Télécharger le corrigé
Transcription
Télécharger le corrigé
m Question 1 • Du poète, on dit que c’est un « rêveur ». Paul Verlaine, Arthur Rimbaud et Raymond Queneau n’échappent pas à cette source d’inspiration poétique que sont le rêve ou la rêverie. Il nous proposent alors, dans « Rêve parisien », « Cauchemar » et « En cas d’arrêt même prolongé », la description d’un de leurs rêves, mais dans des tonalités très différentes pour chacun. ©HATIER • Les titres : « Rêve parisien » et « Cauchemar » donnent déjà un premier indice, mais c’est surtout le corps même des poèmes qui renvoie à un monde rêvé. • Verlaine, dès le premier vers, indique explicitement : « J’ai vu passer dans mon rêve… ». Dans les poèmes eux-mêmes, le vocabulaire – au début ou à la fin du texte – renvoie à l’idée de sommeil, donc à l’irréel : « Le sommeil est plein de miracles ! » s’étonne Baudelaire, qui, à la fin de son poème, se présente « rouvrant les yeux » ; « Ce matin encore l’image… » précise-t-il. • Moins explicitement, dans le poème de Queneau, le surgissement de la rêverie – qui n’est pas un rêve, puisque le narrateur est dans le métro – est suggéré par l’expression « s’amène tout un peuple de fantômes », personnages fictifs et merveilleux. Dans le début du poème, Queneau met en place le cadre spatial et mentionne l’incident – une panne de métro – qui suscite la rêverie. Toute la partie centrale du poème – une longue strophe – est occupée par l’évocation de visions fantomatiques qui peuplent le rêve éveillé du poète. La fin de cette rêverie est signalée par : « personne ne bronche / pas même les images sur les murs ». Le contexte urbain vient remplacer les images fantastiques, tout est rentré dans l’ordre de la vie quotidienne. • De la même façon, au début de son poème, Baudelaire parle d’une « image » qui envahit toute la première partie (I). Il y a une sorte de rémanence de ce tableau rêvé auquel progressivement vient se superposer « l’horreur de [son] taudis », c’est-à-dire la réalité qui chasse les merveilleuses visions. • Chez Verlaine, tout le poème, qui relate la chevauchée « fantastique » d’un étrange cavalier (mort ?) et de sa monture, plonge le lecteur au centre d’un rêve ininterrompu et presque surnaturel. m Question 2 • Les rêves évoqués dans ces trois poèmes suscitent, par divers moyens, un sentiment d’angoisse. • Dans le poème de Verlaine, dont le titre « Cauchemar » suggère déjà l’angoisse, la course folle du cavalier, dont rien ne semble capable d’arrêter l’« étalon », inquiète le lecteur. La répétition inquiétante de l’adverbe « Toujours », le rythme même des vers inspirent cet élan irrépressible : « Sans bride, ni mors, ni rêne, / Ni hop ! ni cravache, entraîne ». Le contexte nocturne, la « nuit noire », de même que la « brume », l’« orage » et le « vent » installent le lecteur dans une atmosphère fantastique. Enfin, les « cris », les « râlements sourds », sonorisent la scène, mettant en valeur cet étrange « cavalier », qui lui-même suscite l’angoisse par son mystère, mais ©HATIER aussi par son air de statue venue de l’au-delà. Le « gros plan » réaliste sur ses « trente-deux dents », qui font penser à un squelette, crée la peur. • Dans le poème de Queneau, l’angoisse est provoquée par la violence qu’implique le chant révolutionnaire de la « Carmagnole » et, plus intensément, par les différentes références à la mort, avec les expressions « catacombes », « Dies irae », « fantômes ». Il règne aussi une atmosphère de panique : les wagons sont « obscurs » et il y fait « froid ». Les « gros plans » sur « les dents longues et le nez creux » des « fantômes » créent l’effroi. Mais le poème est teinté d’un humour qui apparaît d’emblée et atténue ce sentiment de peur. La présentation des fantômes est caricaturale et le mélange hétéroclite de références musicales (« Carmagnole », « air de Guillaume de Machaut », « Dies irae », « accompagnements de chalumeaux ») fait sourire et renvoie à un univers enfantin qui s’évanouit quand s’immobilisent à nouveau les « images sur les murs ». • Le « Rêve parisien » de Baudelaire, tout à fait à l’opposé du « Cauchemar » de Verlaine, offre la vision d’un univers merveilleux, avec des « pierres inouïes/ Et des flots magiques ». Dans ce poème, l’angoisse n’est pas associée au rêve, mais au réveil qui substitue à ces « merveilles » oniriques un monde de « ténèbres », d’« horreur » et de « soucis maudits », « funèbres ». • Autant de poètes, autant de rêves différents, qui rendent compte de l’univers mental de leur créateur. ©HATIER