Les techniques du (faire) croire Charlotte Bigg (centre Koyré

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Les techniques du (faire) croire Charlotte Bigg (centre Koyré
Les techniques du (faire) croire
27-29 mai 2015
EHESS
Salles du conseil A et B
190-198 avenue France – 75 013 Paris
Charlotte Bigg (centre Koyré), Stefania Capone (CéSor), Nathalie
Luca (CéSor), Nadine Wanono (IMAf)
Le colloque d’envergure internationale « Les techniques du (faire) croire » vise un public de
chercheurs, d’enseignants-chercheurs, d’étudiants et d’artistes. Il porte sur le rôle des objets
techniques dans l’élaboration et la communication des savoirs et des croyances. Son ambition est
de surmonter les barrières disciplinaires parfois arbitraires qui font que, notamment en
anthropologie et en histoire, sciences et religions sont très peu étudiées ensemble alors qu’il ne
fait aucun sens de les considérer comme relevant de domaines étanches l’un à l’autre.
Croire et Savoir s’engendrent mutuellement, inlassablement. Ce sont les deux faces d’une même
pièce et leur union forge la connaissance. Qu’on tente de les séparer et l’ensemble se sclérose : la
religion devient secte, le savoir, idéologie. De tous temps et en tous lieux, des objets, des
instruments et des techniques plus ou moins sophistiqués, séduisants, fascinants, ont guidé notre
vision du monde dans ses dimensions historiques, spatiales, géologiques, énergétiques, cognitives,
spirituelles et matérielles, restées parfois hors de portée des sens, mais jamais au-delà de
l’imagination. Car le moteur de nos inventions repose sur le désir de démontrer ce en quoi l’on
croit. Or, la notion de preuve se compose de multiples facettes ; de plus elle varie d’une culture à
une autre, d’une époque à une autre, ce qui est pensé comme sûr pour les uns, devenant simple
croyance, pour les autres. C’est ce que voudrait montrer ce colloque en s’appuyant à la fois sur les
objets autour desquels les savoirs et les croyances s’articulent (objets qui captent l’invisible ;
technologies contemporaines prometteuses d’avenir), sur les médias (la photographie, les
techniques de projection, dont le cinéma) et sur les processus complexes d’interprétation et
d’appropriation dont ils font l’objet lorsqu’ils circulent.
Ce colloque est construit à partir d’une série de séquences comparatives faisant intervenir chaque
fois un spécialiste du religieux et un spécialiste des sciences autour d’un même type de dispositif
technique : lanterne magique, éolienne, cinéma, photographies, etc. On pourra alors s’intéresser à
la variété de leurs usages et fonctions dans des contextes d’expéditions missionnaires, de rites
religieux, de divertissement, de vulgarisation scientifique ou de pédagogie par exemples.
A partir de cas précis et de leur comparaison peut se développer une discussion sur la manière
dont fonctionnent ces dispositifs dans divers contextes, interroger les tropes, les échanges, les points
communs (ou divergents), en un mot les ressources culturelles qui entrent en jeu dans les
entreprises qui les impliquent. La juxtaposition de ces usages, c’est-à-dire le fait de montrer que
ces entreprises partagent parfois des techniques et des stratégies assez proches, qu'elles s'inspirent
souvent les unes les autres, est aussi un moyen de remettre en question la distinction assumée
entre ce qui relève du savoir « objectif » et de la « croyance », de la science et de la religion. Le
statut des techniques est lui-même instable : un instrument peut avoir fonction eschatologique, un
objet en apparence rituel, une fonction technique. L’étude comparative de ces usages permet ainsi
d'interroger le rôle des techniques, leur statut dans différentes sociétés.
Mais il s’agit aussi d’étudier les discours qui accompagnent les usages de ces dispositifs : autant la
lanterne magique que le projecteur ou le cinéma, parce qu’ils circulent aussi facilement entre les
mondes de la fête foraine, du laboratoire de recherche et des espaces religieux, ont donné lieu à
des débats très vifs sur leur légitimité comme outil de communication et d’éducation véhiculant
des contenus scientifiques. Leur attractivité visuelle les rend à la fois intéressants pour la
communication et dangereux puisqu’ils sont perçus comme sollicitant les sens plus que la raison.
En ce qui concerne la pédagogie des sciences, on se demande s’il est souhaitable d’utiliser cette
stratégie, qui en quelque sorte repose sur le croire pour inciter à l’acquisition d’un savoir.
FOCUS
This international conference brings together academics, students and artists to reflect on the role
of technical objects in the elaboration and the communication of belief and knowledge. The
conference seeks to overcome disciplinary barriers, in particular with respect to historical and
anthropological approaches, that have caused science and religion to be most often studied
separately, despite the fact that in many cases it makes little sense to consider them as belonging
to distinct domains.
We start from the premise that belief and knowledge have much to do with each other, and they
are both crucially involved in the making and communication of different kinds of knowledge.
Tear them apart and religion becomes a sect, knowledge becomes ideology. In all places, at all
times, more or less sophisticated objects, instruments, and techniques have shaped our visions of
the world in its historical, spatial, geological, cognitive, spiritual and material dimensions. These
dimensions sometimes remain beyond the reach of our senses but never beyond the reach of our
imaginations. The driving force of our inventions rests upon the desire to demonstrate what we
believe in. But the notion of proof is multi-faceted, and varies across time and space: what is
certain knowledge for some is mere belief for others. This conference seeks to explore these
issues by focusing on the objects around which knowledge and belief are articulated (objects that
capture invisible forces ; promising new technologies), the media by which belief and knowledge
are transmitted (photography, projection techniques, including cinema) as well as the complex
processes of interpretation and appropriation they undergo when these objects circulate.
WORKSHOP ORGANISATION
We plan a series of comparative sessions involving each time a specialist of religion and a
specialist of science around a specific technology, such as the magic lantern, the wind turbine,
photographic or cinematographic film, etc. The presentations will focus on the different uses and
functions of these technologies in a specific context in which they were deployed, from
missionary expeditions to religious rites, spectacle, scientific popularisation or teaching, etc.
On the basis of these focussed case studies we hope to encourage a common reflection on the
cultural significance and performative functions of these technologies: what practices, rhetorics,
cultural resources are at play in the enterprises involving these objects? To what extent do these
undertakings share comparable strategies or techniques, or constitute sources of inspiration for
each other? Comparative studies can help us question the distinction between what constitutes
« objective » knowledge from belief and the culturally-situated tools for distinguishing and
affirming them. Indeed, the status of the technologies is itself unstable: a scientific instrument can
assume eschatological functions; an object apparently ritual can have a technical purpose. The
comparative study of these devices and their uses thereby contributes to a reflection on the role
and status of technology in different cultures.
Beyond, we want to study the discourses that underlay the manipulation of such devices: because
they so easily circulate between the worlds of the fun fair, the laboratory, and religious spaces, the
magic lantern or the cinematographic camera have for instance given rise to heated debates as to
their legitimacy as tools of communication and edification of purportedly « serious » content.
Their visual attractiveness can make them simultaneously interesting and dangerous, since they
are considered to solicit the senses rather than reason. In the history of science communication
and teaching for instance, there are recurrent discussions about the benefits of using devices that
make belief the path to understanding science.
Through such discussions around the uses and value of specific devices, historically-situated and
varying conceptions are reaffirmed about the nature of perception and epistemology. New
popular devices such as the camera obscura, the stereoscope or the stroboscope cast doubt on
existing theories of vision, becoming themselves scientific instruments for exploring physiological
vision, or even analogies for conceptualizing perception. They also interrogate fundamental
conceptions about the role of sensory perception in the acquisition of knowledge and
understanding self and the world.
PROGRAMME
Mercredi 27 mai 2015 : « Les objets qui captent l’invisible »
9h30 : Accueil et ouverture du colloque : Philippe Hoffmann (LEM, LabEx HASTEC) et Cyril
Lemieux (Institut Marcel Mauss, EHESS)
10h00 – 12h00 : « Perception sonore »
Présidente : Charlotte Bigg (centre Koyré)
Stephan Palmié (University of Chicago) : « An episode in the history of an acoustic
mask »
Ute Holl (Université de Bâle): « Electroacoustics in Straub/Huillets "Moses and Aron
(1974)": Negotiating the Power of Sound in Relation to Monotheism »
Discutante : Nadine Wanono (IMAf)
14h00 – 16h00 : « Esprit de la photographie, photographie des esprits »
Présidente : Jessica de Largy Healy (Musée du Quai Branly)
Paul C. Johnson (Michigan University) : « Photography and Spirit. Possession as
Converging Arts of Appearance »
Kelley Wilder (De Montfort University) : « Believing in (Photographic) seeing:
Photography and the creation of a vision of beyond »
Discutant : Cristina Grasseni (université d’Utrecht)
16h30 – 18h30 : Présentation de Philippe Baudouin et Renaud Evrard : « “Machines à
fantômes”. Brève histoire technique de la parapsychologie »
Jeudi 28 mai 2015 : « Projecteurs/projections »
10h00 – 12h00 : « Lanternes magiques »
Président : Kurt Vanhoutte (université d’Anvers)
Heike Behrend (université de Cologne): « Spirit Mediums and the Medium of
Photography in Africa »
Iwan Morus (Aberystwyth University): « Seeing the Light: Fact, Artefact and the
Victorian Lantern »
Discutant : Koen Vermeir (SPHERE/CNRS)
14h00 – 16h00 : « Cosmographies »
Président : Frédéric Keck (Musée du Quai Branly)
Antonella Romano (CAK) : « Le globe terrestre, le compas, le télescope: missionnaires
et stratégies savantes du croire dans la construction de la première modernité »
Katerina Kerestetzi (LAS) : « ‘Voir pour croire !’ : la technologie de la transmission dans
le palo monte afro-cubain »
Discutant : Pierre Lagrange (ESAA)
16h30-18h30 : « Regarder Sirius »
Introduction : Nadine Wanono (IMAf)
Projection du film Sirius, l’étoile Dogon (prod. G. Dieterlen, J. Rouch, J.-M. Bonnet-Bidaud,
CNRS/IRD, 1999)
Invité : J.-.M. Bonnet-Bidaud (Astrophysicien, CEA)
Vendredi 29 mai 2015 : « Médiations ambigües »
9h30 – 12h30 : « La technique : entre croire et savoir »
Président : Damien Mottier (université de Paris Ouest La Défense Nanterre)
Isabelle Sourbès-Verger (CAK) : « Voir sans être vu : satellites d’observation de la terre
et leur réception »
Karine Grijol (université de Perpignan) : « De l’aérogénérateur à l’éolien : la machine
enchantée »
Cecilia Calheiros (doctorante, CéSor) : « Penser l’Homme augmenté : le rôle des
technosciences dans les utopies posthumaines »
Edward Jones-Imhotep (York University, Canada) : « Breaking Machines: Belief and
doubt in the workings of modern technology »
14h00 – 16h00 : « Rencontres coloniales »
Présidente : Anouck Cohen (LESC)
Simon Schaffer (Cambridge University) : « La machine à voyager : colonialisme et
temporalité »
Bérénice Gaillemin (post-doctorante, CéSor) : « La mémorisation par le sensible:
techniques d’apprentissage du catéchisme dans le Mexique colonial et la Bolivie
contemporaine »
Discutant : Kapil Raj (CAK)
16h30 – 17h30 : Conclusions et discussion générale
Charlotte Bigg, Stefania Capone, Nathalie Luca, Nadine Wanono.

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