves qui ont suivi précisément cette trajectoire.
Il y a donc de bonnes raisons de penser que la chute du schwa en français est la dernière
étape d'un processus évolutif, et que le groupe A qui peut omettre cette voyelle est plus
innovatif que le groupe B à cet égard. J'ai dit plus haut que les chances qu'une relation
s'établisse entre deux consonnes dépend de la durée de leur cohabitation. Une telle
condition chronologique s'accorde avec les
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
101
données diachroniques : alors que les consonnes entourant N☺ ont fini par entrer en relation
chez les locuteurs du groupe A, tel n'est pas (encore ? ) le cas chez les locuteurs du groupe
B.
8. L'alternance schwa-zéro dans un cadre CVCV : cas de figure
[...VCC´´CV...] marguerite, vendredi
8.1. [...VRT´
´CV...] marguerite
Considérons la représentation d'un mot du type « marguerite » :
(23) A N A N☺ A N A N A N
| | |
| | | | |
m a r
g ´ r i t
Etant donné qu'aucune relation ne peut exister entre les deux consonnes d'un domaine
[RNT], voir (21), et que N☺ n'est pas final, il reste une seule opération phonologique
capable de légitimer N☺ : quoiqu'il arrive à des mots de ce type, N☺ requiert TOUJOURS le
GP. Par conséquent, les relations latérales suivantes sont prédites pour les deux
prononciations possibles « marguerite » et « marguørite » (les segments non-associés sont
inaudibles).
(24) a. Prononciation du groupe B,
« marguerite »
GP
A N A N☺ A1 N A2 N A N
| | |
| | | | |
m a r
g ´ r i t
b. Prononciation du groupe A,
« marguørite »
GP
A N A N☺ A1 N A2 N A N
| | |
|
| | |
m a r
g ´ r i t
La question se pose alors de savoir quelle opération phonologique est responsable de
l'absence phonétique du Noyau contenant le schwa en (24b). Le Noyau en question n'étant
pas final et le GP l'enjambant, il ne reste qu'une seule possibilité, à savoir l'existence d'une
relation entre les consonnes contenues dans A1 et A2.
Une telle relation est possible dans le cas particulier [g´r] de « marguerite ». En
revanche, si, dans un autre mot du type […VRT´CV…], les deux consonnes avoisinant le
schwa étaient à sonorité égale [T´T], aucune interaction ne saurait s'établir. Or, comme le
schwa est également omissible dans tous les mots de type […VRT´C3V…], ceci revient à
prédire que C3 en français est TOUJOURS une sonante.
Une recherche dans le Robert électronique montre que cette prédiction correspond à la
réalité. Après interprétation morphologique du résultat brut provenant du Robert, on peut
affirmer sans risque majeur qu'il n'existe pas, en français, de mot de ce type, c'est-à dire
dont la structure serait [RT´C3]
102
TOBIAS SCHEER
monomorphématique où C3 est une obstruante. Le résultat exhaustif du dépouillement est
détaillé dans une annexe à cet article. Un choix des mots en question illustrant chacun des
environnements existants est donné ci-après.
(25) mots
[RT´r]
forteresse
bordereau
merceriser
percheron
forgeron
marguerite
voisinage
du [´]
mots
[RT´l]
voisinage
du [´]
rt__r
rd__r
rs__r
rS__r
rZ__r
rg__r
barbelé
orphelin
cervelas
marteler
bordelais
porcelaine
morgeline
rb__l
rf__l
rv__l
rt__l
rd__l
rs__l
rZ__l
mots
voisinage
[RT´n]
du [´]
[RT´m/v]
partenaire
rt__n
mercenaire rs__n
parchemin
rS__m
percevoir
rs__v
Une relation entre les consonnes de part et d'autre du schwa est possible pour toutes les
séquences montrées sauf pour [rs__l/r], [rS__m], [rZ__l/r], [rs__v]. En effet, [S,Z] et [s] ont
une complexité égale à celle des sonantes, voir (18), et ne présentent donc pas de place libre
que la sonante pourrait gouverner. Par ailleurs, une seule racine, illustrée par le mot
« percevoir », montre autre chose qu'une sonante, [v], en C3. On observera que tous les cas
où dans [RC2´C3] une relation entre C2 et C3 semble être compromise présentent [s] ou
[S,Z] en C2.
Il s'agit donc là d'un environnement strictement "s + C", "s" revoyant à [s,z,S,Z]. Or, le
comportement particulier de ces groupes consonantiques est notoire 16. Le français ne
manque d'ailleurs d'illustrer leur caractère solide et autosuffisant 17. A titre d'exemple, si un
mot français commence par trois consonnes consécutives, alors la première est toujours [s].
Un mot français ne peut présenter quatre consonnes consécutives qu'à la condition que la
deuxième soit un [s], comme par exemple dans « obstruante ». Les deux généralisations
"deux consonnes au plus à l'initiale d'un mot, trois après voyelle" ne valent que si les
groupes s + C sont considérés comme une seule consonne. En outre, on peut citer ici le
comportement contrevenant de [s] en début de mot avant occlusive comme dans [sp, st, sk],
séquences qui constituent la seule dérogation au fait que la sonorité croisse dans ce
contexte.
Les propriétés manifestement particulières des membres de la classe "s" demandent à
être élucidées indépendamment du phénomène discuté ici. Son comportement spécial à
l'égard de schwa n'a donc rien d'étrange, au contraire il reproduit l'effet cohésif du groupe
auquel "s" participe au même titre qu'ailleurs en français et dans d'autres langues.
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
103
La représentation (24b) peut donc être complétée de la manière suivante :
GP
(26)
A N A N☺ A1 N A2 N A N
| | |
|
| | |
m a r
g <=== r i t
IG
Lic
S'il est vrai que l'établissement d'une relation entre les deux consonnes qui avoisinent schwa
est la raison de sa chute, alors le cas de figure [...VRT´C3V...] « marguerite » discuté ici et
celui de la section 7 [...VC´TRV...] « le degré » ont ceci en commun que la chute du schwa
est provoquée par l'établissement (innovatif) d'une relation entre deux consonnes : entre T
et C3 pour [...VRT´C3V...] « marguerite », et entre T et R pour [...VC1´TRV...] « le degré ».
Cette approche permet donc de rendre compte de l'omission du schwa dans les deux
séquences par un processus unique.
8.2. [...VTR´
´CV...] vendredi
Considérons à présent la représentation des mots où un groupe de consonnes à sonorité
croissante précède le schwa. L'omission du schwa y provoque un résultat agrammatical
pour tous les locuteurs.
(27)
GP
A N A N☺ A1 N1 A2 N2
| | |
| | | |
v n d <===r ´ d i
IG
Lic
(27) montre deux raisons pour lesquelles N☺ reste non-interprété : N☺ est proprement
gouverné par le schwa, et il est pris au milieu de deux consonnes à sonorité croissante
[dN☺r] qui entretiennent une relation. Peu importe laquelle de ces deux opérations est à
l'origine de l'effet observé, ou encore si ce sont les deux à la fois qui circonscrivent N☺. La
question qui se pose est de savoir pourquoi le schwa ne peut chuter ici. La seule opération
qui pourrait faire tomber le schwa dans cette configuration est un gouvernement propre
exercé par N2. La consonne dominée par A2 ne pourra jamais établir de relation avec celle
contenue dans A1 parce que celle-ci est une sonante par définition. (28) donne la
représentation d'une séquence […VTR´CV…] où le schwa serait proprement gouverné par
le Noyau suivant.
104
TOBIAS SCHEER
(28)
GP
GP
A N A N☺ A1 N1 A2 N2
| | |
|
| |
v n d <=== r ´ d i
IG
Lic
Il apparaît que dans une telle configuration, N☺ n'est légitimé par aucune opération : il n'est
pas final, et il ne peut pas être sujet au gouvernement propre parce que N1 est lui-même
proprement gouverné et N2 occupé à gouverner N1. Enfin, les consonnes qui entourent N☺
ne peuvent pas interagir parce que la sonante située à droite de N☺, du fait du
Gouvernement Propre opérant sur schwa, est dépourvue de son licenceur.
Il s'ensuit que N☺ devrait se manifester en surface. Or, étant lexicalement vide 18, son
seul contenu est la voyelle froide (voir KLV, 1985) dont la réalisation phonétique serait [ˆ],
voyelle inconnue en français. Par conséquent, toute séquence [...VTRøCV...] est
phonologiquement ininterprétable et, partant, agrammaticale.
8.3. [...VTR´
´CV...] autøøment : ce que schwa, le cas échéant, entraîne dans sa chute
Néanmoins, il est des séquences [...VTRøCV...] « vendredi » sans schwa. La consonne
qui précède schwa est alors entraînée dans la chute.
(29) +´
un livre d'art
un comptable de gestion
autrement
un ministre sans vergogne
-´
un livøø d'art
un comptabøø de gestion
autøøment
un ministøø sans vergogne
R étant dépourvu de licenceur, ses Eléments ne peuvent exercer de gouvernement sur les
positions vides dans la structure interne du T et chute. Si une structure comme (28) est mal
formée et doit être rendue interprétable par la chute d'une consonne, alors il est naturel de
penser c'est R qui tombe : dans tous les cas de figure, T joue un rôle passif ; en outre, R se
trouve dans l'Attaque du schwa qui chute 19.
8.4. Pourquoi rien ne chute en début de mot
Il est intéressant d'observer que ni schwa ni schwa accompagné de la consonne qui le
précède ne peuvent chuter lorsque celui-ci se trouve être la première voyelle d'un mot.
Certains francophones peuvent prononcer « un livøø d'art » et « autøøment », mais il est
impossible pour quiconque de dire ni « *il
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
105
faut la crøver », ni « *il faut la cøøver». Il en va de même pour « la brebis, grelotter, le
premier, le frelon, la grenouille », etc.
Afin de comprendre quelles sont les propriétés spéciales du début de mot interdisant
toute modification de la chaîne, il faut d'abord avoir une idée de l'identité phonologique de
ce site bien particulier. Il est inutile ici de rappeler qu'outre le schwa français, les cas où un
fonctionnement phonologique a un comportement tout à fait singulier dans ce contexte sont
légion. N'en citons qu'un seul, le plus important peut-être, en tout cas celui qui constitue
une des généralisations les plus importantes en phonologie, je veux parler de l'obligatoire
croissance en sonorité dans les groupes consonantiques initiaux. Il y a des langues, comme
celles de type indo-européen, qui admettent les seuls groupes #TR, on trouve certaines
langues sémitiques modernes qui autorisent et #TR et #RT, mais il n'existe pas de langue
naturelle qui limite les groupes initiaux à #RT. L'attitude de la phonologie face à ces faits a
toujours reposé sur un raisonnement circulaire au centre duquel se trouve la contrainte
« dans les Attaques branchantes, la sonorité doit croître. » Or, la seule raison de poser une
contrainte de la sorte est précisément l'observation que tel est le cas. Si l'on demande à un
phonologue pourquoi il n'existe pas de #RT, selon toute probabilité, il va répondre « parce
que c'est une séquence à sonorité décroissante. » Et pourquoi est-ce gênant ? « Parce qu'une
telle séquence ne peut tenir dans une Attaque branchante, et que tout mot commence par
une Attaque. » Pourquoi #RT ne peut être identifié à une Attaque branchante ? « Parce que
la sonorité doit obligatoirement croître au sein d'une Attaque branchante. » Et pourquoi
doit-elle croître ? « Parce qu'on observe qu'en début de mot, elle est toujours de ce type. »
Et le chat se mord la queue, ce qui n'est guère de nature à consolider la crédibilité du
phonologue aux yeux d'autres scientifiques.
Mais pis, si les langues présentaient les seules séquences #RT, la contrainte dirait
simplement l'inverse. Or, il incombe à toute théorie digne de ce nom non seulement de
rendre compte de l'ensemble des observables, mais aussi et surtout de prédire ce qui n'existe
pas, et ne constitue pas un événement naturel 20.
En résumé, tout ce que la phonologie a jamais trouvé à dire à propos du début du mot est
"#", ce qui est fort peu. Mais surtout, "#" n'a d'autre statut que celui d'un artifice notationnel
servant à dénommer arbitrairement ce dont on ignore l'identité phonologique. Lowenstamm
(sous presse) propose que la réalité phonologique masquée par "#" est "C V", à savoir une
position consonantique vide suivie d'une position vocalique vide, cette dernière soumise au
Principe des Catégories Vides au même titre que les autres Noyaux vides. La figure (30)
montre comment cette hypothèse, associée à une structure syllabique "CVCV" et à l'idée du
Gouvernement Infrasegmental, prédit que #RT ne peut exister.
106
TOBIAS SCHEER
(30) a. structure bien formée
b. structure mal formée
GP
GP
Lic
C V1 A N☺ A N
|
| |
T <=== R V [#tra…]
GI
Lic
C
V1 A N☺ A N
|
| |
R ===>T V [#rta…]
GI
Dans les deux cas de figure [#trV] et [#rtV], la seule manière de légitimer le Noyau vide
initial V1 est le Gouvernement Propre venant de la première voyelle du mot. Par
conséquent, N☺ doit gagner son autonomie par une opération différente du GP. Etant donné
qu'il n'est pas final, la seule opération candidate à cet effet est le Gouvernement
Infrasegmental. Or, pour que les deux consonnes en question interagissent, la tête R doit
être licenciée. Tel est effectivement le cas en (30a). En (30b), en revanche, R ne pourra
jamais être licencié puisque son seul licenceur potentiel, N☺, est vide par définition. Par
conséquent, toute séquence [#RTV] est mal formée car le Principe des Catégories Vides
n'est pas satisfait pour N☺.
Voyons maintenant en quoi l'hypothèse du CV initial éclaire la question initiale
concernant le schwa en début de mot.
(31) a. crever
b. *cøøver
GP
GP
C V1 A N☺ A N A N
|
| | | |
k <===r ´ v e
GI
C V1 A N☺ A N A N
|
| | | |
k
r ´ v e
Lic
c. autøøment
GP
GP
C V1 A N A N☺ A N1 A N
| |
| | | |
o t
r ´ m n
Lors de la prononciation de « crever » illustrée en (31a), le V1 initial aussi bien que N☺ sont
légitimés, l'un par le Gouvernement Propre, l'autre par le Gouvernement Infrasegmental.
Pour un mot comme « autrement », l'absence du schwa est rendue viable par la disparition
toute entière de son constituant, qui entraîne dans sa chute son dépendant, l'Attaque
contenant [r], voir (31c). Si le
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
107
Noyau du schwa ne disparaissait pas avec son contenu, il y aurait deux candidats, N1 et N☺,
donc un de trop, à requérir le GP de la part de [n]. Soit dit en passant, cette réaction en
chaîne met en relief la communauté de destin du couple "CV", qui par conséquent, et contra
Brockhaus (1995 ; sous presse), forme une unité de niveau supérieur, la syllabe. Il est fort
indicateur ici que non pas la consonne suivante est entraînée dans la chute du schwa, mais
bien celle qui le précède.
Enfin, pour ce qui est de la forme hypothétique « *cøøver » (31b), la raison pour laquelle
elle ne peut exister est claire : du fait de son caractère initial, et à la différence de
« autøøment », elle implique un Noyau vide supplémentaire qui demande à être légitimé, à
savoir V1. Quel que soit le Noyau vide dont le [e] final veuille s'occuper, N☺ ou V1, aucune
opération phonologique ne pourra autoriser l'autre, quand bien même le Noyau du schwa est
évacué. La structure supportant l'hypothétique « *cøøver » est donc agrammaticale.
9. Conclusion
Cet article propose une approche de l'alternance schwa-zéro en français conçue au sein
de la Phonologie de Gouvernement. L'analyse développée présente des avantages
empiriques et explicatifs par rapport aux traitements précédents qui font usage de la notion
de Gouvernement. D'une part, elle rend compte de données qui posent problème aux autres
analyses (chute possible dans […C´TRV…] « le degré » et […RT´CV…] « marguerite »,
chute de R, non de T, dans […TR´CV…] « autrement » si schwa est omis). D'autre part,
elle remplace L'OBSERVATION "des domaines de gouvernement intervenants bloquent le GP"
par L'EXPLICATION "le GP ne peut concerner schwa dans […C´TRV…] « le degré » parce
qu'il est appelé à gouverner le Noyau vide qui se trouve entre T et R.". Par ailleurs, une
cause unique pour la chute du schwa est identifiée. C'est toujours l'établissement d'une
interaction entre consonnes qui est fatale au schwa, unifiant ainsi les contextes
[…C´TRV…] « le degré » et […RT´CV…] « marguerite ».
Le système représentationnel permettant d'exprimer cette analyse suppose une structure
syllabique strictement CVCV, une adaptation du Licenciement pour gouverner de Charette
(1990) à cet environnement syllabique, ainsi qu'une théorie de l'interaction entre consonnes.
Une telle théorie repose sur la notion de complexité consonantique introduite par Harris
(1990). Quelles que soient les représentations consonantiques et le cadre théorique que l'on
veuille adopter, la mise en perspective des données suggère qu'il est intéressant de disposer
d'un instrument théorique capable d'exprimer les interactions entre consonnes.
Finalement, une régularité distributionnelle jusqu'alors inconnue a été dégagée et
éprouvée sur l'ensemble du lexique : dans toute séquence […VRT´CV…] où [RT´C] sont
monomorphématiques, C est une sonante. Il s'agit là en fait d'une prédiction faite par
l'analyse proposée, et qui s'en trouve donc confortée.
108
TOBIAS SCHEER
NOTES
1
Je dois à Patrick Sauzet, Sabrina Bendjaballah, Jean Lowenstamm, Philippe Ségéral, François Dell et
Hélène Huot des commentaires bien utiles.
2
Pour un survol de la littérature concernant le schwa français, voir Encrevé (1988), Dell (1973), Charette
(1991) et les références contenues dans ces ouvrages.
3
Les données que je discuterai dans cette section sont présélectionnées en fonction de leur
représentativité. Elles ne prétendent surtout pas d'être exhaustives. Une base de données très complète est
disponible dans Dell (1973).
4
En français, tout groupe consonantique suivant un schwa est de type TR. Cf. Dell (1973 : 210s ; 1995 :
15) sur ce point.
5
Le fait que l'omission du schwa soit certainement plus fréquente lorsque la consonne qui précède est [s],
[S] ou [f] (le søcret plus facilement que le døgré) relève du comportement particulier observé pour ces
segments en français (voir Dell 1973 : 230). Pour une collection de phénomènes illustrant le comportement
extravagant de "s+C" dans différentes langues, voir Kaye (1992). Ces phénomènes n'ayant pas trait au
conditionnement phonotactique qui m'intéresse ici, je ne les considérerai pas davantage.
6
A propos du Gouvernement Propre, voir KLV (1990 : 219 et suivantes), Kaye (1990a,1990b), Charette
(1990 : 235).
7
Significations : tchèque "coude Nominatif sg", "id. Génitif sg", somali "bébé chamelle sg indéf", "id pl".
8
Sur le non-statut de la Coda, voir Kaye (1990a).
9
Pour le détail de l'incidence du Charme et de la complexité sur la capacité d'un segment à gouverner, voir
KLV (1990) et Harris (1990).
10
Voir Lyche/Durand (1996) qui arrivent à la même constatation.
11
Pour un survol des alternances voyelle-zéro dans différentes langues voir Scheer (1997). Pour le tchèque
voir Scheer (1996), pour le polonais Gussmann/Kaye (1993), pour le tangale Nikiema (1989), pour l'arabe
marocain Kaye (1990b), pour le somali Barillot (1997), pour le hongrois Törkenczy (1992). En allemand
(standard), l'évolution vers des formes sans schwa jusqu'ici n'a que rarement abouti à des mots où le schwa est
exclu : inneres est aussi bien que innøres et innerøs. Des formes dépourvues de deux schwas consécutifs
comme *innørøs en revanche sont exclues. Par ailleurs, le schwa ne peut tomber s'il est suivi de plus d'une
consonne: *innørstes, *innørlich. Cependant, ceci n'empêche certains mots d'exister exclusivement sous des
formes sans schwa: Bummøler par exemple est seul possible, *Bummeler exclu, alors que le verbe bummeln
est aussi bien que bummøln avec [l] syllabique. Voir par exemple Wiese (1995), Noske (1993) pour une
description plus détaillée.
12
Ci-après, un survol (non exhaustif) de travaux placés dans ce cadre: Lowenstamm (1988),
Guerssel/Lowenstamm (prép), Bendjaballah (1998), Creissels (1989), Bonvino (1995), Ségéral (1995),
Hérault (1989), Nikiema (1989), Ségéral/Scheer (1994, sous presse), Larsen (1998), Heo (1994), Scheer
(1996, 1997, 1998b, c).
13
Pour ce dernier, voir Kaye (1990a : 314). Le concept plus récent de Interonset Government (Gussmann
& Kaye, 1993) est discuté dans Scheer (1998c). Une proposition contenue dans Kaye (1992) ne regarde pas le
sujet du présent article.
14
Voir Scheer (1996, 1997, 1998c, sous presse, à paraître) pour une présentation plus détaillée.
15
Voir Harris (1990), Cyran (1994), Weijer (1994), Rennison (sous presse), Scheer (1996, 1998a, à
paraître).
16
Kaye (1992) par exemple présente une collection de phénomènes "s+C" dans diverses langues.
17
Dell (1973 : 230) rapporte des phénomènes reliés: dans l'environnement de "s", schwa peut tomber alors
que d'ordinaire et toutes proportions gardées, il ne peut être omis. Il s'agit de cas comme quelle semaine avec
[...lsm...] et il faut que je m'en aille avec [...kSm...].
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
109
18
Contrairement au Noyau dans lequel schwa apparaît. L'analyse que je viens de présenter en effet
implique la présence lexicale des voyelles proprement gouvernables : l'alternative à leur présence lexicale, à
savoir l'énoncé « les Noyaux vides qui échappent au GP subissent une épenthèse », prédit faussement
l'existence de séquences [...TRøCV...] vendrødi sans schwa mais avec une voyelle épenthétique en N☺,
donnant des formes *vend´rødi. Yoshida (1993 : 138), Larsen (1998) et Rubach (1993 : 135) préconisent
également la présence lexicale des voyelles proprement gouvernables. On peut trouver une discussion plus
détaillée dans Scheer (1996, 1997, 1998b, c).
19
Sous l'analyse de Charette (1990), ces données illustrent la chute d'une voyelle qui doit liciencier pour
gouverner. Il est à noter que Charette fait la prédiction que la tête du domaine de gouvernement précédent, à
savoir le [t] ici, tombe parce qu'elle manque d'être licenciée pour gouverner : *auørøment, *liørø d'art,
*comptaølø de gestion seraient les formes prédites.
20
La discussion du site initial est développée davantage dans Scheer (sous presse).
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Annexe : les mots français présentant une séquence [RT´
´C]
Les données discutées ci-après représentent la totalité des occurrences de [RT´C] contenues dans le Grand
Robert électronique.
Les affixes les plus fréquemment rencontrés et qui contribuent à créer des séquences [RT´C] sont les
suivants :
(32)
préfixes
archeclairforhyperintermalparsur-
exemple
archevêque
clairsemé
forjeter
hypergenèse
interjeter
malmener
parvenir
surgelé
suffixes
-let/ -lette
-rie
-ment
-ment
valeur
diminutif
nominalisant
adverbialisant
nominalisant
exemple
porcelet, tartelette
porcherie
absurdement
gouvernement
Les préfixes ainsi que les suffixes « -rie » (« boulangerie ») et « –ment » adverbialisant (« lentement ») ne
demandent pas d'explication. En revanche, « -let/ -lette » et « –ment » nominalisant appellent quelques
remarques. Le dernier de ces affixes, outre son caractère adverbialisant, a également une valeur de suffixe
nominalisant, en témoignent de nombreux exemples du type « parlement, acharnement, appartement,
avortement, casernement, déferlement, département, divertissement, versement », etc. vs. « acharner, avorter,
caserner, déferler, divertir, verser ». Pour ce qui est de « -let/ -lette » diminutifs, inconnus en latin (voir
Bourciez, 1910 : 55s, 214s), deux interprétations au moins sont envisageables. On peut concevoir un
rapprochement avec le diminutif « -et/ -ette » (« frisquet, baguette »), auquel cas il faudra justifier l'existence
du « -l- ». Alternativement, « -let/ -lette » peut être considéré comme un suffixe indépendant. Il est impossible
toutefois de ne reconnaître aucun statut suffixal au « -l- » : dans « aigrelet, corselet, orgelet, porcelet, tartelette,
quartelette, tiercelet, verdelet » par exemple, l'identité des radicaux respectifs ne fait aucun doute : « aigre,
orge, porc, tarte, quart, tiercé, vert/d (vert, verdâtre) ». Dans tous les cas de figure, les séquences [RT´C]
créées au moyen de « -let/ -lette » sont plurimorphématiques. Les exemples en « -rie » (« borderie, garderie,
gendarmerie », etc.), ainsi qu'en « -ment » adverbialisant/ nominalisant sont bien trop nombreux pour être cités
exhaustivement.
Par ailleurs, il existe des suffixes impliquant un « -t- ». Voici la liste exhaustive des mots concernés.
112
(33)
TOBIAS SCHEER
mot
vergetier
archetier
vergeture
fermeture
analyse
-t-ier
-t-ier
-t-ure
-t-ure
mot
vergeter
marqueter
vergeté
fermeté
analyse
-t-er
-t-er
-té
-té
mot
marqueteur
analyse
-t-eur
S'il est possible, pour « vergeté » et « fermeté », de conclure à des instances du suffixe « -té » par ailleurs bien
attesté (« fierté, bonté »), tel n'est pas le cas pour les autres mots. Les radicaux respectifs ne sont pas suspects
d'abriter un « -t », voir « verge, ferme, marquer ». Par ailleurs, des suffixes hypothétiques « -tier, -ture, -teur,
-ter » ne surviennent qu'avec des radicaux à finale vocalique (par exemple « acheteur »), alors que « -ier, -ure,
-eur » et « -er » sont familiers des radicaux à finale consonantique (« barbier, usure, fraîcheur », inf. « -er ») et
parfois vocalique (« suppléer »). Il est alors tentant d'unifier ces deux séries de suffixes, qui ont des propriétés
catégorielles et sémantiques identiques, en ne reconnaissant que la dernière, la première étant augmentée d'un
« -t- » de provenance épenthétique. Cette interprétation est d'autant plus probante qu'il y a une bonne raison
pour que l'épenthèse se produise, à savoir l'écartement de l'hiatus. On sait indépendemment que le français
utilise le « -t- » à ce propos, voir /a il dit/ —> « a-t-il dit », /indigo+ier/ —> « indigotier », /esquimau+age/ -->
« esquimautage », /glouglou+er/ —> « glouglouter », /cacao+ière/ —> « cacaotière » (voir Scheer, 1996 : 189
et suivantes sur ce point). En tout état de cause, aucune des séquences [RT´C] où C=[t] ne peut recevoir une
interprétation monomorphématique.
Par ailleurs, des emprunts et des composés sont à signaler. Il est réconfortant de constater que bon nombre
des premiers contreviennent à la régularité dont il s'agit de démontrer la validité ici : on a, en tout et pour tout,
« barbecue, bolchevik, parmesan, arlequin (<allemand, XVIe siècle), charleston, alpenstock, nursery, armeline
("hermine", <italien, XVIIe siècle) et marmelade (<portugais, XVIIe siècle) ». Cette déviance montre que
d'autres lois, différentes de celles qui nous intéressent ici, régissent le comportement des emprunts. Quant aux
composés, il est inutile de donner la liste complète ici, ces mots étant facilement identifiables. Font partie de
cette catégorie par exemple « arquebuse, cornemuse, courtepointe, hurtebiller, marchepied, portefeuille,
tournedos, quartefeuille » qui, du reste, sont parfois des emprunts de surcroît. Là encore, des séquences
[RT´C] où C est une obstruante sont artificiellement créées par la concaténation de deux mots. La phonologie
des composés n'est en rien comparable à celle des mots simples.
Après avoir écarté les emprunts ainsi que les candidats présentant une frontière morphologique au sein du
groupe [RT´C], il reste les mots suivants.
(34)
RT__n
rt__
appartenir
partenaire
quartenier
rs__
arsenal
arsenic
larsener
mercenaire
forcené
RT__l
rb__ barbelé
rf__ farfelu
orphelin
rv__ cervelas
cervelet
rt__ écarteler
marteler
tourteler
rd__ bordelais
RT__T
rs__
corseter
apercevoir
rk__
parqueter
RR__T
rn__
corneter
RR__R
rm__r formeret
ASPECTS DE L'ALTERNANCE SCHWA-ZÉRO À LA LUMIÈRE DE "CVCV"
RT__r
rt__
rd__
rs__
rS__
rZ__
rg__
forteresse
quarteron
tourterelle
bordereau
quarderonner
merceriser
percerette
percheron
bergerette
bourgeron
forgeron
gorgerette
vergerette
marguerite
rs__
rZ__
cordeler
fardeler
barcelonnette
bercelonnette
désencorceler
ensorceler
harceler
morceler
porcelaine
resarcelé
morgeline
lm__r
rn__m
rm__l
rn__l
113
palmeraie
ornemaniste
carmeline
carneler
RT__m
rS__ parchemin
La liste ci-dessus ne donne qu'un seul exemple par racine (« porcelaine » représente donc également
« porcelainier » et « porcelanique »). Les mots des deux premières colonnes de cette liste sont conformes à la
prédiction faite en section 8 : schwa y est précédé d'un groupe consonantique à sonorité décroissante et suivi
d'une sonante [r, l, n, m]. La troisième colonne cependant désobéit à cette régularité : ou bien la consonne
suivant le schwa est une Obstruante (« corseter, apercevoir, parqueter »), ou alors le groupe consonantique qui
le précède est constitué de deux sonantes (« formeret, palmeraie, ornemaniste, carmeline, carneler »). Dans ce
dernier cas, aucune interaction entre les deux sonantes de part et d'autre du schwa ne peut s'établir car les
sonantes ont le même degré de complexité, voir (18).
Numériquement, la situation est, on le voit, très largement favorable à la prédiction. Du reste, l'examen au
cas par cas des contrevenants en élimine bon nombre.
Deux d'entre eux, « corseter » et « apercevoir », illustrent des séquences s+C dans le cas de l'omission du
schwa. Ce type de constellation est bien particulier, et il est discuté en section 8. Par ailleurs, « corseter » est
en réalité un verbe fait sur un diminutif en « -et », comme le montre l'existence de « corse-let » et « corser ». Il
en va de même pour « corneter », qui est le diminutif en « -et » de « corne ». Quant à « parqueter », fait sur
« parquet », il s'agit d'un diminutif de « parc » (voir Bloch & Wartburg, 1968). Le mot « palmeraie » se
dénonce en tant que non-issu d'une évolution normale par sa séquence « -alC- », qui aurait dû aboutir à
« -auC- ». En effet, il s'agit d'un emprunt au latin du XIVe siècle, « palma » "paume" suffixé de « -ier- » et
« -aie ». « Ornemaniste », "dessinateur de modèles d'ornements", est plurimorphématique « orne-ment-iste »,
découpage quelque peu opaque à cause de l'absence de [t] et, par conséquent, l'orthographe en « -a- ». Enfin,
« formeret » manifestement est un diminutif en « -et » sur « forme » avec une provenance (épenthétique ?)
obscure de « -r- ».
Tout cela arrête le bilan chiffré pour l'ensemble du français à deux contrevenants, « carmeline » et
« carneler ».
114
TOBIAS SCHEER
ABSTRACT
This article discusses the distribution of consonant clusters adjacent to Metropolitan
French schwa. Their influence on the possibility of eliding schwa are examined. The
French central vowel can be dropped by at least a subgroup of speakers when followed
by a sequence of rising sonority (« le søcret ») or preceded by a Coda-Onset cluster
(« marguørite »), while preceding branching Onsets enforce its presence
(« *vendrødi ») (following Coda-Onset clusters do not occur). This situation casts
doubt on previous analyses carried out within the framework of Government
Phonology. Namely, the statements « Proper Government may not apply over a
governing domain » and « heads of non-nuclear governing domains need to be
licensed » are falsified. However, French vowel-zero alternations share crucial
properties with similar alternations in many other languages, so that a unified account
is called for. I argue that such an analysis may be achieved when assuming a « CVCV »
syllable structure, as proposed in Lowenstamm (1996). In this view, constituency boils
down to a strict sequence of non-branching Onsets and non-branching Nuclei. It is
shown that a unified account may be proposed for both the « marguørite » and the
« søcret » case if a theory of consonantal interaction is implemented into the theory. As
a by-product, the impossibility of « *vendrødi » falls out naturally.
KEYWORDS
Schwa, syllabic structure, consonant clusters, beginning of the word, empty categories,
government phonology, French.